Notice
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Roue de bicyclette,
1913/1964
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L'original, perdu, a été réalisé à Paris en 1913. La réplique réalisée en 1964 sous la direction de Marcel Duchamp par la Galerie Schwarz, Milan, constitue la 6e version de ce Ready-made.
Assemblage d'une roue de bicyclette sur un tabouret
Métal, bois peint
126,5 x 31,5 x 63,5 cm 
La Roue de bicyclette est souvent considérée comme le premier ready-made de Marcel Duchamp. Mais cette œuvre n'est pas encore un vrai ready-made puisque l'artiste y est intervenu en fixant la roue de vélo sur le tabouret. De plus, lui-même la définit plutôt comme une sculpture sur un socle, à la manière des œuvres de son ami Constantin Brancusi (1).
Dans une lettre à sa sœur envoyée en 1915 des Etats-Unis où il vit, celle-là même expliquant ce qu'est un ready-made (already-made ou ready-made, un objet déjà tout fait et revendiqué comme œuvre par l'artiste du seul fait de l'avoir choisi), Duchamp justifie, par opposition, sa Roue de bicyclette en disant qu'il apprécie particulièrement le mouvement de la roue, favorisé par sa position sur le tabouret. Mouvement, selon lui, aussi fascinant que celui des flammes dans un feu de cheminée. Il aurait alors créé cet objet faute de cheminée. Canular ou geste calculé ?
Cette œuvre procède très vraisemblablement de l'humour bien connu de l'artiste, mais appartient aussi à une série de travaux sur le mouvement, récurrents dans son œuvre, depuis le Nu descendant l'escalier, 1912, jusqu'à son film Anemic cinema, 1925, ou les Rotoreliefs, 1935. Ainsi la Roue de bicyclette semble répondre à un réel intérêt pour le mouvement et sa capacité hypnotique.
Quant au premier objet que Duchamp considère comme un véritable ready-made, le Porte-bouteilles, il sera choisi en 1914 au Bazar de l'Hôtel de Ville « sur la base d'une pure indifférence visuelle », selon ses dires, et signé un an plus tard par sa sœur comme s'il s'agissait d'une œuvre d'atelier : « d'après Marcel Duchamp ». C'est en effet à propos de ces objets laissés à Paris que Duchamp inventa rétrospectivement, en 1915, ce terme de « ready-made ».
• Voir l'Atelier Brancusi, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne 
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La boîte-en-valise, 1936/1968
Paris 1936 -
New York 1941
Boîte en carton recouverte de cuir rouge contenant des répliques miniatures d'œuvres,
69 photos, fac-similés ou reproductions de tableaux, collées sur chemise noire. 40,7 x 38,1 x 10,2 cm
Boîte déployée pour présentation : 102 x 90 x 39,5 cm 
Dès les années 10, Marcel Duchamp envisage l'édition d'une boîte rassemblant des œuvres, plus précisément des écrits accompagnés de quelques schémas. Ce projet précoce aboutit en 1934 à l'édition de la Boîte verte, tirée à trois cents exemplaires, qui contient principalement ses notes pour la réalisation du Grand Verre.
Après cette publication, il envisage l'édition d'une autre boîte qui rassemble, cette fois-ci, toutes les œuvres qu'il a réalisées depuis le début de sa carrière. Ainsi naît l'idée d'une sorte d'« album » qui présente des images de ses peintures, le Nu descendant l'escalier, la Broyeuse de chocolat, les Neuf Moules Mâlic, mais aussi des reproductions miniatures, en trois dimensions, de ses sculptures et de ses ready-mades, parmi lesquels, bien sûr, la Fontaine. En ce qui concerne les reproductions de peinture, Duchamp a colorié des photographies noir et blanc, créant ainsi de nouveaux originaux, certifiés de sa main. De la part de l'inventeur des ready-mades, cette démarche réveille d'intemporelles interrogations sur l'art et ce qui le caractérise.
Grâce à la richesse des objets qu'elle contient, cette édition devient une œuvre à part entière : La boîte-en-valise, achevée en 1941 ; une œuvre dont la particularité consiste à réunir une multiplicité de pièces qui sont en même temps des reproductions et des originaux. Duchamp propose en somme un petit musée portatif qui rappelle la circularité de l'une des définitions donnée, par lui, à l'art : c'est le musée qui fait l'art, mais l'art qui fait le musée. Une fois de plus, il réalise une œuvre d'un intérêt infini en regard des théories esthétiques.
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En 1914, Marcel Duchamp achète un porte-bouteilles dans un grand magasin parisien. L'objet n'est ni beau, ni laid : il provoque chez l'artiste une sorte d'"indifférence visuelle". Voilà le coeur de la démarche de Marcel Duchamp. L'idée est simple mais révolutionnaire : Duchamp choisit un objet existant pour en faire une oeuvre d'art. Comme il l'explique en 1967 dans une interview à la télévision, une oeuvre d'art, c'est avant tout un choix. L'artiste choisit ses couleurs, ses pinceaux, sa toile, sa composition. Pour les ready-made, c'est la même chose, sauf qu'au lieu de créér l'oeuvre, elle est déjà toute prête.
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Nu descendant de l'escalier
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Avec cette oeuvre, il fait référence à Muybridge et à ses premières études photographiques sur le mouvement et sa décomposition.
Ici, l'ensemble du mouvement est représenté dans une même image. C'est la décomposition du mouvement qui vient de la photographie.
Les futuristes vont tendre ce mouvement par la vitesse caractérisée par la machine mais Duchamp ne va pas être intéressé. Il veut représenter le "corps machinisé". Il conserve une substance organique du corps. Il essaie d'établir des liens entre le corps organique et la machine alors que les futuristes se basaient seulement sur le corps machimique.
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Extrait du catalogue Collection art graphique - La collection du Centre Pompidou, Musée national d'art moderne , sous la direction de Agnès de la Beaumelle, Paris, Centre Pompidou, 2008
Par quelle pulsion « jocondoclastique », sur un portrait reproduit de La Joconde de Léonard, Marcel Duchamp en 1919 a-t-il ajouté une moustache, un bouc et un titre prometteur, L.H.O.O.Q. (« elle a chaud au cul ») ? