Laurent Pépin, Monstrueuse féerie est votre premier texte publié. Comment vous présenteriez-vous à celles et ceux qui aimeraient vous lire, et qu’est-ce qui vous a mené à l’écriture ?
En fait, j’ai écrit des histoires à partir de l’âge de huit ou neuf ans. Ma mère avait rêvé de devenir écrivain elle-même mais n’avait jamais vraiment essayé d’aboutir quoi que ce soit et j’aimais bien écrire des versions alternatives des histoires pour enfant qu’elle me lisait à haute voix afin de les lui raconter à mon tour.
J’imagine que je voulais lui montrer que je pouvais réussir là où elle avait seulement rêvé. J’ai continué à écrire, dans un autre registre évidemment, jusqu’à l’âge de 22 ou 23 ans, je ne sais plus exactement. Mais je me suis complètement enlisé : le projet de devenir écrivain avait pris toute la place, j’avais cessé mes études dès la première année de fac et, au fond, je crois que l’idée n’était plus d’écrire parce que ça me plaisait, mais d’ « être » écrivain, comme si ce mot pouvait me définir et me coller une identité toute faite. Alors j’ai arrêté parce que je devais me construire une vie et que ce projet, ou ce fantasme, était devenu un toxique qui me marginalisait.
J’ai donc travaillé en tant qu’agent de service hospitalier, puis j’ai repris des études de psychologie par correspondance. Je me suis remis à l’écriture l’année dernière, juste avant mes 39 ans, suite à un ensemble de déconvenues dans ma vie personnelle dont je ne parvenais pas à me relever.
C’était une opération de survie. Pourtant, je me méfiais, en recommençant à écrire, de l’isolement dans lequel cela risquait de me plonger. Du coup, les premiers jets de Monstrueuse Féerie ont été écrits comme un texte qui devait pouvoir se dire sur scène. J’avais l’idée d’un one man show comique. Mais ça a été très vite évident que cela n’avait rien ni d’un one man show ni d’un texte réellement humoristique. On voit quand même des traces de cette volonté initiale dans le texte, qui peut osciller entre un style parlé et quelque chose de beaucoup plus écrit.
Pourquoi ce format, à mi-chemin de la nouvelle et du roman ? Est-ce un choix délibéré ou une étape intermédiaire avant de vous attaquer à la pratique romanesque ?
J’apprécie les romans courts et les longues nouvelles, parce que j’aime pouvoir lire un texte d’une traite. J’aime quand l’atmosphère vous submerge et ma façon d’écrire correspond un peu plus à de la poésie en prose un peu bizarre sans doute – qu’à une écriture romanesque. Le format court permet de livrer un récit comme un long poème. Je m’attache beaucoup aux mutations psychologiques et émotionnelles de mon narrateur et je fais évoluer le décor autour de lui en fonction de ce qu’il vit. La réalité se modifie pour métaphoriser l’altération de sa perception du monde.
L’avantage du format court, c’est justement qu’il y a une unité narrative plus forte que dans un roman : il peut y avoir un seul lieu, très peu de personnages, on couvre une période courte, et je trouve que ça donne plus de place à cette façon de faire qui consiste au fond à livrer un récit plutôt simple, du moins en apparence, et à évoluer à l’intérieur, au départ d’une manière qui peut sembler un peu gentillette et très légèrement décalée, puis, par couches progressives, s’enfoncer dans une folie furieuse.
On est dans Monstrueuse féerie à mi-chemin de la fantasmagorie et de la confession truquée. Comment résumeriez-vous ce texte et comment en définiriez-vous le thème ?
Pour faire court : le narrateur rencontre une Elfe dans le centre psychiatrique dans lequel il travaille en tant que psychologue. Cette rencontre fait suite à la mort de sa mère, qu’il n’a pas vue depuis vingt ans. Le jour du décès de sa mère, il se fait diagnostiquer un cancer cutané, mais lui est convaincu qu’il s’agit en réalité d’un horcruxe que sa mère lui a implanté et il commence à être envahi par son chagrin d’enfant abandonné. La rencontre de l’Elfe lui permet d’abord de neutraliser ses souvenirs, il devient dépendant d’elle. Elle devient son médicament, ce qu’elle ne supporte pas.
Quand il commence à comprendre qu’il va la perdre, ses souvenirs, qu’il appelle des « monstres » ressurgissent d’une façon de plus en plus déformée, horrifique, et la réalité autour de lui se transforme également. Le thème est a priori simple : il s’agit d’une décompensation poétique.
