Marcel Duchamp
________________
Sources Wilkipedia
________________
J'ai eu une vie absolument merveilleuse. »
— Marcel Duchamp
Origines familiales
Maison d'enfance de Duchamp à Blainville-Crevon.
Né dans la Seine-Inférieure, Henri Robert Marcel Duchamp est le fils du notaire de Blainville-Crevon, Justin Isidore Duchamp (dit « Eugène »), et de Marie Caroline Lucie, née Nicolle, musicienne accomplie. Marcel est le petit-fils d'Émile Frédéric Nicolle (1830-1894), courtier maritime et artiste, qui enseigna l'art à ses petits-enfants. Il est le troisième enfant d'une famille qui en compte sept, dont le sculpteur Raymond Duchamp-Villon (1876-1918), et les peintres Jacques Villon (Gaston Duchamp, 1875-1963) et Suzanne Duchamp (1889-1963), mariée au peintre Jean-Joseph Crotti.
Il entreprend son apprentissage de la peinture auprès de son grand-père artiste, puis de ses frères, de sa sœur et de leurs amis. Sa marraine, Julia Pillore, belle-fille de son grand-père Émile, avait épousé en 1900 le peintre Paulin Bertrand. Cette année-là, au collège, en 4e, Marcel remporte un prix de mathématiques et exécute son premier dessin connu, Magdeleine au piano2. Durant l'été 1902, il entame ses premières toiles en s'inspirant des paysages de Blainville et ne jure que par Monet. Le soir, il apprend à jouer aux échecs en observant ses deux frères, particulièrement doués.
Il poursuit brillamment ses études à l'école Bossuet de Rouen, décrochant à quinze ans la première partie de son baccalauréat avec un 1er prix de dessin. Durant l'été, il part en voyage à Jersey. L'année suivante, il décroche la deuxième partie du bac (Lettres-Philosophie) et la médaille d’excellence des « Amis des Arts ».
En , avec l'accord de son père, il part s'installer à Montmartre, au 71, rue Caulaincourt ; il vit chez son frère, devenu le peintre Jacques Villon. Il s’inscrit à l'académie Julian, et tiendra seulement une année, abandonnant à cause des cours théoriques. Il ne cesse de dessiner, de jouer au billard et assiste aux numéros de cabaret humoristiques.
N'ayant jamais fait d'école d'art au sens classique du terme, Marcel Duchamp est un autodidacte.
Ses débuts : tableaux et dessins
Affiche d'Henri Privat-Livemont (1896) : Duchamp fut toute sa vie impressionné par le bec Auer qu'il commença à dessiner dès 1903.
Après avoir échoué au concours d'entrée des Beaux-Arts de Paris, Marcel est appelé à faire son service militaire le : son livret militaire précise alors qu'il mesure 1,68 m, qu'il a les cheveux blonds et les yeux gris3. En tant qu'ouvrier d'art, il voit son temps réduit à une année au lieu de trois : employé chez un imprimeur de Rouen, il a obtenu quelques semaines plus tôt un diplôme d'imprimeur de gravures, dans le but unique de réduire autant que possible son passage sous les drapeaux. Par ailleurs, son père part en retraite, quitte Blainville pour Rouen et emmène toute la famille au 71, rue Jeanne-d'Arc. Nommé caporal le , Marcel est libéré le et emménage au 65, rue Caulaincourt (Paris). Son meilleur partenaire de billard s'appelle Juan Gris.
Pour arrondir les fins de mois, Marcel, à l'imitation de Villon, tente de proposer des caricatures satiriques à des journaux comme Le Rire et Le Courrier français. Après quelques refus4, dix-huit dessins furent publiés entre et 5. Il signe « Duchamp » et pratique un humour parfois jugé gaudriolesque6. Pour la première fois, Marcel hésite entre deux carrières : humoriste ou peintre. Il propose ses dessins au Salon des Humoristes (Palais des Glaces, Paris) en mai et , mais sans grand succès : c'est son premier contact avec le public. Entre Noël 1907 et la rentrée 1908, Marcel mène la belle vie : fêtes mémorables rue Caulaincourt, exposition de quatre nouveaux dessins au 2e Salon des artistes humoristes (mai-juin) puis longues vacances à Veules-les-Roses. Il déménage à Neuilly-sur-Seine et y demeurera jusqu'en 19137.
Il commence à exposer des tableaux au Salon d'automne (Grand Palais, octobre-), à savoir Portrait, Cerisier en fleurs, et Vieux cimetière, très marqués par les impressionnistes. Au printemps 1909, il expose au Salon des indépendants (Orangerie des Tuileries) deux paysages dont l'un sera acheté 100 francs : pour Marcel, c'est une première8. De nouveau à Veules-les-Roses, il se met à peindre les environs et expose ses paysages au Salon d'automne pour la seconde fois. Une toile est achetée par Isadora Duncan. À la fin de l'année, il expose à la Société normande de peinture moderne organisée à Rouen par son camarade d'enfance, Pierre Dumont, qui lui présente Francis Picabia, qui exposait également. Ses deux frères, Jacques et Raymond, l'invitent souvent à les rejoindre à Puteaux au 7, rue Lemaître où ils vivent dans une sorte de communauté d'artistes où se croisent des cubistes comme Albert Gleizes, Fernand Léger, Jean Metzinger, Roger de La Fresnaye, mais aussi des poètes comme Guillaume Apollinaire (qui n'aime pas ses nus, en évoquant « les nus très vilains de Duchamp »1), Henri-Martin Barzun, Maurice Princet et le jeune Georges Ribemont-Dessaignes
____________
Après les années 1902-1910, qui sont qualifiées par Duchamp de « huit années de leçons de natation12 », durant lesquelles il explore toute une série de styles artistiques — impressionnisme, fauvisme, cubisme s'ouvre une période de recherches intenses.
Entre 1910 et 1912, la manière de s'exprimer de Duchamp évolue considérablement, et passe par différentes phases. Il est d'abord très marqué par Cézanne, comme en témoigne sa toile La Partie d'échecs, mais aussi par le fauvisme avec, par exemple, Le Portrait du docteur Dumouchel, tout en refusant de coller au modèle.
Une certaine Jeanne Marguerite Chastagnier pose pour lui et Duchamp exécute des études de nus, puis noue une relation amoureuse avec elle. Au cours de cette période, il devient également sociétaire du Salon d'Automne et ne passe plus par le jury de sélection (mais ironiquement il n'y exposera plus).
En 1911, il réalise la fusion entre le symbolisme et le cubisme, entreprenant des recherches picturales sur le mouvement, très marqué par les travaux de Kupka, son voisin de Puteaux et, dans la foulée, il exécute pour ses frères Moulin à café, sa première représentation de machine et de rouages.
C'est au début de 1911 qu'il peint une toile intitulée Le Printemps (ou Jeune homme et jeune fille dans le printemps) : rétrospectivement, Arturo Schwarz y voit « la première œuvre de Duchamp qui lui soit vraiment personnelle13 ». Dans cette œuvre notamment, la figure de l'androgyne deviendra un thème hautement symbolique pour ses futures grandes réalisations
De 1911 à 1912, Duchamp élabore des dessins énigmatiques (série des Roi et reine traversés par des nus en vitesse, Joueurs d’échecs) et de minutieux tableaux travaillés à l’ancienne (les deux Nu descendant un escalier, Les Joueurs d'échecs, Le Roi et la Reine entourés de nus vites, Le Passage de la Vierge à la Mariée, Mariée). Il compose alors une iconographie hermétique, déconcertante de complexité, relevant d’une forme de maniérisme arcimboldesque. On a pu avancer que les peintures de cette période, à l’interprétation si problématique, et se démarquant manifestement
du cubisme ou du fauvisme alors en vogue, seraient le produit d’un intérêt persistant, et certes paradoxal pour un artiste considéré comme l’apôtre de l’anti-art, pour certains maîtres du passé (Bosch, Lucas Cranach l'Ancien, Léonard, Bellange, Hogarth, Goya) ou anonymes de la Renaissance française, et surtout pour Vélasquez. Les « figures » des compositions de cette période, puisées dans le répertoire de la peinture ancienne, deviennent agencement intriqué d’objets divers, processus qui trouvera son aboutissement dans Le Grand Verre (1915-1923) — La Mariée mise à nu par ses célibataires, même est le nom original de cette œuvre, qui pourrait alors être lu comme la version mécaniste des Ménines de Vélasquez.
