Le Secret de Wilhelm Storitz a vraisemblablement été écrit en deux temps : un premier jet vers 1897, peut-être après la lecture d'un compte rendu de l'ouvrage de Wells, L'Homme invisible (1897) ; puis, plus tard, vers 1901, le roman est soigneusement revu et corrigé. Des pages entières sont biffées et un nouveau texte s'inscrit en marge, d'une écriture assez ferme. Malgré les ratures, ajouts et corrections, ce manuscrit contient moins que d'autres les habituelles rayures, faites à tort ou oubliées, dues à la mauvaise vue de l'auteur à la fin de sa vie. On se trouve donc devant un texte accompli, prêt à l'impression.
Conscient de la qualité de son récit fantastique, Verne hésite pourtant à le confier à Hetzel, craignant ses réactions :
- « Au lieu de l'Invisible (Storitz), dont je vous avais parlé, je préfère vous adresser Maître après Dieu (Maître du Monde) ».
Le 27 septembre 1904, sentant sa fin proche, l'écrivain tient à voir paraître Storitz pour les étrennes 1905, avec L'Invasion de la mer :
- « Mer saharienne (L'Invasion de la mer) sera suivi du Secret de Storitz, un volume chacun, que je désire voir publier de mon vivant ».
En décembre 1904, Hetzel se rend à Amiens pour voir Verne et, après avoir entendu le sujet de Storitz, pense qu'il conviendrait peu au Magasin d'éducation et de récréation et qu'il faudrait s'entretenir de son mode de publication, c'est-à-dire une parution en feuilleton dans un journal pour adultes.
En attendant le choix de cette parution préoriginale, Jules Verne, en février 1905, renonce à l'envoi de Storitz :
- « Je vous enverrai prochainement le nouveau manuscrit. Ce ne sera probablement pas celui dont je vous ai parlé, L'Invisible, mais Le Phare du bout du monde, à la dernière pointe de la Terre de Feu ».
Hetzel trouve excellent le titre du Phare et regrette de l'accoler à L'Invasion de la mer, « autre titre à succès ». Aussi demande-t-il à Verne un manuscrit de remplacement. L'écrivain, déjà très malade, comprend que l'éditeur désire sa Fiancée invisible et s'empresse de lui transmettre le volume, le 5 mars, soit 19 jours avant sa mort, avec quelques lignes explicatives :
- « Puisque vous préférez Le Secret de Storitz, je vous l'enverrai mercredi et vous le recevrez jeudi. Storitz, c'est l'invisible, c'est du pur Hoffmann, et Hoffmann n'aurait pas osé aller si loin. Il y aura peut-être un passage à adoucir pour le Magasin, car le titre de cet ouvrage pourrait être aussi La Fiancée invisible ».
Mais le 24 mars, Jules Verne meurt et le manuscrit de Storitz reste entre les mains de son éditeur.

Michel Verne, va effectué deux modifications fondamentales aux manuscrit de son père,il adaptera plus tard le roman .
Tout d'abord, il change le temps de l'histoire. Jules Verne la situait au xixe siècle. Sur l'insistance de Louis-Jules Hetzel, Michel Verne obtempère et le ramène un siècle auparavant. Plus tard, il ne comprend toujours pas et écrit à son éditeur :
- « Pour Storitz, vous avez désiré cette chose considérable que le Temps du roman fût changé. Je n'ai jamais vu et je ne vois pas encore grand intérêt à cela. Néanmoins, je me suis conformé à vos vues sans difficulté, ce qui a exigé la refonte totale du livre et la chasse à tous les mots modernes, tels que kilomètres, grammes, francs, facteur, etc. Peut-être en reste-t-il encore !. ».
Il en reste, en effet. D'ailleurs, Jules Verne a rarement quitté le cadre du xixe siècle pour ses œuvres. Il n'y a dérogé que pour deux romans sur la Révolution française (Le Comte de Chanteleine et Le Chemin de France), pour trois autres situés au xxe siècle (Paris au xxe siècle, évidemment, mais aussi L'Île à hélice et Maître du Monde - pour ces deux derniers romans, aucune date n'est vraiment fixée), enfin pour quelques nouvelles. Par ailleurs, fait passé inaperçu, l'année 1757 est une année de guerre pour la France : la guerre de sept ans entamée l'année précédente. Le roman originel a été composé pour se dérouler en période de paix : la fin du XIXeme siècle.
La seconde modification importante concerne la fin du roman. En effet, Michel Verne fait réapparaître Myra Roderich, à la suite de son accouchement. Or, dans la version de Jules Verne, Myra, rendue invisible par le philtre que Storitz lui a fait boire, le reste à jamais. Fin très mélancolique, où on ne la voit plus réellement qu'à travers le portrait peint par son fiancé, Marc Vidal. Mais aussi fin terrible, quand on pense que Storitz, mort, la possède à jamais.
Autre changement notoire de Michel Verne. Lors du mariage à l'église de Myra Roderich et de Marc Vidal, Wilhelm Storitz, invisible et debout sur les marches de l'autel, jette les alliances vers l'assemblée. Dans la version de Jules Verne, c'est l'hostie consacrée qui est arrachée des mains du vieux prêtre, déchirée et jetée à travers le chœur, ce qui rend la scène plus choquante encore pour ces catholiques rassemblés.
Depuis 1996, il est désormais possible de retrouver la version originale de Jules Verne