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Paul verlaine vie

 

Portrait de Paul VERLAINE

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Nous sommes le 30 Mars 1844 Paul Verlaine voit le jour  à Metz , où son père, qui est officier, se trouve en garnison. Les parents de Verlaine, longtemps restés sans enfants, ont adopté une nièce, Élisa. Elle sera pour leur fils une grande sœur pleine d'indulgence. Verlaine, enfant, est excessivement "gâté".

Si nous devions décrire a cette periode la famille de Verlaine,nous remarquerions  d'abord son appartenance à la petite bourgeoisie :  en effet son père, comme d'ailleurs celui de Rimbaud, est capitaine dans l’armée.  quant à sa mère  ensuite nous releverions qu' elle vécut un temps à Fampoux et gardera longtemps sur la cheminée familiale les bocaux avec les fœtus de ses fausses-couches.

Voici l'année 1855 et le petit Paul souffle ses onze bougies. la famille est alors installée à Paris depuis 1851,le petit garçon commence  des études médiocres au lycée Condorcet. Passionné de dessin et de littérature, Il écrit des vers et des nouvelles à la manière d'Edgar Poe. Mais c'est surtout à cette période qu'il comprend sa particularité et decouvre ses premières expériences homosexuelles.

Cependant l'année 1858 marquera l'adolescent de 14 ans pour la vie il enverra un poème "La Mort". à son maître Victor Hugo alors refugié à Guernesey.Ce sera la naissance d'une amité particulière entre les deux hommes.

1862 c'est alors l'année de ses 18 ans,mais surtout sa reussite au bac 
 Verlaine devient employé peu assidu à l'hôtel de ville de Paris. Déjà, il hante les cafés ; mais aussi découvre la poésie.
Il publie quelques poèmes dans des revues, a des liaisons homosexuelles et des tendances alcooliques.

Un an plus tard,en 1863, agé de 19 ans Paul va pourtant découvrir l'amour c'est vers sa soeur adoptive Elisa que va s ouvrir son coeur :un amour impossible,interdit la jeune femme mariée va le repousser. premier amour,premier echec

Il faut attendre l année 1865 pourque le jeune-homme de 21 ans fasse ses premiers pas dans la littérature.Il est alors chargé de la critique littéraire dans la revue "L'Art", Paul écrit des articles élogieux sur Baudelaire et Hugo.Son carnet d'adresse s'agrandit, il rencontre  les parnassiens, François Coppée, Théodore de Banville, José-Maria de Heredia et Leconte de Lisle. Mais cette année est marquée  d'un brassart noir avec la mort de son père .

l'année 1866 marque à l'âgede 22 ans la publication des Poèmes saturniens. Verlaine y professe l'impassibilité parnassienne avec une série "d'eaux-fortes" avec des tableaux dans le goût du Parnasse.

Déjà, pourtant, le vrai Verlaine apparaît, avec sa sensualité, sa tendresse et sa mélancolie. Il y compose des "paysages tristes", évoque un amour disparu, "Nevermore", une femme idéale, "Mon Rêve familier, associe aux caprices de son imagination le charme d'un paysage crépusculaire, "Soleils couchants", et laisse entendre un écho assourdi de l'inquiétude romantique, "Chanson d'automne". Déjà son instinct poétique le conduit à assouplir l'alexandrin, à manier les rythmes impairs, à suggérer des états vagues par des strophes vaporeuses.

1867 le jeune Verlaine à 23 ans. il va être meurti dans son coeur;Elisa, cette demie soeur  aimée sans retour est morte, Amour interdit  chagrin trops fort Paul sombre dans l'alcoolisme et s'étourdit d'activités. II collabore à diverses revues, écrit un sketch avec François Coppée "Qui veut des merveilles", puis une édition clandestine d'un recueil de sonnets érotiques, "Les Amies".


Les "Fêtes galantes",paraissent en 1869 c'est  le second recueil, Verlaine s'inspire de Watteau et des autres peintres qui, au XVIIIème siècle surtout, ont évoqué les plaisirs d'une société élégante et frivole.

Quelques répliques s'entrecroisent, et nous apercevons un abbé galant, un marquis à perruque, des dames déguisées en bergères, un Pierrot exalté, tandis que des notes de musique égrenées sur une guitare accompagnent leurs jeux un peu fous, "Sur l'herbe". Verlaine s'éprend de la sœur d'un ami, Mathilde Mauté, qui n'a alors que seize ans. Pendant ses fiançailles, il mène une vie sobre et régulière. Les poèmes qu'il dédie à Mathilde trouvent place dans le recueil "La Bonne Chanson" qui paraît en 1872.

