Marcelle Chantale joue Hélène de l'ordonnance
Marcelle Chantal,
https://www.youtube.com/watch?v=3wPjW9h12iA
Avec Marcelle Chantal la sublime, j’ouvre parmi les étoiles filantes une page brillante et nostalgique du tout Paris des années folles.
La future Marcelle Chantal naît Marcelle Favrel dans une richissime famille de banquiers le 9 Février 1901 et non 1898 comme on s’obstine à le clamer partout. Et il serait d’ailleurs plus correct de préciser que si elle aima toujours s’avouer « née Fravel » dans un battement de faux-cils, son extrait de naissance la fait naître Marcelle Chantal Pannier.
Pour les demoiselles fortunées d’avant la grande guerre, l’écolage au dur métier de « jeune fille » commençait tôt. C’était un incessant alignement de leçons dites « d’arts d’agréments », à savoir le chant, la danse, le piano et qui sait peut-être même l’Anglais. Car le métier de « jeune fille » était, voyez-vous, d’être « agréables » et ainsi ferrer le jeune greluchon fortuné qui ferait de la jeune fille du bonne famille une dame du monde.
Dans le Paris de 1918, Capitale d’une France libéré de ses infâmes assaillants teutons, la jeune et divinement belle mademoiselle Pannier-Favrel, vraie jeune fille, excelle à tous ces arts devenus si routiniers qu’elle finit par y prendre plaisir, ce qui offusqua madame mère! Le plaisir n’étant pas affaire de jeunes filles! Marcelle aimait par dessus tout la danse, la danse lui fut interdite, il faut aussi savoir ce contenir! Après tout on n’est pas là pour rigoler!
la jeune Marcelle a passé tant de temps avec des précepteurs, des professeurs particuliers et les relations de haut vol de ses parents à qui il convenait de laisser admirer une jeune demoiselle si bien tournée, qu’elle n’avait jamais vu d’autres enfants de près avant l’odolescence et resta stupéfiée d’en voir jouer dans la cour du lycée Fénélon.
Sa longue chevelure brune digne de feu Elizabeth d’Autriche ramenée en lourd chignon sur la nuque comme on l’a vu dans « Le jardin des modes », elle hasarda un « A quoi celà sert-il? » avant de vaquer, un rien dédaigneuse à ses élégantes occupations dont le chant lyrique qui maintenant la passionne et où, il va de soi, elle excelle.
Que ferait-elle d’un cerceau ou d’un bilboquet alors que le poête Léon Paul Fargue lui-même s’est extasié sur sa sublime beauté de statue antique le soir de ses seize ans, je vous le demande?
A quinze ans, Marcel l’Herbier, ami de la famille, (car depuis le début du nouveau siècle, il est de bon ton de fréquenter des artiste, les manières se perdent!) avait voulu faire débuter Marcelle au cinéma et lui avait fait tourner un bout d’essai fort concluant.
Marcelle commit hélas une maladresse! Elle ne cacha pas sa joie et sa mère mit alors son inévitable veto. Marcelle subissait les diktat de sa caste. Privilégiée, certes, mais guère libérée. Il fallut bien se rendre à l’évidence, la liberté ne s’obtenait encore que par le biais du mariage, tout l’art de la chose consistant à se soumettre à une autre tutelle, maritale, cette fois, que l’on espérait plus légère.
Marcelle passe à table dans « Au Nom de la Loi » en 1932
Echaudée par l’aventure avortée du cinéma après celle de la danse, Marcelle Favrel étudia avec soin tous les candidats potentiels dans ce sens. Et c’est ainsi que le 5 avril 1921 elle épouse un richissime, (et très beau pour ne rien gâter), américain: David Jefferson Cohn.
La richissime madame Marcelle Jefferson Cohn va devenir une des plus éblouissantes reines du tout Paris et enfin…Vivre!
L’avisé fiancé avait d’ailleurs joué de subtilité pour s’attacher le coeur de sa belle. Puisque maintenant ils étaient fiancés, madame mère pouvait bien laisser sa fille tourner ce film qu’on lui proposait, puisque lui, futur mari n’y voyait aucun inconvénient. C’est ainsi qu’elle put tourné pour l’Herbier le « Carnaval des Vérités » en 1920. (ce qui, admettons le anéantit définitivement la théorie d’une naissance en 1908! La jeune première de Marcel L’Herbier n’est pas une petite fille de douze ans!)
