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Histoire de ma vie

 

 

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Je ne pense pas qu'il y ait de l'orgueil et de la pertinence a écrire  l'histoire de sa propre vie,encore moins a choisir,dans les souvenirs que cette vie a laissé en nous,ceux qui nous paraissent valoir la peine d'être conservés.Pour ma part je crois accomplir mon devoir,assez pénible même,car je ne connaîs rien de plus malaisé de se définir et de se resumer en personne.

L'étude du coeur humain est de telle nature,que plus on y absorbe,moins en y voit clair;et pour certains esprits actifs,se connaître est une étape fastidieuse et toujours incomplète,pourtant je l'accomplirai,ce devoir,je l'ai toujours devant les yeux;je me suis toujours promis de ne pas mourrir sans avoir fait ce que j'ai toujours conseillé aux autres de faire pour eux-même:une étude sincère de ma propre nature et un examen attentif de ma propre existence.

 

Une insurmontable paresse,(c'est la maladie des esprits trops occupés de celle de la jeunesse par consequent) m'a fait differer jusqu'à ce jour d'accomplir cette tâche;et,coupable peut-être envers moi même ,j'ai laissé publier sur mon compte un assez grand nombre de biographies pleines d'erreurs,dans la louange comme dans le blâme.

Il n'est pas jusqu'à mon nom qui ne soit une fable dans certaines de ces biographies,publiées d'abord à l'étranger et reproduites en France avec des modifications de fantaisie.Questionnée par les auteurs de ces récits,appelée a donner les renseignements qu'il me plairait de fournir,j'ai poussé l'apathie jusqu' a refuser à des personnes bienveillantes le plus simples indice.

j'éprouvais,je l'avoue un dégoût mortel à occuper le public de ma personnalité,lorsque je me sentais le coeur et la tête remplis de personnalités plus fortes,plus logiques,plus complètes,plus idéales,de types superieurs à moi même,de personnages de roman en un mot.Je sentais qu'il ne faut parler de soi en public qu'une fois en sa vie,trés sérieusement, et n'y plus revenir.

Quand on s'habitue à parler de soi,on en vient facilement a se vanter,et cela trés involontairement sans doute,par une loi naturelle de l'esprit humain,qui ne peut s'empêcher d'embellir et d'élever l'objet de sa contemplation.


 

je ne puis porter aussi loin l'amour du devoir, et que ce n'est pas sans un grand effort que je vais descendre dans la prose de mon sujet. 

J'ai toujours trouvé qu'il était de mauvais goût non-seulement de parler beaucoup de soi, mais encore de s'en entretenir longtemps avec soi-même. Il y a peu de jours, peu de moments dans la vie des êtres ordinaires où ils soient intéressants ou utiles à contempler. Je me suis sentie pourtant dans ces jours et dans ces heures-là quelquefois comme tout le monde, et j'ai pris la plume alors pour épancher quelque vive souffrance qui me débordait, ou quelque violente anxiété qui s'agitait en moi. La plupart de ces fragments n'ont jamais été publiés, et me serviront de jalons pour l'examen que je vais faire de ma vie. Quelques-uns seulement ont pris une forme à demi confidentielle, à demi littéraire, dans des lettres publiées à certains intervalles et datées de divers lieux. Elles ont été réunies sous le titre de lettre d'un voyageur. A l'époque où j'écrivis ces lettres, je ne me sentis pas trop effrayée de parler de moi-même, parce que ce n'était pas ouvertement et iitté'-atement de moi-même que je parlais alors. Ce voyageur était une sorte de fiction, un personnage convenu, masculin comme mon pseudonyme, vieux quoique je fusse encore jeune; et dans la bouche de ce triste pèlerin, qui en somme était une sorte de héros de roman, je mettais des imprcs-sions et des réflexions plus personnelles que je ne les aurais risquées dans un roman, où les conditions de l'art sont plus sévères. 

J'avais besoin alors d'exhaler certaines agitations, mais non le besoin d'occuper de moi mes lecteurs. Je l'ai peut.être moins encore aujourd'hui, ce besoin puéril chez l'homme et dangereux tout au moins chez l'artiste. Je dirai pourquoi je ne l'ai pas, et aussi pourquoi je vais pourtant écrire ma propre vie comme si je l'avais, comme on mange par raison sans éprouver aucun appétit. 

Je ne l'ai pas, parce que je me trouve arrivée à un âge de calme où ma personnalité n'a rien à gagner à se produire, et où je n'aspirerais qu'à la faire oublier, à l'oublier moi-même entièrement, je ne suivais que mon instinct, et si je ne consultais que mon goût. Je ne cherche plus le mot des énigmes qui ont tourmenté ma jeunesse; j'ai résolu en moi bien des probièmes qui m'empêchaient de dormir. On m'y a aidée, car à moi seule je n'aurais vraisem- blablement rien éclairci. 

Mon siècle a fait jaillir les étincelles de la vérité qu'il couve; je les ai vues, et je sais où en sont les foyers principaux, cela me suffit. J'ai cherché jadis la lumière dans des faits de psychologie. C'était absurde. Quand j'ai compris que cette lumière était dans des principes, et que ces principes étaient en moi sans venir de moi, j'ai pu, sans trop d'effort ni  de mérite, entrer dans le repts de l'esprit. Celui du cœur ne s'est point fait et ne se fera jamais. Pour ceux qui sont nés compatissants, il y aura toujours à aimer sur la terre, par conséquent à plaindre, à servir, à souffrir. Il ne faut donc point chercher l'absence de douleur, de fatigue et d'effroi, à quelque âge que ce soit de la vie, car ce serait l'insensibilité, l'impuissance, la mort anticipée. Quand on a accepté un mal incuraMe, on le supporte mieux. Dans ce calme de la pensée et dans cette résignation du sentiment, je ne saurais avoir d'amertume contre le genre humain qui se trompe; ni d'enthousiasme pour moi-même qui me suis trompée si longtemps. Je n'ai donc aucun attrait de lutte, aucun besoin d'expansion qui me porte à parler de mon présent ou de mon passé. 

Mais j'ai dit que je regardais comme un devoir de le faire, et voici pourquoi 

Beaucoup d'êtres humains vivent sans se rendre un compte sérieux de leur existence, sans comprendre et presque sans chercher quelles sont les vues 
de Dieu à leur égard, par rapport à leur individualité aussi bien que par rapport à la société dont ils font partie. Ils passent parmi nous sans se révéler, parce qu'ils végètent sans se connaître, et, bien que leur destinée, si mal développée qu'elle soit, ait toujours son genre d'utilité ou de nécessité conforme aux vues de la Providence, il est fatalement certain que la manifestation de leur vie reste incomplète et moralement inféconde pour le reste des hommes. 
 

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