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1870 La Bonne Chanson
C'est le troisième recueil d'un caractère plus personnel. Peu d'œuvres, dans l'histoire de la poésie française, sont aussi sincères et aussi émouvantes. Cette fois, c'est l'accord de deux âmes que chante Verlaine après ses fiançailles avec Mathilde Mauté, 16 ans. Il dit ses joies pures, son enthousiasme d'amoureux, imagine le bonheur paisible du foyer. La lune, qui baignait de mélancolie le décor des "Fêtes galantes", verse maintenant dans son cœur"un vaste et tendre apaisement". Jadis instable et inquiet, il a conquis, pour quelque temps, l'équilibre et la paix.
Verlaine se marie en 1870 mais au rêve des fiançailles succèdent, presque tout de suite, les malentendus conjugaux.

Guerre entre la France et l'Allemagne. Mariage de Verlaine avec Mathilde (11 août 1870). Poussé par Mathilde, Verlaine s'engage dans la Garde nationale. Pendant la Commune de Paris (mars à mai 1871), Verlaine qui a des sympathies socialistes se met au service des insurgés comme attaché de presse. Verlaine prend fait et cause pour la Commune de Paris, réprimée dans un bain de sang par le gouvernement d’Adolphe Thiers, installé à Versailles. Verlaine quitte Paris avec sa femme par crainte des représailles, et ce n’est que peu de temps après son retour à Paris, alors que le jeune couple est logé chez les parents de Mathilde, qu’Arthur Rimbaud surgit dans sa vie et vient la bouleverser.

II doit se cacher pendant la répression de l'émeute. Naissance de Georges Verlaine, le fils du poète (octobre 1871)

Lettres de Rimbaud, alors âgé de seize ans, qui ne connaît Verlaine que par ses livres. Verlaine accepte d'accueillir chez lui l'adolescent en révolte contre sa famille. Naissance d'une relation homosexuelle entre eux.

Verlaine quitte son épouse et part en compagnie du jeune poète pour l’Angleterre et la Belgique. C’est pendant ces voyages qu’il écrira une grande partie du recueil Romances sans paroles. En 1873, lors d’une dispute au domicile de sa mère à Bruxelles, il tire deux coups de révolver en direction de Rimbaud et le blesse d’une balle au poignet. Bien que Verlaine regrette immédiatement jusqu’à supplier Rimbaud de le tuer, ce dernier prend peur lorsque Verlaine le devance en pleine rue et qu’il porte sa main à son revolver.
 Celui-ci n'est que légèrement blessé, mais Verlaine est condamné à deux ans de prison pour tentative de meurtre. Il purge sa peine à Mons en Belgique.

 Bien que Rimbaud ait retiré sa plainte, il est condamné à l’issue d’un procès relaté par la presse, à deux ans de prison, plus en raison de son homosexualité, alors condamnable, que de l’incident. Il les purge à Bruxelles et à Mons. Durant son séjour en prison, où il élabore la matière d’un recueil qui ne verra jamais le jour (Cellulairement), son épouse obtient la séparation de corps dont la procédure avait été lancée dès 1871. Il se convertit au catholicisme.

De cette nuit mystique en prison date probablement l’abandon de Cellulairement et l’idée du recueil Sagesse, qui profitera, avec Jadis et Naguère (1884) et Parallèlement (1888), d’une grande partie des poèmes du recueil mort-né. À sa sortie, il se rend à nouveau en Angleterre.

 


Publication de "Romances sans paroles". Ces poèmes ont été composés pour la plupart en 1872 et 1873 ; plusieurs se ressentent d'une influence de Rimbaud, auquel Verlaine emprunte des thèmes et des rythmes de chansons. Les impressions de voyage, "Paysages belges", voisinent avec les vers lyriques des "Ariettes oubliées", où domine une immense tristesse.

Août 1874
En prison, brusque conversion religieuse de Verlaine. II se rapproche du courant monarchiste et traditionaliste.

Fin de la détention à la prison de Mons en Belgique.  c'est le début de l'année 1875 Vaine tentative pour convertir Rimbaud au christianisme.

