En 1992, Jacques Lassalle monte La Serva amorosa (La Servante aimante) de l'auteur dramatique vénitien Carlo Goldoni (1707-1793) – pour la première fois mise en scène de la pièce à la Comédie-Française. C'est la cinquième pièce de Goldoni que monte Jacques Lassalle (après Barouf à Chioggia, L'Amant militaire, La Locandiera, La Bonne Mère et avant Il Campiello). Jacques Lassalle est une figure fondamentale du théâtre d'art français. Avant tout metteur en scène, mais aussi auteur et acteur, il a toujours essayé de s'attacher à un lieu et une troupe, dont le Studio-Théâtre de Vitry-sur-Seine, Le Théâtre National de Strasbourg (TNS) et la Comédie-Française, en mettant en scène tant des auteurs classiques que des auteurs contemporains et vivants. Il donne aussi une grande importance à la pédagogie avec ses activités au Conservatoire National et à l'école du TNS.
A la fois drôle et grave, la pièce se centre sur le personnage d'une servante, Coraline, qui suit son maître (Florindo) dans son infortune. Sous l'influence de sa nouvelle femme cupide, Ottavio chasse son fils Florindo et le laisse sans un sou. Coraline va prendre soin de lui et tenter par tous les moyens, non seulement de fléchir le père afin que le fils entre à nouveau dans ses faveurs, mais elle va également tout faire pour rendre possible l'histoire d'amour qui lie Florindo à Rosaura. Ce dernier ouvrage prouve le désintéressement de Coraline, personnage de théâtre de basse extraction tout à fait hors du commun pour son époque. Elle s'oppose radicalement à Arlequin, présent ici dans le rôle du valet de Florindo. Eprise de justice, elle lutte pour rétablir les droits de son jeune maître sans rien demander en échange. Quand ses congénères (théâtraux) montrent généralement un esprit très terre-à-terre voire purement tourné vers leur propre intérêt, Coraline est un personnage qui a de l'élévation et de la générosité.
Dans sa mise en scène et sa direction d'acteur, Jacques Lassalle fait très bien sentir ce mélange au cœur de l'écriture de Goldoni, d'une comédie nouvelle à la fois plus fine et plus profonde et l'empreinte de la commedia dell'arte. Ainsi le sautillant Arlequin s'oppose à Coraline, plus posée. On entraperçoit également la composition de Jacques Sereys qui joue le vieux père un peu sénile qui se fait manœuvrer par sa nouvelle épouse. S'il s'est inspiré notamment de sa grand-mère pour construire ce personnage, la posture physique de son Ottavio fait écho à celle que l'on a l'habitude d'attribuer au personnage de la commedia dell'arte, Pantalone : le torse creux, et les épaules en avant, les jambes fléchies.
Enfin nous retrouvons l'actrice Catherine Hiegel, qui a contribué pendant 40 ans au rayonnement de la troupe de la Comédie-Française. Sa très forte personnalité, associée à une présence scénique puissante et à une voie grave très particulière, ne l'a jamais empêchée de se glisser dans des rôles très différents, tant dans le répertoire classique que contemporain.
Anne-Laetitia Garcia

La pièce
Considérez d’abord : une dame plus toute jeune (Béatrice) – mariée en secondes noces avec un trop bon et vieil homme (Ottavio) – capable de tout pour couronner son mariage d’un testament en faveur de son benêt de fils (Lélio). Ajoutez ensuite à ce bon époux, un héritier légitime d’un premier lit (Florindo), épris de la ravissante fille (Rosaura) de son vieil ami (Pantalon). Vous entrevoyez déjà la machine de guerre qui va s’actionner pour servir les desseins des personnages ! Et pour la succession des stratagèmes, rebondissements, quiproquos et conjectures qui mèneront la fable à se terminer joyeusement, vous pouvez compter sur l’inouïe Coraline ! La plus adroite et loyale des servantes de chair et d’os qui, gérant sa fine équipe (Arlequin et Brighella) à l’esprit diversement affûté, fera triompher… l’amour, notre seul atout.
