François Couperin musicien
François Couperin « Le La Fontaine de la musique »
Introduction musicale :
Début du Rossignol en amour (extr. 14ème ordre)
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- https://www.youtube.com/watch?v=agJ82UKFo2k
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Couperin doit principalement sa renommée à ses oeuvres pour clavecin. Classées en 27 ordres, subdivisés en 4 livres, ces pièces portent chacune un titre particulier, sauf dans les premiers livres qui conservent les mouvements traditionnels de la suite de danses.
Parmi ses oeuvres religieuses, ses "Leçons de ténèbres pour le mercredi saint" sont particulièrement remarquables, en particulier la 3ème leçon qui est considérée par les musicologues comme un sommet de l'art vocal baroque. Cette oeuvre est basée sur le texte des lamentations de Jérémie, de l'Ancien Testament, sujet qui a également été traité par d'autres compositeurs tels que Roland de Lassus et Palestrina à la Renaissance, puis à son époque, M.A. Charpentier et M.R. De Lalande.
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La musique du baroque tardif (début XVIIIe siècle) est riche de compositeurs célèbres : Antonio Vivaldi et Domenico Scarlatti pour l’Italie ; Georg Philipp Telemann, Johann Sebastian Bach et Georg Friedrich Haendel pour l’Allemagne ; Jean-Philippe Rameau et François Couperin pour la France.
Origines et formation
François Couperin est né à Paris le 10 novembre 1668. La musique passe de génération en génération dans cette famille, puisque dès le XVIe siècle, son arrière-grand-père Mathurin (1569-1640) est déclaré "joueur d’instruments" (sic). Son grand-père sera quant à lui élevé au rang de "maître d’instrument") à Tournan-en-Brie. Le père de François, Charles (1639-1679), était musicien, organiste à l’église parisienne de Saint-Gervais et professeur de clavecin de la duchesse d’Orléans. Il put donc tout naturellement enseigner à son fils l’art de la musique, alors que celui-ci n’avait pas encore appris à lire ou à écrire (le jeune Couperin ne fit d’ailleurs pas d’études générales). François est dit « le grand » pour le distinguer de son talentueux oncle Louis.
Comme il était d’usage, à la mort de son père, François Couperin hérite de la charge d’organiste à l’église Saint-Gervais. Alors âgé de 11 ans, il est trop jeune (au regard de la loi) pour pouvoir tenir le poste. Cependant, conscient de son talent, on trouva une solution pour le conserver : faire signer le contrat par un autre, un "homme de paille", à savoir Michel-Richard Delalande (organiste très coté de l’époque). Ce dernier ne put d’ailleurs vraisemblablement pas assurer sa charge (laissant comme prévu le champ libre à François) car il était déjà en poste à Saint-Louis, à Saint-Antoine et à Saint-Jean-de-Grève ! Ce stratagème fonctionna jusqu’à la majorité du jeune homme, qui prit pendant ce temps des leçons de contrepoint auprès de Jacques Thomelin.
Carrière et fin
Couperin est rapidement présenté en haut lieu et le roi le nomme organiste de la Chapelle Royale (il partage le poste avec trois autres musiciens). Il fait l’unanimité parmi les siens et ne se connaît qu’un rival : Louis Marchand (1669-1732), également organiste virtuose mais au caractère désagréable.
De santé fragile et de caractère peu mondain, Couperin mène une honnête carrière de musicien et de professeur. Peu d’événements de sa vie personnelle sont notables, si ce n’est la disparition d’un de ses fils qui quitte le domicile paternel sans presque jamais y revenir. Par contre, ses deux filles deviennent des musiciennes accomplies : l’une a été religieuse et organiste, tandis que l’autre est devenue claveciniste de la Chambre du Roi.
Vers la fin de sa vie, François Couperin abandonne progressivement ses diverses charges, notamment à la Chapelle royale et sa tribune à l’orgue de Saint-Gervais. Il meurt le 11 septembre 1733 à Paris.
