Bordeaux 19eme siecle

 

Bordeaux connut son second apogée au milieu du XVIIe siècle et cela jusqu’à la Révolution française. Cette prospérité provint à nouveau de son port, qui devint le premier port du royaume, une place commerciale de premier ordre. Elle exportait ses vins et ses productions locales vers l’Europe du Nord, dont elle importait les marchandises pour les réexpédier vers les colonies en retour le port approvisionnait une grande partie de l’Europe en café, cacao, sucre, coton et indigo. Le commerce colonial connaissait un essor spectaculaire, les voyages en droiture se multipliaient. De plus, les négociants multiplièrent les expéditions vers les Amériques, le Canada, l’Afrique, mais aussi l’Inde et la Chine.

Bordeaux depuis la porte des salinières

Bordeaux depuis la porte des salinières

À partir du 16 janvier 1716, une lettre patente du Roi autorisa Bordeaux, Rouen, La Rochelle, Nantes et Saint-Malo à pratiquer la traite des esclaves.Bordeaux devint le troisième port français de la traite.

En 1700, la ville comptait 40 000 habitants, ce qui en fit l’un des centres urbains les plus importants du royaume. Siège de nombreuses institutions, Parlement, Cour des Aides, Intendance, Université, Hôtel des Monnaies, Bureau des Fermes, Chambre de commerce, Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts, entre autres, Bordeaux devint véritablement capitale de la Guyenne.

Après la mort de Louis XIV, les relations avec le pouvoir central, souvent empreintes de méfiance, se détendirent.

Jean-Marc Nattier (1685-1766) - Armand de Vignerot du Plessis  Maréchal de Richelieu

Jean-Marc Nattier (1685-1766) – Armand de Vignerot du Plessis Maréchal de Richelieu

Le Gouverneur, notamment le Maréchal de Richelieu (1758-1788), tint un rôle de représentation royale déterminant dans la cité. L’homme fort était toutefois l’Intendant. Relevant directement du Conseil du Roi, il donnait toute l’impulsion à l’administration. À cette fonction se succédèrent principalement Claude Boucher (1720-1743), Louis-Urbain Aubert, marquis de Tourny (1743-1757) et Nicolas Dupré de Saint-Maur (1776-1785). Représentant le roi à la tête de la généralité ou province d’Aquitaine, ces trois intendants transformèrent la ville.

En 1704, le feu prit au Parlement et consuma une partie des archives.

En 1713 fut fondée l’Académie des sciences et belles-lettres de Bordeaux, à qui Jean-Jacques Bel, conseiller au Parlement, léguait vingt-cinq ans plus tard son hôtel et sa bibliothèque.

La peste de Marseille, en 1720, conduit Bordeaux à prendre des mesures de précaution, tandis que sa population élevée soulevait des problèmes d’ordre public.

À cette époque commença l’ascension du sieur Pufeder chargé d’établir les certificats de santé pour les nouveaux venus. Celui-ci devint en 1724 « préposé à la déclaration des étrangers », nommé par l’intendant Claude Boucher. Il était chargé de recevoir les déclarations des hôteliers, aubergistes ainsi que des dixainiers. Mais il occupa aussi d’autres fonctions : il accompagna ainsi des soldats à la recherche d’un déserteur dans la ville, afin d’éviter les heurts avec les habitants, ou rendit la justice militaire en cas de « bavure » d’un garde. En 1747, Pufeder fils, qui avait hérité de la même charge, envoya un mémoire à l’intendant Tourny afin d’améliorer la qualité du recrutement de cette nouvelle institution policière. Il projetait de diviser Bordeaux en seize quartiers, d’instituer quatre cinquanteniers (ou « inspecteurs ») dans chaque quartier chargé de superviser l’action des dixainiers, dont le nombre serait réduit à 256. Peu de temps auparavant, Tourny avait créé des commissaires de police, à Limoges, sur le modèle parisien. Outre ce nouvel office, la police active était assurée, dans la première moitié du XVIIe, par la « milice bourgeoise » et par le guet, qui patrouillait la nuit ou gardait les portes de la ville lors de l’épidémie de Marseille. La réforme de la police défendue par Pufeder n’eut pas lieu, mais l’autorité de ce dernier sur les dixainiers grandit. À partir de la moitié du XVIIIe siècle, les dixainiers furent remplacés par des commissaires de police, issus du monde des magistrats et d’officiers subalternes, qui tinrent des registres des habitants ainsi que des étrangers logeant dans les hôtels. La police se professionnalisa progressivement, processus qui arriva presque à terme en 1770. La milice fut écartée au profit du guet, une troupe soldée, vers la fin des années 1750, tandis qu’une forme de « militarisation » de celle-ci intervint. Le guet était au service des commissaires de police et du commis à la déclaration des étrangers, qui fait des descentes nocturnes dans les auberges à partir de 1750.

Dominique Duplantier (Place Tourny

Dominique Duplantier (Place Tourny

Ce fut pendant la période de prospérité de règne de Louis XV, que Louis-Urbain Aubert, marquis de Tourny, intendant de Guyenne de 1743 à 1758, fit en peu d’années, de Bordeaux une des plus belles villes de France. Il abattit les remparts, combla les fossés et traça une ligne de cours ou boulevards autour de la ville. Ce fut ainsi que furent créés les cours d’Aquitaine, d’Albret, de Tourny, les places des Capucins, Saint-Julien et Dauphine, qui elle ne fut achevée qu’en 1770. À la demande de Tourny, l’architecte de Louis XV, Ange Jacques Gabriel, créa le Jardin public, voulu comme un espace vert et un haut lieu de promenade qui rencontra très vite la faveur des Bordelais.

 

Louis-Urbain Aubert de Tourny, marquis de Tourny, baron de Nuly

Louis-Urbain Aubert de Tourny, marquis de Tourny, baron de Nuly

 

L’intendant Tourny créa tout un quartier sur les terrains vagues situés devant le château Trompette, afin de relier le faubourg des Chartrons à la cité. L’architecte Gabriel construit aussi la vitrine de la ville : avec les hôtels de la Douane et de la Bourse, appelée place Royale, qui donnait sur les quais. Elle sert dans un premier temps d’écrin à la statue équestre du roi Louis XV. Furent élevées aussi sur ses plans, les portes des Capucins, de Dijaux, de Bourgogne.

En 1756, un incendie détruisit le palais de l’Intendance, Tourny le fit reconstruire. Il dota Bordeaux de fontaines, d’écoles, perça de nouvelles rues, reconstruisit la ligne des quais, etc. Le duc de Richelieu continua les embellissements de son prédécesseur ; on établit le quai de Bacalan, la route qui conduisait au passage de Lormont, et Mgr de Rohan, archevêque de Bordeaux, fit construire un nouveau palais archiépiscopal sur l’emplacement de l’ancienne abbaye de Saint-André : c’est cet édifice qui, en 1835, devint l’hôtel de ville de Bordeaux.

En 1773, le roi céda à la ville un emplacement sur l’esplanade du château Trompette, pour la construction d’un théâtre qui, élevé sur les plans de l’architecte Louis, devint le plus beau théâtre de France (1780).

théatre Victor Louis bordeaux

théatre Victor Louis bordeaux

En 1775, Le Parlement de Guyenne, supprimé par Maupeou, fut rétabli. Il prit part à la lutte qui s’engagea au sujet des assemblées provinciales, sous le ministère de Brienne, et fut exilé à Libourne en 1787.

