Gallimard une histoire
La maison d'édition de Gaston Gallimard est le «prolongement» de la célèbre Nouvelle Revue française, dominée par André Gide. Le premier numéro de la revue, paru le 15 novembre1908 sous la direction d'Eugène Montfort, ne fait pas l'unanimité du groupe et provoque sa dissolution. Un second premier numéro paraît le 1er février 1909, à l'initiative de Gide, Henri Ghéon, Marcel Drouin, Jacques Copeau, Jean Schlumberger et André Ruyters. Ces trois derniers co-dirigent la revue jusqu'en janvier 1912 ; ensuite Copeau en assure seul la direction. Sous l'impulsion de Jacques Rivière - secrétaire depuis décembre 1911, la revue réorganise ses sommaires. André Gide Elle a tôt fait de trouver sa légitimité littéraire, offrant chaque mois des contributions de ses fondateurs et d'écrivains proches de leurs préoccupations. Au romantisme, au naturalisme et au symbolisme des générations passées, La N.R.F. préfère la tradition co-dirigent la revue jusqu'en janvier 1912 ; ensuite Copeau en assure seul la direction. Sous l'impulsion de Jacques Rivière - secrétaire depuis décembre 1911, la revue réorganise ses sommaires.
Elle a tôt fait de trouver sa légitimité littéraire, offrant chaque mois des contributions de ses fondateurs et d'écrivains proches de leurs préoccupations. Au romantisme, au naturalisme et au symbolisme des générations passées, La N.R.F. préfère la tradition classique française ; contre le « globalisme » et les effets de plume, elle choisit la puissance contenue de l'analyse. La littérature y est défendue pour elle-même, affranchie des contingences politiques ou morales qui corrompent son propos. Ce thème sous - tend la plupart des évolutions, dissensions et polémiques qui animeront la revue.
Conseillé par Claudel, Gide veut associer à La N.R.F. un comptoir d'édition. Avec Jean Schlumberger et Gaston Gallimard, il crée les Éditions de La Nouvelle Revue française le 31 mai 1911. Des disparités entre les participations des trois fondateurs se font vite jour ; Gide est bientôt mis en minorité. Le 23 janvier 1913, Gaston Gallimard fait établir un acte de notoriété certifiant qu'il est seul propriétaire de La N.R.F. Auteurs entrés à la revue Claudel, Gide, Léger, Bloch, Chesterton, Rivière Patmore, Fargue, Duhamel, Keats Vildrac, Milosz, Thibaudet, Mallarmé, Suarès, Larbaud Martin du Gard, Renard, Tagore, Ibsen, London, Péguy, Valéry, Wyspianski, Unamuno, Drieu La Rochelle, Proust Salmon, Conrad, Whitman, Spire.
Proust J Schlumberger Gaston Gallimard
Le catalogue accueille les premiers auteurs de La N.R.F., leurs « maîtres » (Mallarmé, Baudelaire...), et leurs « découvertes » (Chesterton, Tagore, Drieu La Rochelle...) Début novembre 1912, Proust propose à Gallimard - qui s'y montre favorable -, la publication de Du côté de chez Swann. Mais le groupe refuse a priori cette « œuvre de loisir » d'un écrivain mondain, classé « Rive droite ». Prenant conscience de l'erreur commise, Gide, Rivière et Gallimard cherchent dès avril 1914 à reprendre Proust à Grasset, son éditeur. Du côté de chez Swann reparaît à la N.R.F. en 1917. En 1919, À l'ombre des jeunes filles en fleurs reçoit le prix Goncourt.
La guerre disperse les auteurs et les collaborateurs de la maison. La revue s'arrête en septembre 1914, alors que les Éditions tournent au ralenti. Réformé et déprimé, Gaston Gallimard partage son temps entre la région parisienne, la Suisse et New York. Il revient définitivement en France en mars 1919, alors que le «circuit N.R.F.», malgré des dissensions naissantes, se reconstitue lentement.
1913-1924
Du côté
du
Vieux Colombier
«L'idée se précise : Une petite entreprise. Peu de frais. Pas de décors. Répertoire. Alternance des pièces. Tradition et Renouvellement. Avant tout : une scène propre, désindustrialisée, décabotinisée. Un théâtre nu. Former une petite famille d'artistes.» Quelle meilleure définition du Théâtre du Vieux-Colombier que celle de Jacques Copeau lui-même qui, de 1913 à 1924, se voue corps et âme à la direction de cette nouvelle scène parisienne et de sa troupe.
Si le «tandem théâtral» Schlumberger-Copeau est à l'origine du projet, le lien entre la revue et le Vieux-Colombier est revendiqué par tout le groupe de La N.R.F. ; un credo littéraire et esthétique commun, des références partagées (Molière, Shakespeare, Claudel...) L'expérience s'inscrit dans le mouvement européen de rénovation esthétique de l'art théâtral, engagé par Appia, Craig, Stanislavski ou JaquesDalcroze. Le travail de Copeau - et de comédiens comme Dullin ou Jouvey - marquera profondément la scène dramatique française.