Le beau David laissera sa belle épouse s’exprimer dans ce Paris des années vingt épris de liberté, de modernisme, de découvertes, de plaisirs, d’art et de culture. Ayant gratifié des galas de bienfaisance sur la riviera de quelques grands airs et ayant été applaudie par un public ébloui et debout, elle investira les scènes et chantera à l’opéra de Paris. Thaïs, Manon ou La Bohème.
Ne supportant desormais plus aucune autorité qui ne soit dûment justifiée, Marcelle, d’un naturel pourtant aimable et jovial aura quelques scènes omériques dans les coulisses de l’opéra, et pour mettre tout le monde d’accord, le riche mari trouvera plus simple de lui louer le théâtre des Champs Elysées à l’année pour qu’elle y fasse ce que bon lui semble!
Mais Marcelle Chantal n’est pas une coquette entretenue. Collaborant avec entre autres Firmin Gémier, c’est elle qui fera découvrir au tout Paris ébloui la magnifique Pavlova. Elle cumulera sa carrière de cantatrice et ses fonctions de directrice de théâtre jusqu’à ce que ses forces l’abandonnent et la laissent alitée pour de longs mois. Mais Marcelle Chantal sous ses plaids Hermès maudit le sort qui la renvoie à l’inactivité bien pomponnée des femmes de son rang pour qui le plus grand pensum de la vie est de composer les menus et les plans de tables.
La belle alanguie aux joues pâles n’attend qu’une occasion pour se jeter à nouveau dans la mêlée même si elle sait qu’elle ne sera plus jamais suffisante pour tenir un des grands rôles du répertoire, elle qui rêvait tant de Tosca et de Carmen.
Amie des plus grands, elle sait tout ce qui se passe et se trame dans le tout Paris des arts, et l’occasion tant attendue va se présenter de bien étrange façon.
En 1925 la star Hollywoodienne Gloria Swanson est venue tourner un film en France: « Madame sans Gêne », ce fut un tel évènement médiatique qu’en comparaison l’armistice de 18 ou le naufrage du Titanic n’avaient plus aucun intérêt ni prestige. Or, à Hollywood, Gloria a une rivale en la personne de Pola Negri. Laquelle, bafouée, DOIT elle aussi venir en France jouer son petit drame historique. Ce sera « L’Affaire du Collier de la Reine », produit en collaboration avec Paramount par des amis proches de Marcelle: Gaston Ravel et Tony Lekain.
Hélas ou tant mieux, Pola, sujette aux bouleversements cérébraux se met sodain à hurler dans un sabir anglo-polonais qu’elle seule comprend et refuse d’être le Comtesse Delamotte Valois ce qui met tout le monde dans l’embarras.
Le sang de Marcelle Chantal ne fit qu’un tour dans ses veines délicates et aristocratiques! Lançant au loin le plaid Hermes, repoussant son thé et chassant son teckel préféré, elle s’empara de son téléphone, appela Ravel et Lekain et décréta: « Je le ferai, moi! » Pour qui se prenait donc cette polonaise de basse extraction? Mettre ainsi ses amis dans l’embarras et se conduire en France comme un moujik aviné!
Marcelle Chantal allait montrer au monde ce qu’était une dame! Au monde et plus particulièrement à cette Pola Negri!
Ainsi débuta à l’écran, cette fois pour de bon, madame Marcelle Jefferson Cohn, sous la perruque poudrée de la rouée vicomtesse, laquelle serait plus tard coiffée par Viviane Romance.
Tout Paris et le public furent sous le choc Marcelle Chantal! Une star état née en un film, la plus allurale et peut-être la plus belle de toutes, on ne trouvait guère qu’Arlette Marchal qui puisse lui être comparée à l’écran.
Curieusement, l’aimable mari prit la mouche! une distraction oui, une carrière non! Il somma Arlette de renoncer au cinéma , elle le somma de divorcer!
Madame mère en avala au moins douze rangs de perles et Marcelle n’en eut résolument rien à cirer!
Une femme libre était née!
Devenue Marcelle Chantal pour un public admiratif elle sut être une comédienne pleine de distinction raffinée et d’humour, elle devint bientôt pour le monde entier l’archétype de l’élégance française.
En deux ans elle avait tourné huit films! Tous, bien entendu, en vedette et en donnant la réplique à quelques uns des plus illustres acteurs français de leur temps dont Pierre Richard Wilm, Fernand Gravey, Jules Berry ou Jean-Pierre Aumont. Au passage, elle fait quelque incursion distinguée dans le cinéma british, le genre lui va bien.