Œuvre et postérité
Couperin représente le goût français du XVIIIe siècle. Il est avant tout, avec Jean-Philippe Rameau, le grand maître du clavecin en France, tant par la quantité de ses pièces que par leur qualité. Ses 230 pièces, rangées en quatre livres divisés en un total de vingt-sept suites (qu’il préfère appeler ″ordres″) sont autant de petits portraits, paysages ou satires malicieuses (écouter Les petits moulins à vent et Tic-toc-choc les maillotins). Pour cela, il est souvent rapproché du fabuliste La Fontaine et du peintre Watteau.
Homme modeste et réservé, sa réputation dépasse néanmoins les frontières. Dans le Petit Livre d’Anna-Magdalena Bach, Johann Sebastian recopie un rondeau du 6ème ordre : Les Bergeries (écouter un extrait).
Dans ses quatorze ″Concerts royaux″ et ses onze ″Sonates en trio″, il adapte Corelli au goût français : écouter le début de L’Apothéose de Corelli.
Ses Leçons de ténèbres (1714) s’élèvent au niveau de Monteverdi par leur expression déchirante : écouter un extrait de la n°3.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, son œuvre pour orgue est limitée à deux messes de jeunesse, ce qui ne l’empêche pas d’avoir été surnommé "le Bach des Français" par des élèves de celui-ci.
Il a également écrit un traité ″L’Art de toucher le clavecin″ qui est une référence incontournable pour l’interprétation de ses œuvres.
Quand les compositeurs français de la fin du XIXe siècle se retourneront vers le passé, il s’y réfèreront. Achille Claude Debussy (1862-1918) considèrera ses pièces comme des modèles. Et Maurice Ravel (1875-1937) écrira un Tombeau de Couperin dont la Forlane (écouter le début et lire Forlane) s’inspire de celle du 4ème Concert royal (écouter).
Ses oeuvres
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Extraits des "Leçons des ténébres" |
Première leçon Par les Chantres de Saint-Hilaire |
Troisième leçon chantée par Montserrat Figueras & Maria Cristina Kiehr |
Pièces De Clavecin, 4e Livre - 24e Et 25e Ordres par Francoise Petit |
25e ordre en ut |
1er concert : 00'00 |
Concerts Royaux par Jordi Savall et le concert des nations |
L'Art de Toucher le Clavecin (extraits) |
Messe á l'usage des paroisses : Gloria |
Les Ombres dansantes. Pièces de violes de François Couperin par Paolo Pandolfo
Jean Raoux (Montpellier, 1677-Paris, 1734),
Couple dansant dans un parc, 1725
Huile sur toile, 52 x 63 cm, Pommersfelden, château de Weissenstein
(cliché tiré du site internet La Tribune de l'Art)
Après Marin Marais et Antoine Forqueray, les sieurs Demachy et Sainte Colombe, il était, en quelque sorte, logique que le parcours du violiste Paolo Pandolfo finisse par s'attarder sur le legs destiné à son instrument par un musicien que l'on n'associe pas naturellement avec ce dernier, François Couperin. Augmentée de deux Concerts et d'une pièce choisis dans le recueilLes Goûts-réünis, sa vision des Pièces de violes paraît aujourd'hui chez Glossa.
Au cœur d'une brûlante journée de l'été 1728, le jour de l'Assomption de la Vierge, mourut à Paris monsieur Marin Marais. Avec ce musicien fameux s'éteignait le représentant le plus illustre de l'école française de viole, maître admiré et respecté dans l'Europe entière. Cette même année, François Couperin fit paraître les Pièces de violes avec la basse chiffrée par Mr F.C., avant-dernière manifestation de son talent avant le Quatrième Livre de pièces de clavecin sur lequel se refermera sa carrière en 1730. On ignore tout de la genèse de ces Pièces de violes, mais elles sont indubitablement proches par l'esprit de celles qui constituent les ultimes Ordres du Quatrième Livre, recueil qui fut, s'il faut en croire sa préface, composé « environ trois ans » avant sa publication, soit vers 1727 ; on peut donc gager sans trop de risques que toutes ces pages sont à peu près contemporaines et que celles pour violes ne demeurèrent pas trop longtemps dans les portefeuilles de leur auteur avant d'être proposées au public.