En 1789, Bordeaux se plaçait au premier rang des ports français et au deuxième rang des ports du monde après Londres.  Fort d’un arrière-pays très riche (vins, céréales…), il assurait le quart du commerce extérieur de la France. Bordeaux était devenue une ville des plus florissantes. Sa population atteignait 109,000 habitants et sa flotte marchande 300 navires, qui faisait surtout le commerce des Antilles et de Saint-Domingue. Le gouvernement avait cru utile en 1716 d’autoriser Bordeaux à pratiquer la traite des esclaves et le « commerce triangulaire ». Une ordonnance accorde en ce sens force privilèges et exemptions aux négociants de la ville. Mais ceux-ci n’en usent que tardivement et lui préfèrent le « commerce direct » avec les Antilles. Il faut dire que les opérations africaines sont hasardeuses ainsi que le montrent les noms des navires qui s’y livrent : La Roue de la Fortune, La Loterie…

Portrait de Marie-Jeanne Grellier en compagnie de sa nourrice (Musée d'Aquitaine à Bordeaux

Portrait de Marie-Jeanne Grellier

en compagnie de sa nourrice

Musée d’Aquitaine à Bordeaux

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Donc au même titre que Nantes, La Rochelle, Lorient, Marseille et bien d’autres, elle devint un centre négrier et permis à certaines grandes familles de négociants de s’enrichir grâce au commerce triangulaire. En 1571, le Parlement de Bordeaux s’était pourtant prononcé contre l’esclavage. Il existait une forte tradition humaniste à Bordeaux dont le plus célèbre représentant fut Montaigne. En 1548, Étienne de La Boétie, membre du Parlement de Bordeaux, avait rédigé un des premiers textes antiesclavagistes européens, « Le discours de la servitude volontaire ». La traite des noirs, déjà initiée par les grandes compagnies portugaises ou anglaises notamment, se développa peu à peu en France. La place privilégiée du port de Bordeaux suscita la convoitise de riches familles de négociants qui voulurent s’enrichir grâce à la traite. Ainsi, nombreux furent les aventuriers qui s’installèrent dans la ville de Bordeaux en ce sens. La plupart étaient originaires du Portugal, d’Irlande ou de la région du Tarn. Les plantations esclavagistes de la partie française de Saint-Domingue appartenaient aussi en grande partie à ces riches nouveaux bordelais. Bordeaux se hissa ainsi, en 1743, au rang de cinquième port négrier français à égalité avec Le Havre. Il est encore bien loin — avec moins de cinquante navires depuis le début du siècle — du colosse nantais, qui expédia cette année-là son cinq centième navire vers les côtes guinéennes. Si Bordeaux vécut du système esclavagiste, entre 1729 et 1826, 500 expéditions maritimes au départ de Bordeaux déportant 150.000 Nègres du golfe de Guinée vers les Antilles, il n’en demeura pas moins que cela ne représentait que 5 % de l’activité portuaire.

Cette prospérité, qui reposait donc en partie sur une économie esclavagiste, reposait également sur l’exportation tous les ans de 125,000 tonneaux de vin. Cet essor économique s’accompagna non seulement d’un développement industriel, en particulier des constructions navales, mais aussi et surtout d’une évolution démographique sans précédent : la population passa de plus de 66 000 habitants au milieu du siècle à près de 110 000 en 1790. Le négoce attira une population riche ou modeste, extrêmement variée, mêlant catholiques, protestants et israélites.

Quand éclata la Révolution en 1789, les députés de Bordeaux aux États-Généraux se montrèrent très favorables aux idées nouvelles de liberté. Son parlement fut un des premiers à réclamer la convocation des États généraux. L’antique Jurade fut remplacée par les 90 électeurs nommés pour élire les députés aux États généraux. La prise de la Bastille, en 1789, connue à Bordeaux trois jours après l’événement donna lieu à des réjouissances. Le peuple courut aux armes et s’empara du château Trompette.

Bordeaux donna naissance à la première des sociétés populaires, la Société du Café national. La ville était devenue une des capitales européennes des Lumières dont Montesquieu fut le précurseur. La franc-maçonnerie bordelaise avait commencé à se développer avec la création de la première loge anglaise en 1732. À la fin du siècle, Bordeaux accueillait plus de 2 000 maçons.

En 1790, le parlement fut supprimé et le palais de l’Ombrière fut fermé. En mars de la même année, les citoyens élurent un maire, 20 officiers municipaux, un procureur de la commune et 42 notables.

Le16 avril 1790, fut créé la Société des Amis de la Constitution, qui devint le berceau des Girondins, autour des députés Brissot, Vergniaud, Guadet, Grangeneuve, Gensonné, Ducos et Boyer-Fonfrède qui s’opposèrent aux députés de la Montagne. Qualifiés de brissotins, puis beaucoup plus tard, de Girondins (d’après le nom de leur département d’élection), ils furent éliminés par leurs rivaux.

pierre victurnien vergniaud

pierre victurnien vergniaud

Ce fut l’un d’entre eux, Pierre Vergniaud, qui proclama la déchéance de Louis XVI le 10 août 1792. Dix jours plus tard, les Bordelais renversèrent, en présence de la municipalité, la statue équestre de Louis XV qui trônait sur la place Royale.

L’arrestation des députés girondins entre le 31 mai et le 2 juin 1793 entraînèrent l’insurrection de Bordeaux contre la Convention, et par contre coup la création d’une Commission populaire de Salut Public composée des membres du conseil général du département et des commissaires délégués par tous les corps constitués de la Gironde. Qualifiée de repaire de la Contre-Révolution par Robespierre, la Convention envoya quatre de ses membres, Guillaume Chaudron-Rousseau, Beaudot, Ysabeau et Tallien, avec mission de terroriser la ville. Bordeaux fut soumise à la Terreur du 23 octobre 1793 au 31 juillet 1794, 302 personnes y furent condamnées à mort.

jean lambert Tallien

jean lambert Tallien

anonyme (Térésa Cabarrus dit Madame tallien

anonyme (Térésa Cabarrus dit Madame tallien

La commission militaire instituée dès 1793 fut présidée par le fameux Jean-Baptiste-Marie Lacombe, ancien maître d’école, qui installa la guillotine en permanence pendant huit mois sur la place Dauphine, mais qui fut exécuté lui-même après le 9 Thermidor 1794.

En cette période agitée, accentuée par les troubles dans les colonies et la guerre contre l’Angleterre, aggravée par de mauvaises récoltes, l’économie bordelaise connut une forte récession.

Dominique Duplantier (Cours Xavier Arnozan

Dominique Duplantier (Cours Xavier Arnozan

Lasse de l’anarchie qui régnait depuis la chute de Robespierre, la majorité de la population applaudit au coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799), qui mena Napoléon Bonaparte au pouvoir. De multiples travaux d’utilité publique furent entrepris dans la ville, de la réparation du port, à l’assèchement des marais entourant la ville, en passant par le redressement des lits du Peugue et de la Devèze. Dans le domaine religieux, après les divisions de la période révolutionnaire, une volonté d’apaisement s’affirma. L’économie locale de ce début de siècle resta tournée vers le commerce maritime, mais les frais de débarquement à Bordeaux furent élevés en raison de l’insuffisance de l’aménagement portuaire. La ville subit la concurrence des ports de Marseille et du Havre, mieux équipés.

Sous le Directoire Bordeaux fut divisé en trois arrondissements municipaux, avec trois mairies : les Chartrons, Saint-André, les Fossés, et un bureau central à l’hôtel de ville. Sous le Consulat, la ville fut le centre d’une vaste conspiration royaliste qui avorta.