1919-1925
Les Orientations de Jacques Rivière
André MalreauJean PaulhanSchlumberger,RivièreJ Rivière
«Faire cesser la contrainte que la guerre exerce encore sur les intelligences», tel est en juin 1919 le projet contesté de Rivière, jeune directeur d'une N.R.F. renaissante. Malmené par les fondateurs de la revue mais soutenu par son ami Gallimard, Rivière tient fermement la barre et assure le succès de la revue (2 755 abonnés en août 1920).
Sous l'influence de son directeur et de Jean Paulhan - secrétaire à partir de juillet 1920, La N.R.F. ouvre ses sommaires à une nouvelle génération d'auteurs qui, à l'image de Dada et des surréalistes, bouleversent les valeurs littéraires d'avantguerre. La revue subit en 1921 une attaque frontale d'Henri Béraud, soutenu par la presse nationaliste et antiparlementaire ; c'est La Croisade des longues figures, qui s'en prend à «l'esprit N.R.F.», à ses soutiens politiques, et à son prétendu sectarisme homosexuel et protestant. Rivière lutte habilement contre ces agressions ; il approfondit dans les colonnes de la revue son engagement proeuropéen et pacifiste, et milite - contre la politique de Poincaré - en faveur de la réconciliation franco-allemande. Mais plus que jamais, malgré ses préoccupations politiques, Rivière veille à préserver La N.R.F. d'un asservissement à «l'intérêt national».
1919-1929
Gaston Gallimard éditeur
Joseph KesselGaston Gallimard
Qui, de Gide ou de Gaston Gallimard, sera le maître des Éditions après-guerre ? La lutte d'intérêt est vive, mais la création de la Librairie Gallimard le 26 juillet 1919 signifie la prise de pouvoir du second. Diversifier l'activité de la Maison pour en assurer la rentabilité commerciale, constituer un fonds en s'attachant les auteurs les plus prometteurs, tel est le programme du nouveau patron et de son frère Raymond.
La Maison prend son essor, comme en témoignent l'ouverture d'une librairie parisienne (1920), les déménagements (1921 et 1929) et le recrutement de directeurs artistique (Allard en 1919) et commercial (Hirsch en 1922). Le comité de lecture de la maison s'officialise. Avec Crémieux, Fernandez, Groethuysen, Parain, Paulhan, Malraux, Robert Aron, Jean Grenier, les rapports entre les Éditions et la revue évoluent ; la légitimité des Éditions n'est plus uniquement celle de La N.R.F. De nouvelles collections structurent un catalogue diversifié : essais (« Documents bleus », « Bibliothèque des Idées »), livres pour enfants, monographies d'artistes, séries populaires (« Les Chefsd'œuvre du roman feuilleton », « Cinario »...), biographies littéraires («Vies des hommes illustres»).
Gallimard soutient plusieurs revues de haute tenue, comme La Revue musicale (1920), La Revue juive (1925) ou La Revue du Cinéma (1929). La création des Nouvelles littéraires en 1922, puis celle du journal à sensation Détective en 1928 marquent l'entrée sur le marché plus rentable de la grande presse. Pour fédérer efficacement ces nouvelles filiales, Gallimard crée le 20 décembre 1928 la société ZED Publications.
1925-1940
La NFR
de
Jean
Paulhan
PaulhanAragon
Après le décès de Jacques Rivière, Jean Paulhan devient rédacteur en chef de la revue le 1er avril 1925 ; il en prend la direction dix ans plus tard, à la suite de Gaston Gallimard. Il s'entoure dès 1928 d'un comité de rédaction où l'on retrouve Arland, Crémieux, Fernandez et Schlumberger. Paulhan s'impose peu à peu comme l'une des figures majeures des lettres françaises. S'il maintient la présence anthologique des «fondateurs», il accueille de nouveaux auteurs, soutient ceux qui lui sont chers - tel Cingria.
La rubrique « L'Air du mois », sa création la plus singulière, remporte un vif succès. La revue reste un instrument d'attraction de talents déjà attachés à des maisons concurrentes, comme Montherlant, Malraux, Giono ou Guilloux. Les chroniques régulières d'Alain, Arland, Benda, Fernandez, Lhote, Schoezer, Suarès et Thibaudet, ainsi que les traditionnelles notes et notules, constituent la partie critique de la revue. Intervenant volontiers dans les débats contemporains, Au communisme d'Aragon, de Gide ou de Groethuysen, il oppose sa crainte du totalitarisme soviétique ; et s'il dénonce la faiblesse des démocraties occidentales, il s'efforce de maintenir la revue à «l'extrême-centre». Dès le début des années 1930, l'engagement antifasciste de La N.R.F. est manifeste. La N.R.F. cesse de paraître en juin 1940.
Paul LieutaudJean Giono