Berenice Racine
Jean RacineMarc Escola
Richard Parish (Éditeur scientifique)
Éditeur : GALLIMARD
(06/09/1994)
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https://www.theatre-classique.fr/
Auteurs
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Titus,
empereur de Rome.
Berenice
reine de Palestine.
Antiochus
roi de Comagène.
Paulin,
confident de Titus.
Arsace
confident d'Antiochus.
Phenice
confidente de Bérénice.
Rutile,
Romain.
suite de Titus
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La scène est à Rome
, dans un cabinet qui est entre l'appartement de Titus,
et celui de Bérénice.
Nota : Le texte est celui de l'édition 1697.
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Résumé :
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Bérénice appartient à l'histoire romaine et orientale. Son action est sans violence, son dénouement n'est pas dicté par la passion. Ce n'en est pas moins une tragédie : un personnel de princes et de rois fait son malheur en une série de discours réglés.C'est le personnage le plus dépendant, le moins libre, qui donne son nom à la pièce ; Titus, qui congédie la femme qu'il aime, fait sans cesse un effort douloureux sur lui-même, jusqu'au transport d'héroïsme final. Le sujet de la pièce est le renvoi de Bérénice, qui ne fait aucun doute : il est dicté par la tradition romaine. L'action se réduit à retracer les souffrances que cette nécessité entraîne : tout l'art de Racine, ici, est dans le suspens, dans le retard, dans l'attente de l'aveu et de l'adieu.
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Bérénice à travers Gallica
SCÈNE PREMIÈRE.
Antiochus, Arsace. ANTIOCHUS
Arrêtons un moment. La pompe de ces lieux, Je le vois bien, Arsace, est nouvelle à tes yeux. Souvent ce cabinet superbe et solitaire, Des secrets de Titus est le dépositaire. 5 C'est ici quelquefois qu'il se cache à sa cour, Lorsqu'il vient à la reine expliquer son amour. De son appartement cette porte est prochaine, Et cette autre conduit dans celui de la reine. Va chez elle. Dis-lui qu'importun à regret, 10 J'ose lui demander un entretien secret.
ARSACE
Vous, Seigneur, importun ? Vous cet ami fidèle, Qu'un soin si généreux intéresse pour elle ? Vous, cet Antiochus, son amant autrefois ; Vous, que l'Orient compte entre ses plus grands rois : 15 Quoi ! Déjà de Titus épouse en espérance, Ce rang entre elle et vous met-il tant de distance ?
ANTIOCHUS
Va, dis-je, et sans vouloir te charger d'autres soins,
Vois si je puis bientôt lui parler sans témoins.
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Acte II Scène IV
Bérénice
Hé quoi ? vous me jurez une éternelle ardeur,
Et vous me la jurez avec cette froideur ?
Pourquoi même du ciel attester la puissance ?
Faut-il par des serments vaincre ma défiance ?
Mon cœur ne prétend point, Seigneur, vous démentir,
Et je vous en croirai sur un simple soupir.
Acte V. Scène 5
Titus
Vous ne sortirez point, je n’y puis consentir.
Quoi? ce départ n’est donc qu’un cruel stratagème ?
Vous cherchez à mourir ? et de tout ce que j’aime
Il ne restera plus qu’un triste souvenir ?
Qu’on cherche Antiochus, qu’on le fasse venir.
Acte V. Scène 5
Bérénice
Vous m’aimez, vous me le soutenez,
Et cependant je pars, et vous me l’ordonnez!
Quoi ? dans mon désespoir trouvez-vous tant de charmes ?
Craignez-vous que mes yeux versent trop peu de larmes ?
Que me sert de ce cœur l’inutile retour ?
Ah, cruel! par pitié, montrez-moi moins d’amour;
Ne me rappelez point une trop chère idée,
Et laissez-moi du moins partir persuadée
Que déjà de votre âme exilée en secret,
J’abandonne un ingrat qui me perd sans regret.
Acte V. Scène 5
Titus
Oui, Madame, il est vrai, je pleure, je soupire,
Je frémis. Mais enfin, quand j’acceptai l’empire,
Rome me fit jurer de maintenir ses droits :
Je dois les maintenir. Déjà plus d’une fois ,
Rome a de mes pareils exercé la constance.
Ah ! si vous remontiez jusques à sa naissance,
Vous les verriez toujours à ses ordres soumis :
L’un, jaloux de sa foi, va chez les ennemis
Chercher, avec la mort, la peine toute prête ;
D’un fils victorieux l’autre proscrit la tête ;
L’autre, avec des yeux secs et presque indifférents,
Voit mourir ses deux fils, par son ordre expirants.
Malheureux ! mais toujours la patrie et la gloire
Ont parmi les Romains remporté la victoire.
Je sais qu’en vous quittant le malheureux Titus
Passe l’austérité de toutes leurs vertus,
Qu’elle n’approche point de cet effort insigne,
Mais, Madame, après tout, me croyez-vous indigne
De laisser un exemple à la postérité,
Qui sans de grands efforts ne puisse être imité ?
Acte V. Scène dernière.
Bérénice
Arrêtez, arrêtez ! Princes trop généreux,
En quelle extrémité me jetez-vous tous deux !
Soit que je vous regarde, ou que je l’envisage,
Partout du désespoir je rencontre l’image,
Je ne vois que des pleurs, et je n’entends parler
Que de trouble, d’horreurs, de sang prêt à couler.
Acte V. Scène dernière.
Bérénice à Antiochus.
Prince, après cet adieu, vous jugez bien vous-même
Que je ne consens pas de quitter ce que j’aime
Pour aller loin de Rome écouter d’autres vœux.
Vivez, et faites-vous un effort généreux.
Sur Titus et sur moi réglez votre conduite:
Je l’aime, je le fuis; Titus m’aime, il me quitte.
Portez loin de mes yeux vos soupirs et vos fers.
Adieu. Servons tous trois d’exemple à l’univers
De l’amour la plus tendre et la plus malheureuse
Dont il puisse garder l’histoire douloureuse.
Tout est prêt. On m’attend. Ne suivez point mes pas.
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Bérénice de Jean Racine
Tragédie en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois le 21 novembre 1670 à l’Hôtel de Bourgogne.
Distribution : 5 hommes et 2 femmes
Texte intégral à télécharger gratuitement sur Libre Théâtre.
Lien vers data.libretheatre.fr
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