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Pierre Villeneuve, né en 1965, provincial issu d’un milieu modeste, est un auteur-compositeur précoce et doué pour la musique. Il rêve de monter à Paris et de vivre sa passion pour la chanson, sur les traces de son maître spirituel, Georges Brassens.
L’apprentissage de la guitare et de l’écriture est un long cheminement solitaire, guidé par sa vocation, une sensibilité extrême et un don d’observation inné. Ce monde intérieur créatif et protecteur se heurte, depuis l’enfance, aux réalités du quotidien.
Il poursuit son ambition artistique avec persévérance, malgré ses obligations professionnelles, entre les rencontres, les auditions, les amours déçues, les méandres de l’inspiration. Prisonnier du temps qui passe et des caprices du destin, que devient sa détermination de jeunesse ?
Voici le parcours d’un demi-siècle, rythmé par les anecdotes, l’amitié, les souvenirs fragiles, d’un pur romantique, jusqu’au renoncement qui précède une révélation tardive totalement inattendue.
Au-delà de cette quête personnelle, viennent se greffer, comme un leitmotiv, le rôle social des chansons et un hommage permanent aux grands artistes qui marquent nos vies.
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Extrait du livre
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Il repassa dans sa tête, des milliers de fois, la scène de cette séparation, tragique pour lui, insignifiante pour elle, cet après-midi où il avait regardé le doux visage de Nathalie pour la dernière fois, devant le seuil de sa maison, au moment ultime et précis où elle avait refermé derrière lui la grille du jardin.
En éternel perfectionniste insatisfait, Pierre considérait avoir tout écrit, et tout raté : sa vocation artistique, avortée bien malgré lui, son parcours professionnel, et sa vie personnelle ; il n’avait fondé aucune famille, ses chansons et partitions dormiraient au fond du tiroir d’un bureau jusqu’au jaunissement du papier de ses chers carnets de notes, dont l’encre pâlirait de plus en plus avant de s’effacer au fil des décennies.
Certaines œuvres demeurent et résistent à la postérité, y compris les petites chansonnettes. Penser qu’elles entrent dans l’oreille, restent dans le cœur des gens, les accompagnent parfois tout au long de leur vie, dans les moments de bonheur et de tristesse, est déjà un phénomène extraordinaire.
L’on désire devenir artiste pour compenser un manque, une fêlure, une absence, un drame, des malheurs familiaux ou personnels, s’extraire de soi et de sa vie pour incarner d’autres personnages, simplement parce que la fiction est plus belle et passionnante que la réalité.
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Extraits
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l n'avait pas l'impression de jouer. Il avançait à travers une nuit, respirait sa transparence fragile faite d'infinies facettes de glace, de feuilles, de vent. Il ne portait plus aucun mal en lui. Pas de crainte de ce qui allait arriver. Pas d'angoisse ou de remords. La nuit à travers laquelle il avançait disait et ce mal, et cette peur, et l'irrémédiable brisure du passé mais tout cela était déjà devenu musique et n'existait que par sa beauté.
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Alexeï posa le verre, se tourna vers le clavier. Les rires, les conversations se turent peu à peu, mais il attendait toujours, les mains posées sur les genoux, assis très droit, l'air absent. Stella chuchota, comme un souffleur, en lançant un clin d'oeil aux invités : "Mais vas-y! Tu commences par le do avec le pouce de ta main droite..."
Quand il laissa retomber ses mains sur le clavier, on put croire encore au hasard d'une belle harmonie formée malgré lui. Mais une seconde après la musique déferla, emportant par sa puissance les doutes, les voix, les bruits, effaçant les mines hilares, les regards échangés, écartant les murs, dispersant la lumière du salon dans l'immensité nocturne du ciel derrière les fenêtres.
Il n'avait pas l'impression de jouer. Il avançait à travers une nuit, respirait sa transparence fragile faite d'infinies facettes de glace, de feuilles, de vent. Il ne portait plus aucun mal en lui. Pas de crainte de ce qui allait arriver. Pas d'angoisse ou de remords. La nuit à travers laquelle il avançait disait et ce mal, et cette peur, et l'irrémédiable brisure du passé mais tout cela était déjà devenu musique et n'existait que par sa beauté.
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Je m'éveille, j'ai rêvé d'une musique. Le dernier accord s'éteint en moi pendant que je m'efforce de distinguer la pulsation des vies entassées dans cette longue salle d'attente, dans ce mélange de sommeil et de fatigue.
Le visage d'une femme, là, près de la fenêtre