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Depuis le début de l’été, le début de la fin, de tous côtés il était dans le rouge. Arbrorigène sans arbres, dans un étang souillé et désert, il était sommé de se reconvertir au plus vite ou de se tirer. L’ultimatum, la mise en demeure de décamper au moment où il était fragilisé, K.O. debout, l’avait fait basculer hors des cordes, hors la loi.
Un songe d’épave antique, profonde, aux limites. Une incroyable aventure sous-marine, archéologie onirique et sauvage dans le Golfe du Lion sous les auspices d’Eros et de Thanatos, respectivement, la Skaoté, fine guerrière nordique à la beauté stupéfiante et son chien de l’enfer, Bad, le bien nommé.
FIN
Schizophrène dangereux et asocial : le verdict est tombé.
On a rangé son dossier dans un classeur et on l’a rangé, enterré.
En survie, abruti de tranquillisants, embrumé de neuroleptiques, Mô végète dans sa cellule du H. P.
Sur la touche, de toute façon la course ne l’intéressait plus.
Mutique, le Mô. Il ne plonge plus qu’en lui-même, toujours plus profond.
Odeur de caoutchouc, néon, par le minuscule fenestron se découpe un carré parfait de ciel bleu et, face à la lumière, une toile d’araignée dans le coin du plafond. Un lien pour Mô le madur, un fil d’Ariane qui le relie à son passé, à quelques idées éparses.
Les soignants sont gentils, quelques-uns essaient de communiquer. Ils lui ont acheté un tee-shirt pour son anniversaire avec une araignée imprimée et le nom d’un groupe de death metal.
Il n’en a rien à foutre du death metal.
Il ne sort de sa prostration que pour nourrir son araignée au plafond, ne parle qu’à elle qui tisse pour lui
En aboyant pour l’ambiance, il descendit de son cheval d’acier.
Il vida le tiroir-caisse dans son sac et racla le fond, tout, même la petite monnaie, les pièces jaunes, plus une bouteille de whisky, Carte Noire, carrément, pour fêter, seul, le début d’une nouvelle vie sous le signe de la truande.
Sous le bar, il trouva l’absinthe verte, poison domestique et breuvage interdit, leur élixir, quatre-vingt-dix degrés minimum, anéthol et trois-six, plus quelques herbes aromatiques vaguement médicinales, l’alibi de la défonce.
« Pas bouger ou je flingue ! »
Reprise en main du peloton. Debout. Couchés. Cinéma. Calme-toi. Savoure le silence. Même un ange aurait refusé de passer par là ; hors limites, il y aurait laissé des plumes.
Le plancher, imbibé d’alcool par ses soins, prit feu instantanément.
Mô lotov vous l’offre !
FIN
Plongée.
Depuis plusieurs jours, il avait abandonné son étang malade pour la mer et là, il explorait les profondeurs derrière l’île Verte.
Il perdit un temps fou à se colleter avec un poulpe des profondeurs, une élédone à une seule rangée de ventouses sur chacun de ses huit bras-tentacules extensibles. Il adorait les poulpes, chats marins, les mêmes yeux fendus et dorés, lunatiques et imprévisibles, toujours curieux mais réservés et réfléchis. Celui-ci, de belle taille, s’était aménagé une cavité qu’il avait protégée en entassant tout autour des coquillages morts, des rochers, des carapaces de crabes vides et des déchets solides de toutes sortes, les reliefs de ses repas pour son château fort, sa citadelle.
Assiégée.
Mô était en passe de vaincre lorsqu’un objet inattendu trouvé à la base des fortifications le stoppa net. Il le prit en main et l’approcha de la vitre de son masque. Il n’en croyait pas ses yeux : une lampe à huile en terre cuite, intacte. Sur le dessus était modelé un Neptune barbu avec son trident assis sur un trône de coquillages.
Poséidon ou Neptune ?
Grecque ou romaine ?
D’où pouvait-elle bien venir ? Y avait-il une épave antique dans les parages ?
FIN
« Salut.
– …
– Je te parle, parce que je t’ai déjà vue, toi et moi on se connaît.
– …
– C’est pas un baratin idiot. Je t’ai rencontrée en rêve. Il y a quelques heures. On était sur un bateau antique, une corbite ou 50
une galère, en pleine tempête avec des mercenaires, romains, un nain balèze et un vieux sculpteur grec : Lysippe.
