Les Balades Contées de Broceliande

Contes et légendes, avec Marc-André Fortin, conteur


Aujourd'hui 22 Avril 


Cette histoire met en scène la légende des prêtres fantômes, et dans le Morvan, ils étaient nombreux. "Une dernière messe" dans la chapelle en ruines de Montmillien, petit hameau de La Roche en Brenil, autour duquel les petits ponts de bois sont nombreux. Extrait de Contes et Légendes du Morvan.

Photo Josette Deviere.

 Magnifique nuit d’été. La lune éclaire le chemin qui va de La-Roche-en-Brenil au hameau de Montmilien. Baptiste chemine lentement. Il est presque minuit. Une brise légère véhicule de délicieux parfums de foin coupé et d’herbe fauchée. La route grimpe, ralentissant encore l’allure du jeune homme. Pour se rendre à Bouloy, il devra traverser des bois touffus, ce qui ne le rassure guère. Ce n’est pas que Baptiste soit superstitieux, mais de nombreuses légendes peu rassurantes courent à propos de cette forêt : on dit qu’une vilaine fée, la Beuffenie, hanterait les lieux, près d’une pierre qui porte d’ailleurs son nom. On murmure aussi que des sorcières y tiendraient le sabbat certaines nuits de pleine lune… comme celle-ci. Même s’il aimerait se convaincre qu’il ne croit pas à toutes ces balivernes, Baptiste est sceptique. Peut-être ferait-il mieux de s’arrêter pour la nuit à Montmilien ? Il trouverait bien une grange où dormir jusqu’au matin…
 Voici les premières maisons du hameau. Aucune lumière ne brillait aux fenêtres. Pourtant, quelque chose soudain intrigua le jeune homme : la chapelle était éclairée ! Vraiment très étrange, se dit-il… De la lumière à cette heure dans une chapelle ! Mais qui peut donc bien s’y trouver ?
 Baptiste s’approcha de l’édifice, curieux de savoir ce qu’il se passait à l’intérieur. Si quelqu’un avait oublié de fermer la porte peut-être des vagabonds s’y étaient-ils réfugiés ? Mais dans ce cas, à quoi bon allumer des cierges ? Le mieux était de ne pas attirer l’attention des villageois jusqu’au matin ?
 Sa curiosité prenant le dessus sur la peur, le garçon poussa doucement la porte de la chapelle, qui s’ouvrit en grinçant. Quand il pénétra dans le sanctuaire, il s’arrêta, interloqué. Des deux côtés de l’autel, des cierges étaient allumés, comme pour la messe de minuit. L’atmosphère était lugubre. Baptiste frissonna.
 Soudain, un homme vêtu de noir se dressa derrière l’autel. Il tendit les mains et invita le promeneur à s’asseoir sur un banc. Tremblant, celui-ci n’osa refuser. Les cierges éclairèrent le visage de l’homme. Il portait une soutane.
 -Un prêtre, pensa Baptiste. Mais c’est bizarre ; je ne le connais absolument pas. Jamais je ne l’ai vu célébrer une messe dans les environs.
 -C’est l’heure, dit le curé d’une voix grave. Je vais commencer. Veuillez vous lever.
 Sans mots dire, le jeune homme obéit et une étrange célébration commença. Rassuré, Baptiste participait aux prières, répondait « amen » quand il le fallait… Dans le sermon, le curé évoqua le péché de chair, ainsi que ses conséquences. Sa voix se brisa quand il parla de repentir. Il était au bord des larmes, mais il parvint à se retenir de pleurer.
 -Etrange moment tout de même, songeait le garçon.
 -Allez dans la paix du Christ, conclut le prêtre.
 -Nous rendons grâce à Dieu, répondit Baptiste.
 -Ite missa est.
 Heureux d’être enfin libre de partir, le jeune homme se leva et se dirigea vers la porte. Mais il entendit le prêtre qui l’appelait. Il s’arrêta net et se retourna.
 -Revenez mon ami ! Je dois vous dire merci avant que nous nous séparions pour l’éternité.
 -Merci ? Balbutia Baptiste. Je ne comprends pas…
 -Merci pour avoir écouté cette messe. Voici mon histoire…
 « Autrefois, il y a un siècle, peut-être deux, je ne sais plus, je tombai follement amoureux d’une beauté qui me le rendait bien. Malheureusement, cette beauté était mariée avec un notable de la région et moi, j’avais déjà épousé mon sacerdoce. Dès que nous le pouvions, nous vivions notre passion, ne manquant jamais une occasion de nous retrouver dans les bois, les champs de blé… Nous étions heureux malgré les interdits qui nous frappaient cruellement. Un jour, hélas, des gamins du village nous surprirent et coururent le répéter au mari. Pauvre de nous ! Celui-ci entra dans une rage folle. Il se saisit d’un fusil. La belle eut beau crier, supplier. Elle ne put l’empêcher de sortir de la maison. Il courut comme un forcené jusqu’à la chapelle. On était dimanche. Je célébrais la messe et j’allais entamer l’Elévation. Je vis un homme se précipiter sur moi. A peine eu-je le temps de comprendre ce qu’il voulait faire que je sentis une immense douleur qui enflammait ma poitrine. Autour de moi, des cris fusaient de toute part, mais je les entendais de moins en moins. Mon esprit flottait dans un brouillard qui devenait de plus en plus dense au fur et à mesure que s’écoulaient les secondes qui m’éloignaient de ce monde. Quelqu’un se pencha sur moi, un médecin sans doute.
 -Il va mourir, entendis-je. Le cœur est atteint.
 Je m’endormis…
 Lorsque je m’éveillai, je fus surpris de constater que j’étais encore dans la chapelle. Il faisait nuit et celle-ci était déserte.
 -Lève-toi ! M’ordonna une voix venue de nulle part. Il est l’heure de finir ta messe.
 Et depuis ce temps, je fus condamné à attendre que quelqu’un accepte de s’asseoir ici même et d’assister à une célébration. Je devais ainsi expier la faute commise envers Dieu. Evidemment, dès que l’aube apparaissait, je disparaissais et tout était à refaire. Le soir, mon attente recommençait. Cette chapelle ayant la réputation d’être hantée, vous pensez bien que personne n’osait s’aventurer ici après le coucher du soleil. Jusqu’à cette nuit, où, enfin, quelqu’un accepta de m’écouter et de prier avec moi. Jeune homme, sachez que vous venez de délivrer mon âme, condamnée à errer dans cette chapelle depuis de très nombreuses années. Merci mon ami ».
 Baptiste s’était tu pendant tout ce temps. Il voulut répondre au prêtre mais soudain, les cierges s’éteignirent. La chapelle fut plongée dans l’obscurité. Le jeune homme était seul ; son compagnon avait disparu…
 N’osant croire à ce qu’il venait de vivre, il sortit précipitamment de cet endroit, bien décidé à ne plus réitérer ses promenades nocturnes. Comme prévu, il trouva une grange où il demeura jusqu’au matin sans parvenir, bien sûr, à trouver le sommeil.

