Procés 31 mars 1431

 

Images 98

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e samedi suivant, dernier jour de mars, la veille de Pâques, l'an du Seigneur 1431, sous notre présidence, juges susdits, dans la prison de Jeanne, au château de Rouen, assistés de seigneurs et maîtres Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicolas Midi, Pierre Maurice, Gérard Feuillet, docteurs ; Guillaume Haiton et Thomas de Courcelles, bacheliers en théologie sacrée ; présents maître  Guillaume Mouton et John Grey.

Guillaume Mouton et John Grey.
    Fut interrogée ladite Jeanne sur certains points sur lesquels elle avait pris délai de répondre jusqu'à ce jour, bien qu'elle eût répondu aux articles insérés plus haut, comme on l'a rapporté ci-dessus.

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  Et premièrement elle fut interrogée si elle veut s'en rapporter au jugement de l'Église qui est sur la terre sur tout ce qu elle a dit ou fait, soit bien ou mal, spécialement sur les cas, crimes et délits qu'on lui impose, et sur tout ce qui touche son procès, répond que , sur tout ce qu'on lui demande, elle s'en rapportera à l'Église militante, pourvu qu'elle ne lui commande chose impossible à faire.

  Et primo fuit interrogata utrum velit se referre judicio Ecclesiæ quæ est in terris, de omni eo quod dixit et fecit, sive sit bonum, sive malum, specialiter de casibus, criminibus et delictis quæ sibi imponuntur, et de omni eo quod tangit suum processum, respondit quod, de hoc quod ab ea petitur, ipsa se refert Ecclesiæ militanti, proviso quod non præcipiat sibi aliquid impossibile fieri.

  Interroguee se elle se veult rapporter au jugement de l'Eglise qui est en terre, de tout ce que elle a faict, soit bien ou mal, especialement des crimes et delitz que on lug impose, et de tout son procez, respond que, de tout ce que on luy demande, s'en rapportera a l'Eglise militante, pourveu qu'elle ne luy commande chose impossible a faire.

  Et entend que ce qu'elle répute impossible, c'est que les faits Interrogatoire de l'évêque Cauchonqu'elle a dits et faits, déclarés au procès, sur les visions et révélations qu'elle a dites avoir faites de par Dieu, elle les révoque ; et ne les révoquera pour rien au monde. Et ce que notre Sire lui a fait faire, commandé et commandera, je ne manquerai de le faire pour homme qui vive. Et lui serait impossible de les révoquer. Et au cas où l'Église lui voudrait faire faire autre chose contraire au commandement qu'elle dit que Dieu lui a fait, elle ne le ferait pour quoi que ce soit.

  Et vocat illud quod reputat impossibile, videlicet, quod facta quæ fecit et dixit, declarata in dicto processu de visionibus et revelationibus quas dixit se fecisse ex parte Dei, revocet ; et non revocabit eas pro quocumque. Et, de hoc quod Deus fecit sibi facere, ac præcepit et præcipiet, non dimittet facere pro homine vivente. Et esset sibi imposibile eas revocare. Et in casu quo Ecclesia vellet sibi facere aliud fieri, in contrarium præcepti quod dixit sibi factum esse a Deo, ipsa non faceret pro quocumque.


  Interroguee qu'elle appelle chose impossible, respond que, ce que les faictz et dictz declarez en son procez, des visions et revelacions qu'elle a dictes, ne les revocquera point, pour quelque chose. Et de tout ce que nostre Seigneur luy a faict faire et commandé et commandera, ne laissera point a les faire, pour homme qui vive. Et luy seroit chose impossible de les revocquer.
  [Et au cas que l'Eglise militant luy vouldroit faire faire autre chose au contraire du commandement qu'elle dit a luy fait de Dieu, elle ne le feroit pour quelque chose.]


  Interrogée, si l'Église militante lui dit que ses révélations sont illusions, ou choses diaboliques, ou superstitions ou mauvaises choses, elle s'en rapportera à l'Église, répond qu'elle s'en rapportera toujours à Notre Seigneur, dont elle fera toujours le commandement. Et qu'elle sait bien que ce qui est contenu en son procès est advenu par le commandement de Dieu ; et, de ce qu'elle a affirmé avoir fait audit procès du commandement de Dieu, il lui aurait été impossible de faire le contraire. Et au cas où l'Église lui commanderait de faire le contraire, elle ne s'en rapporterait à homme au monde, sauf à Notre Seigneur, dont elle ferait toujours le bon commandement.