C’est-à-dire qu’on ne peut pas s’arrêter à l’aspect psychiatrique du récit, car il lutte constamment, avec son ironie, son inventivité, sa poésie, contre sa propre passivité qui est en train de le transformer en pantin livré au massacre de sa raison. Mon but était que la grille de lecture psychiatrique ne soit pas exclusive : peut-être bien qu’il arrive réellement tout ce qu’il écrit après tout.
Peut-être sommes-nous vraiment dans un récit fantastique. Je ne voulais pas qu’une réponse l’emporte sur l’autre. Parce que ce texte n’a rien de clinique, c’est d’abord l’histoire d’un type qui essaie d’inventer le monde en réinventant sa propre langue et c’est la grâce poétique de cet effort qui m’intéresse et non les explications d’expert qu’on pourrait en donner. Et c’est aussi une histoire d’amour, naturellement…
Votre héros (jamais nommé) est psychologue clinicien, tout comme vous l’êtes vous-même. Y a-t-il une part d’autobiographie dans ce récit, et comment vous situez-vous quant à la part personnelle que chaque écrivain décide d’incorporer (ou non) dans ses écrits ?
Oui, il y a de nombreux aspects autobiographiques. Le narrateur n’est pas nommé parce que je ne pouvais pas me résigner à ce qu’il porte un autre nom que le mien et pourtant je ne suis pas lui. L’enfance qu’il relate est une version déformée, parodique et gothique à la fois, je crois, de la mienne. Sa transformation en loque face à son Elfe est aussi une auto-analyse dérisoire de certaines de mes incapacités, notamment dans le registre amoureux. Je ne sais pas, en revanche, s’il y a nécessairement des éléments autobiographiques concrets dans tout récit fictionnel.
Mais c’est vrai que même lorsque je m’éloigne de ma propre histoire, comme dans L’angelus des ogres qui paraitra en avril, également chez Flatland éditeur, et qui comporte peu d’éléments autobiographiques, je me sers de mes propres émotions, que je tâche de prélever essentiellement dans des aspects de ma vie réelle qui me mettent en difficulté, pour construire la vie émotionnelle – et donc l’évolution de l’histoire et de mon style d’écriture puisque chez moi c’est indissociable – de mon narrateur.
On serait également bien en peine de « ranger » Monstrueuse féerie dans l’une ou l’autre des catégories littéraires usuelles. Il y est fait référence aux contes (Le petit Poucet), comme à la poésie (Boris Vian), ou à un fantastique plus « young adult » et contemporain (Harry Potter). Personnellement, je trouve qu’il y a également quelque chose d’éminemment célinien dans l’esprit (sinon dans la lettre) de ce texte. Comment vous situez-vous, littérairement parlant, et de quelle « famille » littéraire vous sentez-vous faire partie ?
Je dirais que ma famille littéraire, initialement, c’est la pataphysique. J’adore Vian, Queneau, Ionesco. Adolescent, puis jeune homme, c’étaient un peu mes seules boussoles. Je les lisais et relisais inlassablement. Après, j’apprécie énormément les contes qui permettent d’ancrer et d’illustrer les idées les plus irrationnelles et violentes. En fait, ça me sert à m’arrimer au sol. Les contes sont mes figures mythiques à moi. Plus généralement, je trouve que les littératures de l’imaginaire constituent un recours allégorique indépassable. Je suppose que du coup, je suis à mi-chemin de la littérature générale et des littératures de l’imaginaire. Si on lit attentivement Monstrueuse Féerie, on se rend compte, d’ailleurs, qu’il y a énormément de références littéraires en tout genre. Je ne m’en cache pas, parce que pour moi écrire c’est aussi rendre hommage aux livres que j’aime. Vous parlez des références à Harry Potter, pour le coup, c’est un peu plus ironique.
Ce type qui pense avoir un horcruxe implanté ou qui explique à ses amis que même si les Monstres n’existent plus, « Ce n’est pas parce que c’est dans ta tête que ça n’existe pas, Harry. » Et en même temps, ça aussi, c’est une tentative pour se représenter ce qui lui arrive et le terrorise sous des traits familiers et du coup moins effrayants. Peut-être aussi que j’utilise les réalités alternatives par pudeur, pour déguiser des émotions trop brutes, trop pathétiques…
Quant à Céline, j’adore son écriture. Je pense que vous faites référence au récit en italique que mon narrateur produit de son enfance, dans lequel il témoigne de son effort pour appréhender de manière – faussement – banale la descente aux enfers familiale, avec tour à tour un air sidéré et un humour noir épouvantable. Sans doute que ma traversée de l’Allemagne en ruines à moi, c’était mon enfance. Je ne me voyais pas en parler autrement, en tout cas. Il était hors de question d’en faire un récit réaliste. Il me semble que ça n’aurait eu aucun intérêt.
