Chardin
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Jean Siméon Chardin, prénommé à tort de son vivant, Jean-Baptiste-Siméon Chardin, naît à Paris le 2 novembre 1699, d'un père artisan, fabricant de billards. Mis à part le fait qu'il a été l'élève de Cazes (peintre d'Histoire) et qu'il a peut-être été conseillé par Noël Nicolas Coypel, on n'a aucune certitude à propos de sa formation avant le 6 février 1724, date à laquelle il est reçu à l'Académie de Saint-Luc avec le titre de maître, auquel il renonça en 1729.
D'après les frères Goncourt, Coypel aurait fait appel à Chardin pour peindre un fusil dans un tableau de chasse, ce qui lui aurait donné le goût pour les natures mortes.
A partir de 1720 Jean-Baptiste Siméon Chardin est l'èlève de Pierre Jacques Cazes,puis il rentre dans l'atelier de Noël-Nicolas Coypel,peintre historique.Plus tard,il est engagé par Jean-Baptiste Van Loo à Fontainebleau.
En 1724,il est nommé maître-peintre à l'Académie royale,où il se voit confier des fonctions importantes.Chardin peint des moments sereins avec poésie,dénuès d'éffets spectaculaires,et des significations symboliques.Il unit la peinture flamande et la tradition française,appliquant des couleurs finement dégradées avec subtilité,disposant les objets d'une manière qui semble fortuite,sans accentuation lumineuse.
Il parvient ainsi à élever la nature morte et la peinture de genre,considérées comme mineures,au rang de consécration de l'art en France.
Présenté à Louis XV à Versailles en 1740 par Philibert Orry, Surintendant des Bâtiments du Roi (sorte de Ministre de la Culture) et Contrôleur Général des Finances, Chardin offre deux tableaux au souverain. On peut lire à cette occasion dans le Mercure de France : « Le dimanche 27 novembre 1740, M. Chardin de l'Académie royale de peinture et sculpture, fut présenté au roi par M. le contrôleur général avec deux tableaux que Sa Majesté reçut très favorablement; ces deux morceaux sont déjà connus, ayant été exposés au Salon du Louvre au mois d'août dernier. Nous en avons parlé dans le Mercure d'octobre, sous le titre: "La Mère laborieuse" et "Le Bénédicité"».
Ce sera la seule rencontre de Chardin avec Louis XV.
En 1744, Chardin épouse Françoise Marguerite Pouget (1707–1791). Il a 45 ans, elle en a 37. Bientôt Chardin va être protégé et encouragé par un personnage important, le marquis de Vandières (1727–1781), futur marquis de Marigny et de Menars, Directeur des Bâtiments de 1751 à 1773. C'est lui qui permettra l'obtention d'une pension pour Jean Siméon.
« Sur le rapport que j'ai fait au Roy Monsieur de vos talents et de vos Lumières, Sa Majesté vous accorde dans la distribution de ses grâces pour les Arts, une pension de 500 livres, je vous en informe avec d'autant plus de plaisir, que vous me trouverez toujours très disposé de vous obliger, dans les occasions qui pourront se présenter et qui dépendront de moi à l'avenir. »
(Lettre du 7 septembre 1752, orthographe et ponctuation de l'époque)
Chardin est nommé Trésorier de l'Académie en 1755, et deux ans après, Louis XV lui accorde un logement dans les Galeries du Louvre, ce dont il se montre très fier. Marigny, dont la bienveillance à l'égard de Chardin ne sera jamais démentie, est à l'origine de cet honneur rendu au peintre et l'en avertit lui-même.
« Je vous apprends avec plaisir, Monsieur, que le Roy vous accorde le logement vacant aux Galleries du Louvre par le décès de S. Marteau, vos talents vous avaient mis à portée d'espérer cette grâce du Roy, je suis bien aise d'avoir pu contribuer à la faire verser sur vous. Je suis, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur. »
( Lettre du 13 mars 1757)
Très occupé par ses fonctions de trésorier et par la responsabilité qui lui incombe de l'arrangement des tableaux pour le Salon de l'Académie (office dit de « tapissier » qui lui vaudra des démêlés avec Oudry), Chardin, qui se consacre à nouveau à son premier « talent » depuis 1748, compose de plus en plus de natures mortes. Il expose toujours des peintures de genre mais cesse d'en créer: ce sont, la plupart du temps des œuvres antérieure ou des variantes.
En 1765, il est reçu, à la suite d'un vote à l'unanimité, à l'Académie des Sciences, des Belles Lettres et des Arts de Rouen comme Associé libre.
En 1772 Chardin commence à être gravement malade. Il souffre probablement de ce que l'on appelait « la maladie de la pierre », c'est-à-dire de coliques néphrétiques. À cause de l'âge et de la maladie, le 30 juillet 1774, il démissionne de sa charge de trésorier de l'Académie.