  Interrogata utrum, si Ecclesia militans dicat sibi quod revelationes suæ sunt illusiones aut res diabolicæ, ipsa se referret Ecclesiæ, respondit quod se de hoc semper referet Deo, cujus semper faciet præceptum ; et quod ipsa bene scit quod illud quod continetur in processu suo venit per præceptum Dei ; et illud quod affirmat quod affirmat in dicto processu se egisse per præceptum Dei, esset sibi impossibile facere in contrarium ; et in casu quo Ecclesia sibi præciperet facere contrarium, ipsa de hoc non se referret ad hominem mundi, nisi ad Deum, quin semper faceret bonum præceptum ipsius Dei.

  Interroguee, se l'Eglise militante luy dit que ses revelacions sont illusions, choses dyabolicques, supersticieuses revelacions et maulvaises choses, se elle s'en rapportera a elle, respond qu'elle s'en rapportera a nostre Seigneur, duquel elle fera tousiours le commandement. Et qu'elle sçait bien que tout ce qui est contenu en son procez est venu par le commandement de Dieu ; duquel elle ne sçauroit faire le contraire. Et ou cas que l'Eglise militant luy commanderoit faire le contraire, elle ne s'en rapporteroit a homme du monde, fors a nostre Seigneur, qu'elle ne feist tousiours son bon commandement.


  Interrogée si elle ne croit point être sujette à l'Église qui est sur la terre, c'est assavoir à notre Saint-Père le pape, aux cardinaux, archevêques, évêques et autres prélats d'Église, répond que oui, notre Sire premier servi.

  Interrogata an credit se esse subjectam Ecclesiæ Dei quæ est in terris, videlicet domino nostro Papæ, cardinalibus, archiepiscopis, episcopis et aliis prælatis Ecclesiæ , respondit quod sic, Deo primitus servito.

  Interroguee se elle croit point que elle feust subiecte a l'Eglise qui est en terre, c'est assavoir a nostre saint pere le pappe, cardinaulx, archevesques, evesques et aultres prelatz d'Eglise, respond que ouy, nostre Syre premier servy.

  Interrogée si elle a commandement de ses voix de ne point se soumettre  à l'Eglise militante, qui est sur la terre, ni à ses jugements, répond qu'elle ne répond chose qu'elle prenne en sa tête ; ce qu'elle répond est du commandement de ses voix. Et ne lui commandent point qu'elle n'obéisse à l'Église, notre Sire premier servi.


  Interrogata an habeat præceptum a suis vocibus quod non submittat Ecclesiæ militanti, quæ est in terris, nec judicio ejus, respondit quod ipsa non respondet aliquid quod accipiat in capite suo ; sed illud quod respondet est de præcepto suarum vocum ; et non præcepto quin ipsa obediat Ecclesiæ, Deo primitus servito.

  Interroguee se elle a commandement de ses voix que elle ne se submecte point a l'Eglise militante, qui est en terre, ne au jugement d'icelle, respond qu'elle ne respond chose qu'elle prengne en sa teste. Mais ce qu'elle respond, c'est du commandement d'icelle. Et ne commande point qu'elle ne obaysse a l'Eglise, nostre Seigneur premier servy.

  Interrogée si, au château de Beaurevoir ou à Arras, ou ailleurs, elle avait des limes, répond :
Si on en a trouvé sur moi, je ne vous en ai autre chose à répondre.


  Interrogata si, apud castrum de Beaurevoir, vel Attrebato, vel alibi, habebat limas, respondit :
- Si repertæ sunt supra me, ego non habeo de hoc vobis aliud respondere.


  Interroguee se a Beaureveoir et a Arras, ou ailleurs, elle a point eu de limes, respond :
- Se on a trouvé sur moy, je ne vous en ay aultre chose a respondre.


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  Ceci fait, nous nous en allâmes pour procéder à ce qui demeurait à faire dit procès en matière de foi.

 

                                                 

 

Procès de condamnation
L'organisation du Tribunal ecclésiastique - 

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n rescrit du roi d'Angleterre, daté du 3 janvier 1431, conféra officiellement à Pierre Cauchon, organisateur du procès, le droit de le juger.
  Jeanne d'Arc lui fut remise avec cette seule réserve "de la reprendre si ainsi était qu'elle ne fût convaincue d'aucun cas regardant la foy", clause hypocrite que l'évêque de Beauvais dicta sans doute lui-même, et qui laissait entrevoir la possibilité d'un acquittement là où la condamnation était certaine et décidée d'avance (1).
  Pierre Cauchon n'avait plus qu'à constituer son tribunal ecclésiastique. Il s'étudia à donner à l'affaire un éclat inusité et toutes les apparences de la justice.
  Rien n'est frappant comme le soin que mirent à s'effacer les dignitaires et les fonctionnaires laïques. Là même où leur présence était légitime, on ne vit paraître que des gens d'Église. Le duc de Bedford, absent de Rouen pendant presque toute la durée du procès, semble avoir alors résigné la régence entre les mains du cardinal de Winchester. Bien que les historiens l'aient représenté comme exerçant un espionnage qui privait les juges de leur liberté, il faut reconnaître qu'il ne parut pas se mêler directement au procès. Il avait quitté Rouen dès le 13 janvier 1431, pour se rendre à Paris (2).


  On est tout aussi frappé de la solennité que l'évêque de Beauvais donna à cette iniquité judiciaire qu'on est péniblement affecté de voir la responsabilité s'étendre sur une si notable partie du clergé.
  II s'agissait, apparemment au moins, non de représailles à exercer contre une prisonnière de guerre, mais d'un de ces procès de foi, si fréquents au moyen-âge, qui étaient instruits et jugés par l'autorité ecclésiastique, en dehors du pouvoir civil. Or, dans ces procès, l'évêque et l'inquisiteur ne citaient ordinairement que trois ou quatre chanoines désignés par le chapitre, autant ou à peu près d'avocats en cour d'Église, et il n'était pas question de délégués de l'Université de Paris.
  Dans le procès de Jeanne d'Arc, au contraire, on comptera plus de dix membres de ce corps célèbre, la plus grande partie du chapitre de Rouen et de la Communauté des avocats en cour d'Église, quelques religieux des communautés de Rouen et plusieurs grands prélats ou abbés que les évènements ou les faveurs du gouvernement anglais retenaient à Rouen, capitale du pays conquis.
  Cauchon tenait, avant tout, à s'entourer d'un grand nombre de complices.
  C'est qu'il s'agissait en effet, d'une affaire extraordinaire, à laquelle on attachait une si grande importance que l'Université en corps, le chapitre en corps, furent consultés sur les articles extraits des interrogatoires et sur les qualifications données par les assesseurs. En outre la sentence rendue devait être notifiée aux princes et au Souverain Pontife.
  C'était surtout, répétons-le, une affaire politique, parce que la mission de La Pucelle, qu'on croyait généralement inspirée par Dieu, avait pour conséquence l'illégalité de la conquête et la culpabilité de ceux qui s'étaient ralliés au parti bourguignon confondu avec le parti anglais. Les juges et assesseurs le comprirent si bien qu'ils se firent remettre des lettres de garantie, en prévision d'un changement de fortune, et que le dominicain, qui fut appelé à remplir les fonctions d'inquisiteur, s'y refusa d'abord, et n'obéit qu'aux injonctions de son supérieur.


  C'est pourquoi Pierre Cauchon avait dit qu'il voulait faire un beau procès, ce qui signifiait dans le langage juridique de l'époque, un procès régulier, en bonne et due forme. C'était là une habileté et une hypocrisie de plus, car, malgré les formes observées, jamais accusée ne parut devant des juges plus suspects de partialité et plus susceptibles de récusation. Jamais aussi plus d'illégalités ne furent intentionnellement accumulées. Il convient de les signaler, en dehors de la critique générale que soulève la procédure barbare de l'Inquisition et des procès de foi au moyen-âge.
  Même en tenant compte de quelques rectifications proposées sur plusieurs points, peut-être erronés, combien d'irrégularités certaines n'allons-nous pas rencontrer dans cette procédure, et que de reproches justifiés n'est-on pas encore autorisé à retenir à la Charge des Anglais et des juges ?
  La partialité de Cauchon éclata dès le début quand on le vit écarter Jean de Saint-Avit, évêque d'Avranches, doyen des évêques de Normandie, chargé par le chapitre, en l'absence de l'archevêque, de la célébration des ordres du diocèse. Il savait pertinemment que ce prélat, qui occupait son siège depuis 1391, ne devait rien aux Anglais et s'était montré favorable à la Pucelle.
  D'un autre côté, il s'abstint, et c'était une autre habileté, d'appeler à siéger les maîtres et les docteurs d'Angleterre, qui résidaient à Rouen. Cauchon voulait sauver les apparences et éviter qu'on ne l'accusât d'avoir transformé un procès de foi en un procès politique.
  L'Inquisition était alors représentée à Rouen par Jean Le Maître, religieux de l'ordre des Frères prêcheurs. Sollicité par Cauchon, Lemaître refusa son ministère et ne céda que sur un ordre formel que Cauchon lui fit transmettre par l'inquisiteur général. Lemaître ne siégea d'ailleurs que comme assesseur et son rôle fut passif, mais il couvrit le procès de l'autorité considérable de l'Inquisition.


  Le soin de l'accusation fut remis à un chanoine de Beauvais chassé avec son évêque, Jean d'Estivet, qui se fit remarquer par sa grossièreté et sa haine féroce envers la Pucelle.
  Soixante docteurs, dont six des plus illustres de l'Université de Paris, furent appelés à siéger comme assesseurs. On leur donna pour collègues les gros bénéficiers, abbés ou prieurs normands, que la crainte ou l'intérêt rendait maniables, et vingt-deux chanoines de Rouen. Trois prêtres rouennais furent choisis pour greffiers, et un autre, Massieu, fut chargé d'exécuter les mandements du tribunal :

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Les juges :

PIERRE CAUCHON,

     Issu d'une famille noble de Reims, ancien recteur de l'Université de Paris, fut l'un des plus célèbres docteurs de son temps et l'un des plus compromis dans la cause antinationale. Après avoir défendu avec passion Jean-sans-Peur, meurtrier du duc d'Orléans, jusqu'au Concile de Constance, il devint l'instrument du gouvernement anglais. Chargé d'une mission importante par le duc de Bourgogne, il fut ensuite nommé évêque de Beauvais Là, de concert avec son promoteur d'Estivet, il transforma sa cour ecclésiastique en tribunal révolutionnaire ; aussi fut-il forcé de s'enfuir avec lui lorsque les Français reprirent Beauvais. Dès 1423, Cauchon était conseiller de Henri VI, aux appointements de mille livres, et résidait assez habituellement à Rouen (1).
  La prise de Jeanne d'Arc fut pour lui un événement inespéré. Bedford trouva dans ce prélat artificieux, avide et corrompu, un instrument précieux pour amener l'Église de Chapelle construite par Cauchon dans la cathédrale de LisieuxFrance à venger l'Angleterre. En 1431, Cauchon habitait la maison de Me Jean Rubé, chanoine et curé de Saint Nicolas. Nous verrons bientôt qu'il y convoqua plusieurs fois ses juges et complices. Cette maison était proche de l'ancienne église Saint Nicolas, dont nous reproduisons les derniers vestiges.
  Pierre Cauchon, malgré le crime qui devait vouer son nom à l'ignominie, ne put obtenir l'archevêché de Rouen, et dut accepter, en 1432, celui de Lisieux. Ce siège lui
procurait l'avantage d'avoir à Rouen, devenu capitale du pays de conquête, un manoir épiscopal, l'hôtel de Lisieux, et une sorte de cathédrale, Saint-Cande-le-Vieux soumise à sa juridiction, avec cour ecclésiastique, official, promoteur et chapitre. De nos jours, on trouve encore des restes de cet hôtel des évêques de Lisieux, à Rouen, rue de la Savonnerie, et surtout dans la curieuse ruelle du Gaillardbois. On adossa plus tard, en 1518, au pignon principal, une fontaine monumentale, dite Fontaine de Lisieux, qui fut une des plus belles de la ville, et qui, malgré son état de vétusté attire encore l'attention des artistes et des touristes. Cet antique pignon dont le dessin nous a été conservé par Jacques Le Lieur, l'auteur du Livre des Fontaines, est encore reconnaissable, bien qu'il ait été remanié à diverses époques, aux traces d'ogives bouchées qu'on y remarque sous une épaisse couche de peinture.
  Nul doute que Pierre Cauchon n'ait séjourné bien souvent dans son manoir de Rouen, après le supplice de la Pucelle.
  Il fut chargé de missions importantes. En 1435, il assista à la Convention d'Arras. En 1439, envoyé par le comte de Warwick, gouverneur de Normandie, à la cour de Henri VI, en Angleterre, il était parti du port d'Honfleur, sur une grande nef armée pour sa sûreté, qui avait coûté, en principal, deux cent soixante-huit saluts d'or. Henri VI avait en lui une telle confiance qu'il l'envoya comme ambassadeur au Concile de Bâle, avec des indemnités de déplacement de trois cents livres. Là, il subit une grave humiliation. N'ayant pas payé la somme de quatre cents florins d'or qu'il devait à la Cour de Rome, à raison de sa translation au siège de Lisieux, il fut excommunié, et on lui notifia Ecu de Pierre Cauchonbientôt que, pour s'être permis de célébrer néanmoins l'office divin, il avait encouru l'irrégularité. On le menaça, pour le cas où il ne se mettrait pas en règle, de faire publier l'excommunication aux portes de sa cathédrale et d'interdire aux fidèles toutes relations avec lui jusqu'à due satisfaction.
  En 1435, il exerçait les fonctions épiscopales à Dieppe, le siège vacant, et on le trouve avec les abbés de Fécamp et du Mont-Saint-Michel, le 11 avril 1437 , assistant à la prise de possession de l'archevêché de Rouen, au nom du cardinal de Luxembourg.
  Nous verrons plus Loin comment il mourut subitement à Rouen, dans son hôtel de Saint Cande-le-Vieux, le 18 décembre 1442, pendant qu'on lui faisait la barbe. Il laissa pour héritiers, un neveu, Jean Bidault, qu'il avait fait nommer chanoine de Rouen et de Lisieux, et une nièce, Jeanne Bidault, mariée à Jean de Rinel, secrétaire du roi Henri VI (2).
  Son corps fut accompagné processionnellement, de l'église Saint-Cande-le-Vieux jusqu'à la Seine, par les chanoines et par les chapelains de la cathédrale. Il laissait différents legs au chapitre de Rouen, à son église de Saint-Cande-le-Vieux et au Chapitre de l'église Saint Pierre de Lisieux, sa cathédrale.
  Sa tombe existait encore dans cette cathédrale au siècle dernier, et son nom fut conservé jusqu'à la fin dans les obituaires de la cathédrale de Rouen, ce qui prouve qu'il ne fut pas excommunié par le pape Calixte III, à cause du procès de Jeanne d'Arc, comme font à tort affirmé plusieurs auteurs.
  La tradition représente Cauchon livré au remords vers la fin de sa vie. Il aurait même reconstruit la chapelle de la Vierge, dans la cathédrale de Lisieux, comme monument d'expiation.
  On a ajouté que son corps aurait été déterré par le peuple et jeté à la voirie (3) ; mais cette dernière tradition ne parait pas plus fondée que le récit de son excommunication par le pape Calixte III, à raison de son rôle dans le procès de la Pucelle. (lire ici la découverte de son cercueil)