Comment vous voyez-vous évoluer à l’avenir dans vos écrits, ou plus exactement, vous voyez-vous continuer à écrire et de quelle manière ?
Oui, je vais continuer à écrire. L’angélus des ogres est terminé. C’est un texte qui fait moins « attentat littéraire » que Monstrueuse Féerie. Il s’agit davantage d’une fantaisie, une escapade nettement plus tendre. Même si, mon narrateur étant ce qu’il est… Par ailleurs, c’est aussi une critique transposée sur un mode pataphysique de l’évolution de la psychiatrie contemporaine. Je ne crois pas que j’en reparlerai, ou du moins cela prendra beaucoup moins de place, dans les textes suivants, mais je tenais absolument à produire ce côté pamphlétaire. Même si ce n’est pas un vrai pamphlet puisque c’est la poésie qui mitraille pour lutter contre la pensée filtrée.
Ça n’a rien d’une description ou d’une analyse objective. J’écris actuellement le troisième, qui devrait s’appeler Clapotille, et marquera une rupture dans mon écriture puisque la narration sera partagée entre deux personnages. Je suis donc en train d’apprendre à écrire sans partir d’une auto-fiction décalée, ce qui n’est pas évident pour moi. Plus haut, vous avez parlé de confession truquée, c’est vrai. Monstrueuse féerie est une analyse subvertie de mon enfance, L’angélus des ogres de ma construction d’adulte et Clapotille, eh bien, on en parlera plus tard. Mais une fois que ce sera fait, je pourrai – enfin, en tout cas j’ai envie d’essayer – me lancer dans autre chose. Je crois que j’en aurai fini avec l’auto-analyse tragique, burlesque et ivre.
J’ai continué à écrire, dans un autre registre évidemment, jusqu’à l’âge de 22 ou 23 ans, je ne sais plus exactement. Mais je me suis complètement enlisé : le projet de devenir écrivain avait pris toute la place, j’avais cessé mes études dès la première année de fac et, au fond, je crois que l’idée n’était plus d’écrire parce que ça me plaisait, mais d’ « être » écrivain, comme si ce mot pouvait me définir et me coller une identité toute faite. Alors j’ai arrêté parce que je devais me construire une vie et que ce projet, ou ce fantasme, était devenu un toxique qui me marginalisait.
J’ai donc travaillé en tant qu’agent de service hospitalier, puis j’ai repris des études de psychologie par correspondance. Je me suis remis à l’écriture l’année dernière, juste avant mes 39 ans, suite à un ensemble de déconvenues dans ma vie personnelle dont je ne parvenais pas à me relever.
C’était une opération de survie. Pourtant, je me méfiais, en recommençant à écrire, de l’isolement dans lequel cela risquait de me plonger. Du coup, les premiers jets de Monstrueuse Féerie ont été écrits comme un texte qui devait pouvoir se dire sur scène. J’avais l’idée d’un one man show comique. Mais ça a été très vite évident que cela n’avait rien ni d’un one man show ni d’un texte réellement humoristique. On voit quand même des traces de cette volonté initiale dans le texte, qui peut osciller entre un style parlé et quelque chose de beaucoup plus écrit.
Pourquoi ce format, à mi-chemin de la nouvelle et du roman ? Est-ce un choix délibéré ou une étape intermédiaire avant de vous attaquer à la pratique romanesque ?
J’apprécie les romans courts et les longues nouvelles, parce que j’aime pouvoir lire un texte d’une traite. J’aime quand l’atmosphère vous submerge et ma façon d’écrire correspond un peu plus à de la poésie en prose – un peu bizarre sans doute qu’à une écriture romanesque. Le format court permet de livrer un récit comme un long poème.
