Démarche d’un poète Cocteau
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Voici la première édition française d’un livre que Jean Cocteau a publié en Allemagne en 1953, mais jamais en France. Démarche d’un poète forme avec La Difficulté d’être et Journal d’un inconnu une trilogie fondamentale dans son œuvre esthétique.
Le livre est constitué d’un ensemble de réflexions sur la littérature, la peinture, le dessin, le cinéma et même la tapisserie. Cocteau s’interroge sur les forces inhérentes à la création, sur son étrange proximité avec le sexe, et se peint lui-même. Il évoque ses rencontres avec Stravinsky, Picasso, Radiguet, Proust, sa rupture avec les surréalistes… Les pensées et les confessions d’un grand poète.
Édition et préface de David Gullentops.
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Démarche d’un poète / Der Lebensweg eines Dichters paraît en Allemagne en décembre 1953 (Bruckmann, Munich), illustré de dix-sept dessins et vingt reproductions hors-texte dont quatre en couleurs.
Peu satisfait des études critiques qui lui ont été consacrées jusqu’alors, Cocteau accepte, au début de 1953, la demande d’un éditeur allemand de rédiger lui-même une étude sur son travail.
Dans Le Passé défini, il présente ce texte comme « le dernier d’une longue construction » « faite exprès avec des redites », « le dernier où je m’explique, où je me répète » (15 février 1953). Une construction en trois volumes, dont les deux premiers sont La Difficulté d’être et Journal d’un inconnu. En dehors du Passé défini, non publié de son vivant, et des grandes conférences académiques des années cinquante, Cocteau ne se livrera plus en effet à un tel exercice de synthèse et d’explication.
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Pourquoi une édition en Allemagne ? Le poète, qui a reçu du public allemand un très bon accueil lors de ses deux voyages en 1952 (11-25 janvier, 15-20 octobre), le juge plus apte à le comprendre que le public de France, « pays où l'on se dénigre » (La Difficulté d’être) :
« La France m’oblige parfois à ouvrir de force les visages jeunes au couteau comme de durs coquillages et, même après s’être laissés ouvrir, il arrive qu’ils se referment. En Allemagne je sentais une onde riche circuler entre les publics et moi, des bouches me jeter les mots oubliés depuis la fraülein Joséphine de mon enfance, des yeux affamés de poésie dévorer celle qu’il m’arrive de dégager sans la comprendre, et ce qui est le comble, m’enseigner que l’exégèse est une Muse. »
(« Jean Cocteau parle de l’Allemagne », Paris Inter, 8 mai 1958.)
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Cocteau utilise certains textes de son essai lors de sa tournée de conférences en Italie du 19 au 26 mars 1953 (Turin, Gênes, Milan, Rome), puis pour une émission radiophonique, en deux volets de quinze minutes chacun, diffusée sur Paris Inter les 23 février et 2 mars 1954.