1875- 1877 (31-33 ans) c'est pour Paul une période de calme il est alors professeur de français et de dessin dans un pensionnat anglais. Entre 31 et 33 ans Verlaine estheureux.

Octobre 1877-Juillet 1879 (33-35 ans) Professeur dans un collège catholique à Rethel (Ardennes). Verlaine se prend d'une affection toute paternelle pour un de ses élèves, Lucien Létinois, alors âgé de dix-huit ans ; il recommence à boire.

Fin 1879 (35 ans)
Verlaine et Létinois travaillent quelques mois comme professeur et surveillant dans une école anglaise.

1880 (36 ans)
La mère de Verlaine consacre ses dernières économies à l'achat d'une ferme dans les Ardennes pour son fils. Verlaine et Létinois travaillent la terre.

1881 (37 ans)
Publication de Sagesse. Le livre n'a aucun succès. Ces poèmes ont été composés, les uns en prison, d'autres après la captivité ; mais il règne dans tout le recueil une certaine unité de ton et d'atmosphère. Le poète fait un retour douloureux sur son passé, "Gaspard Hauser chante ; Le ciel est par-dessus le toit", ou écoute résonner à ses oreilles la voix de sa femme comme un enseignement évangélique, "Écoulez la chanson bien douce...". Ardemment, humblement, il cherche la sagesse, songe à la foi vivante des siècles passés et à l'enthousiasme fécond des bâtisseurs de cathédrales. Il chasse les voix impures de l'orgueil, de la haine, de la chair, pour obéir à "la voix terrible de l'amour". Il s'offre à Dieu, à la Vierge Marie ; et il reproduit en une suite d'admirables sonnets le dialogue de l'Homme avec son Dieu.

1882 (38 ans)
Faillite de l'exploitation agricole. Verlaine, ne trouvant pas d'emploi en raison de son casier judiciaire, se condamne aux travaux forcés littéraires. Suite d'oeuvres en prose assez médiocres : "Nos Ardennes", " Voyage en France par un Français", pamphlet réactionnaire et clérical, " Les Poètes maudits", " Les Hommes d'aujourd'hui", un recueils de souvenirs littéraires.

1883 (39 ans)
Lucien Létinois meurt de la fièvre typhoïde. Désespéré, Verlaine sombre dans l'ivrognerie et la pédérastie.En 1883, il publie dans la revue Lutèce la première série des « poètes maudits » (Stéphane Mallarmé, Tristan Corbière, Arthur Rimbaud) qui contribue à le faire connaître. Avec Mallarmé, il est traité comme un maître et un précurseur par les poètes du symbolisme et par les décadents. En 1884, il publie Jadis et Naguère qui marque son retour sur l’avant-scène littéraire, bien que le recueil soit essentiellement composé de poèmes antérieurs à 1874. La même année, dans À Rebours, J.-K. Huysmans lui réserve une place prééminente dans le Panthéon littéraire de Des Esseintes.

1884 (40 ans)
Publication de "Jadis et Naguère". Pendant l'été, à la suite d'une bagarre de rue, Verlaine est condamné à un mois de prison.

1885-1887 (41-43 ans)
Abandonné de tous, Verlaine s'installe à Paris dans un taudis, Cour Saint-François. Sa mère meurt près de lui en janvier 1886. Verlaine est quasiment réduit à la mendicité. Fréquents séjours à l'hôpital.

En 1885, dans les Déliquescences d’Adoré Floupette, Gabriel Vicaire et Henri Beauclair le consacrent officieusement chef d’école des Décadents. En 1886, il collabore à la Revue contemporaine d’Édouard Rod. À partir de 1887, alors que sa célébrité s’accroît, il plonge dans la misère la plus noire. Le jeune compositeur Reynaldo Hahn chantera dans le salon Alphonse Daudet, devant le poète, son premier cycle de mélodies, les Chansons grises qui regroupe sept poèmes de l’auteur (partition publiée en 1893 par la maison Heugel).

Les productions littéraires de ses dernières années sont purement alimentaires (à l’exception peut-être de Femmes et Hombres, recueils de poèmes érotiques publiés sous le manteau). À cette époque, il partage son temps entre le café et l’hôpital. En 1894, il est couronné « Prince des Poètes » et doté d’une pension. Usé prématurément, il meurt en 1896, à Paris à l’âge de 51 ans. Le lendemain de son enterrement, plusieurs quotidiens relatent un événement curieux : dans la nuit qui a suivi les obsèques, la statue de la Poésie, au faîte de l’Opéra, a perdu un bras qui s’est écrasé, avec la lyre qu’il soutenait, à l’endroit où le corbillard de Verlaine venait de passer.



