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Marguerite Antoinette Jeanne Marie Ghislaine Cleenewerck de Crayencour ce dernier nom, celui d'une terre acquise par la famille, adjoint au patronyme au xviiie siècle est née dans une maison de l'avenue Louise, à Bruxelles, d'un père originaire de la Flandre française et issu d'une famille de l'ancienne bourgeoisie, Michel Cleenewerck de Crayencour, et d'une mère, Fernande de Cartier de Marchienne, appartenant à la noblesse belge, qui meurt dix jours après sa naissance
Marguerite est élevée chez sa grand-mère paternelle Noémi Dufresne (dont elle fait, dans Archives du Nord, un portrait acide) par son père, anti-conformiste et grand voyageur ; elle passe ses hivers à Lille et ses étés, jusqu'à la Première Guerre mondiale, dans le château familial situé au Mont-Noir dans la commune de Saint-Jans-Cappel (Nord), construit en 1824 par son arrière-grand-père Amable Dufresne (1801-1875) et qui restera la propriété de la famille Dufresne jusqu'à la mort de Noémi en 1909. Michel Cleenewerck de Crayencour, le père de Marguerite Yourcenar, le vend en 1913, peu de temps après en avoir hérité. Le château sera détruit lors des combats de la Première Guerre mondiale (cf. villa Marguerite Yourcenar).
Elle valide la première partie de son baccalauréat à Nice, sans avoir fréquenté l'école. Son premier poème dialogué, Le Jardin des chimères, est publié à compte d'auteur en 1921 et signé Yourcenar, anagramme de Crayencour à l'omission d'un C près, pseudonyme inventé avec l'aide et l'accord de son père et qui deviendra son patronyme légal en 1947 lorsqu'elle reçut la nationalité américaine.
Elle accompagne son père, homme cultivé et anticonformiste, dans ses voyages : Londres pendant la Première Guerre mondiale, le Midi de la France, la Suisse, l'Italie où elle découvre avec lui la Villa d'Hadrien à Tivoli ; elle l'observe, assiste à ses amours dont elle fera la trame de Quoi ? L'Éternité.
En 1929, elle publie son premier roman, inspiré d'André Gide, d'un style précis, froid et classique : Alexis ou le Traité du vain combat. Il s'agit d'une longue lettre dans laquelle un homme, musicien renommé, confie à son épouse son homosexualité et sa décision de la quitter dans un souci de vérité et de franchise. La « Monique » du texte n'est autre que le grand amour du père de Yourcenar, par ailleurs ancienne condisciple de sa mère, Jeanne de Vietinghoff. Après le décès de son père en 1929 (il a cependant eu le temps de lire le premier roman de sa fille), Marguerite Yourcenar mène une vie bohème entre Paris, Lausanne, Athènes, les îles grecques, Istanbul, Bruxelles, etc. Bisexuelle, Yourcenar aime des femmes et tombe amoureuse d'un homme homosexuel, André Fraigneau7, écrivain et éditeur chez Grasset.
Elle publie les Nouvelles orientales, échos de ses voyages, Feux, composé de textes d'inspiration mythologique ou religieuse entrecoupés d'apophtegmes, où l'auteur traite sur différents modes le thème du désespoir amoureux et des souffrances sentimentales, repris plus tard dans Le Coup de grâce (1939), court roman sur un trio amoureux ayant pour cadre la Courlande en 1919 pendant la guerre d'indépendance lettonne et la lutte des corps francs allemands contre les forces bolcheviques.
En 1939, alors que l'Europe s'achemine visiblement vers la guerre, Marguerite Yourcenar part pour les États-Unis rejoindre Grace Frick, alors professeur de littérature britannique à New York et sa compagne depuis une rencontre fortuite à Paris en février 1937 à l'hôtel Wagram
Grace Frick renonce à sa carrière universitaire, soutient financièrement et psychologiquement Marguerite Yourcenar pendant la guerre et devient la traductrice de son œuvre en anglais Elles s'installent à partir de 1950 sur l'île des Monts Déserts (Mount Desert Island, dans le Maine), qu'elles avaient découverte ensemble en 1942, et nomment leur maison Petite-Plaisance. Yourcenar y passera le reste de sa vie ; naturalisée américaine en 1947, elle enseigne la littérature française et l'histoire de l'art jusqu'en 1953.
Grace Frick organise leur vie, ne se plaint pas après son ablation du sein en 1958 et doit rassurer sa compagne hypocondriaque et sujette à dépression. Les deux femmes vivent ensemble jusqu'à la mort de Frick d'un cancer du sein en 1979.
Yourcenar est la première femme à siéger à l'Académie française où elle succède à Roger Caillois auquel elle a consacré un essai19. La dernière partie de sa vie se partage entre l'écriture dans l'isolement de l'île des Monts-Déserts et de longs voyages, parmi lesquels des périples autour du monde avec le jeune réalisateur américain Jerry Wilson, son dernier secrétaire et compagnon dont les photographies en couleur illustrent La Voix des Choses, choix de textes par l'écrivain. Jerry Wilson meurt du sida le 8 février 198620.
Marguerite Yourcenar meurt à son tour le 17 décembre 1987 à Bar Harbor. Ses cendres sont déposées au cimetière Brookside à Somesville, un des villages de la municipalité de Mount Desert à côté de la petite maison en rondins qu'elle avait louée avec Grace Frick pendant les trois premiers étés du couple dans le Maine. Trois dalles funéraires s'y trouvent : la première, réservée à Grace Frick, porte l'inscription, reprise des Mémoires d'Hadrien, « HOSPES COMESQUE » (elle est l'hôte et la compagne). La deuxième, en malachite, destinée à Jerry Wilson, porte sur la tranche l'inscription en grec « ΣΑΠΦΡΩΝ ΕΡΩΣ » (Saphron Eros qui signifie selon Yourcenar : le calme et intelligent amour). Enfin, la troisième, gravée partiellement avant son décès, est celle qui recouvre ses cendres21 et porte une épitaphe tirée de L'Œuvre au noir : « Plaise à Celui qui Est peut-être de dilater le cœur de l'homme à la mesure de toute la vie. »

Plaque funéraire de Marguerite Yourcenar
Des romans historiques aux mémoires autobiographiques, l'œuvre de Yourcenar se caractérise d'abord par l'élaboration esthétique de sa langue, au style épuré et classique, et par le privilège donné à la narration. Inspirée à la fois par la sagesse orientale et la philosophie gréco-latine, la pensée de l'écrivain se reconnaît notamment dans l'humanisme de la Renaissance entendu comme curiosité universelle nourrie par la lecture des livres anciens :
« Le véritable lieu de naissance est celui où l'on a porté pour la première fois un coup d'œil intelligent sur soi-même : mes premières patries ont été les livres. »
— Mémoires d'Hadrien
Yourcenar lisait couramment le grec ancien et le latin et avait une vaste connaissance de la littérature antique. Pour la rédaction des Mémoires d'Hadrien, elle rassemble une documentation exhaustive et lit toute la littérature conservée de l'époque d'Hadrien22.
Son abondante correspondance a été publiée partiellement sous le titre Lettres à ses amis et quelques autres (Gallimard, 1995). Une édition complète est en cours chez ce même éditeur (trois volumes parus à ce jour pour la période de 1951 à 1963).
sources wilkipedia