Je m’attache beaucoup aux mutations psychologiques et émotionnelles de mon narrateur et je fais évoluer le décor autour de lui en fonction de ce qu’il vit. La réalité se modifie pour métaphoriser l’altération de sa perception du monde. L’avantage du format court, c’est justement qu’il y a une unité narrative plus forte que dans un roman : il peut y avoir un seul lieu, très peu de personnages, on couvre une période courte, et je trouve que ça donne plus de place à cette façon de faire qui consiste au fond à livrer un récit plutôt simple, du moins en apparence, et à évoluer à l’intérieur, au départ d’une manière qui peut sembler un peu gentillette et très légèrement décalée, puis, par couches progressives, s’enfoncer dans une folie furieuse.
On est dans Monstrueuse féerie à mi-chemin de la fantasmagorie et de la confession truquée. Comment résumeriez-vous ce texte et comment en définiriez-vous le thème ?
Pour faire court : le narrateur rencontre une Elfe dans le centre psychiatrique dans lequel il travaille en tant que psychologue. Cette rencontre fait suite à la mort de sa mère, qu’il n’a pas vue depuis vingt ans. Le jour du décès de sa mère, il se fait diagnostiquer un cancer cutané, mais lui est convaincu qu’il s’agit en réalité d’un horcruxe que sa mère lui a implanté et il commence à être envahi par son chagrin d’enfant abandonné. La rencontre de l’Elfe lui permet d’abord de neutraliser ses souvenirs, il devient dépendant d’elle. Elle devient son médicament, ce qu’elle ne supporte pas.
Quand il commence à comprendre qu’il va la perdre, ses souvenirs, qu’il appelle des « monstres » ressurgissent d’une façon de plus en plus déformée, horrifique, et la réalité autour de lui se transforme également. Le thème est a priori simple : il s’agit d’une décompensation poétique. C’est-à-dire qu’on ne peut pas s’arrêter à l’aspect psychiatrique du récit, car il lutte constamment, avec son ironie, son inventivité, sa poésie, contre sa propre passivité qui est en train de le transformer en pantin livré au massacre de sa raison. Mon but était que la grille de lecture psychiatrique ne soit pas exclusive : peut-être bien qu’il arrive réellement tout ce qu’il écrit après tout.
Peut-être sommes-nous vraiment dans un récit fantastique. Je ne voulais pas qu’une réponse l’emporte sur l’autre. Parce que ce texte n’a rien de clinique, c’est d’abord l’histoire d’un type qui essaie d’inventer le monde en réinventant sa propre langue et c’est la grâce poétique de cet effort qui m’intéresse et non les explications d’expert qu’on pourrait en donner. Et c’est aussi une histoire d’amour, naturellement…
Votre héros (jamais nommé) est psychologue clinicien, tout comme vous l’êtes vous-même. Y a-t-il une part d’autobiographie dans ce récit, et comment vous situez-vous quant à la part personnelle que chaque écrivain décide d’incorporer (ou non) dans ses écrits ?
Oui, il y a de nombreux aspects autobiographiques. Le narrateur n’est pas nommé parce que je ne pouvais pas me résigner à ce qu’il porte un autre nom que le mien et pourtant je ne suis pas lui. L’enfance qu’il relate est une version déformée, parodique et gothique à la fois, je crois, de la mienne. Sa transformation en loque face à son Elfe est aussi une auto-analyse dérisoire de certaines de mes incapacités, notamment dans le registre amoureux. Je ne sais pas, en revanche, s’il y a nécessairement des éléments autobiographiques concrets dans tout récit fictionnel.
Mais c’est vrai que même lorsque je m’éloigne de ma propre histoire, comme dans L’angelus des ogres qui paraitra en avril, également chez Flatland éditeur, et qui comporte peu d’éléments autobiographiques, je me sers de mes propres émotions, que je tâche de prélever essentiellement dans des aspects de ma vie réelle qui me mettent en difficulté, pour construire la vie émotionnelle – et donc l’évolution de l’histoire et de mon style d’écriture puisque chez moi c’est indissociable – de mon narrateur.
On serait également bien en peine de « ranger » Monstrueuse féerie dans l’une ou l’autre des catégories littéraires usuelles. Il y est fait référence aux contes (Le petit Poucet), comme à la poésie (Boris Vian), ou à un fantastique plus « young adult » et contemporain (Harry Potter). Personnellement, je trouve qu’il y a également quelque chose d’éminemment célinien dans l’esprit (sinon dans la lettre) de ce texte. Comment vous situez-vous, littérairement parlant, et de quelle « famille » littéraire vous sentez-vous faire partie ?