Si Napoléon était populaire, la guerre qu’il livra en Espagne le fut beaucoup moins. De juin 1807 à la fin de 1810, plus de 350 000 soldats traversèrent de jour et de nuit la Garonne. Les casernes étaient insuffisantes et il fallut recourir aux habitants pour héberger les troupes. La situation empira fin 1808, quand affluèrent une multitude de blessés et de malades qui, faute de place dans les hôpitaux, furent eux aussi logés chez l’habitant.

Le commerce de Bordeaux souffrait cruellement du blocus continental et de la rivalité avec l’Angleterre. Napoléon contribua cependant à l’embellissement de Bordeaux, en faisant démolir le château Trompette, qu’il abandonna à la ville et en ordonna la construction du pont de Bordeaux en 1808, mais celui-ci ne fut achevé qu’en 1822.

pont de pierre de Bordeaux

pont de pierre de Bordeaux

En 1814, la ville se retourna contre l’Empereur par l’intermédiaire de son maire Jean-Baptiste Lynch, qui prit résolument le parti royaliste. Bordeaux ouvrit ses portes aux Anglais, en même temps qu’au duc d’Angoulême. Bordeaux fut la première ville de France à se rallier aux Bourbons. Les négociants bordelais sortent éreintés de la période révolutionnaire. La perte de Saint-Domingue et le Blocus continental ont gravement affecté leur prospérité. Aussi se rallient-ils de bon cœur à Louis XVIII quand celui-ci monte sur le trône en 1814.

Pendant les Cent-Jours la ville se soumit sans résistance au général Clausel, qui gouverna la ville jusqu’au retour de Louis XVIII.

En 1818, après la disparition du château Trompette, furent plantées les allées des Quinconces.

En 1820, le fils posthume du duc de Berry, neveu de Louis XVIII, reçut le titre de duc de Bordeaux et fut, jusqu’à sa mort, prétendant au trône de France sous le nom d’Henri V.

en 1825, on construisit l’hôpital sur l’ancienne plate-forme Sainte-Eulalie.

La Restauration fut pour Bordeaux une époque de renaissance commerciale, littéraire et artistique ; mais son rôle politique s’était terminé avec la fin du XVIIIe siècle.

carte de Bordeaux 1832

carte de Bordeaux 1832

Sources:https://franzvonhierf.com/

 

Vente de vins de Bordeaux - reproduction © Norbert Pousseur

La population de Bordeaux est de 99,062 habitants.

 

INDUSTRIE COMMERCIALE


Le principal aliment du commerce de Bordeaux est l’exportation des vins du territoire bordelais, et celle des eaux-de-vie du Cognac et de l’Armagnac.
— On fabrique aussi dans cette ville des liqueurs fines estimées, et notamment une anisette qui est sans égale pour le parfum et la qualité.

Commerce maritime. Bordeaux est l’entrepôt des denrées coloniales, pour une partie de la France méridionale et la presque totalité de la France centrale. 
— On y fait nombre d’expéditions pour le long cours, et des armements journaliers pour l’Amérique, l’Afrique et l’Inde. 
— Il n’est pas hors de propos de faire remarquer que c’est de ce port que sont sorties les premières expéditions faites en France, depuis quarante ans, pour la Chine et la Cochinchine. Un commerçant de Bordeaux, établi en Cochinchine, y est même parvenu à la dignité de mandarin, et a contribué beaucoup à établir des relations de commerce entre ce pays et la France. On évalue annuellement à 200 le nombre des gros bâtiments qui arrivent à Bordeaux, de l’Inde et des colonies américaines et africaines : celui des vaisseaux qui partent de ce port pour la même destination est à peu près égal. Dans cette quantité, les vaisseaux étrangers figurent tout au plus pour un sixième. 
— Bordeaux reçoit de l’Amérique, de l’Inde et de l’Afrique, du café, du sucre, du poivre, de la cannelle, du coton, de l’indigo ; du quinquina, du thé, du riz ; des cuirs secs et des bois de teinture. Il leur envoie, outre ses vins et ses eaux-de-vie, des vinaigres, des huiles, des fruits secs, des farines, des toiles, de la térébenthine, des chapeaux de feutre et d’autres produits du sol et de l’industrie française. Le commerce de cette ville avec le reste de l’Europe présente un mouvement annuel moyen d’environ 360 bâtiments, dont 30 nationaux, à l’entrée; et 300 vaisseaux, dont 50 français, à la sortie
— Le commerce avec l’intérieur de la France, ou le cabotage, présente annuellement 2,700 navires entrés, et 2,100 sortis; tous ces navires sont français. Le résultat de ces mouvements porte le mouvement annuel du port de Bordeaux à environ 6,800 bâtiments tant entrés que sortis. 

Ateliers et manufactures Il y existe, ainsi que dans le département, de grands chantiers de construction pour les navires du commerce, des fabriques de cordages, des ateliers pour la préparation des aliments destinés aux voyages de longs cours ; des fabriques d’essence de térébenthine, de résine et de goudron ; des manufactures de vaisseaux vinaires, et de barriques de différentes formes. Quatre hauts fourneaux pour la fonte du fer; des aciéries, des fabriques de plomb laminé et de plomb de chasse ; des raffineries de sucre, des tanneries, des poteries, des tuileries, des faïenceries, des verreries, etc. On y trouve aussi des pharmacies où l’on prépare en grand les eaux minérales factices ; et des fabriques de produits chimiques tels que : soude, alun, vitriol, etc.
— Les marais salants de Saint-Vivien fournissent abondamment d’excellent sel à la consommation du département et des départements voisins. On trouve à Bordeaux une belle fabrique d’instruments de musique et de cordes à boyaux; enfin, outre des filatures de coton, de belles manufactures d’indiennes et des teintureries estimées, le département renferme aussi des chapelleries dont les produits sont destinés aux pays d’outre mer.

Récompenses industrielles. A la dernière exposition des produits de l’industrie, le département à obtenu une Médaille de bronze, décernée à MM. Vernet frères, de Bordeaux, pour fabrication de tapis de pied cirés, solides et flexibles, de qualité satisfaisante et de prix modérés.

Douanes. La direction de Bordeaux a trois bureaux principaux, dont quatre seulement appartiennent au dép. de la Gironde. D’après les derniers documents officiels, ils ont produit en 1831 :

Douanes, navig et timbre Sels Total
Pauillac 1,825 f. 52,265 f 59,091 f
Bordeaux 10,415,682 f 3,346,270 f 13,761,953 f
Libourne 5,224 f 1,505,907 f 1,511,131 f
Blaye 3,016 f 72,450 f 75,467 f
Total. Produit des douanes dans le départ. 15,407,642 f

Foires. — Le nombre des foires du département est de 507. — Elles se tiennent dans 100 communes, dont 36 chefs-lieux, et durant quelques-unes 2 à 3 jours, remplissent 585 journées.
Les foires mobiles, au nombre de 34, occupent 35 journées.— Il y a 18 foires mensaires. 480 communes sont privées de foires.
Les articles de commerce sont les bestiaux, laines, grains, merrains, barriques, vaisseaux vinaires, etc. — Libourne a une foire aux jambons ; Coutras une foire aux oignons ; et Bordeaux deux foires, célèbres presque à l’égal de celle de Beaucaire, en mars et octobre. Elles se tiennent sur la place Royale et dans les environs. Celle d’octobre 1833 avait attiré plus de 30,000 étrangers. Ces foires étaient franches autrefois.