Les Pièces de violes sont des miraculées qui n'ont survécu que dans un unique exemplaire conservé aujourd'hui à la Bibliothèque nationale de France où Charles Bouvet les identifia en 1922 après qu'elles eurent dormi durant presque deux siècles dans l'anonymat des simples initiales de leur page de titre. François Couperin n'en était pas, avec elles, à son coup d'essai en matière de musique pour un instrument dont on sait la vogue qu'il avait rencontrée en France tout au long du XVIIe siècle – son oncle Louis (c.1626-1661) était un violiste de renom, même s'il est aujourd'hui connu pour son étonnante musique pour clavier – puisqu'il composa un des Concerts de ses Goûts-réünis (1724), leDouzième en la majeur ainsi que la Plainte du Dixième en la mineur, expressément pour lui, tandis que le Treizième en sol majeur, indiqué « à deux instruments à l'unisson », peut également les autoriser. Ces premiers essais sont pleins de charme et d'élégance, avec des harmonies faisant le pari de la simplicité, de la consonance, et d'un niveau de difficulté raisonnable qui les met à la portée des amateurs. Toutes autres sont les ambitions des Pièces de violesqui requièrent des interprètes chevronnés pour affronter tant leurs exigences techniques qu'émotionnelles. Le recueil est organisé en deux suites dont seule la première répond aux exigences canoniques du genre avec sa succession de danses
Écrite en mi mineur, tonalité que Charpentier définissait comme « amoureuse et plaintive », elle va osciller en permanence entre la mélancolie modérée mais palpable baignant son amplePrélude et la légèreté qui s'exprime de façon presque exubérante à la fin de laPassacaille ou Chaconne qui la clôt, un titre double qui rappelle, en un ultime paraphe, que tout ce qui a précédé a été soumis à l'alternance permanente du léger (Allemande, Gavotte, Gigue) et du grave (Courante, Sarabande). La seconde suite, cette fois-ci en la majeur, n'en a que le nom, puisque ses quatre mouvements font irrésistiblement penser à une sonata da chiesa à la manière de Corelli, que Couperin admirait tant. Après un Prélude de forme canonique et une brève Fuguette, deux pièces de caractère nous propulsent dans des univers radicalement différents ; la première, intitulée Pompe funèbre, nous parle du décorum qui accompagnait les obsèques à l'époque baroque, avec des effets descriptifs qui nous font voir et entendre, avec une extraordinaire économie de moyens, la procession et le glas, la seconde, une Chemise Blanche marquée très viste, est toute en virtuosité parfois un rien échevelée et haletante. Comme toujours lorsque Couperin emploie ces titres un peu mystérieux pour lesquels il avait autant de goût que de talent, on s'interroge sur leur signification ; on a ainsi longtemps vu dans la Pompe funèbre un Tombeau pour Marin Marais et l'on sait aujourd'hui que le terme de Chemise blanche se rapporte au jeu de cartes « lorsqu'on écarte les neuf cartes et qu'on en prend neuf autres », selon leDictionnaire de Trévoux. Si l'hypothèse du Tombeau pour Marais ne me convainc pas, sauf à admettre que les Pièces de violes furent composées et publiées la même année en un temps très court, je crois, en revanche, que le déclin de sa santé décrit par Couperin dans les dernières années de la décennie 1720 autorise à voir dans la Pompe funèbre une Méditation, faite sur ma mort future (laquelle se joue lentement avec discrétion) comme celle qu'écrivit Johann Jacob Froberger (1616-1667) à sa propre destination, et dans la Chemise Blanche une évocation de la mort qui frappe au hasard (le jeu de cartes) et finit toujours par gagner.