– …
– Je sais, c’est dingue. Ça te dit quelque chose ?
– …
– J’ai connu une mutique. Elle a disparu de ma vie. Toi, tu es muette ou tu refuses de me parler ?
– …
– Tu n’as pas tort. Je dois avoir l’air d’un allumé complet.
– …
– Dans mon rêve tu parlais celte. D’où tu viens ?
– Écosse ou Danemark, Norvège, Suède…
– Ha ! Tu parles ! Attends ! C’est pas le même : Écosse ? Danemark ? Suède ou Norvège ?
– J’ai perdu le souvenir. Perdu le nord. Voyagé si longtemps que je ne sais plus d’où je viens.
– Vraiment ?
– Je ne me rappelle pas l’enfance, mon pays, mes parents. Je me revois pareil : une femme, aussi loin que je me souvienne, et le voyage…
– Ah ! Qu’est-ce qui est écrit sur tes papiers d’identité ? Tu es quoi ?
– J’ai pas les papiers.
– D’accord…
– Jamais eus, ou perdus…
– Incroyable, et tu n’as pas vraiment d’accent.
– Toi par contre, tu as l’accent de ton Sud, d’ici. Ça se voit, ça s’entend, tu ressembles à une pierre, à un … escargot.
– De mer, un poivre de l’étang de Thau.
– Un escargot au poivre ?
– Un murex si tu préfères, aphrodisiaque disent les vieux, si ça te dit d’y goûter…
– Je ne comprends pas.
– Moi non plus. J’ai l’impression de rêver et je flotte un peu là. Journée dure. Je suis crevé et je te regarde. Que tu existes et que, par-dessus le marché, tu t’intéresses à ma personne, je me demande si tu es réelle ou si tu vas te dissoudre, te dissiper dans l’air, comme un mirage.
– Quelle drôle d’idée.
– Je n’ai jamais eu les pieds sur terre, c’est dans l’eau que je suis le meilleur. J’ai besoin d’eau, besoin de me baigner, là, pour me réveiller. Voyons si tu te baignes avec moi.
– Où ça ?
– Là, dans le port.
– C’est pas sale ton port ?
– Non. Pas trop.
– Tu cherches à m’entraîner dans ton élément ?
– Penses-tu ! Je devine que tu es trop forte pour moi. Alors ?
– Je viens, homme du liquide… »
FIN
Alors, un grand chien noir et fauve sortit de l’ombre, oreilles dressées, longues mâchoires, gueule ouverte sur des canines acérées, pas de collier mais pas l’air d’un errant, racé, puissant, muscles fuselés, une espèce de loup haut sur pattes, un grand mâle alpha en rupture de meute, serein parce que sûr de sa force.
Trop tranquille en fait.
Il dévisageait Mô comme l’aurait fait un homme, le jaugeant de ses yeux sombres, ni amical ni hostile, impénétrable.
La bête se posa près de la valise.
« C’est ton chien, ce fauve ?
– On fait route ensemble.
FIN
« Il vaut pas un clou ton corail rouge, Mô, les brins sont trop petits pour en tirer de belles perles ou les proposer à un orfèvre,
ils sont tout juste bons à être vendus tels quels dans les boutiques de couillonades pour touristes : Souvenir de la Méditerranée, le Cap d’Agde collé dans une assiette avec un hippocampe sec, quatre escoubilles vernies et accrochée au mur l’assiette parce que ça se bouffe même pas en salade, ces merdes…
– Je m’en doutais un peu mais tu es dur, là.
– Les temps sont durs.
– Je n’ai plus le moindre moyen de subsistance, l’étang ne me nourrit plus.
– Alors tu comptes sur moi et tu me joues la fable de la cigale et la fourmi comme quand on était à l’école.
Parlons avenir alors. Écoute-moi, Mô. J’ai un super coup pour un chtarbé comme toi, et en plus j’ai le matériel nécessaire sous le coude.
Tu pourrais nous renflouer d’un coup.
Si tu réussis, les deux pleins aux as, toi et moi, à bloc.
– Associés dans le crime, je présume.
– Comme d’hab… Moi aussi j’ai besoin de fric, et pas qu’un peu.
FIN
La mort est en marche.