JEAN LE MAITRE,

   Vice-inquisiteur, fut le principal juge après Cauchon. Il était prieur du couvent des Jacobin à Rouen et avait été nommé vice-inquisiteur dans le diocèse de Rouen, le 21 août 1424, par commission de Jean Graverent, grand inquisiteur en résidence à Paris. II avait quelque réputation comme prédicateur, car l'archevêque le chargea quelquefois de prêcher dans des circonstances solennelles. Bien qu'il vécut encore lors des premières informations qui furent faites à Rouen pour la réhabilitation de Jeanne d'Arc, il ne fut pas cité comme témoin ; on le trouva probablement, comme l'archevêque Raoul Roussel, trop intéressé dans l'affaire.
  Jean Lemaitre était, au dire des historiens, un homme inoffensif et étranger. II recula d'abord devant la mission qui lui était imposée et excipa des termes restrictifs de sa commission. Il savait que Jeanne était innocente ; mais son supérieur hiérarchique l'ayant mis en demeure d'obéir, il n'eut pas le courage d'entreprendre sa défense.
  M. O'Reilly a publié une ordonnance de Henri VI, du 14 avril 1431, datée de Rouen, et enjoignant à Thomas Blount, trésorier et général gouverneur de toutes nos finances de faire payer et bailler et delivrer à "nostre chier et bien amé Jean Le Maistre... la somme de vingt saluts d'or... pour ses peines, travaulx et diligences, d'avoir esté et assisté au procès qui s'est faict de Jehanne, qui se dict la Pucelle...". Il en conclut qu'après la peur, l'intérêt guida le vice-inquisiteur dans cette grave circonstance, et qu'on ne peut le justifier d'avoir accepté cette somme puisqu'il habitait Rouen, qu'il n'exerçait au procès qu'un acte de ses fonctions ordinaires, et qu'enfin, il avait fait voeu de pauvreté.
  M. de Beaurepaire, qui a tant approfondi l'étude des moeurs et coutumes du XV° siècle, dans les documents contemporains du procès, n'admet pas ce reproche de vénalité, déjà évoqué par Michelet. "Les gages alloués à Le Maître et aux assesseurs venus de Paris, dit-il n'ont rien d'extraordinaire quand on les compare à ceux des officiers du roi. Le vice-inquisiteur touchait à peu près quinze sols par jour contre cent sols que recevait le président de l'Echiquier, et alors qu'on donnait à de simples ouvriers de deux à trois sols."
  Une si chétive aubaine n'a pas dû exercer sur lui beaucoup d'impression. Ce qu'il  faut seulement noter comme un fait inadmissible et extraordinaire, c'est qu'un procès tout ecclésiastique ait été instruit aux frais du roi d'Angleterre.
  En admettant ces observations, il n'en reste pas moins indiscutable que Le Maître aurait dû refuser de siéger pour des accusateurs qui payaient les juges de leurs propres deniers. En réalité, Le Maitre s'est déshonoré en prêtant aux Anglais l'appui de son nom et l'influence, alors si considérable, de l'Inquisition contre la libératrice du territoire son pays.