 

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Palais-Royal. — Construit en 1778. Ce palais fut la résidence de l’archevêque jusqu’en 1791.  Alors l’administration départementale s’en empara et y tint ses bureaux. — Bientôt après s'y établit le tribunal révolutionnaire. —

- L’empereur Napoléon en fit, en 1808, un palais impérial. — Le plan de cet édifice est un vaste quadrilatère ; sa principale façade est sur la place de la Cathédrale, place qui est malheureusement fort petite. La porte d’entrée du palais s’ouvre entre deux péristyles uniformes et d’une noble architecture. La façade se compose de deux ordres ioniques et d’une belle balustrade. Une grande cour, ayant à droite et à gauche deux bâtiments symétriques, conduit au perron intérieur. L’édifice impose d’abord par son élévation et son développement. —

L’intérieur est distribué avec beaucoup de goût ; le mobilier et les décorations répondent à sa destination. Sur le côté opposé à la façade se trouve un beau jardin. — On regrette que les côtés latéraux soient défigurés par des arceaux où sont établis des arceaux de tout genre.

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Place Royale. — Cette place est bordée d’un quai spacieux, flanquée de deux beaux édifices, symétriques et parallèles (la Bourse et la Douane) ; elle est admirablement bien située au centre de l’arc que décrit la Garonne dans la ville. Les édifices qui la décorent sont une des conceptions de l’intendant Tourny. Elle forme un demi-cercle au centre duquel s'élève une jolie fontaine surmontée d’une colonne corinthienne de marbre rouge, la seule des fontaines de Bordeaux qui soit digne d’être remarquée. — Sur le quai, devant la place, sont les deux magasins de dépôt et la plus grande calle des quais (la calle est une jetée en bois qui facilite le déchargement des navires) ; tout est propre, régulier, symétrique autour de cette belle place. — La Bourse forme l’aile gauche. C’est dans la cour intérieure que se rassemblent les négociants. Elle est abritée par une voûte de 20 mètres de largeur sur 30 de longueur et dont le sommet est à 24 mètres du rez-de-chaussée. Cette voûte, construite en planches, est divisée par quatorze lanternes vitrées qui répandent dans la Salle une clarté égale au jour le plus brillant. Cette vaste et superbe salle offre encore pour les fêtes publiques un local unique à Bordeaux. 

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Sa décoration se composé d’un double rang d’arcades, dont chaque pilier porte le nom d’une des villes commerçantes de l’Europe et qui est couronné par un entablement dorique qui en embrasse toutes les faces. Un balcon règne dans son pourtour; enfin la Bourse est environnée d’un péristyle au rez-de-chaussée où se tiennent les agents de change et les courtiers. Au premier étage du bâtiment de grandes salles sont disposées avec art et destinées aux ventes publiques; d’autres salles, au même étagé (celles du conseil et du tribunal de commerce ), sont décorées avec goût et se recommandent surtout par les peintures de leurs plafonds. Tout l’édifice est éclairé avec le gaz. — La Douane, dont l’aspect extérieur est entièrement semblable à celui de la Bourse, est située sur le côté droit de la place. Elle est, intérieurement, parfaitement distribuée pour sa destination. Sa façade est grande et noble, et comme tous les bâtiments qui entourent la place, elle est décorée d’arcades, de pilastres, couronnée d’une frise et ornée de diverses sculptures de beau style

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Tour de l’Horloge. — Cette tour est l’unique reste de l’ancien hôtel-de-ville, dont la constr

uction n’offrait d’ailleurs rien de remarquable ; mais les quatre tours qui existaient jadis présentaient un ensemble très imposant. Elles avaient été construites en 1246 et étaient hautes de 90 mètres. L’élévation de celle qui reste n’est pas changée, mais le terrain s’est tellement exhaussé que la partie de la voûte sous la cloche se trouve réduite à la moitié de sa hauteur. — La cloche et surtout l’horloge ont passé dans leur temps pour des merveilles. La cloche, fondue au milieu du XVIIIe siècle, et posée en 1775, pèse 15,500 kg, sa hauteur est de 6 pieds et sa circonférence de 17 pieds. — La tour de l'horloge est ovale, surmontée d’un petit dôme et flanquée de deux tourelles.

 

Hôtel de ville de Bordeaux vers 1840 - reproduction © Norbert Pousseur
Les tours de l'ancien Hôtel-de-ville, vers 1840, 
dessiné par Philippe
(in 'La Guienne historique et monumentale' par Alix Ducourneau - 1844)
Voir ci-dessous la même gravure, zoomable

 

L’Hôtel-de-ville et le Palais-de-justice qui l’avoisine, n’offrent rien de remarquable.

Fort du Ha. — Son vrai nom était fort du Far (phare), parce qu’il portait une lanterne qui servait de phare aux navigateurs de la rivière. — Construit par Charles VII en même temps que le château Tropeite (Trompette) ; il ne fut jamais ni beau ni grand. — Il n’en resté qu'une partie laide et délabrée, qui sert de prison et s’élève en face de l’hôpital, sur une place qui porte son nom.

 

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ÉDIFICES CONSACRÉS AUX CULTES


Églises. — Les églises de Bordeaux, eu égard à l’importance et à l’étendue de la ville, ne sont ni assez nombreuses ni assez belles. La plupart vieilles, noires, tristes, sont incomplètes, soit parce qu’originairement elles n’ont pas été achevées, soit à cause des dévastations qu’elles ont subies. Quelques-unes cependant offrent de curieux échantillons de la belle architecture gothique. 


 La plus ancienne de ces églises est celle de Sainte-Croix : l’époque de sa première construction est incertaine, mais des documents authentiques prouvent qu’elle existait en 653. Dévastée par les Normands en 848, elle fut réédifiée trois ans après par Guillaume-le-Bon, duc d’Aquitaine. Sainte-Croix, depuis quelques années, a été l’objet d’embellissements bien entendus. On y remarque entre autres décorations modernes deux chapelles armées de peintures à fresque.

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Cathédrale. — Elle est dédiée à saint André. C’est une antique basilique, vaste, très belle dans plusieurs de ses parties, mais dont l’ensemble, œuvre de divers siècles et de plusieurs architectes, manque d’harmonie et de régularité. Elle n’a point été terminée, elle est mal réparée et reste à demi enclavée dans les constructions qui l’environnent ; elle manque surtout d’un porche et d’une place. On y entre par un des bras de la croisée ; ce bras est flanqué de deux clochers que surmontent deux flèches aériennes de la plus grande hardiesse, et de 150 pieds d’élévation; elles dominent toute la ville. Deux clochers semblables devaient s’élever au bras de la croisée opposée ; on doit les regretter. La nef du chœur est admirable par sa hauteur et par sa symétrie ; c’est ce que l’église offre de plus remarquable. L’édifice, enrichi de superbes détails gothiques, est du XIe siècle; il a 126 mètres de longueur totale. Son clocher, isolé et distant de 25 pas de l’église, fut construit en 1440, et nommé Peyberland, du nom de Pierre Berland, fils d’un paysan de Médoc, qui devint archevêque de Bordeaux. Il avait autrefois, avec sa flèche, 300 pieds de haut et était de style gothique et d’une grande beauté. La flèche fut abattue en 1793, et le clocher, haut encore de 100 pieds, devenu informe à force de dégradations, est aujourd’hui une fabrique de plomb de chasse.


Saint-Seurin est aussi une église antique ; elle renferme plusieurs tombeaux de différentes époques. C’est une coutume fort ancienne, chez les mères et les nourrices du Bordelais, de se rendre chaque année, au mois de mai, dans la chapelle souterraine de l’église Saint-Seurin, où sont renfermées les reliques de saint Fort, pour faire baiser son tombeau à leurs nourrissons. Ce saint a la réputation d’être favorable à la santé des petits enfants ; un nombre considérable de femmes y viennent donc faire dire les évangiles sur la tête de leurs nourrissons. L’efficacité de cette lecture n’est pas bien démontrée ; il est plus certain que l’extrême fraîcheur de l’église, opposée à l’extrême chaleur et à l’air étouffé du caveau, où la foule entasse, nuit aux faibles créatures qu’on y transporte.


