Livre une joie feroce
________
Parution :
14/08/2019
_____________
[LIVRE AUDIO]
Jeanne est une femme formidable. Tout le monde l’aime, Jeanne.
Libraire, on l’apprécie parce qu’elle écoute et parle peu. Elle a peur de déranger la vie. Pudique, transparente, elle fait du bien aux autres sans rien exiger d’eux. A l’image de Matt, son mari, dont elle connaît chaque regard sans qu’il ne se soit jamais préoccupé du sien.
Jeanne bien élevée, polie par l’épreuve, qui demande pardon à tous et salue jusqu’aux réverbères. Jeanne, qui a passé ses jours à s’excuser est brusquement frappée par le mal. « Il y a quelque chose », lui a dit le médecin en découvrant ses examens médicaux.
Quelque chose. Pauvre mot. Stupéfaction. Et autour d’elle, tout se fane. Son mari, les autres, sa vie d’avant. En guerre contre ce qui la ronge, elle va prendre les armes. Jamais elle ne s’en serait crue capable. Elle était résignée, la voilà résistante. Jeanne ne murmure plus, ne sourit plus en écoutant les autres. Elle se dresse, gueule, griffe, se bat comme une furie. Elle s’éprend de liberté. Elle découvre l’urgence de vivre, l’insoumission, l’illégalité, le bonheur interdit, une ivresse qu’elle ne soupçonnait pas.
Avec Brigitte la flamboyante, Assia l’écorchée et l’étrange Mélody, trois amies d’affliction, Jeanne la rebelle va détruire le pavillon des cancéreux et élever une joyeuse citadelle.
_____________________
Extrait
J'ai imaginé renoncer. La voiture était à l'arrêt. Brigitte au volant, Mélody à sa droite, Assia et moi assises sur la banquette arrière. Je les aurais implorées. S'il vous plaît. On arrête là. On enlève nos lunettes ridicules, nos cheveux synthétiques. Toi, Assia, tu te libères de ton voile. On range nos armes de farces et attrapes. On rentre à la maison. Tout aurait été simple, tranquille. Quatre femmes dans un véhicule mal garé, qui reprendrait sa route après une halte sur le trottoir.
Mais je n'ai rien dit. C'était trop tard. Et puis je voulais être là.
Brusquement, Mélody s'est redressée. Elle a enlevé ses lunettes noires.
Brigitte vient de sortir d'une arme de la boîte à gants.
- Mais putain! Qu'est-ce que c'est que ça? Tu es dingue! une crié Assia.
- Il faut toujours un vrai, au cas où.
- Un vrai quoi? j'ai demandé.
Assia s'est rendue dans son siège, elle avait remonté le voile sur son nez et fermée les yeux.
- Elle a emporté un vrai flingue.
Puis elle s'est dépliée lentement, le dossier principal du dossier.
- Donne-le-moi, s'il vous plaît.
Brigitte ne lui a pas répondu. Ses doigts tapotaient le volant. Assia était livide.
- Tu es complètement timbrée!
Garée sur le trottoir, la voiture gênait les passants. Une mère et sa poussette, un vieil homme, des enfants. Un jeune à casquette et un geste mauvais.
- Connasses!
Alors Brigitte a ouvert brutalement sa portière.
- On y va!