1888 (44 ans)
Rencontre d'écrivains qui deviendront tous célèbres : Huysmans, Bloy, Barrès, Gide. Publication du recueil poétique "Amour". Les amis de Verlaine se cotisent pour lui assurer une rente mensuelle.

1889 (45 ans)
Publication de "Parallèlement". Ses dernières œuvres révèlent ses oscillations entre la vertu et le péché, entre la chair et l'esprit.

1890 (46 ans)
Publication de "Dédicaces".

1891 (47 ans)
Publication de "Mes hôpitaux", un essai, et de "Bonheur". Verlaine vit aux crochets de deux prostituées qui se jalousent. II leur dédie des vers sans grande valeur : "Chansons pour Elle", "Odes en son honneur", "Élégies", "Dans les limbes". Il publie également un recueil d'inspiration religieuse : "Liturgies intimes", et des œuvres en prose : "Mes prisons" "Onze Jours en Belgique". Nouveaux séjours à l'hôpital.

1893 (49 ans)
Verlaine pose sa candidature à l'Académie française en mars. II ne recueille aucune voix, mais un référendum du quotidien "Le Journal" le sacre Prince des Poètes.

1895 (51 ans)
Édition des "Épigrammes et des Biblio-sonnets". Verlaine devient impotent.

8 Janvier 1896 (51 ans)
Mort misérable de Verlaine. Édition posthume de trois recueils : "Invectives", "Chair" et "Poésies diverses".

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« Il surprend, il choque le regard. Il a l'air à la fois farouche et câlin, sauvage et familier. Un Socrate instinctif, ou mieux, un faune, un satyre, un être à demi brute, à demi dieu, qui effraye comme une force naturelle qui n'est soumise à aucune loi connue. Oh ! oui, c'est un vagabond, un vieux vagabond des routes et des faubourgs.

Il fut des nôtres, jadis. Il a été nourri dans une obscurité douce, par une veuve pauvre et de grande distinction, au fond des paisibles Batignolles. Comme nous tous, il fit ses études dans quelque lycée et, comme nous tous, il devint bachelier après avoir assez étudié les classiques pour les bien méconnaître. Et, comme l'instruction mène à tout, il entra ensuite dans un bureau, dans je ne sais quel bureau de la Ville. En ce temps-là, le baron Haussmann accueillait largement, sans le savoir, dans les services de la préfecture, les poètes chevelus et les petits journalistes.

On y lisait les Châtiments à haute voix et on y célébrait la peinture de Manet. Paul Verlaine recopiait ses Poèmes saturniens sur le papier de l'administration. Ce que j'en dis n'est pas pour le lui reprocher. Dans cette première jeunesse, il vivait à la façon de François Coppée, d'Albert Mérat, de Léon Valade, de tant d'autres poètes, prisonniers d'un bureau, qui allaient à la campagne le dimanche.

Cette modeste et monotone existence, favorable au rêve et au travail patient du vers, était celle de la plupart des parnassiens. Seul ou presque seul dans le cénacle, M. Jose-Maria de Heredia, bien que frustré d'une grande part des trésors de ses aïeux, les conquistadores, faisait figure de jeune gentleman et fumait d'excellents cigares. Ses cravates avaient autant d'éclat que ses sonnets. Mais c'est des sonnets seulement que nous étions jaloux. Tous, nous méprisions sincèrement les biens de la fortune.

Nous n'aimions que la gloire, encore la voulions-nous discrète et presque cachée. Paul Verlaine était, avec Catulle Mendès, Léon Dierx et François Coppée, un parnassien de la première heure. Nous avions, je ne sais trop pourquoi, la prétention d'être impassibles. Le grand philosophe de l'école, M. Xavier de Ricard, soutenait avec ardeur que l'art doit être de glace, et nous ne nous apercevions même point que ce doctrinaire de l'impassibilité n'écrivait pas un vers qui ne fût l'expression violente de ses passions politiques, sociales ou religieuses. Son large front d'apôtre, ses yeux enflammés, sa maigreur ascétique, son éloquence généreuse ne nous détrompaient pas. C'était le bon temps, le temps où nous n'avions pas le sens commun !