JEAN D'ESTIVET, dit BENEDICITE,

  Promoteur général du diocèse de Beauvais, chanoine de Beauvais et de Bayeux, fut chargé de l'accusation dans le procès de Jeanne d'Arc.
  Créature de Cauchon, et fugitif comme lui, il s'était mis à la solde du gouvernement anglais.
  Les enquêtes de réhabilitation le représentent comme vindicatif, abject et méprisable, grossier et même ordurier dans son langage, poursuivant d'invectives sa noble victime jusque dans sa chambre, à tel point qu'il dut cesser un jour ses odieux procédés, sur un ordre formel de Warwick
  Il ne craignit pas de dissimuler l'enquête favorable qui avait été faite sur la Pucelle à Domrémy. On se demande comment un tel homme put exercer quelque action sur l'élite du clergé normand.
  On a souvent écrit, sur la foi de quelques dépositions, que d'Estivet eut une fin digne de sa vie, et qu'on le trouva noyé dans un bourbier aux portes de Rouen, peu après le supplice de sa victime. C'est là une assertion que M. de Beaurepaire a démontrée absolument inexacte (4). D'Estivet résida habituellement à Bayeux, où il s'était fait pourvoir d'un canonicat. II vécut encore plusieurs années après la mort de Jeanne d'Arc ; car en 1437, il prenait possession à Rouen, au nom de Jean de Rinel, neveu de Cauchon, un canonicat vacant par la nomination de Chevrot à l'évêché de Châlons.

JEAN DE LA FONTAINE,

  Conseiller instructeur, fut chargé de l'information préalable qu'exigeait la procédure inquisitoriale. Déjà, des enquêtes avaient été faites, à Domrémy même, par Nicolas Bailly, tabellion royal, et par Gérard Petit, lieutenant d'Anddelot. Cauchon y fit allusion, dans une réunion, mais on se garda bien d'en annexer le résultat aux procès-verbaux. Il y était constaté, en effet, que "Jeannette était une fille de bonne vie et bonnes moeurs, bonne catholique, fréquentant l'église et aimant Dieu."
  Le délégué du commissaire instructeur qui avait apporté ces renseignements à Rouen avait été fort mal reçu par Cauchon et d'Estivet, qui le qualifièrent de traître et d'Armagnac, et lui refusèrent tout salaire.
  Delafontaine, s'apercevant qu'on dissimulait ses informations, cessa de prêter son procès le 28 mars 1431. D'après Ysambard de la Pierre, il s'était rendu auprès de la Pucelle pour l'exhorter à se soumettre à l'Eglise. Cette démarche ayant mécontenté Warwick et Cauchon, il eut peur et quitta la ville.
  Delafontaine était très lié avec Houppeville, qui fut incarcéré pour avoir osé dire à l'évêque ce qu'il pensait de son procès, et qui ne dut son salut qu'à l'intervention de l'abbé de Fécamp.

 Les greffiers :

     Les trois greffiers du procès furent Guillaume Manchon, Guillaume Colles dit Boisguillaume et Nicolas Taquel, tous trois notaires de l'officialité de Rouen ; mais les deux derniers n'eurent qu'un rôle secondaire.