Jean Servais et Marcelle
Elle fut littéralement outrée que l’Allemagne ose une nouvelle fois entrer en guerre avec la France, oubliant sans doute qu’en 1914 c’est la France qui avait déclaré la guerre à l’Allemagne. Elle s’exila en Suisse.
Elle s’y produisit au théâtre et faisant preuve d’une certaine témérité viendra se produire jusqu’à la Côte d’Azur tant que durera la saine protection de la ligne de démarcation. Téméraire mais prudente!
La paix revenue, Marcelle Chantal retrouva un Paris bien changé, un Paris qui avait découvert Betty Grable le swing, le chewim-gum et le papier toilette. Marcelle n’apprécia que ce dernier.
Les divines créatures allurales nimbées de mystère et de satin ivoire avaient fait leur temps, Marcelle Chantal était aussi démodée que ses bonnes manières et les turbans de chez Poiret. Elle tentera quelques ultimes retours sans vraiment y croire elle même, trop consciente des choses et d’elle même pour se perdre en illusions.
Si elle joua l’héroïne vieillissante de « Chéri » face à Jean Dessailly en 1950, et si elle fut la même année Marianne dans « Julie de Carneilhan » campée par Edwige Feuillère, c’est grâce à l’insistance de Colette elle-même qui avait adoré vingt ans plus tôt ce que Marcelle avait fait de sa « Vagabonde » et qui estimait que sa grâce et sa féminité ne souffraient pas de comparaisons.
La star, car c’en était une, quitta alors son Paris adoré qui l’avait vue naître et se retira dans une propriété superbe qu’elle s’offrit au Pyla.
Avec la nostalgie, des propositions furent à nouveau faites à Marcelle Chantal qui les refusa toutes. Non que le feu sacré ou même l’envie se soient envolés, mais le cancer qui la rongeait l’avait fatiguée et marquait ses traits superbes, ce qu’elle trouvait indécent à montrer, ne paraissant plus que de rares fois en public sous d’épaisses voilettes.
La maladie l’emportera alors qu’elle venait de fêter son 59ème anniversaire depuis un mois, le 11 Mars 1960.
Marcelle Chantal repose aujourd’hui au cimetière Montmartre où l’on rejointe François Truffaut, Jean Seberg, Jean-Claude Brialy et Dalida. Il y a soixante ans que cette belle dame a déserté les écrans. elle déserte aujourd’hui peu à peu les mémoires et son luxueux caveau de marbre noir se couvre peu à peu de lierre et d’indifférence. Avec elle ce n’est peut être pas toute une époque qui s’oublie, mais c’est son élégance
Celine Colassin. (Qui remercie chaleureusement la belle Marlène Pilaete de l’encinémathèque pour la précieuse carte postale de Marcelle Chantal )
QUE VOIR?
1920: Le Carnaval des Vérités: Avec Suzanne Desprès et Paul Capellani
1929: Le Collier de la Reine: Avec Georges Lannes et Diana Karenne
1930: Toute sa Vie: Avec Pierre Richard Wilm
1931: La Vagabonde:: Avec Roland Quinault
1933: L’ordonnance avec Fernandel
1935: Baccara: Avec Jules Berry
1936: La Gondole aux Chimères: Avec Henri Rolland et Doris Duranti
1937: A Romance in Flanders: Avec Paul Cavanagh et Alistair Slim
1938: La Tragédie Impériale: Avec Harry Baur et Pierre Richard Wilm
1938: L’Affaire Lafarge: Avec Pierre Renoir et Erich von Stroheim
1939: L’Entente Cordiale: Avec Gaby Morlay et Pierre Fresnay
1939: Jeunes Filles en Détresse: Avec Jacqueline Delubac et Micheline Presle
1949: Fantômas contre Fantômas: Avec Aimé Clariond et Alexandre Rignault
1950: Julie de Carneilhan: Avec Edwige Feuillère et Pierre Brasseur
1950: Chéri: Avec Jean Dessailly
Une beauté un peu froide et distinguée. Son meilleur rôle est dans Baccara, du boulevardier Yves Mirande, en 1936, dans lequel elle donne la réplique à Jules Berry. On la vit aussi dans L'affaire Lafarge, de Pierre Chenal, en 1938. C'était le premier film français basé sur le procédé du flash-back.
Marcelle Chantal fut un célèbre mannequin, un prix de beauté remarqué. Elle épousa Jefferson-Cohn, un homme richissime. Edwige Feuillère,dans ses souvenirs,dit beaucoup de bien d'elle.
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