Outre ce regard incisif porté sur la peinture ancienne, Duchamp revendique son grand intérêt pour des auteurs tels que Jules Laforgue, Villiers de l’Isle-Adam et Alfred Jarry, qui nourrissent également les productions de cette période.
C'est de cette époque, en , que date Jeune homme triste dans un train : il y expérimente déjà les effets de la chronophotographie. C'est un poème de Laforgue qui lui aurait inspiré une composition, le Nu descendant un escalier, qu'il entame également fin 1911, et dont la seconde version fut proposée au Salon des indépendants, le . Cette toile fut refusée par ses amis du jury : Duchamp est profondément blessé. Il dira, bien plus tard : « Je reconnais que l’incident du Nu descendant un escalier aux Indépendants a déterminé en moi, sans même que je m’en rende compte, une complète révision de mes valeurs. »
Fin , il entreprend un voyage à Munich, où il retrouve son ami le peintre allemand Max Bergmann (1884-1955), à qui il offrit en 1910, un bilboquet dédicacé. Ce voyage met Duchamp au contact de l'avant-garde munichoise, il visite les musées et les expositions temporaires, il est pris en photo par Heinrich Hoffmann et achète Über das Geistige in der Kunst (Du spirituel dans l'art), un essai signé Vassily Kandinsky. Il passe ensuite par Bâle, Dresde et Berlin. Ce nouveau contexte intellectuel, artistique et scientifique le conduit sans doute à concevoir le plan du Grand Verre.
Il est présent au côté du groupe de la Section d'or en à Paris, pour une exposition à la galerie La Boétie. Cette année, capitale, lui fait découvrir Voyage au pays de la quatrième dimension, de Gaston de Pawlowski, par ailleurs directeur du magazine Le Vélo, mais aussi Impressions d'Afrique, de Raymond Roussel et les calembours
étymologico-fantaisistes de Jean-Pierre Brisset, des auteurs auxquels l'artiste doit beaucoup en ce qui concerne cette période de transition : outre l'influence du mathématicien Maurice Princet, qui fréquentait les cubistes du groupe de Puteaux, Duchamp reconnut plus tard sa dette envers ces penseurs singuliers, qui lui permirent d'interpréter à sa manière certains aspects théoriques de la géométrie non euclidienne, bien qu'il se déclare ne pas être doué sur le plan scientifique
Marcel et ses deux frères, Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon, à Puteaux, fin 1912. Tous trois furent invités à l'Armory Show par Walt Kuhn.
En , Walter Pach met en relation Duchamp et les autres membres du Groupe de Puteaux avec Walt Kuhn et Arthur Bowen Davies, respectivement directeur et président de l'Association des peintres et sculpteur américains, qui préparent une énorme exposition devant faire le lien entre les modernistes de la fin du xixe siècle, la peinture américaine et l'avant-garde européenne.
De février à , aux États-Unis, les nouvelles recherches européennes sont présentées lors de l'International Exhibition of Modern Art : l’Armory Show à New York, puis à l'Art Institute of Chicago et enfin à Boston à la Copley Society. Durant les deux premières expositions, le Nu descendant un escalier no 2 provoque hilarité et scandale dans certains journaux.
Cette œuvre est influencée, tout comme le futurisme, par la chronophotographie. Duchamp y présente aussi Roi et reine entourés de nus, Joueur d'échecs et une esquisse de nu : il vend les trois premières œuvres. L'Armory Show ferme ses portes le : deux jours après, Alfred Stieglitz invite Marcel Duchamp et Francis Picabia à exposer dans sa galerie appelée « 291 » : en comparaison, cet événement resta confidentiel.
En 1913, il commence à travailler à la bibliothèque Sainte-Geneviève dans le Quartier latin, ce qui lui permet d'avoir accès à une documentation nouvelle, mais aussi de « [se] dégager de toute obligation matérielle ». Duchamp ajoute : « J'ai commencé une carrière de bibliothécaire qui était une sorte d'excuse sociale. C'était vraiment une décision, à ce point de vue, très nette. Je ne cherchais pas à faire des tableaux ni à les vendre, j'avais d'ailleurs un travail devant moi qui me demandait plusieurs années, La Mariée mise à nu par ses célibataires, même. » Afin de se perfectionner, il suit en auditeur libre les cours de l'École des chartes dès , où il suit particulièrement les cours de bibliographie de Charles Mortet. Ce dernier est l'un des deux conservateurs qui le soutiennent (avec Maurice Davanne, oncle de Francis Picabia) et lui permettent d'être officiellement embauché pendant les deux mois d'absence de Charles Kohler, alors malade (novembre-). Duchamp recommence ensuite à travailler comme bénévole (surnuméraire) de à
Il s’écarte de la peinture, vers 1913-1915, avec les premiers ready-mades, objets « tout faits » qu’il choisit pour leur neutralité esthétique, notamment ses œuvres Roue de bicyclette (1913) et Porte-bouteilles (1914). Duchamp prend des articles ordinaires, prosaïques, et les place quelque part où leur signification d’usage disparaît sous le nouveau titre et le nouveau point de vue.
En arrachant un objet manufacturé à son contexte et en le plaçant dans un lieu inhabituel, Duchamp élève ces objets au rang d’œuvres d'art par son simple choix en tant qu'artiste. Il marque ainsi une césure profonde avec toute la tradition artistique qui l'a précédé. L'attribution de son ready-made le plus connu, Fontaine (1917), un urinoir renversé sur lequel il aurait apposé la signature « R. Mutt », serait une création d'Elsa von Freytag-Loringhoven24,25,26. Cet objet est refusé par les organisateurs de l'exposition de la Société des artistes indépendants de New York.
Réformé en 1914 pour insuffisance cardiaque à la suite de son service militaire en 1906, il part à New York au printemps 1915 et entretient des liens avec Man Ray, Arthur Cravan, Alfred Stieglitz et Francis Picabia avec qui il fonde la revue 39128. Hébergé par Walter Arensberg, qui lui fournit également un atelier, Duchamp donne des cours de français pour subvenir à ses besoins, tout en travaillant sur Le Grand Verre et en créant de nouveaux ready-mades, comme la pelle (En avant du bras cassé), le peigne (Comb) sur lequel il avait tracé la phrase Trois ou quatre gouttes de hauteur n'ont rien à faire avec la sauvagerie ou encore With Hidden Noise, pelote de ficelle comprimée entre deux plaques de métal. Ces propositions de Duchamp ne sont pas destinées à être vendues, mais elles influencent ses amis comme Picabia ou Man Ray.
