Le livre d'heures de Claude de France
_______________________
Le Maître de Claude de France est un maître anonyme enlumineur actif en France entre 1508 et 1520. Il doit son nom à plusieurs manuscrits qu'il a enluminés pour la reine Claude de France.
Le maître a été actif au cours du premier quart du xvie siècle à Tours. Il a probablement été l'élève de Jean Bourdichon qui marque profondément son style et qui lui a sans doute transmis des modèles qu'il reprend dans plusieurs de ses miniatures. Il pourrait aussi avoir été actif dans l'atelier de Jean Poyer et a été influencé par un troisième artiste tourangeau : Jacques Ravaud. Enfin, sa collaboration avec Giovanni Todeschino aux Heures de Frédéric d'Aragon lui a fait permis de sa familiariser avec le style italien notamment dans les encadrements faits de candélabres. Il a travaillé à plusieurs reprises pour des personnes de la cour de Louis XII et de François Ier, dont un livre d'heures pour la sœur cadette de Claude Renée de France, ainsi que pour Anne de Beaujeu et pour des prélats tourangeau dont Antoine de Bar
Ses œuvres sont généralement de petit format, mais de grande précisions. Son style se caractérise par l'usage d'encadrements architecturaux répétitifs, faits de colonnes, ainsi que l'usage fréquent de cordelières. Il utilise fréquemment les couleurs lilas, mauve et rose en compagnie du bleu roi et de la Chartreuse, par petites touches presque invisibles.
Pierre-Gilles Girault a proposé de l'identifier au peintre Eloy Tassart. Il est plusieurs fois mentionné dans les archives tourangelles entre 1517 et 1528 et signalé comme enlumineur de la reine Claude de France en 1521 et 15234. Cependant, cette attribution pose encore question vis à vis du corpus d'œuvres qui lui est attribué car aucun trace d'activité n'est donné par les documents avant 1517 et une œuvre lui est attribuée en collaboration avec un atelier parisien vers 1520, alors que Tessart semble encore présent à Tours à cette même périod
Le Livre de prières de Claude de France dégage une magie singulière. Le grand art de l’enluminure sous un petit format séduit et entraîne le spectateur dans l’univers iconographique merveilleux de la Renaissance française, au début du XVIe siècle.
«Le style du Maître de Claude de France est d’une finesse et d’une délicatesse extrême. Une palette subtile de tons pourpres, mauves et roses est appliquée ici en touches de pinceau minces, presque invisibles. L’artiste a procédé de façon très habile avec l’effet de profondeur qui éclaircit les délicates tonalités des paysages et des vues de ville, souvent en arrière-plan, afin de mieux les reproduire.» (Roger S. Wick, conservateur des Manuscrits de la Pierpont Morgan Library, New York)
Livre de prières de Claude de France
Le Livre de prière de Claude de France: le manuscrit
Une galerie d’images, de la main d’un Maître
Le petit Livre de prières de Claude de Franceimpressionne par la délicatesse de sa peinture, mais surtout par une richesse iconographique peu commune. Sur ses 104 pages se déploient en effet 132 scènes illustrant la vie du Christ et de la Vierge Marie, des apôtres et de différents saints. Grâce à un enchaînement génial des pages, le «Maître de Claude de France» a composé un cycle de miniatures en pleine page – et même partiellement en double page – au-dessus desquelles est à chaque fois disposé un petit champ de texte. Même dans ces champs de texte peuvent être intégrées de petites représentations. Les zones de texte elles-mêmes comportent de petites échancrures permettant de montrer davantage d’image.
Une inspiration venant de Vinci
Claude de France et son royal époux François Ier étaient d’importants mécènes des arts. Leurs agents achetaient en Italie des œuvres de Michel-Ange, de Titien et de Raphaël (noyau des futures collections du musée du Louvre). Le château d’Amboise, construit au bord de la Loire, devint le lieu privilégié d’une cour Renaissance très admirée. Le roi y fit aussi venir le vieux Léonard de Vinci qui passa ici (dans le manoir proche du Clos-Lucé) les deux dernières années de sa vie. Son tableau de la Vierge aux rochers semble avoir beaucoup impressionné le Maître de Claude de France, qui s’en est manifestement inspiré dans une des miniatures du Livre de prières de Claude de France (fol. 15v).