Depuis, M. de Ricard, irrité de la froideur des Français du Nord, s'est retiré près de Montpellier, et, de son ermitage du Mas-du-Diable, il répand sur le Languedoc l'ardeur révolutionnaire qui le dévore. Paul Verlaine prétendait autant que personne à l'impassibilité. Il se comptait sincèrement parmi ceux qui « cisèlent les mots comme des coupes », et il comptait réduire les bourgeois au silence par cette interrogation triomphante :

« Est-elle en marbre ou non, la Vénus de Milo ? »

Sans doute, elle est en marbre. Mais, pauvre enfant malade, secoué par des frissons douloureux, tu n'en es pas moins condamné à chanter comme la feuille en tremblant, et tu ne connaîtras jamais de la vie et du monde que les troubles de ta chair et de ton sang.

Laisse là le marbre symbolique, ami, malheureux ami ; ta destinée est écrite. Tu ne sortiras pas du monde obscur des sensations, et, te déchirant toi-même dans l'ombre, nous entendrons ta voix étrange gémir et crier d'en bas, et tu nous étonneras tour à tour par ton cynisme ingénu et par ton repentir véritable. I nunc anima anceps...

Non certes, les Poèmes saturniens publiés en 1867, le jour même où François Coppée donnait son Reliquaire, n'annonçaient point le poète le plus singulier, le plus monstrueux et le plus mystique, le plus compliqué et le plus simple, le plus troublé, le plus fou, mais à coup sûr le plus inspiré et le plus vrai des poètes contemporains. Pourtant, à travers les morceaux de facture, et malgré le faire de l'école, on y devinait une espèce de génie étrange, malheureux et tourmenté. Les connaisseurs y avaient pris garde et M. Émile Zola se demandait, dit-on, lequel irait le plus loin de Paul Verlaine ou de François Coppée.

Les Fêtes galantes parurent l'année qui suivit. Ce n'était qu'un mince cahier. Mais déjà Paul Verlaine s'y montrait dans son ingénuité troublante, avec je ne sais quoi de gauche et de grêle d'un charme inconcevable. Qu'est-ce donc que ces fêtes galantes ? Elles se donnent dans la Cythère de Watteau. Mais, si l'on va encore au bois par couples, le soir, les lauriers sont coupés, comme dit la chanson, et les herbes magiques qui ont poussé à la place exhalent une langueur mortelle.

Verlaine, qui est de ces musiciens qui jouent faux par raffinement, a mis bien des discordances dans ces airs de menuet, et son violon grince parfois effroyablement, mais soudain tel coup d'archet vous déchire le cœur. L e méchant ménétrier vous a pris l'âme. Il vous la prend en jouant, par exemple, le Clair de lune que voici :

« Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.

Tout en chantant sur le mode mineur,
L'amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur,
Et leur chanson se mêle au clair de lune,

Au clair calme de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d'extase les jets d'eau,
Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres. »

L'accent était nouveau, singulier, profond.

On l'entendit encore, notre poète, mais à peine cette fois, quand, à la veille de la guerre, trop près des jours terribles, il disait la Bonne chanson, des vers ingénus, très simples, obscurs, infiniment doux. Il était fiancé alors, et le plus tendre, le plus chaste des fiancés. Les satyres et les faunes doivent chanter ainsi lorsqu'ils sont très jeunes, qu'ils ont bu du lait et que la forêt s'éveille dans l'aube et dans la rosée.

Tout à coup Paul Verlaine disparut. Il fut du poète des Fêtes galantes comme du compagnon du Vau de Vire dont parle la complainte. On n'ouït plus de ses nouvelles : Il se fit sur lui un silence de quinze ans ; après quoi on apprit que Verlaine pénitent publiait un volume de poésies religieuses dans une librairie catholique. Que s'était-il passé pendant ces quinze années ? je ne sais. Et que sait-on ?

L'histoire véritable de François Villon est mal connue. Et Verlaine ressemble beaucoup à Villon ; ce sont deux, mauvais garçons à qui il fut donné de dire les plus douces choses du monde. Pour ces quinze années, il faut s'en tenir à la légende qui dit que notre poète fut un grand pécheur et, pour parler comme le bien regretté Jules Tellier, un « de ceux que le rêve a conduits à la folie sensuelle ». C'est la légende qui parle. Elle dit encore que le mauvais garçon fut puni de ses fautes et qu'il les expia cruellement. Et l’on a voulu donner quelque apparence à la légende en citant ces stances pénitentes d'une adorable ingénuité :

« Le ciel est par-dessus le toit
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit
Berce sa palme.