Avec ses objets trouvés et ses ready-made, ainsi que par son côté iconoclaste, Duchamp est très proche de l'esprit Dada. À ce titre, il eut un impact non négligeable sur le mouvement dadaïste, courant auquel on peut aussi rattacher La Mariée mise à nu par ses célibataires, même (1912-1923). En effet, il ne faut pas oublier que, si Duchamp commence les recherches du Grand Verre dès 1912, il ne le réalisa qu'à partir de 1915, d’où les dates énoncées précédemment. À Paris et à New York, il côtoie d'autres protagonistes du mouvement, comme Francis Picabia et Man Ray. Il refuse cependant de s'associer au Salon Dada organisé par Tristan Tzara, à Paris en 1922, souhaitant garder son indépendance et ne pas être étiqueté à un mouvement.
Duchamp se réclamant de « l'anti-art », il est ainsi inspiré par les artistes dada rejetant les institutions artistiques dominantes tels que musées ou galeries.
Il collabore à la revue Le Surréalisme au Service de la Révolution (1930-1933), lancée par André Breton et éditée par José Corti.
En , il coorganise l’Exposition internationale du surréalisme à la Galerie des Beaux-Arts à Paris en proposant dans l'une des salles une sculpture éphémère composée de 1 200 sacs de charbon suspendus au plafond. En plongeant ainsi la pièce dans la pénombre, il oblige les spectateurs à s'éclairer et à se déplacer au moyen d'une lampe de poche.
Duchamp récidive en 1942 lors de l'exposition surréaliste internationale de New York où il installe un réseau de ficelles dans l'aire d'exposition, forçant à nouveau le visiteur à s'intégrer à son milieu. Ce faisant, Duchamp jette les bases du happening qui fera son apparition quelques années plus tard et qui reprend un principe similaire par ses événements et performances en direct.
Sources Wilkipedia
______________________
Duchamp était préoccupé par le temps, la vitesse et la décomposition des mouvements. Ce qui l'a justement amené, en 1925-1926, à expérimenter une nouvelle forme d'expression cinématographique, l'« Optical cinema », avec son unique film intitulé Anémic Cinéma. Son film présente des plaques rotatives qui deviendront plus tard, en 1935, les « rotoreliefs » (ou « machines optiques »). Proposés sous la forme de plaques tournantes sur un axe grâce à un moteur, ils associent jeux optiques, jeux de mots, et géométrie.
Au moment où il travaille sur les esquisses du Nu descendant l'escalier (1911-1912), il découvre les expériences protocinématographiques d'Étienne-Jules Marey, entre autres. Sa Roue de bicyclette (1913) peut également s'inscrire dans les prémices de ses travaux sur le mouvement poético-sculptural, ce ready-made est en effet considéré comme à l'origine de l'art cinétique. La phase suivante entretient un rapport entre moteurs électriques, disques transparents ou recouverts de motifs géométriques (1920-1924), invention pour laquelle il sollicite l'aide de Jacques Doucet, et qui culminera avec les « rotoreliefs », dont il déposera le brevet en 1935. Intrigué par un effet optique de deux spirales tournant sur un axe commun, l'une semblant aller vers l'avant et l'autre vers l'arrière, Duchamp fabrique un appareil pour démontrer le principe, la Rotative plaques de verre. En 1924, il construit la Rotative demi-sphère, optique de précision, assemblage d'un disque de tôle et d'un demi-globe de verre animé par un moteur, ainsi qu'un anneau de cuivre sur lequel était gravée la phrase : Rrose Sélavy et moi esquivons les ecchymoses des esquimaux aux mots exquis. La première « machine optique » fut gravée sur disque rouge et reproduite en encart dans la revue 391, no 18, en .
En 1926, il réalise un court-métrage expérimental intitulé Anémic Cinéma (35 mm, noir et blanc, durée de 7 min29), d'une durée de 7 minutes, et signé Rrose Sélavy, avec la complicité de Man Ray et du réalisateur Marc Allégret. Des disques en mouvement sont filmés, sur lesquels sont parfois inscrites des phrases — comme « L'enfant qui tète est un souffleur de chair chaude et n'aime pas le chou-fleur de serre-chaude » —, où l'absurde, l'humour noir et l'allitération sont de mise. Le film fut projeté en , en séance privée.
En revanche, il n'est pas totalement certain que l'on retrouve un jour le court-métrage30 qu'il réalisa avec Man Ray, Baroness Elsa von Freytag-Loringhoven shaving her pubic hair (La baronne rase ses poils pubiens), avec comme interprète la sculptrice Elsa von Freytag-Loringhoven. Ce film aurait été tourné à New York en 1921 et projeté dans le cercle des amis du mécène Walter Arensberg. Les négatifs auraient été détruits31.
Par ailleurs, Duchamp entretient un rapport complice avec le cinématographe. En 1918, il apparaît comme figurant32 dans Lafayette, We Come! de Léonce Perret33. En 1924, il participe au tournage d'Entr'acte, de René Clair : dans ce court-métrage expérimental et comique, Duchamp apparaît en joueur d'échecs face à Man Ray. En 1944, il est l'« artiste » dans le film expérimental de Maya Deren, Witch's Cradle. En 1947, il participe à la direction artistique du film Rêves à vendre (Dreams That Money Can Buy) d'Hans Richter, pour un épisode sur une musique de John Cage.
Par la suite, il apparaît dans quelques films d'artistes, mais aussi des documentaires, et ce, jusqu'à la veille de sa mort :
- 1957 : 8 X 8: A Chess Sonata in 8 Movements, d'Hans Richter et Jean Cocteau.
- 1963 : Jeux d'échecs, de Jean-Marie Drot (RTF).
- 1965 : La verifica incerta, de Gianfranco Baruchello.
- 1967 : Dada, de Greta Deses et Marcel Janco.
- 1967 : Grimaces, d'Erró.
- 1969 : Marcel Duchamp: In His Own Words, de Lewis Jacobs (MoMA).
-
Huile sur toile au format panorama, Tu m', exécutée en 1918, quatre ans après sa dernière peinture. Elle est la première œuvre de Duchamp à intégrer des objets dans sa peinture. Le tableau a été conçu afin d'entrer dans l'espace au-dessus de la bibliothèque de Katherine Dreier, sa mécène de l'époque et qui lui a commandé l'œuvre. Peinte peu avant le départ de Duchamp pour Buenos Aires, elle est vue comme « le dernier tableau de Marcel Duchamp », ou plutôt comme un abandon par l'artiste de l'huile sur toile34.
Sorte de synthèse des idées de Duchamp, on y retrouve trois représentations de ready-made, une roue de bicyclette, un tire-bouchon et un porte-chapeau, peints comme des ombrages. Des lignes sont créées par la chute d'un mètre de fils d'un mètre de long. Une succession de carrés de couleur, suggérant des échantillons de peinture, traverse la toile jusqu'à une fissure. Un goupillon est enfoncé dans cette fissure réelle dans la toile du tableau qui en rejoint une seconde, peinte celle-là en trompe-l’œil et retenue avec 3 vraies épingles de sûreté. Sous la fissure peinte, on retrouve une main pointant un index et exécutée par un peintre d'enseignes que Duchamp avait embauché.