Louis XV meurt en 1774, mais depuis dix ans déjà, Mme de Pompadour n'était plus à ses côtés pour orienter ses goûts. Cette même année, d'Angivillier, dont on a vu le peu d'estime qu'il avait pour Chardin, succède au frère de la favorite, protectrice des arts et des lettres. Le peintre souffre finalement assez peu de ces changements, et de toute façon, ses détracteurs ne parviennent pas à entraîner une désaffection du public cultivé.
Ainsi, au Salon du Louvre du 25 août 1779, Chardin expose ses derniers pastels. Mesdames – ainsi nommait-on les filles de Louis XV – connaissaient et appréciaient Chardin: pour leur demeure de Bellevue, il avait peint en 1761 deux dessus de portes, " Les Instruments de la musique guerrière ", et "Les Instruments de la musique civile" .
Le lundi 6 décembre 1779, à 9 heures du matin, Jean Siméon Chardin meurt dans son appartement des Galeries du Louvre.
À sa mort, Madame de Pompadour avait, en quelque sorte, légué François Boucher (1703-1770) à Louis XV qui en fit son Premier Peintre en 1765 et le nomma Directeur de l'Académie. Les attaques d'un Denis Diderot, que sa morale bourgeoise frappe parfois de cécité esthétique, n'y font rien : Boucher est un grand peintre. Mais à la mort du « favori de la favorite », les tenants de la peinture d'histoire vont se déchaîner. Charles Nicolas Cochin le jeune (1715-1790), grand ami de Chardin et jadis protégé de Marigny, en sera la victime : forcé de démissionner de sa place de Secrétaire de l'Académie, il est remplacé par J.B.M. Pierre (1714-1789), nouveau Premier Peintre du Roi.
Ses oeuvres
Mais il faut faire une place à part aupastel dans l'œeuvre de Chardin. Cet art, déjà pratiqué par Léonard de Vinci et Hans Holbein prend son essor au XVIème siècle, notamment avec les portraits de la famille royale par Maurice Quentin de la Tour (1704-1788).
Peut-être est-ce lui qui a donné le goût de cette technique à Chardin, son ami.
En 1760 Quentin de la Tour avait fait, au pastel, un portrait de Jean Siméon (Louvre, Cabinet des dessins) qui l'avait offert à l'Académie à l'occasion de sa démission de la charge de Trésorier.
C'est au début des années 1770 que Chardin se consacre véritablement aupastel, ce qu'il expliquera notamment par des raisons de santé, dans une correspondance avec le comte d'Angivillier. Ce dernier est Directeur et Ordonnateur des Bâtiments du Roi depuis 1774. Les relations entre Chardin et lui sont extrêmement différentes de celles que le peintre entretenait avec le frère de Mme de Pompadour. Il est même possible de dire que Chardin ait à faire face à un mépris teinté d'hostilité.
Ainsi, lorsqu'en 1778, il exprime auprès de d'Angivillier son désir de percevoir les honoraires jadis affectés à sa charge de Trésorier de l'Académie, il se heurte au dédain du comte. Chardin est à la fois conscient de la haute maîtrise dont témoigne son art, et du peu d'estime que l'on accorde aux peintres de nature morte.
C'est dans ce contexte, et malgré ses ennemis, que Chardin va s'imposer auprès des amateurs par ses pastels, ultimes joyaux de son art. Aux Salons de 1771, 1773, 1775, 1777, 1779 il expose des autoportraits, des portraits de sa femme, des têtes de vieillards, des têtes d'enfants, des têtes d'expression, et une copie de Rembrandt.
Chardin connaît le succès avec ces dessins dans lesquels il fait preuve de bien plus de maîtrise que dans ses quelques portraits à l'huile. « C'est un genre auquel on ne l'avait point vu encore s'exercer, et que, dans ses coups d'essais, il porte au plus haut degré », écrit un critique dans l'Année littéraire, en 1771.
Déjà les connaisseurs avaient remarqué que, dans ses peintures à l'huile, l'artiste juxtaposait les pigments plutôt qu'il ne les mélangeait sur la palette. Ainsi, l'Abbé Guillaume-Thomas-François Raynal (1713-1796, dans sa Correspondance littéraire, 1750 :« Il place ses couleurs l'une après l'autre sans presque les mêler de sorte que son ouvrage ressemble un peu à la mosaïque de pièces de rapport, comme la tapisserie faite à l'aiguille qu'on appelle point carré. »
Le pastel permet à Chardin d'approfondir cette technique. Quant aux couleurs, elles s'imposent à l'artiste dans leur relation. En effet, le problème n'est pas de savoir s'il y a du bleu ou du vert sur tel visage réel, mais s'il en faut dans le portrait. Un demi siècle avant que les théories d'Eugène Chevreul (1786-1899) n'influencent les Impressionnistes, il développe dans ses pastels l'art du mélange optique des teintes, et de la touche hachurée qui accroche la lumière. Par dessus ses bésicles, dans son " Autoportrait " de 1771 (Musée du Louvre), le doux et malicieux regard invite l'amateur, non pas à scruter l'âme du peintre, mais à revenir sur l'œeuvre même, pour observer, étudier sans cesse les audaces picturales qui confèrent une vie fascinante à son visage.