Un cadeau personnel
Trois ans après son mariage avec le comte d’Angoulême (et futur roi François Ier), la jeune Claude fut couronnée reine de France. En cette occasion solennelle, elle s’offrit à elle-même un cadeau et commanda à son peintre préféré un livre de prières qu’elle pourrait avoir toujours avec elle, grâce à son petit format. Son blason figure trois fois dans le manuscrit, dont deux fois sommé d’une couronne d’or. Le caractère très personnel du petit livre de prières est bien attesté par les multiples allusions au bonheur maternel et familial, ou par l’emploi de cordelières franciscaines pour encadrer les miniatures.
Livre de prières de Claude de France
À la loupe: la perfection artistique dans la conduite du pinceau
L’enlumineur virtuose a conféré aux images du Livre de prières de Claude de France un charme tout particulier par la finesse de ses dégradés et par ses rehauts d’or. Avec sa technique de touches de pinceau très fines, il a su ouvrir les formes prétendument fermées par la miniaturisation. Ainsi le délicat tissu de coups de pinceau ne se recompose pour le spectateur attentif que dans le moment même du regard. lL’effet obtenu de cette façon a continué de fasciner dans l’art et des siècles plus tard, on peut observer le même phénomène dans l’impressionnisme français. Le Maître de Claude de France a porté cette technique à son plus haut degré de perfection dans l’enluminure.
Sur le fol. 2v, c’est l’Évangéliste Luc qui manie le pinceau. Au registre inférieur, on le voit en train de peindre le portrait de la Vierge Marie qui se tient devant lui, selon le mode de représentation médiéval habituel. En arrière-plan de la scène se trouvent une table de travail avec un encrier, et un taureau, emblème de l’Évangéliste. Sur une étagère sont disposés des livres et quelques ballons de verre, allusion au rôle de médecin de saint Luc. En haut à gauche de l’image, on voit saint Luc prêcher devant une grande foule. La petite miniature rectangulaire, dans le champ du texte, le montre en même temps, et très traditionnellement, en train de rédiger son Évangile, dans son scriptorium: il travaille sur un pupitre, la bibliothèque ouverte derrière lui signale son érudition.
Livre de prières de Claude de France
Livre de prières de Claude de France: l’édition
Manuscrit et fac-similé en un coup d’œil
Le Livre de prières de Claude de France attire déjà l’attention par son format inhabituellement petit. Sur le plan artistique, il enchante par ses miniatures d’allure “impressionniste”. L’édition en fac-similé restitue très fidèlement chacune des touches de pinceau de cette merveilleuse peinture et ne manque pas de fasciner à l’instar de l’original devenu inaccessible avec le temps.
Manuscrit: New York, Morgan Library & Museum, MS M.1166
Date de réalisation: vers 1517
Lieu de réalisation: Tours
Format: env. 69 x 49 mm
Volume: 104 pages (52 feuillets)
Artiste: Maître de Claude de France (de Tours)
Commanditaire: Claude de France, reine de France
Composition: miniatures en pleine page et en double page avec 132 scènes,
de nombreuses parties en fins rehauts d’or chatoyant, très subtils dégradés, ex-libris de Pablo Picasso
Reliure: reliure de velours rouge bordeaux, avec des fermoirs dorés
Volume de commentaires: Roger S. Wieck / Cynthia J. Brown
Livre de prières de Claude de France
10 pages à feuilleter:
Un aperçu du manuscrit en fac-similé
L’extrait sélectionné du Livre de prières de Claude de France commence avec le fol. 26v et la représentation du Saint Esprit sous la forme d’une colombe blanche encadrée de plusieurs cercles de lumière colorée. Jusqu’au fol. 31r s’enchaînent des miniatures en pleine page montrant, à côté et au-dessous de la zone de texte, une scène de saint très vivante. Sont ainsi représentés successivement : sainte Véronique, saint Jean Baptiste, saint Jean l’Évangéliste, saint Pierre et saint Paul, saint Jacques et saint André. Le fol. 28r représente saint Michel Archange combattant le dragon.
sources: /quaternio.ch/fr/editions-en-fac-simile/livre-de-prieres-de-claude-de-france/