La cloche, dans le ciel qu'on voit
Doucement tinte
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit,
Chante sa plainte.

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là
Simple et tranquille,
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.

Qu'as-tu fait ô toi que voilà,
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ? »

Sans doute ce n'est qu'une légende, mais elle prévaudra. Il le faut. Les vers de ce poète détestable et charmant perdraient de leur prix et de leur sens s'ils ne venaient pas de cet air épais, « muet de toute lumière », où le Florentin vit les pécheurs charnels qui soumirent la raison à la convoitise,

« Que la ragion sommettono al talento. »

Et puis, il faut que la faute soit réelle pour que le repentir soit vrai. Dans son repentir Paul Verlaine revint au Dieu de son baptême et de sa première communion avec une candeur entière. Il est tout sens. Il n'a jamais réfléchi, jamais argumenté.

Nulle pensée humaine, rien d'intelligent n'a troublé son idée de Dieu. Nous avons vu que c'était un faune. Ceux qui ont lu les vies des saints savent avec quelle facilité les faunes, qui sont très simples, se laissaient convertir au christianisme par les apôtres des gentils. Paul Verlaine a écrit les vers les plus chrétiens que nous ayons en France. Je ne suis pas le premier à le découvrir. M. Jules Lemaître disait que telle strophe de Sagesse rappelait par l'accent un verset de l'Imitation. Le XVIIe siècle, sans doute, a laissé de belles poésies spirituelles. Corneille, Brébeuf, Godeau se sont inspirés de l'Imitation et des Psaumes.

Mais ils écrivaient dans le goût Louis XIII, qui était un goût trop fier et même quelque peu capitan et matamore. Comme Polyeucte au temps du Cardinal, leurs poètes pénitents avaient un chapeau à plumes, des gants à manchettes et une longue cape que la rapière relevait en queue de coq. Verlaine fut humble naturellement ; la poésie mystique jaillit à flots de son cœur et il retrouva les accents d'un saint François et d'une sainte Thérèse :

« Je ne veux plus aimer que ma mère Marie.

Car comme j'étais faible et bien méchant encore,
Aux mains lâches, les yeux éblouis des chemins,
Elle baissa mes yeux et me joignit les mains,
Et m'enseigna les mots par lesquels on adore. »

Ou bien encore, ces vers sans rime et pareilles à ces pieux soupirs dont les mystiques vantent la douceur :
« Ô mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour,
Et la blessure est encore vibrante,
Ô mon Dieu, vous m'avez blessé d'amour.

Voici mon front qui n'a pu que rougir,
Pour l'escabeau de vos pieds adorables,
Voici mon front qui n'a pu que rougir.

Voici mes mains qui n'ont pas travaillé,
Pour les charbons ardents et l'encens rare,
Voici mes mains qui n'ont point travaillé,

Voici mon cœur qui n'a battu qu'en vain,
Pour palpiter aux ronces du calvaire,
Voici mon cœur qui n'a battu qu'en vain.

Voici mes pieds, frivoles voyageurs,
Pour accourir au cri de votre grâce,
Voici mes pieds, frivoles voyageurs.

Voici mes yeux, luminaires d'erreur,
Pour être éteints aux pleurs de la prière,
Voici mes yeux, luminaires d'erreur. »

Sincère, bien sincère, cette conversion ! Mais de peu de durée. Comme le chien de l'Écriture, il retourna bientôt à son vomissement. Et sa rechute lui inspira encore des vers d'une exquise ingénuité. Alors, que fit-il ? Aussi sincère dans le péché que dans la faute, il en accepta les alternatives avec une cynique innocence. Il se résigna à goûter tour à tour les blandices du crime et les affres du désespoir. Bien plus, il les goûta pour ainsi dire ensemble ; il tint les affaires de son âme en partie double. De là ce recueil singulier de vers intitulé Parallèlement. Cela est pervers sans doute, mais d'une perversité si naïve, qu'elle semble presque pardonnable.

Et puis il ne faut pas juger ce poète, comme on juge un homme raisonnable. Il a des droits que nous n'avons pas parce qu'il est à la fois beaucoup plus et beaucoup moins que nous. Il est inconscient, et c'est un poète comme il ne s'en rencontre pas un par siècle. M. Jules Lemaître l'a bien jugé quand il a dit : « C'est un barbare, un sauvage, un enfant... Seulement cet enfant a une musique dans l'âme et, à certains jours, il entend des voix que nul avant lui n'avait entendues ...