 

 

LE PÈRE LOUISON une légende du Québec, à Lavaltrie.
C’est pour vous dire que dans ce temps-là, il y a de ça très longtemps (1860), il y avait à Lavaltrie, un vieil homme qui exerçait le métier de passeur. Il gagnait sa vie en transportant les gens d’une rive à l’autre du fleuve dans un grand canot creusé à même le tronc d’un arbre.
Ce vieux, sec et droit comme une flèche, avait une tête recouverte d’une épaisse chevelure et son visage d’une longue barbe poivré. Tout le village connaissait le père Louison. En période de temps inoccupée, il pêchait ou chassait. Il avait avec lui, soit son aviron, soit son fusil, soit sa canne à pêche. Il demeurait dans une hutte recouverte de planches récupérées sur le bord du fleuve. Il était solitaire un peu comme un revenant. Il était religieux et rendait d’innombrables services à son voisinage. Un jour un gamin qui le détestait tentait de noyer un chien innocent sans succès. Le vieillard lui avait simplement tiré les oreilles en le menaçant de faire connaître sa conduite à ses parents. Le lendemain, alors qu’il réparait un vieux filet, il a vu arriver le père de l’enfant, un dénommé Rivet.
-Eh ! Dites donc, vous, qui vous a permis de mettre la main sur mon fils ?
-Votre garçon battait un chien sans raison, et j’ai cru vous rendre service en l’en empêchant.
-Ce n’est pas de vos affaires !
Il s’avança et donna un coup de poing sur le visage du pauvre homme.
Les curieux, observèrent avec stupéfaction le passeur se lever et bondir sur le malfaiteur qui venait de le frapper. Il avait saisi son adversaire par les côtés et l’avait lancé sur le sable du rivage. L’homme ne se releva pas. Le père Louison se pencha à nouveau sur son adversaire, le souleva à bout de bras et le lança dans les eaux froides du fleuve. Le bonhomme Rivet serait mort s’il n’était pas passé un cageux. Ces voyageurs occupants un grand train de bois flottant le sauvèrent de la noyade.
Le passeur dut passer en justice, par chance, il avait toujours été un excellent citoyen, il fut acquitté. Cette épreuve toucha profondément le père Louison. Le lendemain on a voulu le rencontrer, mais on trouva sa cabane vide. Le vieux passeur était parti en canot pour toujours emportant son fusil, sa canne à pêche et son filet afin d'éviter de revivre un pareil cauchemar (le tableau est une courtoisie de Françoise Pascals que nous remercions).

 

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