Par un singulier croisement de calendriers, la lecture proposée par Paolo Pandolfo et ses compagnons paraît quelques semaines après la réédition d'un enregistrement qui a définitivement marqué la discographie des Pièces de violes, lequel réunissant Jordi Savall, Ariane Maurette et Ton Koopman à Saint-Lambert-des-Bois en décembre 1975 et fut la première parution, l'année suivante, d'un label promis à un glorieux avenir, Astrée. La comparaison, tentante, met immédiatement en lumière les différences importantes entre les deux visions ; là où Savall choisissait la densité et la rondeur du son, Pandolfo décide, quitte à durcir son timbre et à se livrer à quelques infimes dérapages, de faire saillir les angles, d'accentuer les contrastes en insistant parfois même quelque peu sur la raucité de son instrument, et d'alléger la pâte, opposant à l'atmosphère nocturne et au caractère méditatif brossés par son aîné un tempérament nettement plus solaire et une agogique où affleurent à chaque instant les rythmes de la danse. Le refus de tout alanguissement, qui ne signifie pas pour autant l'abandon de l'intériorité (la Plainte pour les violes en apporte une belle preuve), culmine peut-être dans la fameuse Pompe funèbre ; le Catalan, dont on connaît les affinités avec cette pièce, l'emplissait d'un lyrisme intimiste et la portait généreusement à une durée approchant les dix minutes, l'Italien lui accorde la moitié de ce temps et l'oriente vers des teintes plus nostalgiques que réellement tragiques qui pourront paraître ne rendre qu'imparfaitement compte du Très gravement voulu par Couperin. Étonnamment, alors que l'on sait que les deux violistes ont une personnalité affirmée, on sent nettement moins, à l'écoute du disque de Pandolfo, que c'est lui qui dirige les débats, alors que c'est une évidence dans celui de Savall. Avec l'appui d'une prise de son bien équilibrée et dépourvue d'effets de loupe sur un instrument plutôt qu'un autre, chaque pupitre peut faire entendre sa voix à égalité avec ses voisins. Il en résulte une réelle impression de musique de chambre à la texture claire et aérée au sein de laquelle peuvent se nouer de véritables dialogues, dont les extraits des Goûts-réünis profitent pleinement. Enlevés avec beaucoup de raffinement et ce qu'il faut de piquant, de légèreté et parfois de tendresse, ces Concerts côtoient sans pâlir les Pièces de violes. Grâce à d'excellents partenaires, Amélie Chemin attentive et prompte à la répartie à la seconde basse de viole, Thomas Boysen et Markus Hünninger animant le continuo avec un très juste dosage entre discrétion et présence, très réactifs et épousant sa conception de ce répertoire, Paolo Pandolfo parvient sans mal à mener à bien une interprétation à l'expansivité assez inhabituelle dans ces œuvres, dont la vivacité, la spontanéité mais aussi la fermeté du trait découlent sans nul doute d'un travail de réflexion longuement mûri. Son approche très personnelle de ces pages qu'ont honoré nombre de gambistes parmi les plus renommés, la façon qu'il a de faire vivre les lignes musicales en regardant, tout en restant parfaitement idiomatique, du côté du violoncelle et du violon qui étaient alors en train de supplanter la viole, contribue à renouveler le regard que nous portons sur elles et en dévoile, écoute après écoute, des dimensions que d'autres n'ont fait qu'effleurer.
Il y a fort à parier que ce disque ne fera pas l'unanimité, tant il semble parfois prendre à dessein le contre-pied de la tradition interprétative inaugurée par l'enregistrement de Savall, lequel demeure, à mon avis, la porte d'entrée obligée pour faire connaissance avec les Pièces de violes de François Couperin. Je garantis cependant à ceux qui feront le pari de suivre le chemin audacieux ouvert par Paolo Pandolfo et ses amis la découverte de paysages inédits et passionnants vers lesquels ils prendront un plaisir croissant à revenir.
François Couperin (1668-1733), Pièces de violes avec la basse chiffrée, Douzième Concert, Treizième Concert et Plainte pour les violes du Dixième Concert des Goûts-réünis
Paolo Pandolfo, basse de viole
Amélie Chemin, basse de viole
Thomas Boysen, théorbe & guitare baroque
Markus Hünninger, clavecin
1 CD [durée totale : 59'50"] Glossa GCD 920414. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Première Suite en mi mineur : Prélude (gravement)
2. Douzième Concert en la majeur : Gracieusement et légèrement
3. Deuxième Suite en la majeur : La Chemise blanche (très viste)
4. Plainte pour les violes (lentement, et douloureusement – plus légèrement et coulé)
Illustrations complémentaires :
Anonyme, Portrait de François Couperin, sans date. Crayon sur papier, 10,5 x 9 cm, Paris, Bibliothèque nationale de France
La photographie de Paolo Pandolfo, Amélie Chemin, Thomas Boysen et Markus Hünninger est de Christoph Frommen, utilisée avec l'autorisation de Glossa.