Le titre lui-même pourrait être une abréviation de Tu m'ennuies ou Tu m'emmerdes, bien que Duchamp ne se soit jamais exprimé clairement sur le sujet
-
La Mariée mise à nu par ses célibataires, même, dite Le Grand Verre, réalisée aux États-Unis, enchâssée entre deux panneaux de verre montés sur cadre et trépieds (1915-1923, musée de Philadelphie), est l’aboutissement de plusieurs études préliminaires, constituées de notes, d'esquisses, de « peintures », remontant au début des années 1910, telles que la Boîte de 1914 ou Neuf moules mâliques (1913-1914). Chez l'artiste, cette recherche (ou ce questionnement) correspond à l’obsession d’une « vraie forme » invisible, obtenue par contact et transparence, afin de synthétiser toutes ses théories, notamment l'art comme « fait mental ». Réalisée à l’huile, feuille et fil de plomb, cette étude, considérée par l'artiste comme inachevée, fut brisée lors de son transport en 1916, mais Marcel Duchamp refusa de la faire restaurer37. Les critiques d'art qui découvrirent cette œuvre y virent les brisures et les considérèrent comme partie intégrante de l’œuvre jusqu'en 1959
-
Dans les dernières années de sa vie, Duchamp exécuta une œuvre pour le Philadelphia Museum of Art, Étant donnés : 1) La chute d’eau 2) le gaz d’éclairage… (1946-1966), environnement sculptural érotique, interdit, par la volonté de l'artiste, à la vue du public avant l'année 1969 (soit un an après sa mort).
-
Marcel Duchamp fut aussi satrape du Collège de Pataphysique en 1953 et devint membre de l'Oulipo en 1962
-
Ayant appris le jeu dès son jeune âge, Duchamp s'y consacre de plus en plus à partir de son séjour à Buenos Aires. Il devient ainsi un excellent joueur d'échecs. Champion de Haute-Normandie en 1924, il participa plusieurs fois au championnat de France et fit partie de l'équipe de France à l'Olympiade d'échecs de la Haye (1928) Hambourg (1930)45, Prague (1931)46 et Folkestone (1933)
En 1918-1919, il sculpte un jeu de pièces complet lors de son séjour à Buenos Aires.
En 1924, il dispute une partie d'échecs avec Man Ray dans le film Entr'acte, de René Clair, scène durant laquelle des trombes d'eau s'abattent sur les joueurs et dispersent les pièces du jeu.
En 1925, il conçoit l'affiche du championnat de France d'échecs qui se déroule à Nice, du 2 au .
En 1932, il publie, en collaboration avec Vitaly Halberstadt, L'opposition et les cases conjuguées sont réconciliées, un manuel qui traite des finales de rois et de pions. Marcel Duchamp en conçoit la présentation et la couverture.
-
Marcel Duchamp est le père d'une enfant naturelle, Yvonne, née le , de Marguerite Chastagnier, son modèle. L'artiste ne découvrira l'existence de cette enfant qu'en 1922 et la rencontrera plusieurs fois entre 1966 et 196849.
En 1924, Duchamp entame une liaison avec Mary Reynolds, née Hubachek (1891-1950), qui exerça le métier de relieur d'art. Cette liaison dura plus de vingt ans50.
Le , Duchamp épouse Lydie Sarazin-Levassor (1903-1988). Ils divorcent six mois plus tard, le . La rumeur colporte alors que c’est, pour Duchamp, un mariage de convenance : Lydie Sarazin-Levassor est la petite-fille d’un (autrefois) riche constructeur automobile, Émile Levassor. Le père est ravi qu'un mariage arrangé rapide de sa fille facilite sa situation. Au début de , Duchamp dit à sa femme qu’il ne peut plus supporter les devoirs du mariage et son enfermement. Moins de trois semaines plus tard, ils divorcent. Peu après son divorce, Duchamp s'affiche publiquement avec Mary Reynolds jusqu'à sa mort en 1950.
Entre 1940 et 1944, il est à New York, dans son atelier situé à Greenwich Village, vivant avec Mary, entouré d'intellectuels français en exil, dont André Breton53,54 et Robert Lebel, avec lesquels il restera très proche. En 1942, selon Serge Bramly, Duchamp se retrouve coincé dans un camp de transit à Casablanca, attendant son bateau pour les États-Unis55.
En 1946, il donne son atelier parisien situé 11, rue Larrey56 et qu'il occupait depuis 1927, à Isabelle Waldberg.
Entre 1947 et 1951, il entretient une liaison avec la sculptrice brésilienne Maria Martins.
En 1954, il épouse en secondes noces Alexina Sattler, dite Teeny, la première épouse de Pierre Matisse, célèbre marchand d'art du Fuller Building de New York et fils du peintre Henri Matisse. Il devient citoyen américain en 1955.
-
Une grande rétrospective tenue à Pasadena en 1963 consacre le rôle de Marcel Duchamp dans l'art contemporain. L'exposition donne également lieu à des rééditions de ses ready-mades les plus célèbres, signés par Duchamp.
Le samedi , Duchamp organise un « dîner Rrose Sélavy » au restaurant Victoria à Paris, et s'entoure d'une trentaine de convives, dont Carl Reuterswärd, Jacques Fraenkel, Gabrièle Buffet-Picabia, P. R. de Zayas et Marie-Claire Dumas, tous membres de l’Association pour l'étude du mouvement Dada. Au cours du dîner, il dépose dans un récipient les cendres d'un cigare et à la fin, celles du procès-verbal attestant du contenu du dit récipient baptisé L'Urne, laquelle, véritable ready-made provoqué, est ensuite scellée et signée.
Le , il est longuement interviewé par Joan Bakewell pour la chaîne de télévision BBC57.
Le , Marcel Duchamp meurt à l'âge de 81 ans à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
Ses cendres sont déposées dans le caveau familial au cimetière monumental de Rouen. Une épitaphe est gravée sur sa tombe :
« D’ailleurs, c'est toujours les autres qui meurent. »
En , le Philadelphia Museum of Art révèle au public son ultime œuvre : Étant donnés : 1° la chute d'eau ; 2° le gaz d'éclairage…
- Raymond Duchamp-Villon, Le Grand Cheval (1914), bronze (MoMA).
- Francis Picabia, Parade amoureuse (1917), huile.
- Man Ray, The Rope Dancer Accompagnies Herself with Her Shadows (1916), huile (MoMA) et Man, photographie d'un batteur à œufs (1918).
- Morton Schamberg, God (v. 1918), ready-made, Philadelphia Museum of Art.
-
Man Ray, Rrose Sélavy, 1921.
À travers ses œuvres, Duchamp mène une réflexion sur la notion d’Art et d'esthétique. Il s'oppose notamment à une approche de la peinture qu'il qualifie de « rétinienne » et qu'il considère comme dominante depuis l'époque de Gustave Courbet. Il ouvre ainsi la voie à l'art conceptuel. Le pop art, fluxus et le happening ont aussi fait de fréquents emprunts aux pratiques et démarches artistiques de Duchamp. Ses rotoreliefs influenceront les tenants de l'art optique. Les écrits de Marcel Duchamp ont été publiés sous les titres Duchamp du signe (1958) et Marchand du sel (1958). Il fut également le créateur d'un personnage fictif, Rrose Sélavy, sculpteur et auteur d’aphorismes maniant la fausse contrepèterie et l’allitération.
Marcel Duchamp a révolutionné la conception académique de l’art qui, jusqu'alors, ne jugeait la valeur d'une œuvre qu'à l'aune des efforts et du travail dispensés pour une finalité édifiante. L'hétérogénéité de ses moyens d'expression et la complexité de ses œuvres, de la peinture (Nu descendant un escalier en 1912), à l'installation plastique la plus hermétique (Étant donnés…, « inachevée » en 1966), en passant par les détournements d'objets « tout fait » (un urinoir, un sèche-bouteilles, un peigne…), décrétés œuvres d'art par sa seule volonté et associés à sa constante revendication du « droit à la paresse », ne permettent de le classer dans aucun des mouvements artistiques du xxe siècle. Duchamp a traversé le cubisme, le futurisme, dada et le surréalisme en s'excluant lui-même de tout courant
- Rrose Sélavy : « J'ai voulu changer d'identité et la première idée qui m'est venue c'est de prendre un nom juif. J'étais catholique et c'était déjà un changement que de passer d'une religion à une autre !