GUILLAUME MANCHON,

  Qui était prêtre et greffier de l'officialité de Rouen, avait alors vingt-cinq ans. Il fut ensuite chanoine de la collégiale de Notre-Dame d'Andely et curé de la paroisse de Saint-Nicolas le Painteur, à Rouen (5). Il est le seul que les Anglais choisirent eux-mêmes, et ce fut lui qui désigna ensuite ses deux collègues.
  Manchon, qui fut l'un des principaux témoins du procès de réhabilitation, a raconté qu'il fut mandé à une réunion de l'évêque de Beauvais, de l'abbé de Fécamp, de Loyseleur et de plusieurs autres. On lui enjoignit de bien servir le roi, en faisant un beau procès contre Jeanne. Invité à trouver un autre greffier, il indiqua Boisguillaume. Ce fut lui qui rédigea l'instrument authentique qui existe encore en partie à la bibliothèque nationale. Quant à la rédaction définitive en latin, elle est son œuvre et celle de Thomas de Courcelles.
  Quoique l'origine de sa mission puisse le rendre suspect, et bien que sa déposition, lors des enquêtes de la réhabilitation, ne soit pas exempte d'erreurs, on s'accorde à reconnaître qu'il était honnête et habile. Ses procès verbaux sont remarquables par l'unité, les proportion, la clarté et même la sobriété.
  Aucune voix ne s'éleva contre lui lors des enquêtes de la réhabilitation, et on n'a pas établi que sa rédaction fût infidèle. Il lui fallut, ainsi qu'à ses collègues, un réel courage pour rester dans les limites de l'impartialité professionnelle et empêcher la falsification des procès verbaux contre laquelle les assesseurs n'auraient pas osé protester.
  Manchon fut même suspecté ; à raison de cette impartialité. Pendant les séances, deux clercs anglais, cachés dans une embrasure, écrivaient de leur côté sous la signature de Manchondirection du chanoine Loyseleur. On contrôlait ensuite les écritures de Manchon qui les défendait contre les notes dissidentes des greffiers occultes. II eut même plusieurs fois à subir les objurgations et récriminations de Cauchon, en pleine séance. Il avait à lutter aussi contre les clercs qui assistaient les principaux maîtres. A plusieurs reprises, Jeanne dit à Jean Monet, depuis chanoine de Paris, mais alors simple clerc de Beaupère "Vous écrivez ce qui est contre moi, mais non ce qui est pour moi."
  Jeanne n'eut jamais à se plaindre de Manchon ; elle se réclamait de lui, au contraire, dans les moments difficiles : "Demandez plutôt au clerc" disait-elle.
  On sait aussi que Manchon et Boisguillaume refusèrent énergiquement de tenir note des confidences que le misérable Loyseleur arrachait à Jeanne dans sa prison, par surprise et trahison. Ils refusèrent aussi, après le supplice, d'annexer à leur procès-verbal et d'authentiquer la prétendue rétractation que Jeanne aurait faite dans les dernières heures de son agonie.
  Manchon assistait au supplice et fut ému jusqu'aux larmes. "Jamais, dit il, je pleurai tant pour chose qui m'advint, et par un mois après je ne m'en pouvois bonnement apaiser."

GUILLAUME COLLES dit BOISGUILLAUME,

  Greffier de l'officialité de Rouen, choisi par Manchon pour l'assister au procès, était en outre curé de la paroisse Notre-Dame de la Ronde, à Rouen. Il sut comme son collègue, tenir honnêtement la plume et sauvegarder la sincérité des procès-verbaux. Jeanne avait confiance en lui et l'honorait d'une certaine familiarité. Un jour qu'il s'était trompé dans sa rédaction : "Prenez garde, lui dit elle, et ne vous trompez pas ainsi une autre fois, ou je vous tirerai l'oreille."
  Boisguillaume a raconté plus tard la fin tragique de quelques juges, notamment de d'Estivet. Il a aussi parlé de l'impudente curiosité du duc de Bedford qui aurait assisté signature de Guillaume Collesà la visite que la duchesse de Bedford fit subir à Jeanne. La première de ces affirmations, nous l'avons dit, est démontrée inexacte ; la seconde n'est confirmée par aucun témoignage. Il faut bien admettre qu'il lui était difficile, après vingt-cinq ans, et au milieu de passions politiques toutes différentes, de faire une déposition absolument nette dans tous ses détails, à une époque où l'opinion publique devait lui reprocher sévèrement, comme aux autres témoins du procès, sa participation à cette procédure monstrueuse.
  Il révéla aussi que les greffiers étaient placés aux pieds des juges, en face de Jeanne qui était seule assise sur un siège. C'est lui qui annota son procès-verbal de ces mots "responsio superba !" ou "responsio mortifera !". Boisguillaume dut louer à Rouen, dans la rue de la Chaine, une des deux maisons qu'occupait d'abord Jean de Rinel neveu de Cauchon, auprès de l'hôtel canonial de Nicolas Loyseleur.
   Lors de la réhabilitation, Boisguillaume était curé de Notre-Dame-de-la-Couture à Bernay. Même à cette époque, il payait encore un loyer pour sa maison de la rue de la Chaine à Rouen. II mourut peu de temps après, à Bernay.