Eglise Saint-Michel.  Construite en 1160, d’un style d’architecture plus pur que celui de l’église Saint-André, elle est plus petite que celle-ci et plus noire, plus lugubre encore ; son clocher, également isolé, énorme, mutilé, fut construit en 1480, et avait ( avec la flèche ) 300 pieds d’élévation. On ne peut trop regretter la perte de cette flèche, une des hautes et des plus hardies de l’Europe, et qui s’écroula en 1768 sous l’effort d’une tempête. Le clocher, fort haut encore, mais défiguré, porte un télégraphe qui fait partie de la ligne de Bayonne et Paris. Sous ce clocher est un caveau circulaire, qu’on nomme le charnier de Saint-André, où l’on a jeté les ossements provenant d’un cimetière voisin, et qui forment une couche de 17 pieds d’épaisseur sur 20 pieds de diamètre et sont recouverts d’une couche de terre ; ce nouveau plancher s’élève jusqu'à la courbe de la voûte; autour de cette voûte sont rangées et soutenues debout 90 momies fort curieuses, et la plupart très bien conservées.

La chaleur du climat et surtout la nature dessiccative du terrain du cimetière, ont empêché toute putréfaction : la chair des momies est donc transformée en une substance semblable à l’amadou ; la peau est une basane parfaitement tannée ; les dents, les ongles, les poils, les cheveux de l’épiderme sont intacts ; l’apparence de ces spectres est celle de mulâtres d’une grande maigreur.

Il est facile de reconnaître en eux, non-seulement le sexe et l’âge, mais le genre de physionomie, les accidents et presque les habitudes du corps. Parmi les momies de femmes on en distingue plusieurs qui furent fort belles dans leur temps, et parmi les cadavres masculins on en remarque un d’une taille gigantesque et un autre dont la poitrine percée d’un coup d’épée offre encore la trace de la blessure mortelle. Ce charnier, qui n’a d’ailleurs aucune odeur, est rendu beaucoup plus romantique encore par la lumière blafarde et incertaine des flambeaux à l’aide desquels il est journellement visité par les étrangers.


Église Saint-Paul. — C’est une des plus modernes et des mieux construites de Bordeaux. On admire au maître-autel une statue colossale de saint François-Xavier, accompagnée d’ornements allégoriques, le tout en marbre blanc et d’un travail exquis. C’est le premier chef-d’œuvre du célèbre Coustou, qui l’exécuta à l’âge de 27 ans.


Église du collège royal. — Elle possède plusieurs bons tableaux; mais ce qui la rend insigne entre toutes, c’est le tombeau de Michel Montaigne, érigé en 1614 par Françoise de Chassaigne, son épouse. Ce monument est simple, en marbre blanc, et n’offre d’autres décorations que deux inscriptions, l’une grecque, très emphatique, l’autre latine, fort longue et à peu près inintelligible. Quoi qu’il en soit, le luxe des mots inutiles ne peut étouffer le grand nom de Montaigne.


Eglise Saint-Bruno, autrefois celle de la Chartreuse. — Le style en est purement italien. L’intérieur se compose d’une nef et de deux réduits latéraux. La voûte de la nef a été entièrement peinte à fresque, en 1771, par le célèbre décorateur Berinzago et par son élève Gonzague. Cette église présente de beaux détails d’architecture et de curieux effets de perspective ; mais le coloris des peintures est fané. — Le chœur est revêtu de mosaïques précieuses ; six belles statues décorent la nef. — Parmi les édifices de l'ancienne Chartreuse qui restent sur la place de l’église, on remarque à gauche une chambre assez vaste, dite l'oreille de Caligula, dont la disposition est telle que le son d’une voix articulée très bas s’y répercute distinctement à l’angle opposé.


Temples. — Les protestants de Bordeaux ont deux temples qui, sous le rapport monumental, n’ont droit à aucune distinction.


Synagogue. — Reconstruit il y a peu d’années, cet édifice est un beau monument, d’un style original, et qu’on pourrait dire purement biblique.

 

HOPITAUX, ETC

 

Bordeaux vient de s’enrichir d’un édifice auquel peu d’autres peuvent se comparer : le grand hôpital, à peine terminé, est situé au haut de la ville et dans son quartier le plus sain; sa façade est sur la place du fort du Ha. Les trois autres côtés du vaste carré que couvre l’établissement sont isolés. La façade est décorée à son centre d’un frontispice de quatre colonnes doriques, un dôme s’élève au-dessus du fronton ; en général l’édifice n’est pas remarquable par la somptuosité de son architecture, mais par la sagesse de sa distribution ; un puits immense lui procure en abondance une eau excellente, la circulation de l’air est prompte et facile : cinq cours d’eau et huit jardins contribuent, ainsi que l’élévation du terrain, à un parfait assainissement. — Cet hôpital, où rien n’a été oublié, offre aux malades 710 lits ordinaires et 18 chambres particulières pour les malades qui peuvent payer ; l’édifice n’a qu’un premier étage et un séchoir. La chapelle, propre et de bon goût, est située au centre de la façade principale qui en reçoit sa principale décoration.


L'hôpital Saint-André, le plus ancien de la ville, avait été construit en 1390. Il menace ruine, c’est pour le remplacer qu’on a construit le grand hôpital.


Hospice des aliénés. C’est le premier de ce genre (prétendent les Bordelais) qu’on ait élevé en France; il ne date cependant que de l’an XII de la République: le style en est simple et modeste, convenable à sa destination, et produit un effet moral qu’on a su apprécier ; le plan en est bien entendu et régulier. 


La maison des enfants trouvés fut fondée par madame de Gourgues, dont ainsi le nom s’associe à celui du saint par excellence, de Vincent de Paule. La maison est vaste, elle renferme une belle cour et de grandes dépendances.


Les hospices des incurables, celui de la maternité et des incurables, les bureaux de charité, etc., peuvent être encore cités avec éloge.

Cimetière. — Il est situé dans l’ancien vignoble des Chartreux et fut établi lors de l’utile suppression des cimetières de paroisse. C’est un vaste espace carré, entouré et traversé par une allée de sycomores que bordent un grand nombre de tombes dont plusieurs sont fort belles. Celle qui réveille le plus de souvenirs est la tombe de Madame Moreau, veuve de l’illustre général, si longtemps renommé par ses talents militaires, ses vertus civiques et son républicanisme désintéressé ; Moreau tombé sur un champ de bataille avant d’avoir pu faire connaître aux Français les motifs qui le ramenaient en Europe, méritait de mourir ailleurs que dans les rangs étrangers. On a depuis 1814 voulu exploiter sa gloire républicaine au profit de la restauration ; nous avons quelques raisons d’affirmer que Moreau, en 18l2, ne songeait pas aux Bourbons, et que le seul motif de son retour était l’affranchissement de la France de ce qu’il appelait la tyrannie impériale.
Les Juifs ont un cimetière à Bordeaux; les protestants en ont deux.