Il est fou, dites-vous ? je le crois bien. Et si je doutais qu'il le fût, je déchirerais les pages que je viens d'écrire. Certes, il est fou. Mais prenez garde que ce pauvre insensé a créé un art nouveau et qu'il y a quelque chance qu'on dise un jour de lui ce qu'on dit aujourd'hui de François Villon auquel il faut bien le comparer : - « C'était le meilleur poète de son temps ! »

Dans un récit nouvellement traduit par M. E. Jaubert, le comte Tolstoï nous dit l'histoire d'un pauvre musicien ivrogne et vagabond qui exprime avec son violon tout ce qu'on peut imaginer du ciel. Après avoir erré toute une nuit d'hiver, le divin misérable tombe mourant dans la neige. Alors une voix lui dit : « Tu es le meilleur et le plus heureux ». Si j'étais Russe, du moins si j'étais un saint et un prophète russe, je sens qu'après avoir lu Sagesse je dirais au pauvre poète aujourd'hui couché dans un lit d'hôpital : « Tu as failli, mais tu as confessé ta faute. Tu fus un malheureux, mais tu n'as jamais menti. Pauvre Samaritain, à travers ton babil d'enfant et tes hoquets de malade, il t'a été donné de prononcer des paroles célestes. Nous sommes des Pharisiens. Tu es le meilleur et le plus heureux. »
 

 

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Bibliothèque de Paul Verlaine

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Ouevre choisie

dans la Bibliothèque

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Poésies par Verlaine

LIRE UN EXTRAIT
Éditeur :

 POCKET 

Publié

(24/08/2000)

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En 1896, une foule d'amis, d'écrivains et de prostituées accompagne le cercueil de Verlaine, sacré « Prince des poètes », au cimetière des Batignolles. Plus d'un siècle plus tard, on écoute encore « la chanson bien douce » qui transfigure une vie de vagabondage, de misère, d'absinthe et de déchéance, souvent sauvée par l'humilité et la foi.

Le poète maudit fascine encore. Des « Fêtes galantes » aux « Romances sans paroles », comment une telle musique, de telles harmonies peuvent-elles surgir d'une destinée si incohérente ?
« Va mon Livre, où le hasard te mène », disait-il dans les poèmes saturniens, par les chemins de la tendresse et de la volupté, du vice et de la prison, du mysticisme et de l'Art.

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Une compilation de poèmes de Verlaine... Sacrilège ? Non, car c'est le poète lui-même qui, en 1891, a réuni ce qui lui semblait être ses meilleurs textes, pour les publier sous le titre de "Choix de poésies", et leur donner ainsi une seconde vie.
Force est de constater que l'auteur ne s'est pas trompé : on retrouve ici tous ses poèmes qui sont depuis passés à la postérité, aux côtés d'autres moins connus, mais tout aussi brillants (pas tous quand même...).
Lire ce recueil fut donc un vrai plaisir, qui m'a dans certains cas ramené sur les bancs de l'école (Ah, Ariettes oubliées !). le livre idéal pour (re)découvrir Verlaine ; une magnifique synthèse.
Un ouvrage qu'on devrait trouver dans toutes les bonnes bibliothèques, publiques ou privées.
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L'intégrale - ou presque - de Verlaine, choisie par le poète lui-même ("C'est en 1891 que Verlaine fit paraître son propre Choix de poésies. Il rassemble des pièces des Poèmes saturniens, des Fêtes galantes, de la Bonne Chanson, des Romances sans paroles...") dans une belle édition poche.
LE livre qui permet de retrouver les classiques du poète mais aussi les oubliés, les un peu ratés, et de visualiser le chemin non linéaire de Verlaine, avec sa naïveté, son exaltation, sa description de paysages (des Soleils couchants à la pluie grise en passant par la neige et les plaines belges...), ses amours, ses spleens, ses questionnements, sa mélancolie douce. Et surtout la musique de son art poétique : "De la musique avant toute chose... que ton vers soit la bonne aventure / Éparse au vent crispé du matin / Qui va fleurant la menthe et le thym... / Et tout le reste est littérature."
Dans la trousse de survie sur l'île déserte. :-)


 

 


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