- Je n'ai pas trouvé de nom juif qui me plaise ou qui me tente et tout d'un coup j'ai eu une idée : pourquoi ne pas changer de sexe ! Alors de là est venu le nom de Rrose Sélavy » Pour Duchamp, il s'agissait d'une façon de créer un ready-made. La redite de la lettre r vient d'un jeu de mots avec « arrose » et Sélavy (arroser la vie) ou avec Eros et Sélavy, une transposition phonétique de Éros, c'est la vie.
- Duchamp va jusqu'à se faire photographier en vêtements féminins et signe de ce pseudonyme quelques œuvres, dont Belle Haleine - Eau de Voilette, Fresh Widow et Pourquoi ne pas éternuer ? (Why not Sneeze?).
- R. Mutt : voir Fontaine.
- Marchand du sel : voir dans la bibliographie les entretiens avec M. Sanouillet.
-
.
Arts plastiques
Un grand nombre des œuvres de Marcel Duchamp sont conservées dans une salle d'exposition permanente au Philadelphia Museum of Art.
Le catalogue raisonné de l'ensemble des créations de Marcel Duchamp a été élaboré par Arturo Schwarz60.
Alfred Stieglitz, photographie61 de la Fountain de Marcel Duchamp, 1917.
- Femme-cocher (1907, 31,7 × 24,5 cm), dessin satirique non publié.
- Nu descendant un escalier (1912).
- Le Roi et la Reine entourés de nus vites (1912).
- Le Passage de la Vierge à la Mariée (1912).
- Broyeuse de chocolat, n°1 (191362).
- Roue de bicyclette (1913).
- Trois stoppages étalon (191363).
- In Advance of the Broken Arm, pelle à neige (1914).
- Apolinère Enameled, émail à la façon d'une réclame (1914).
- Porte-bouteilles (1914).
- La Broyeuse de chocolat (no 2) (1914).
- Le Grand Verre (1915-1923).
- Fontaine, urinoir renversé et signé « R. Mutt » (1913-1917).
- L.H.O.O.Q., reproduction de La Joconde affublée d'une paire de moustache (1919).
- Air de Paris, objet (1919).
- Fresh Widow, fenêtre aux carreaux teintés de noir (1920).
- Rotative plaques verre (optique de précision), œuvre cinétique (1920).
- Belle Haleine. Eau de Voilette, New York (1921) (avec un photo-médaillon de Man Ray représentant Rrose Selavy64).
- Why not Sneeze Rrose Selavy ?, boîte surréaliste : morceaux de marbre blanc taillés comme des cubes de sucre contenus dans une cage à oiseaux d'où sortent un os de seiche et un thermomètre (1921).
- La Bagarre d'Austerlitz : maquette de fenêtre avec de vraies vitres portant la marque du vitrier, jeu de mot sur la gare d'Austerlitz et la bataille du même nom27 (1921).
- Le Grand Verre, grand verre commencé en 1915 et volontairement inachevé en 1923.
- Anemic Cinema, court métrage réalisé avec la collaboration de Man Ray et Marc Allégret (1926).
- La Boîte-en-valise (1936-1941, en série jusqu'en 1968), coffret de cuir rouge contenant 80 œuvres en reproductions diverses : fac-similés et objets miniatures (41,5 × 38,5 × 9,9 cm).
- Dada, 1916-1923 (1953), affiche pour la galerie Sydney Janis, New York.
- Autoportrait de profil (), puis variante « Marcel dechiravit pour… », multiple (1958).
- Coin de chasteté, objet (1963).
Installations
- Twelve Hundred Coal Bags Suspended from the Ceiling over a Stove (1938) : installation lors de l'Exposition internationale du surréalisme, Galerie Beaux-Arts, Paris67,68.
- Sixteen Miles of String (1942) : installation pour l'exposition First Papers of Surrealism (Whitelaw Reid Mansion, New-York) composée de corde formant une « toile d'araignée » qui de se déploie dans l'espace de l'exposition. L'œuvre est aussi une performance : Duchamp a demandé à 12 enfants de jouer tout au long du vernissage (6 garçons habillés en joueurs de baseball, basketball et football qui se lancent des balles et 6 filles qui jouent à la marelle, au saut à la corde)67,69.
- Étant donnés : 1° la chute d'eau, 2° le gaz d'éclairage (1946-196670), installation montée en grand secret.
Publications
Écrits1 de M. D. publiés sous forme de livre, livre-objet, boîte, etc. :
- Boîte de 1914, première du genre, rassemble entre 15 et 18 photographies montées sur carton des premières notes concernant Le Grand Verre (5 exemplaires, assemblés à partir de 1913)72.
- (avec Vitaly Halberstadt), L'opposition et les cases conjuguées sont réconciliées, Bruxelles/Saint-Germain-en-Laye, L’Échiquier, 1932, texte relatif au jeu d'échecs en français, anglais et allemand.
- [« La Boîte verte »]7La Mariée mise à nu par ses célibataires, même, Paris, Éditions Rrose Sélavy, 1934, 300 exemplaires74.
- Rrose Sélavy, oculisme de précision, poils et coups de pieds en tous genres, coll. « Bien Nouveaux », Éditions GLM, Paris, 1939
- Boîte-en-valise75 (Box in a Valise), New York, 1941, 300 ex.
- Collection de la Société Anonyme, 33 notes critiques, New Haven, Yale University, 1950.
- Préface à Charles Demuth, New York, MoMA, 1950.
- Préface et couverture à Surrealism and Its Affinities: The Mary Reynolds Collection, Art Institute of Chicago, 1956.
- (en) From The Green Box, New Haven, Readymade Press, 1957, trad. avec George Heard Hamilton.
- Eau et gaz à tous les étages, boîte en carton recouverte de tissu marron et d'une plaque émaillée bleue, contenant des documents (26 × 35 × 7 cm), 1958.
- Marchand du sel, Paris, Le Terrain Vague, coll. « 391 », 1959, édité par M. Sanouillet (reprend un grand nombre des notes).
- Ready-mades, etc. : 1913-1964, Milan/Paris, Galleria Schwarz/Le Terrain Vague, 1964, avec des textes de Walter Hopps, Ulf Linde, Arturo Schwarz, trad. française et italienne par Carlina Bolongaro.
- « À propos de moi-même », conférence donnée dans plusieurs musées et universités des États-Unis, 1964.
- [« The White Box »], À l'infinitif, New York, Cordier et Ekstrom, 1966, notes inédites 1912-1920.
- The Large Glass and Related Works, with Nine Originals Etchings by Marcel Duchamp, Milan, Arturo Schwarz Ed., 1966.
- To and from Rrose Sélavy avec Sh?z? Takiguchi, Tokyo, 1968, contient des notes de M. D. en japonais.
- Marcel Duchamp and John Cage, Tokyo, Takeyoshi Miyazawa, 1968-1970, photos de Shigeko Kubota76, acrostiches inédits de M. D.
- Duchamp du signe, écrits réunis et présentés par Michel Sanouillet, Flammarion, 1975 ; nouvelle édition, 2013 (ISBN 978-2-08-130064-4).
- (fr) Manual of Instructions for Étant donnés…, Philadelphia Museum of Art, 1987, fac-similé du carnet préparatoire de M. D. de marque Doret, relié noir.