 

ÉTABLISSEMENTS SCIENTIFIQUES

Bibliothèque. La Bibliothèque publique occupe un vaste local et contient maintenant 110,000 volumes ; elle fut fondée en 1738 et s’accrut surtout lors de la destruction des couvents dans le département, leurs bibliothèques ayant été réunies à celle de la ville. Outre une vaste collection de livres relatifs à toutes les branches des connaissances humaines, on y trouve un assez grand nombre de livres rares et curieux, des éditions du XVe siècle et plusieurs manuscrits précieux. Le gouvernement a enrichi cette bibliothèque de plusieurs ouvrages d’un grand prix.


Musée d’histoire naturelle et des antiques (dans le même local que la bibliothèque). L’ornithologie et la minéralogie y sont les deux parties les plus riches de la collection d’histoire naturelle. — L’insuffisance des fonds destinés à l’entretien et à l’augmentation des collections diverses qui composent ce cabinet explique la pénurie du reste. — Le dépôt d’antiques n’est pas riche non plus; il n’offre que des fragments d’un intérêt secondaire. Il est vrai de dire que toutes ces collections ne sont commencées que depuis peu d’années. On en trouve dans la ville d’autres du même genre qui sont des propriétés particulières, mais très accessibles aux amateurs.


Musée de tableaux. Formé aussi depuis peu d’années, il possède cependant un assez grand nombre de bons ouvrages, surtout de l’ancienne école française ; l’école moderne l’a orné aussi de plusieurs tableaux tels que le Baptême de Clorinde, Bajatet et le Berger, les Adieux d’Hector, Jésus guérissant un possédé ; et les écoles flamandes et italiennes y ont aussi fourni des peintures de grand prix. Les tableaux occupent deux jolies salles rondes, éclairées par la coupole ; entre les deux salles se trouve celle des plâtres où l’on remarque deux belles statues modernes, en marbre blanc, et une statue de femme antique d’un excellent travail.


Jardin des plantes. Ce jardin contient une collection considérable de plantes indigènes et exotiques, qui, tous les jours, continue à s’enrichir des plus belles espèces. Le jardin est ouvert aux étrangers seulement. — On y fait un cours de botanique qui commence ordinairement dans le courant d’avril.


Pépinière départementale. Elle couvre une superficie de cinq hectares et contient des arbres de toute espèce. — On y voit une salle d’instruments et d’outils aratoires, où se trouvent réunis des modèles de tout genre. — Les faubourgs et la banlieue de Bordeaux offrent une grande quantité de pépinières dont les propriétaires rivalisent entre eux pour le nombre et le choix des espèces. — Une belle plantation d’oliviers existe dans le jardin dit Jardin de Flore.

 

THEATRES

Le Grand théâtre de Bordeaux est, ainsi que le pont de cette ville, un monument sans égal en Europe. Paris, Londres, l’Italie, possèdent des salles plus vastes, divers théâtres, en quelques pays, sont plus somptueux, mais dans l’ensemble le théâtre de Bordeaux les surpasse tous. Vastes dimensions, isolement, style excellent, situation avantageuse à la jonction de l’ancienne et de la nouvelle ville et au centre des deux parties réunies, façade magnifique sur une grande place ( les trois autres côtés bordés d’arcades et sur trois belles rues ), plan symétrique, intérieur parfaitement distribué, surtout sous le rapport de l’optique et de l’acoustique, tout contribue au mérite de ce superbe monument. — Le fameux Louis, architecte du duc d’Orléans, en fut l’architecte. Il eut à lutter contre l’opposition opiniâtre du parlement de Bordeaux, et s’il n’avait pas été soutenu de la protection du duc de Richelieu, gouverneur de la ville, le théâtre dont Bordeaux s’honore à juste titre n’aurait pas été construit. —Trois années et 3,000,000 fr. furent employés à sa construction ; l’ouverture s’en fit le 8 août 1780. — On y représente la tragédie, la comédie, l’opéra avec tous ses accessoires de décorations, de machines, de musique et de danse. — La salle, moins spacieuse qu’on ne s’y attendrait, à en juger par l’extérieur de l'édifice, peut néanmoins contenir 4,000 spectateurs : elle a deux amphithéâtres et deux rangs de loges séparées par des colonnes d’ordre composite.


— Une machine aussi simple qu’ingénieuse sert au besoin à élever le parterre au niveau de la scène, et à changer le théâtre en salle de bal. On doit des éloges à la grande galerie d’été, au foyer, et surtout on admire le vestibule ainsi que l’escalier double et le superbe péristyle de la façade qu’ornent douze colonnes corinthiennes et les statues des Grâces et des Muses.


Théâtre français. — Il tient le second rang à Bordeaux. On y représente les pièces de second ordre, les vaudevilles principalement, quelquefois aussi la haute comédie et le mélodrame. L’édifice est de construction moderne et de tout point médiocre. Les décors ne sont pas de meilleur goût, etc. — Une façade faisant pignon à l’angle de deux rues, et décorée d’un péristyle, est ce que ce théâtre offre de mieux.

 

ÉTABLISSEMENTS DIVERS

Entrepôt. Ce vaste édifice, situé sur le terrain du château Trompette, est très moderne; mais à son style lourd et sévère, à son apparence générale on le croirait quelque ouvrage antique.
Il se compose d’un rez-de-chaussée, d’un premier et d’un second étage, une grande salle en occupe le centre : les arcs de cette salle forment des murs de refend et supportent les comble ; les appartements sur la façade sont affectés aux logements et aux bureaux ; les magasins sont isolés de tout endroit où l’on puisse faire du feu. — Toutes les fenêtres sont en ogives, ce qui contribue à donner à l’édifice un aspect fort singulier.


Manufacture des tabacs. Elle occupe ordinairement de 400 à 500 ouvriers des deux sexes, et approvisionne huit départements voisins. Elle expédie en outre à d’autres entrepôts des tabacs de haut prix et de qualités supérieures, dont la fabrication a atteint dans ses ateliers une grande perfection. — Les bâtiments de la manufacture forment un groupe qui enclôt une cour spéciale, autour de laquelle règne un péristyle, soutenu par des piliers de pierre. Les constructions sont d’un style imposant et simple à la fois ; la cour est ornée de deux rangs de beaux platanes. Au fond de la cour se trouve l’atelier du râpage, dans lequel 200 ouvriers sont journellement employés. Derrière une seconde cour est un magasin remarquable par sa solidité et son étendue, destiné à recevoir l’approvisionnement du tabac en feuilles. Il peut contenir 1,500,000 kilog. de tabac. Un grand puits et le ruisseau de Peugue procurent à la manufacture une quantité d’eau plus que suffisante à tous ses besoins.


Abattoir général. Cet édifice, à peine terminé, s’élève sur l’emplacement qu’occupait le fort Louis, ancienne forteresse, depuis longtemps ruinée et inutile. L’abattoir de Bordeaux fut commencé en 1827, et s’est exécuté (avec une dépense de 700,000 fr. ) sur un plan aussi vaste que bien entendu ; il offre de grandes salles, bien aérées, arrosées de manière à faciliter l’abattage des bestiaux et les manipulations diverses auxquelles cet abattage peut donner lieu.


Chantiers de construction. Divers établissements de ce genre sont situés le long du port, dans les parties nord et sud.— Outre les bâtiments ordinaires, diverses prames et frégates y ont été successivement construites depuis 1759. La construction est loin d’y être aussi active que jadis ; mais elle est toujours renommée pour la solidité et la marche des navires.