NICOLAS TAQUEL,

   Etait, comme ses deux collègues, greffier de l'officialité. Il n'assista au procès qu'en Sceau de Taquel - 1445qualité de greffier du vice-inquisiteur et pour régulariser son intervention, il a certifié, signé et paraphé les grosses du procès, avec Manchon et Boisguillaume. Le vice-inquisiteur, en effet, devait avoir ses officiers, comme l'évêque et au même titre.
   Nous le retrouverons à Rouen, après le procès. II paraît avoir été doyen de la Chrétienté de Rouen en 1445, lors du concile provincial qui fut tenu dans cette ville. Son sceau est appendu à un acte conservé aux archives de la Seine Inférieure.
   En 1456, lors de la réhabilitation, il fut entendu comme témoin. II déclarat n'être intervenu au procès que le 14 mars, en même temps que le vice-inquisiteur. Il n'écrivait pas, mais se contentait d'écouter. On lui avait promis vingt livres pour sa peine, mais il ne reçut que dix livres, que lui remit le promoteur d'Estivet.
   Taquel était alors curé de Bacqueville-la-Martel.

 L'huissier :

JEAN MASSIEU



  Prêtre, doyen de la Chrétienté de Rouen, fut choisi pour remplir les fonctions d'huissier. Il était âgé de vingt-cinq ans. II eut la charge de convoquer les conseillers, de citer l'accusée, de l'amener devant le tribunal, et, après chaque audience, de la reconduire à sa prison. Ces rapports fréquents avec la Pucelle lui permirent de l'apprécier et l'amenèrent à lui manifester une réelle sympathie. A peine en fonction depuis quelques jours, il se compromit pour elle. Un prêtre, Turquetil, lui ayant demandé ce qu'il pensait de ses réponses, et s'il croyait qu'elle serait brûlée, Massieu lui répondit qu'alors il n'avait vu en elle que bien et honneur. Les gens du roi le surent, et l'évêque lui enjoignit d'être plus réservé, s'il ne voulait s'exposer à boire plus que de raison, faisant ainsi allusion au voisinage de la Seine qui était dangereux pour les récalcitrants.


  Les avis ont été partagés, en ce qui concerne Massieu, sur le rôle qu'il joua au procès et surtout sur la sincérité de son témoignage à l'enquête de réhabilitation. Ce serait Jeanne elle-même, exposée aux outrages de ses gardiens, qui aurait reconnu que l'habit d'homme lui était indispensable pour se défendre contre ces misérables. M. de Beaurepaire, dit " Massieu ne m'inspire qu'une médiocre sympathie, et je suis loin de partager à son égard, l'opinion favorable de la plupart des historiens. Je ne puis voir en lui qu'un ecclésiastique d'une vertu douteuse. Deux fois condamné par le chapitre, et une fois à l'officialité, pour avoir entretenu des relations criminelles avec une femme, destitué de ses fonctions de doyen de la Chrétienté en 1436, il était encore noté pour son inconduite en 1458."


  Si Massieu doit encourir effectivement cette mésestime, comme prêtre, au point de vue disciplinaire, ce n'est pas une raison pour ne pas lui savoir gré de l'humanité dont il a fait preuve envers la captive, qui I'honorait de sa confiance et d'une certaine familiarité. On ne peut oublier que, sur le désir qu'elle exprima, il la laissa se mettre à genoux pour prier devant la chapelle du chateau. Il encourut à ce sujet les grossiers reproches de d'Estivet, qui lui dit : "Qui te fait si hardy, truand, de laisser approcher de l'église cette putain excommuniée ? Je te ferai mettre en telle tour où tu ne verras lune ni soleil d'ici à un mois, si tu le fais plus !"
  Massieu qui, lui aussi, a vu souvent Jeanne "ferrée par les jambes, même la nuit, de deux paires de fers à chaînes" et livrée aux injures de cinq Anglais, l'assista jusqu'au dernier moment. Au cimetière de Saint Ouen, le 24 mai, il l'amena à abjurer et il lui sauva la vie, essuyant pour ce fait les violences des Anglais, qui craignaient que la captive ne leur échappât. Il voulut ensuite la conduire aux prisons de l'officialité et ne céda que sur l'injonction contraire de l'évêque. Il l'accompagna aussi en charrette vers le Vieux-Marché et nous l'entendrons raconter avec émotion ses derniers instants.
  Lorsque Massieu déposa au procès de réhabilitation, il était curé de la paroisse de Saint-Cande-le-Vieux de Rouen.


                                                 

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