votre avis leroy
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https://www.babelio.com/livres/Leroy-Les-yeux-rouges/
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Une chroniqueuse de radio publique ( dont on connaitra jamais le nom) reçoit un message facebook émis par un certain Denis, qui alimente parralèlement une page " Denis la menace", dans lequel il donne ses coups de gueule contre l'ehstablissement et le politiquement correct. Denis semble plutôt courtois dans ses premiers échanges à l'égard de son interlocutrice, si ce n'est qu'il semble afficher déjà une drague sexiste un peu lourdaude et qu'il a le mauvais goût d'illustrer tous ses propos d'émojis particulièrement puérils. |
Pour simplifier la compréhension, nous appellerons la narratrice, Narra. Il lui raconte sa vie et n'hésite pas à lui faire des confidences (très perso). Il prétend être âgé de 49 ans, un fils de 7 ans qu'il adore et il est marié à une femme banale mais avec laquelle il forme un couple solide. Il est employé par une firme pharmaceutique où il fait un travail qui n'est guère passionnant, mais qui paie bien. Il s'éclate vraiment sur sa page Facebook « Denis la Menace » où il effectue ses critiques, essentiellement de cinéma. Là, il se lâche. Il peut « être vraiment lui-même » ! |
Myriam Leroy a transformé en roman des faits qu'elle a malheureusement vécus de très près. le harcèlement par un fan qui passe de la plus grande admiration à la haine totale, lui pourrissant la vie autant qu'il peut.
La narration de Myriam nous rapporte de façon claire et vivante les propos de son harceleur, un troll de la pire espèce, ainsi que les commentaires des abrutis, presque exclusivement des hommes, tous empreints d'idées racistes, xénophobes, homophobes… Ils ont des idées très précises sur la place que doivent occuper les femmes dans la société, ils détestent les gens de gauche, responsables de tous les maux (tous les journalistes sont de sales gauchistes) et ils admirent les hommes « qui en ont » (Vladimir, tu as ici de grands fans).
Qui ne s'est jamais égaré sur un réseau social ? Facebook et d'autres réseaux sociaux offrent des tribunes à tous ces déverseurs de haine. En lisant le « roman » de Myriam Leroy, impossible de ne pas retrouver ces discours rabâchés sans relâche par ces vomisseurs de propos graveleux dont la prose recueille toujours des « likes » d'autres semblables dégénérés, frustrés d'avoir raté leur vie.
Mais Myriam va plus loin : elle n'omet pas les réactions du compagnon de la narratrice, ainsi que celles de son entourage, des avocats qu'elle consulte, des policiers auprès de qui elle porte plainte… Et des médecins et autres guérisseurs… La narratrice a les yeux rouges : ce n'est pas qu'un problème d'esthétique ! Cela lui crée plus qu'une gêne. Elle passe entre les pattes d'un tas de charlatans, tous plus coûteux les-uns que les autres, sans aucun effet…
Trop c'est trop… La narratrice s'effondre… Va-t-elle un jour pouvoir se relever ?
Un livre qui se lit d'une traite en quelques heures.
Second roman de ma compatriote Myriam Leroy. Journaliste, chroniqueuse radio, célèbre dans mon pays, elle nous livre ici un récit glaçant, angoissant sur un sujet qu'elle connaît bien pour en avoir malheureusement été victime il y a quelques années, bien avant l'affaire Weinstein... le harcèlement. |
Ca commence comme une discussion banale. Un premier message, courtois, auquel on répond un peu par curiosité, surtout par politesse et par peur de froisser. Quelques échanges auxquels on décide finalement, après une l'une ou l'autre allusion que l'on ne goûte pas, de ne plus donner suite.
On est convaincu que tout en restera là, loin d'imaginer qu'en réalité le petit ego blessé de celui qui vous admirait tant il y a trois jours ne cherche désormais plus qu'à vous foutre en l'air. On ne le réalise pas immédiatement, mais c'est le début d'un implacable processus de destruction, sous la forme d'un inexorable harcèlement : diffamation, humiliations, insultes, appel au viol, au meurtre, rien ne satisfait la soif de vengeance de celui qui n'hésite pas à jeter à vos trousses sa horde de followers haineux, trop heureux de pouvoir en toute impunité se vautrer dans la grossièreté la plus crasse et trouver un échos à leurs idées nauséabondes.