Bains publics. Les premiers qui furent établis à Bordeaux ne datent que de 1763. Comme ils obstruaient les quais, ils viennent d’être remplacés par deux beaux bâtiments, dont l'un est près de la Bourse, et l’autre, à la droite de la place Lainé. Ces deux édifices quadrilatères ont 33 mètres de façade sur chaque côté ; ils se composent d’un rez-de-chaussée élevé de 4 pieds au- dessus du sol, d’un premier étage et d’un attique surmonté d’une terrasse décorée de vases et d’orangers. — Du haut de cette terrasse les promeneurs découvrent le port, le cours de la Garonne et les coteaux pittoresques qui, de Lormont à Bouillac, bordent la rive droite de la Garonne ; des parterres et des bosquets, défendus par une grille de fer, entourent les deux hôtels. La distribution intérieure est bien entendue, et chaque édifice renferme, outre les bains ordinaires et leurs dépendances, un réservoir contenant environ 1000 barriques d’eau amenée de la Garonne, des bains médicinaux de toute espèce, des caisses fumigatoires, des étuves, des appareils de douches et des eaux minérales factices pour bains et pour boissons.

 

LES ENVIRONS DE BORDEAUX.


Hippodrome. Il est situé à 2 lieues de Bordeaux, et occupe un emplacement de 2,000 mètres sur chaque côté. Les courses de chevaux y ont lieu du 1er au 10 juillet de chaque année. — Trois sortes de prix y sont distribués : quatre prix locaux, quatre d’arrondissement, et un prix principal. — Le lendemain des courses il se tient, sur le même emplacement, une foire aux chevaux qui donne lieu à de nombreuses transactions commerciales.
Ferme expérimentale. — Elle est située à Arlac, près de Pessac, et a été fondée en 1823. On y fait de nombreux essais en tout genre. Le bétail est l’objet de la principale sollicitude du directeur. — Aussi y voit-on de beaux troupeaux, et même des chèvres du Tibet, qui y réussissent à merveille. Les plantations et toutes les espèces de culture y reçoivent les soins les plus éclairés.


Talence. — Des communes qui composent la banlieue de Bordeaux, c’est la plus saine et la plus riante, — Son territoire est un grand plateau, que décorent nombre de belles maisons de campagne. — L’une d’elles passe pour le petit Chantilly du pays : la décoration des jardins, et surtout celle des bosquets, la rend très remarquable aux yeux des Bordelais. Diverses allées ont reçu les noms des statues ou des monuments qu’elles présentent : telles sont les allées du Cénotaphe, de Nina, de l’Enfant prodigue, etc. ; des allégories qu’on veut trouver ingénieuses donnent un caractère particulier à chaque partie du parc ; des bustes, des groupes, qui imitent le plus servilement possible la nature, des statues de plâtre, peintes avec des couleurs variées et accompagnées d’inscriptions en vers qui en expliquent les sujets s'offrent partout à la vue. C’est le triomphe du mauvais goût.
Un beau vivier, une volière animée, un bois parsemé d’arbres exotiques, sont des beautés réelles, qui fout oublier un peu ces décorations ridicules. — La maison principale est d’ailleurs d’une construction simple et convenable ; elle ne manque ni de noblesse ni d’élégance.


Cauderan. — Cette commune est située à une demi-lieue (à l’ouest) de Bordeaux. Un grand nombre de maisons de campagne l’embellissent. C’est un lieu qui est visité habituellement par les Bordelais, et qui en outre deux fois par an, le mercredi des Cendres et le lundi de Pâques devient le rendez-vous de la population. Le mercredi des Cendres on y va manger des escargots à un sou pièce, c’est le mot d’usage. Cette joyeuse fête n’est qu’une dernière explosion des joies du carnaval. Pendant plusieurs heures la route de la ville au village est couverte de masques grotesques et de piétons en belle humeur. L’affluence est la même le lundi de Pâques, mais les mascarades ont cessé ; c’est l’agneau pascal qu’on va y chercher. Cauderan fournit la majeure partie du lait qui se consomme à Bordeaux.
Le Bouscat et Bruges sont les deux communes les moins agréables de la banlieue ; cependant elles renferment de jolies maisons de campagne, qui, malgré le voisinage des marais, sont toujours, dans la belle saison, visitées par les promeneurs.
Bègles fournit presque tous les légumes qui se consomment à Bordeaux. On les y apporte sur des ânes de petite espèce, ce qui a donné lieu à cette locution : Aze de Bègles, pour désigner un imbécile.

Article extrait du Magasin pittoresque de 1844

 

 

La cathédrale de Bordeaux - reproduction © Norbert Pousseur
La Cathédrale vers 1850, dessiné par F. A. Pernot
(in 'les Beautés de la France' de Girault de Saint-Fargeau - 1855)
Voir ci-dessous la même gravure, zoomable

 

ÉGLISE CATHÉDRALE.


Ce n’est pas seulement par son titre de cathédrale que Saint-André est la première église de Bordeaux ; elle l’est encore par ses dimensions et par la beauté de son architecture. Sa longueur totale n’est pas moindre de 140 mètres; celle de son transept est de 44m,26 ; la nef, longue de 72 mètres, large de 18 mètres, dont la voûte est soutenue par sept piliers, est remarquable et par sa hardiesse et par le mélange des divers styles d’architecture ; on y retrouve le style roman du douzième siècle dans la partie inférieure des murs de l’ouest, décorée d’arcades cintrées dont les chapiteaux présentent les feuilles à crochets, les animaux symboliques de cette époque; le style du dix-huitième siècle dans les fenêtres ogivales, avec colonnettes élancées ; le style du quinzième siècle dans les nombreuses arêtes de la partie de la voûte à l’ouest, dans les sculptures si coquettes de ses clefs. Le chœur de l’église, son transept, ses portails nord et sud, appartiennent au quatorzième siècle. L’archevêque Bertrand de Got, plus tard le célèbre Clément V, qui prononça la condamnation des Templiers, contribua beaucoup à l’achèvement de cette partie de l’édifice, et l’on voit sa statue sur le pilier isolé du portail nord; sur les côtés de ce portail sont figurés les six cardinaux, presque tous de sa famille, qu’il nomma peu après sa nomination à la chaire de Saint-Pierre. Entre les contreforts sont percées les fenêtres qui éclairent les chapelles autour du chœur; ces contreforts soutiennent des arcs rampants qui vont contrebuter la poussée des voûtes du chœur. Des détails seuls pourraient reproduire la finesse et en même temps la richesse des sculptures qui ornent cette partie. Chaque contrefort est décoré de plusieurs niches surmontées de clochetons; des pyramides ornées de crochets dissimulent les nombreuses retraites du mur.


Derrière le chevet apparaissent les flèches qui couronnent les tours entre lesquelles s’ouvre le portail nord. Les tours seules ont 45 mètres d’élévation, les flèches 40 mètres; ainsi c’est à une hauteur de 85 mètres au-dessus du sol que s’élèvent les sommets de ces gracieuses pyramides si légères, si brillantes. Vers 1824, leur mauvais état avait fait concevoir le projet de les démolir, et c’est à un architecte de Bordeaux, M. Poitevin, que l’on doit leur conservation. Voici quelques détails que nous avons déjà donnés sur ce sujet dans les actes de l’Académie de Bordeaux : Quelques dégradations dans les flèches et la crainte d’un accident qu’augmentait sans doute le souvenir de l’écroulement de 1820, causèrent en 1824 de nouvelles alarmes qui firent une impression assez vive sur l’esprit de la population pour éloigner du service religieux un grand nombre de personnes. Le clergé, qui partageait ces craintes, en entretint le préfet, M. de Breteuil, il n’hésita pas à demander de faire disparaître ces dangereux obélisques suspendus sur sa tête comme le glaive de Damoclès. Le préfet, dans l’intérêt de la sûreté publique, avait adopté l’idée de démolition qu’on venait de lui suggérer, lorsqu’il trouva dans M. Poitevin, qui avait succédé à M. Combes dans le poste d’architecte du département, une résistance d’autant plus énergique à exécuter cette volonté, que cet artiste appréciait ces flèches à leur véritable valeur, et qu’il était assuré de trouver un moyen de rendre leur chute presque impossible. Des études furent dès lors autorisées et aussitôt entreprises. Rendre ces flèches solidaires d’un autre système plus élastique que la pierre, qui leur communique sa propriété, telle fut l’idée de M. Poitevin, idée qu’il réalisa en établissant à l’intérieur un système ingénieux de charpente auquel ces flèches sont liées, et qui en facilite l’entretien et l’examen journalier. Ce projet reçut en 1824 l’approbation du conseil des bâtiments civils, et fut exécuté quelques années plus tard.
 

