Aujourd'hui
3 Août
Confessions

de Colette


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"Mon pied nu tâte amoureusement la pierre chaude de la terrasse, et je descends l'escalier dont les derniers degrés s'enlisent, recouverts d'un sable plus mobile que l'onde...
La plage éblouit et me renvoie au visage, sous ma cloche de paille rabattue jusqu'aux épaules, une chaleur montante, une brusque haleine de four ouvert. Instinctivement, j'abrite mes joues, les mains ouvertes, la tête détournée comme devant un foyer trop ardent... Mes orteils fouillent le sable pour trouver, sous cette cendre blonde et brûlante, la fraîcheur salée, l'humidité de la marée dernière...
Douceur de se sentir, sans défense et sous le poids d'un beau jour implacable, d'hésiter et de chanceler une minute, les mollets criblés de mille aiguilles, les reins fourmillants sous le tricot bleu, puis de glisser sur le sable !
Couchée sur le ventre, un linceul de sable me couvre à demi. Si je bouge, un fin ruisseau de poudre s'épanche au creux de mes jarrets, chatouille la plante de mes pieds... Le menton sur mes bras croisés, le bord de la cloche de jonc borne mes regards et je puis à mon aise divaguer... Chaleur, chaleur... Bourdonnement lointain de la houle qui monte, ou du sang dans mes oreilles ?... Mort délicieuse et passagère, où ma pensée se dilate, monte, tremble et s'évanouit avec la vapeur azurée qui vibre au-dessus des dunes..."
Colette,
Les Vrilles de la vigne,
1908
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