Mô se surprenait à bâtir des projets de fuite, mais avant tout il fallait le fric, l’indispensable sésame, un tas de fric, pas d’autre choix et pas d’alternative.
Monde de merde.
Pour cela, trois pistes :
Le corail. De plus en plus aléatoire, il en avait trouvé des brins mais il en faudrait des rameaux, des branches, un arbre de corail rouge sang.
L’épave. Rêve ou réalité ? À creuser.
Et la Brinks, pour samedi. Il ne le sentait pas ce coup-là, pourtant c’était peut-être le plus réaliste, le plus rapide et le plus sûr moyen de se remettre à flot, de sortir de l’impasse. Pas très moral…
FIN
« J’ai rêvé cette nuit, Mô…
– De l’épave ? De Lysippe ?
– Pas tes rêves à toi. Là, j’aurais préféré. J’étais nue au bout d’une passerelle de bois noirs, au bord des marécages de l’Achéron,
à la frontière du royaume des morts et ça ressemblait à l’étang de Thau et au village des cabanes de parqueurs
, mais en ruines et brûlées, toutes fumantes, tout très vieux…
Le soleil et le ciel étaient voilés rouge, les eaux blanches et les algues du bord, en tas, grises et sales, sentaient le chou pourri.
– Un rêve prémonitoire ça s’appelle…
– Attends et écoute la suite : Le nautonier s’approcha lentement à la voile, noire sur une barque noire. Il avait le visage brique et un sourire rempli de dents gâtées. Il retroussait son froc pour me montrer sa nouille. J’étais perdue de peur et j’avais le dégoût, et pourtant j’ai sauté dans cette soupe chaude avec l’intention de gagner l’autre rive à la nage pour lui échapper. Charon le dégueulasse me suivait de loin en mangeant un hamburger qu’il trempait dans l’eau de temps en temps. Je nageais et le liquide me portait au début mais les lianes marines se sont collées à mes jambes pour me ralentir, elles m’ont ligotée, attirée au fond. Je portais un poignard, une sorte de glaive très beau mais lourd et pas pratique, pointu mais pas coupant. J’aurais dû escalader la barque et poignarder le nautonier. À la place, j’ai essayé de couper les algues avec, ça marchait pas… Je l’ai perdu. J’ai plongé comme toi. J’ai cherché dans la soupe avec mes doigts et je savais c’était grave. J’ai pas pu remonter. J’étais collée au fond et je me suis noyée. Noyée ! Tu y crois, Mô ? Tu dis que c’est un prémonitoire, ce cauchemar ?
– Non ! Il est grotesque ton rêve. Et puis… Charon, tu dis ? D’habitude, il est après moi.
– Tu le connais ?
– Je crois. Il m’arrive de me souvenir de l’avoir croisé et de l’avoir roulé dans la farine, il y a longtemps…
– En rêve ou dans la vie vraie ?
– Va savoir. Je n’en suis pas très sûr, délire, mémoire…
– Et il t’en veut ?
– Ça se pourrait… Évite quand même de te baigner à l’étang aujourd’hui, ou de bouffer de la soupe au chou.
– Tu te moques de mon rêve et pourtant le tien on l’a vérifié, non ? Et je déteste le chou, c’est fort et c’est dégueulasse, le chou.
– Tu as décidé de jouer les Cassandre ?
– Méfie-toi au fond, Mô, c’est une mauvaise journée… »
FIN
– Tu l’appelles comment ?
– Dans l’oreille, à l’encre rouge, il est tatoué FENRIR666…
– Sans blague ?
– Oui. Il est tatoué FENRIR, chez nous c’est le chien de l’enfer FENRIR, le loup fils de LOKI et de ANGURBODI.
À cause de sa férocité et de sa gueule immense, il fut enchaîné par TYR.
Quand il grogne, sa mâchoire inférieure racle la terre du bas pendant que son museau touche le ciel.
Le dernier jour, à la fin du temps, il se déchaînera pour dévorer le monde.
– Quand ?
– Quand viendra l’ère de RAGNAROK.
– L’apocalypse, version nordique.
– Oui. C’est écrit avec des runes depuis toujours, on croit tous ça.
– Là, il a symboliquement bouffé la lune. Alors, c’est notre dernière nuit ?
– Non. Mais on va faire comme si. Viens.
FIN
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