Duchamp dans les représentations
Plaque de rue, Paris 13e
Le personnage et son œuvre inspirent dès les années 1910 un certain nombre de créateurs, cette appropriation s'exprime sous la forme de détournements et de productions originales. Les duchampiana n'ont pas fini d'éclore…
Créée par un arrêté municipal du 13 décembre 1994, la rue Marcel-Duchamp a été la seule voie de Paris, et probablement de France, dont le nom a été choisi par ses propres habitants. Selon Alexina Duchamp, la veuve de l'artiste qui avait soutenu l'initiative, elle a été en outre la première au monde à porter officiellement ce nom.[réf. nécessaire].
Musique et multimédia
- John Cage, Music for Marcel Duchamp (1947).
- John Cage, Merce Cunningham, Jasper Johns, Robert Rauschenberg : Walkaround Time, ballet et installation (196881).
- John Cage, Not Wanting to Say Anything About Marcel (1969), panneaux en plexiglas.
- George Segal, Remembrance of Marcel, New York, Styria Studio-Experiments in Art and Technology (1973), disque 45 tours.
- Petr Kotik and the SEM Ensemble, The Entire Musical Work of Marcel Duchamp, Chicago, Ampersand 5, LP 33 tours (1976), rééd. CD.
- Juan Hidalgo Codorniu, Rrose Sélavy. 6 pizzi ammuffiti per 6 fontane sonore. Un eccetera Zaj senza fine, Milan, Cramps Records, coll. « Nova Musicha » (1977), LP 33 tours, avec un texte de Daniel Charles.
Peinture et graphisme
- Jean-Joseph Crotti : Portrait sur mesure de Marcel Duchamp, assemblage (1916).
- Katherine Dreier : Abstract Portrait of Marcel Duchamp (1918), huile, MoMA.
- Robert Rauschenberg : Bride's Folly (1959), huile et éléments mixtes (coll. privée).
- Eduardo Arroyo, Gilles Aillaud et Antonio Recalcati : Vivre et laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp (1965, 162 × 114 cm), Musée Reina Sofía (Madrid).
- André Raffray : La Vie illustrée de Marcel Duchamp (1977), peintures et catalogue (Centre Pompidou).
- Jean-Claude Meynard : Marcel Duchamp en joueur d'échec (1981), acrylique sur toile (100 × 73 cm), coll. privée.
Sculpture, installations
- Alfred Wolkenberg, Marcel Duchamp Cast Alive (1967).
- Richard Baquié, Réplique no 7 (1991), d'après Étant donnés.
- Sherrie Levine, série des Fountain (After Marcel Duchamp) (1991-1996).
- Mike Bidlo, Bottles Rack (2000).
- Maurizio Cattelan, Another Fucking Ready-Made (1996).
- Bethan Huws, Neon (2007-2008), d'après Porte-bouteilles.
________
Contributions à des périodiques
- (en) « A Complete Reversal of Art Opinions by Marcel Duchamp, Iconoclast », in Arts and Decoration vol. 5, no 11, New York, .
- (en) Réponse à l'enquête The European Art-Invasion, Literary Digest, vol. 51, New York, .
- (en) Réponse à Alfred Stieglitz : « Can a photograph have the significance of art? », Manuscripts, no 4, New York, .
- Demi-sphère rotative, revue 391, vol. 18, .
- (en) « The Bride Stripped bare by Her Bachelors, Even », This Quarter vol. 5, no 1, Paris, .
- « Rendez-vous du dimanche », in Minotaure, no 10, Paris, 1937.
- « SURcenSURE », in L'Usage de la parole, no 1, Paris, 1939, p. 16.
- « L'homme qui a perdu son squelette », revue Plastique, nos 4-5, Paris-New York, 1939, avec Hans Arp, Leonora Carrington, Paul Éluard, Georges Hugnet, Gisèle Prassinos, Max Ernst, Raoul Haussman, Henri Pastoureau77.
- Aphorisme « Quand la fumée de tabac… », 4e de couv., in VieW, nos 5-1, New York, 1945.
- « Une lettre de Marcel Duchamp », Medium, no 4, .
- (en) « The Creative Ac78 », Art News, vol. 56, no 4, New York, été 1957.
- « L'urne de Marcel Duchamp » (ready-made assisté) in Revue de l'Association pour l'étude du mouvement dada, no 1, .
- « À propos des ready-mades », Art and Artists, no 4, Londres, .
- « The Creative Act », enregistrement sur disque souple, dans Aspen Magazine, nos 5-6, New York, Roaring Fork Press, automne et hiver 1967
Édition de livres à tirage limité
- Georges Hugnet, La Septième Face du dé, Paris, Éditions Jeanne Bucher, 1936, 250 ex. : couverture et typographie.
- André Breton, Young Cherry Trees Secured Against Hares, Charles Henry Ford, New York, View éditions, 1946, couverture et typographie.
- Catalogue de l'Exposition internationale du surréalisme, Galerie Maeght, Paris, 1947. La couverture originale, titrée sur le verso Prière de toucher, est une sculpture de sein en mousse expansive et peinte sur fond noir79.
- By or of Marcel Duchamp or Rrose Sélavy at the Pasadena Art Museum, Pasadena, PAM, 1963, 56 p., 2 000 ex., catalogue entièrement conçu par l'artiste.
- Robert Lebel, La Double-vue, suivi de L'Inventeur du temps gratuit, Paris, Le Soleil Noir, 1964, sculpture de La Pendule de profil, papier plié (111 ex.).
- Avec Man Ray et Arturo Schwarz, Il reale assoluto, Milan, Galleria Schwarz, 1964, 125 ex. comprenant 10 lithographies signées.
- Octavio Paz, Marcel Duchamp ou le château de la pureté, Genève, Claude Givaudan, 1967, 101 pages comprenant 16 sérigraphies d'ombres portées de ready-mades signées.
Traduction
- Eugène Znosko-Borovsky, Comment il faut commencer une partie d'échecs, Paris, Les Cahiers de l'échiquier français, 1933.
_________________
Expositions
Commissaire d'expositions
- Paris, Exposition internationale du surréalisme, Galerie Beaux-Arts (1938), « La Grande Salle ».
- New York, First Papers of Surrealism (1942), commissaires : Marcel Duchamp et André Breton.
- Paris, Le Surréalisme en 1947, commissaires : Marcel Duchamp et André Breton, galerie Maeght (1947).
- New York, DADA, Sidney Janis Gallery (1953).
- Paris, Exposition inteRnatiOnale du Surréalisme (EROS), commissaires : Marcel Duchamp et André Breton, galerie Daniel Cordier (1959-1960).
- New York, Surrealist Intrusion in The Enchanters' Domain80, commissaires : Marcel Duchamp, André Breton, Édouard Jaguer, José Pierre, D'Arcy Galeries (1960-1961).
Expositions et rétrospectives personnelles
Anthume
- Paris, Sur Marcel Duchamp, Galerie La Hune (1959).
- Pasadena, Pasadena Museum of Art (1963), commissaire : Walter Hopps.
- New York, Galerie Cordier et Ekstrom Inc. (1965).
- Londres, The Tate Gallery (1966), commissaire : Richard Hamilton.
- Paris, Éditions de et sur Marcel Duchamp, galerie Claude Givaudan (juin-).
Posthume
- Philadelphie, Philadelphia Museum of Art, puis New York, MoMA et Chicago, Art Institute of Chicago (1973-1974), commissaire : Anne d'Harnoncourt.
- Paris, Centre Pompidou (1977), commissaires : Pontus Hultén et Jean Clair.
- Paris, Duchamp du Trait, Galerie La Hune (), commissaire : Bernard Gheerbrant.
- Cologne, Museum Ludwig (1984).
- Venise, Palazzo Grassi (1993), commissaires : Pontus Hultén et Jacques Caumont.