Le plus brillant dans ce deuxième roman de Myriam Leroy est selon moi qu'il est glaçant de réalisme. On suffoque aux côtés de la narratrice, on descend aux enfers à sa suite, ne doutant pas une seconde que nous pourrions être cette victime impuissante. L'écriture est brute, directe, désincarnée. Elle rend compte à merveille de l'isolement dans lequel ces épreuves sont le plus souvent traversées, entre proches chez qui l'indifférence (« laisse le parler, ce n'est pas bien grave ») ou les sous-entendus (« tu dois bien lui avoir dit quelque chose, non ? » ) ont laissé place à l'agacement (« c'est la seule chose dont tu sais parler, j'ai aussi mes problèmes »), collègues préférant ne pas prendre position et forces de l'ordre peu enclines à s'impliquer dans des affaires sortant de leur champ d'action traditionnel.
Les yeux ne commencent que trop doucement à s'ouvrir sur un fléau qu'il n'est plus tolérable de considérer comme marginal ou anodin. En ce sens, exposant lucidement les mécanismes, les thématiques récurrentes (stéréotypes de genre, misogynie et racisme primaire en tête) et les conséquences potentiellement dévastatrices du harcèlement en ligne, ce livre est salutaire. L'histoire est au final presque banale, c'est ce qui la rend terrifiante.
Haletant, original, ce roman ultramoderne est une plongée dans le monde impitoyable parce qu'anonyme du tout-connecté qui ne peut laisser indifférent, et qui questionne en outre de manière très interpellante sur la position de victime (pourquoi est-ce si difficile, pour une femme surtout, de parvenir à décider de mettre fin à une conversation qu'elle sait malsaine). N'y cherchez pas d'espoir, ni cherchez pas de réconfort, n'y cherchez même pas forcément de réponses, trouvez-y juste un beau moment de lecture.
Emoji coeur qui bat, emoji coup de poing, hashtag lisezle
(N'hésitez pas à consulter les interviews que l'auteure a donné à propos de sa propre expérience de harcèlement, c'est absolument édifiant de constater que la plupart des messages reçus par la narratrice ne sont que la reproduction de ceux reçus IRL.)
Denis était enchanté, la jeune et puncheuse journaliste qu'il admire tant alors qu'elle sur un media étatisé-islamo-gauchiste et pas juste pour sa beauté, il le jure juste pour ses répliques cinglantes, a accepté sa demande d'amitié facebook. Emoji festif. de là découleront des dizaines de messages intrusifs et introspectifs, légèrement déplacés. Face au relatif silence de la dame, des messages insistants, à peine voilés. Emoji grrr. Quand viendra le refus de communiquer, l'admiration devient détestation. Emoji poing.
A cela s'ajoute les commentaires, ceux en ligne des amis de Denis, qui au passage n'aiment pas les migrants. #logique . Et ceux IRL des amis, du petit copain des collègues, rassurants, si elle laisse pisser et détourne le regard, ça passera. #lookatthebrightsideoflife .
Et puis qu'elle dorme, qu'elle arrête de somatiser. #lessismore .
Dans ce roman court et efficace, Myriam Leroy nous raconte l'enfer du harcèlement en ligne. La difficulté de réagir personnellement, socialement et juridiquement à la haine insidieuse et quotidienne. Un pageturner terrifiant qui nous ramène aux idées reçues de notre société et qui vivent tapies au fonds même de l'esprit des bienveillants, qui nous rappelle la violence des mots.
Impossible de ne pas y lire, en partie au moins, sa propre histoire, le procès qu'elle a engagé , sa désertion il y a peu des réseaux sociaux. Alors Myriam, merci pour de témoignage fictionnel et beaucoup de courage pour remonter la pente.