 

Pey-Berland et cathédrale de Bordeaux - reproduction © Norbert Pousseur
Clocher de Pey-Berland et église cathédralede St André
(Léo Drouyn - Le Magasin pittoresque - 1844)
Voir ci-dessous la même gravure, zoomable

On voit dans cette seconde gravure une forte tour carrée et découronnée : c’est la tour de Pey-Berland, que l’on avait vainement tenté d’abattre en 1793. Aujourd’hui, comme la tour de Saint-Jacques-la-Boucherie, à Paris, c’est une fabrique de plomb de chasse.
Une inscription incrustée sur l’une des faces apprend que les fondements de cette tour furent jetés en 1440 sur l’emplacement d’une ancienne fontaine, supposée pendant longtemps, probablement à tort, être la fontaine chantée par Ausone, fons divina, et dont on ignore aujourd’hui la position. Ce monument gigantesque fut érigé par les soins du vénérable Pey-Berland (Pey, en gascon, veut dire Pierre), un des prélats les plus vertueux et les plus éclairés dont le diocèse de Bordeaux puisse s’enorgueillir. De nombreuses fondations attestent son goût pour les arts, son amour pour la science et son zèle pour la religion. Il établit à Bordeaux une université ; le pape Eugène IV lui en accorda l’autorisation. Il fonda le collège Saint-Raphaël, destiné à élever à l’état ecclésiastique douze écoliers pauvres ; il dota un hospice pour les pauvres dans le faubourg Saint-Sevrin. Son corps fut déposé dans l’église Saint-André contre le chœur; on y voit encore sa statue : au-dessous était autrefois renfermé dans une cage grillée le bréviaire de l’illustre prélat ; mais ce livre a disparu pendant la révolution, et la place où il se trouvait a été occupée, il y a peu d’années, par une inscription en latin, dont les caractères imitent la forme des lettres gothiques. Au-dessous se trouve un médaillon de la même époque que la statue ; il porte en légende les mots : Imaginent parvam venerabilis Pétri aspice supra : Voyez ci-dessus la petite statue du vénérable Pierre.
 

 

Église Sainte Eulalie

Sainte Eulalie de Bordeaux - reproduction © Norbert Pousseur
Bordeaux. — A droite, l’église Sainte-Eulalie. A gauche, la caserne Saint-Raphaël.
Au fond, les deux flèches de la cathédrale Saint-André (Le Magasin pittoresque - 1844)
Voir ci-dessous la même gravure, zoomable

Sur de moindres dimensions, le clocher de l’église Sainte-Eulalie offre quelque ressemblance avec celui de Pey-Berland. Tous deux ont perdu leur pointe ; mais le renversement de la flèche du clocher Sainte-Eulalie fut l’œuvre de la foudre, qui l’abattit au commencement du dix-neuvième siècle. Ce clocher n’est pas tout entier de la même époque ; la base peut être du douzième siècle ou du commencement du treizième ; le dernier étage de la tour est seul du quinzième. Cette surélévation est aisément reconnaissable à la richesse des ornements, aux arcs en doucine, aux crosses végétales qui se font remarquer dans cette addition, et aussi à la forme des contreforts qui cessent de s’élever sur des bases carrées pour prendre la forme de pyramides engagées. La petite tour qui renferme l’escalier cesse d’avoir pour base un carré ; les angles sont coupés, le carré s’est transformé en octogone.

Comme son clocher, l’église Sainte-Eulalie appartientà diverses époques. La partie la plus ancienne paraît être du douzième siècle ; c’est le style de quelques chapiteaux qui ont survécu aux restaurations; c’est aussi le style de quelques travées, de quelques fenêtres des nefs latérales. Au quatorzième siècle, on refit la plus grande partie des voûtes ; enfin au quinzième, en même temps que l’on élevait le clocher, on construisit l’abside sur laquelle sont répandus tous les ornements de cette époque. Une inscription placée contre cette abside apprend que cette partie de l’église fut exécutée aux frais de Ives de Campanle, un de ses bénéficiers.
Mais si, en interrogeant le style architectural de l’église Sainte-Eulalie , il n'est pas permis de la faire remonter au-delà du douzième siècle, les documents historiques attestent l’existence d’une ancienne église sous l’invocation de la même sainte, et qui remontait au cinquième siècle. Dans la vie de saint Waning, on trouve mentionnée l’existence d’un monastère de filles, dont Hildemarche était abbesse à cette époque. Les chroniques rapportent aussi que Charlemagne revenant de Lectoure déposa dans cette église les reliques de saint Clair, saint Justin, saint Géronce, saint Babyle, saint Jean, saint Polycarpe, saint Sévère. Ces restes existent encore et donnent lieu, tous les ans, à une procession, qui remonte au cardinal de Sourdis. Cet archevêque, voulant reconnaître l’existence de reliques que la tradition seule assurait être déposées dans l’église Sainte-Eulalie, fit ouvrir les lieux où elles étaient renfermées. De nombreux témoins pris parmi les plus élevés de la cité furent appelés à cette cérémonie qui se termina par une procession solennelle. Plus d’une fois le calme religieux fut troublé par les querelles des chapitres de Saint-André et de Saint-Sevrin, qui faillirent en venir aux mains au sujet de la question de prérogatives et de places d’honneur.

Le côté gauche de la gravure présente un bâtiment couronné d’un fronton, et dont les dimensions semblent annoncer un monument public : c’est la caserne Saint-Raphaël . Ce bâtiment n’a reçu cette destination que bien postérieurement à sa construction

. D’après un arrêt du conseil d’état du 19 mars 1754, qui autorisa les maire et jurats à démolir la porte dite de Sainte-Eulalie, et l’ancien mur de cette ville qui s’y liait, on avait conçu alors le projet de construire sur ce terrain un hôpital des enfants-trouvés, un petit séminaire, et «autres maisons servant à loger des particuliers.» Trois ans après, des lettres-patentes de décembre 1757 autorisèrent la construction sur ce lieu d’une maison destinée à servir de prison et d’hospice. Ce local n’a pas reçu la destination pour laquelle il fut érigé. Il servit d’abord d’usine, en 1775, pour la fonte du clocher de l’Hôtel-de-ville ; quelque temps après le séminaire ou collège de Saint-Raphael, dont nous avons déjà mentionné la fondation par Saint Bernard, archevêque de Bordeaux, fut transféré dans ce local, où il resta jusqu’au moment de la Révolution, époque où la besoin de nouvelles et vastes prisons le fit adopter pour cet usage. Enfin l’an IV, il fut affecté au service de la guerre comme caserne d’infanterie ; et un décret impérial du 25 août 1810 remit ce bâtiment en propriété à la ville de Bordeaux pour être affecté au casernement. Tel est l’historique de cet édifice où aujourd’hui il est question de placer l’école secondaire de médecine.

 

 

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