- Paris, Marcel Duchamp. La peinture, même, Centre Pompidou (septembre-), commissaire : Cécile Debray.
- Rouen, ABCDuchamp, Musée des Beaux-Arts de Rouen (2018), commissaires : Sylvain Amic et Joanne Snrech.
L'œuvre de Marcel Duchamp bouleverse radicalement l'art du 20e siècle. Avec l'invention, dans les années dix, du ready-made - une pièce que l'artiste trouve « already-made », c'est-à-dire déjà toute faite et qu'il sélectionne pour sa neutralité esthétique -, il ouvre la voie aux démarches avant-gardistes les plus extrémistes.
Tous les mouvements qui utilisent des objets de la vie courante, pour surprendre comme le Surréalisme, pour évoquer, critiquer, voire poétiser la société de consommation comme le Pop art et le Nouveau réalisme, ou pour réconcilier l'art et la vie comme Fluxus, lui sont redevables d'avoir transgressé les coutumes académiques. Après Duchamp, le carcan des médiums traditionnellement employés éclate et il devient possible d'utiliser n'importe quel objet, avec ou sans transformation.
Le 20e siècle lui doit donc l'initiative du renouvellement des matériaux utilisés dans l'art, mais aussi un goût pour des questions complexes d'esthétique qui aboutiront dans les années 70 à l'Art conceptuel
. Duchamp est l'artiste moderne qui a le plus directement interrogé la notion d'art - « quand il y a art » et ce qui « suffit à faire de l'art ». Il s'inscrit dans la lignée des artistes « intellectuels », comme Léonard de Vinci, et annonce les problématiques de Joseph Kosuth.
Connues d'abord de manière confidentielle, ses œuvres ont été largement diffusées à partir des années 60, lorsque la plupart des ready-mades, disparus au fil de ses déménagements ou tout simplement détruits, ont été réédités. En 1964, la galerie Schwartz, à Milan, lui propose en effet une édition à 8 exemplaires de ses ready-mades.
Les considérant comme des originaux, dès lors que les premiers avaient été perdus, cet épisode lui permet encore une fois d'interroger un concept central dans l'histoire de l'art, puisque le terme d'original pour un ready-made n'a aucun sens. Duchamp y insiste lorsqu'il signe par exemple l'un de ces objets, le Porte-bouteilles, « Marcel Duchamp, Antique certifié ».
Dossiers pédagogiques sur les collections du Musée national d'art moderne à consulter :
______________________________
Marché de l'art
- Lors de la vente de la collection Yves Saint Laurent et Pierre Bergé par Christie's les 23, 24 et à Paris, l'objet, un flacon dans son coffret, intitulé Belle Haleine. Eau de Voilette a été adjugé 8 913 000 € (11 236 407 $) sur une estimation de 1 000 000 €-1 500 000 € (1 277 680 $-1 916 520 $).
Notice
------------
Roue de bicyclette,
1913/1964
1
L'original, perdu, a été réalisé à Paris en 1913. La réplique réalisée en 1964 sous la direction de Marcel Duchamp par la Galerie Schwarz, Milan, constitue la 6e version de ce Ready-made.
Assemblage d'une roue de bicyclette sur un tabouret
Métal, bois peint
126,5 x 31,5 x 63,5 cm
La Roue de bicyclette est souvent considérée comme le premier ready-made de Marcel Duchamp. Mais cette œuvre n'est pas encore un vrai ready-made puisque l'artiste y est intervenu en fixant la roue de vélo sur le tabouret. De plus, lui-même la définit plutôt comme une sculpture sur un socle, à la manière des œuvres de son ami Constantin Brancusi (1).
Dans une lettre à sa sœur envoyée en 1915 des Etats-Unis où il vit, celle-là même expliquant ce qu'est un ready-made (already-made ou ready-made, un objet déjà tout fait et revendiqué comme œuvre par l'artiste du seul fait de l'avoir choisi), Duchamp justifie, par opposition, sa Roue de bicyclette en disant qu'il apprécie particulièrement le mouvement de la roue, favorisé par sa position sur le tabouret. Mouvement, selon lui, aussi fascinant que celui des flammes dans un feu de cheminée. Il aurait alors créé cet objet faute de cheminée. Canular ou geste calculé ?
Cette œuvre procède très vraisemblablement de l'humour bien connu de l'artiste, mais appartient aussi à une série de travaux sur le mouvement, récurrents dans son œuvre, depuis le Nu descendant l'escalier, 1912, jusqu'à son film Anemic cinema, 1925, ou les Rotoreliefs, 1935. Ainsi la Roue de bicyclette semble répondre à un réel intérêt pour le mouvement et sa capacité hypnotique.
Quant au premier objet que Duchamp considère comme un véritable ready-made, le Porte-bouteilles, il sera choisi en 1914 au Bazar de l'Hôtel de Ville « sur la base d'une pure indifférence visuelle », selon ses dires, et signé un an plus tard par sa sœur comme s'il s'agissait d'une œuvre d'atelier : « d'après Marcel Duchamp ». C'est en effet à propos de ces objets laissés à Paris que Duchamp inventa rétrospectivement, en 1915, ce terme de « ready-made ».
• Voir l'Atelier Brancusi, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
______________________________
13
La boîte-en-valise, 1936/1968
Paris 1936 -
New York 1941
Boîte en carton recouverte de cuir rouge contenant des répliques miniatures d'œuvres,
69 photos, fac-similés ou reproductions de tableaux, collées sur chemise noire. 40,7 x 38,1 x 10,2 cm
Boîte déployée pour présentation : 102 x 90 x 39,5 cm
Dès les années 10, Marcel Duchamp envisage l'édition d'une boîte rassemblant des œuvres, plus précisément des écrits accompagnés de quelques schémas. Ce projet précoce aboutit en 1934 à l'édition de la Boîte verte, tirée à trois cents exemplaires, qui contient principalement ses notes pour la réalisation du Grand Verre.
Après cette publication, il envisage l'édition d'une autre boîte qui rassemble, cette fois-ci, toutes les œuvres qu'il a réalisées depuis le début de sa carrière. Ainsi naît l'idée d'une sorte d'« album » qui présente des images de ses peintures, le Nu descendant l'escalier, la Broyeuse de chocolat, les Neuf Moules Mâlic, mais aussi des reproductions miniatures, en trois dimensions, de ses sculptures et de ses ready-mades, parmi lesquels, bien sûr, la Fontaine. En ce qui concerne les reproductions de peinture, Duchamp a colorié des photographies noir et blanc, créant ainsi de nouveaux originaux, certifiés de sa main. De la part de l'inventeur des ready-mades, cette démarche réveille d'intemporelles interrogations sur l'art et ce qui le caractérise.
Grâce à la richesse des objets qu'elle contient, cette édition devient une œuvre à part entière : La boîte-en-valise, achevée en 1941 ; une œuvre dont la particularité consiste à réunir une multiplicité de pièces qui sont en même temps des reproductions et des originaux. Duchamp propose en somme un petit musée portatif qui rappelle la circularité de l'une des définitions donnée, par lui, à l'art : c'est le musée qui fait l'art, mais l'art qui fait le musée. Une fois de plus, il réalise une œuvre d'un intérêt infini en regard des théories esthétiques.
________________
En 1914, Marcel Duchamp achète un porte-bouteilles dans un grand magasin parisien. L'objet n'est ni beau, ni laid : il provoque chez l'artiste une sorte d'"indifférence visuelle". Voilà le coeur de la démarche de Marcel Duchamp. L'idée est simple mais révolutionnaire : Duchamp choisit un objet existant pour en faire une oeuvre d'art. Comme il l'explique en 1967 dans une interview à la télévision, une oeuvre d'art, c'est avant tout un choix. L'artiste choisit ses couleurs, ses pinceaux, sa toile, sa composition. Pour les ready-made, c'est la même chose, sauf qu'au lieu de créér l'oeuvre, elle est déjà toute prête.