Je dirais que ma famille littéraire, initialement, c’est la pataphysique. J’adore Vian, Queneau, Ionesco. Adolescent, puis jeune homme, c’étaient un peu mes seules boussoles. Je les lisais et relisais inlassablement. Après, j’apprécie énormément les contes qui permettent d’ancrer et d’illustrer les idées les plus irrationnelles et violentes. En fait, ça me sert à m’arrimer au sol. Les contes sont mes figures mythiques à moi. Plus généralement, je trouve que les littératures de l’imaginaire constituent un recours allégorique indépassable. Je suppose que du coup, je suis à mi-chemin de la littérature générale et des littératures de l’imaginaire.
Si on lit attentivement Monstrueuse Féerie, on se rend compte, d’ailleurs, qu’il y a énormément de références littéraires en tout genre. Je ne m’en cache pas, parce que pour moi écrire c’est aussi rendre hommage aux livres que j’aime. Vous parlez des références à Harry Potter, pour le coup, c’est un peu plus ironique. Ce type qui pense avoir un horcruxe implanté ou qui explique à ses amis que même si les Monstres n’existent plus, « Ce n’est pas parce que c’est dans ta tête que ça n’existe pas, Harry. » Et en même temps, ça aussi, c’est une tentative pour se représenter ce qui lui arrive et le terrorise sous des traits familiers et du coup moins effrayants.
Peut-être aussi que j’utilise les réalités alternatives par pudeur, pour déguiser des émotions trop brutes, trop pathétiques… Quant à Céline, j’adore son écriture. Je pense que vous faites référence au récit en italique que mon narrateur produit de son enfance, dans lequel il témoigne de son effort pour appréhender de manière – faussement – banale la descente aux enfers familiale, avec tour à tour un air sidéré et un humour noir épouvantable. Sans doute que ma traversée de l’Allemagne en ruines à moi, c’était mon enfance. Je ne me voyais pas en parler autrement, en tout cas. Il était hors de question d’en faire un récit réaliste. Il me semble que ça n’aurait eu aucun intérêt.
Comment vous voyez-vous évoluer à l’avenir dans vos écrits, ou plus exactement, vous voyez-vous continuer à écrire et de quelle manière ?
Oui, je vais continuer à écrire. L’angélus des ogres est terminé. C’est un texte qui fait moins « attentat littéraire » que Monstrueuse Féerie. Il s’agit davantage d’une fantaisie, une escapade nettement plus tendre. Même si, mon narrateur étant ce qu’il est… Par ailleurs, c’est aussi une critique transposée sur un mode pataphysique de l’évolution de la psychiatrie contemporaine. Je ne crois pas que j’en reparlerai, ou du moins cela prendra beaucoup moins de place, dans les textes suivants, mais je tenais absolument à produire ce côté pamphlétaire.
Même si ce n’est pas un vrai pamphlet puisque c’est la poésie qui mitraille pour lutter contre la pensée filtrée. Ça n’a rien d’une description ou d’une analyse objective. J’écris actuellement le troisième, qui devrait s’appeler Clapotille, et marquera une rupture dans mon écriture puisque la narration sera partagée entre deux personnages. Je suis donc en train d’apprendre à écrire sans partir d’une auto-fiction décalée, ce qui n’est pas évident pour moi.
Plus haut, vous avez parlé de confession truquée, c’est vrai. Monstrueuse féerie est une analyse subvertie de mon enfance, L’angélus des ogres de ma construction d’adulte et Clapotille, eh bien, on en parlera plus tard. Mais une fois que ce sera fait, je pourrai – enfin, en tout cas j’ai envie d’essayer – me lancer dans autre chose. Je crois que j’en aurai fini avec l’auto-analyse tragique, burlesque et ivre.
une etoile vient de naître dans le ciel litteraire
suivons la elle brillera longtemps
Alors, bien sûr, ça donne des constructions très personnelles. Les idées ne sont pas au bon endroit, ou bien elles sont morcelées ou trop vastes, sans limites. Et parfois, il manque des pièces. C'est le problème des trucs en kit. Je suis devenu psychologue et je travaille dans ce Centre. Souvent mon boulanger me demande si ce n'est pas trop dur de travailler avec "les fous" . Moi j'ai envie de lui répondre que ce qui est vraiment dur, c'est plutôt ce genre de dialogue, mais je me tais.
Et je ne peux pas répondre que parmi les Monuments, on peut parfois trouver des elfes.