En se jouant du quotidien et de l’intime, les personnages nous présentent des relations amoureuses intimement mêlées à celles de la famille. Le vieil Ottavio s’est marié à une femme, Béatrice, plus jeune que lui. Elle n’a de cesse de convoiter sa fortune et écarte tous ceux qui pourraient nuire à ses desseins. Il en est ainsi du fils d’Ottavio, Florindo qui, jeté à la rue par sa belle-mère, vivote auprès de Coraline, cette servante généreuse et aimante. Béatrice vit sa bonne fortune avec son fils Lélio. Coraline, sacrifiant son amour pour Florindo va tenter, à force de ruse et de persuasion, de rétablir son jeune maître dans les droits qui ont été les siens autrefois. Elle sauvera une situation compromise en aidant Ottavio à recouvrir son honneur perdu, en restaurant les liens brisés de la tendresse qui unit le père à son fils. Son intervention décisive achèvera de jeter le discrédit sur l’opportunisme de Béatrice. Une fois mise à l’écart, cette dernière assistera, impuissante, à la réconciliation familiale.
En regardant ce spectacle, on se prendra à imaginer cette folle histoire au bord de la lagune, dans les cales de Venise servie par un texte riche dont certains n’hésitent pas à comparer son auteur à un Molière italien.
Que serions-nous sans nos histoires de famille ? Nous le savons : pas de recette miracle pour nager dans le bonheur familial tout au long de notre existence. Et en guise de modèle vivant, voici une famille heureuse, digne des plus croustillantes sagas. Elle a été imaginée pour notre grand bonheur par le plus célèbre dramaturge vénitien du XVIIIème siècle, le grand Carlo Goldoni. Un spectacle plein d’émotions, prenant et drôle.

Le metteur en scène : Francis Charmillot
C’est à l’âge de 14 ans que Francis Charmillot a fait son entrée et, par là, ses premières armes dans le théâtre. Le cadre du Collège de Courrendlin et le Mouvement scout ont été la base et aussi l’étincelle qui ont déclenché sa grande passion pour la scène. Après avoir suivi divers cours dans le domaine théâtral et après avoir joué une vingtaine de pièces avec plusieurs troupes régionales, il a mis en scène trois comédies comptant chaque fois une douzaine de comédiens.
En 2007, il met en scène « Les Rustres », de Carlo Goldoni, jouée par la Troupe Art qu’en Lune à Glovelier. Cette comédie italienne a tourné dans différentes localités du Jura, du Jura bernois, de Fribourg ainsi qu’à Crissier (VD) dans le cadre du 8ème Festival de Théâtre de Chisaz. A cette occasion, la Cie Art qu’en Lune a obtenu en septembre 2008 le Prix Théâdrama.
Après La Mouette de Tchekov et L’Hôtel du Libre-Echange de Feydeau, La servante amoureuse sera la 3ème collaboration avec les Fus.
Distribution
| Mise en scène : |
Francis Charmillot |
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| Acteurs : |
| Ottavio |
Jean-Marie Frossard |
| Pantalon |
Michel Cattin |
| Béatrice |
Martine Joray |
| Lélio |
Francis Charmillot |
| Arlequin |
Roger Petermann |
| Coraline |
Valérie Rais |
| Florindo |
Olivier Etique |
| Brighella |
Grégoire Mertenat |
| Rosaura |
Aline Petermann |
| Maître Agapito |
Jean-Marie Chèvre |
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| Costumes : |
Sonia Schindelholz |
| Décors : |
Dominique Milani |
Le mot du président
Sous l’égide du metteur en scène, Francis Charmillot, la troupe la plus ancienne du Jura, les Funambules de Delémont, se remet à l’ouvrage afin de vous présenter à nouveau une pièce de qualité.
Permettez-moi d’insister sur le terme de qualité. En effet, notre metteur en scène a su, à chaque fois, choisir des auteurs dont la notoriété n’est plus à démontrer : Anton Tchekhov et sa Mouette, Georges Feydeau et son Hôtel du Libre Echange (on entend encore les rires du public de la Halle du Château de Delémont), et maintenant Carlo Goldoni et sa Servante amoureuse. Il n’est, bien entendu, pas nécessaire d’être un grand amateur de théâtre ou d’avoir accompli de longues études littéraires pour connaître ces grands noms des feux de la rampe. Les différents metteurs en scène des Fus ont toujours privilégié le texte afin que le spectacle puisse satisfaire l’amateur le plus exigeant.
Pour sa 3ème mise en scène consécutive, Francis Charmillot nous, ou plutôt vous propose un Goldoni. C’est, avec cet auteur, une assurance tous risques. C’est italien, c’est de la Commedia, c’est savoureux, enjoué, rythmé, c’est une excellente soirée en perspective que vous offrent tous les participants de La Serva Amorosa.
Alors, n’hésitez pas, venez et soutenez ce projet théâtral, car la culture est aussi un bon moyen d’oublier tracas et autres soucis quotidiens en passant un moment de détente que je vous souhaite le plus agréable possible.
Gérard Rottet