--------------------
Nu descendant de l'escalier
7
Avec cette oeuvre, il fait référence à Muybridge et à ses premières études photographiques sur le mouvement et sa décomposition.
Ici, l'ensemble du mouvement est représenté dans une même image. C'est la décomposition du mouvement qui vient de la photographie.
Les futuristes vont tendre ce mouvement par la vitesse caractérisée par la machine mais Duchamp ne va pas être intéressé. Il veut représenter le "corps machinisé". Il conserve une substance organique du corps. Il essaie d'établir des liens entre le corps organique et la machine alors que les futuristes se basaient seulement sur le corps machimique.
______________
4
Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Par quelle pulsion « jocondoclastique », sur un portrait reproduit de La Joconde de Léonard, Marcel Duchamp en 1919 a-t-il ajouté une moustache, un bouc et un titre prometteur, L.H.O.O.Q. (« elle a chaud au cul ») ? Se souvient-il des audaces des Incohérents et d’Alphred Ko-S’Inn-Hus, inventeur de Le Vénus demi-lot ou le Mari de la Vénus de Milo (1886) ? De la première Joconde « assistée » de Sapeck, qui avait « laissé dans la bouche de cette femme idéale une pipe culottée » (1887) ? D’une réclame montrant une femme à barbe pour vanter les bienfaits d’un épilatoire – Le Rire, nº 392, 6 aoû...
______________
Fresh Widow, 1920/1964
9
L'original a été réalisé à New York en 1920. La réplique a été réalisée sous la direction de Marcel Duchamp en 1964 par la Galerie Schwarz, Milan et constitue la 3e version de ce Ready-made.
Fenêtre française miniature, bois peint en bleu et 8 carreaux de cuir ciré noir sur une tablette de bois
Bois peint, cuir
79,2 x 53,2 x 10,3 cm
tablette: 10,2cm x 53,3 x 1,9 cm
Le titre de cette œuvre tient à l'un de ces calembours qu'affectionne Duchamp. Ainsi faut-il savoir, qu'aux Etats-Unis, les fenêtres s'ouvrent en coulissant à l'horizontal. Quant aux fenêtres à battants, rares, elles sont appelées « fenêtres françaises », French Windows.
De French Window à Fresh Widow, cette fenêtre devient une « veuve effrontée », en référence au noir de ses carreaux. Mais, au-delà du jeu de mots, c'est la tradition picturale occidentale, la conception du tableau comme « fenêtre ouverte sur le monde » d'Alberti, qui est interrogée.
Cette fenêtre, que Duchamp a fait construire en miniature et qu'il a dotée de morceaux de cuir à la place du verre, est en effet une fenêtre aveugle, qui n'ouvre sur aucun paysage, sur aucun espace fictionnel. La fenêtre se donne à voir pour elle-même au lieu d'être une transition, comme elle l'est encore dans la fenêtre à la lumière noire de Matisse, Porte-fenêtre à Collioure, 1914 (1).
Ici, la fenêtre s'affirme comme objet, dont il faut d'ailleurs prendre soin puisque Duchamp inclut dans le concept de l'œuvre les conditions de son entretien : les morceaux de cuir doivent « être cirés tous les matins comme une paire de chaussures, pour qu'ils reluisent comme de vrais carreaux ».
Dans une dialectique entre opacité et transparence, qui prolonge la problématique du Grand Verre, Fresh Widow renvoie le spectateur à une interrogation sur son propre regard.
(1) Pour une analyse de l'œuvre de Matisse, Porte-fenêtre à Collioure, 1914
______________________
Rotorelief n°11 -
Eclipse totale / Rotorelief n°12 -
Spirale blanche, 1935
12
Objet
Disque en carton imprimé en couleurs par lithographie offset
Diamètre : 20 cm
Première édition
Editeur : Henri-Pierre Roché, Paris
Les Rotoreliefs sont à l'origine des disques de carton, imprimés de motifs en spirale, à utiliser sur des tourne-disques : ce sont « des jouets » à produire l'illusion du volume. Duchamp en a l'idée après la réalisation, en 1925, de son film Anemic cinema, fait d'illusion d'optique.
Mais, contrairement à ce film dont la diffusion est restée confidentielle, les disques sont confectionnés dans le but d'être commercialisés. Duchamp en dépose l'idée auprès du Tribunal de commerce de la Seine le 9 mai 1935 et les présente au public en août 1935 sur un stand du concours Lépine, dans des cartons ronds tirés à 500 exemplaires contenant plusieurs modèles.
Du point de vue commercial, l'entreprise est un échec tant en France qu'aux Etats-Unis, où il essaie aussi de les diffuser.
En revanche, en tant qu'œuvre d'art, les Rotoreliefs témoignent de la diversité des activités de Duchamp et font de lui à la fois un ingénieur, un entrepreneur, et l'un des premiers artistes à proposer des œuvres d'art multiples sous forme de boîtes. Quelques années plus tard, cette expérience le conduira à éditer une boîte contenant des objets renvoyant à ses œuvres complètes, La boîte-en-valise.
Quant aux exemplaires des Rotoreliefs des collections du Musée, ils ont été reconstitués suivant la version des dernières éditions où les disques sont installés sur des pieds, à la verticale, avec des moteurs pour provoquer le mouvement.
________________
Neuf Moules Mâlic,
1914 – 1915
L'œuvre fut brisée en 1916 et réencadrée par l'artiste entre deux panneaux de verre.
Œuvre en 3 dimensions
Verre, plomb, peinture à l'huile, acier vernis
66 x 101,2 cm
Parallèlement à l'invention des ready-mades, dans les années 10, Marcel Duchamp se consacre à un vaste projet qui deviendra une œuvre mythique, Le Grand Verre ou La Mariée mise à nu par ses célibataires, même.
Ce titre énigmatique renvoie à une pièce qui, en quelque sorte, défie l'histoire de la peinture. En peignant sur une plaque de verre, Duchamp nie l'espace fictionnel du tableau et le remplace par un élément transparent, transitif, qui renvoie au thème, quant à lui traditionnel, de l'amour.
L'œuvre confronte des hommes, les célibataires, et une femme, la mariée, qui est, selon Duchamp, « mise à nu avant la jouissance qui la ferait déchoir », moment précédant le passage de la vierge à la mariée, « l'apothéose de la virginité ». Elaborée à partir de 1912, l'œuvre est laissée inachevée en 1923, ce qui contribue encore à son mystère.
Les Neuf Moules Mâlic font partie des nombreuses études préparatoires à ce Grand Verre. Ils s'attachent en particulier à la partie inférieure du tableau, qui constitue « une base solide, sur terre ferme » : les mâles. Tandis que la mariée flotte en haut dans « une cage transparente », ils sont représentés par d'étranges objets qui figurent des moules, comme des moules pour fabriquer des uniformes de « mâles », gendarme, livreur ou prêtre. Duchamp les qualifie de « matrices d'éros », des machines à fabriquer du désir. D'eux s'échappe un gaz qui monte vers la mariée, comme une fumée produite par la machine à vapeur. Cette élaboration propose une conception mécanique du désir, un désir qui s'emballe et se fixe sur un objet précis.
• Pour voir le Grand Verre,
Musée de Philadelphie
_____________
________________
________________
_____________
_____________
__________
____________
______________
__________
__________
______________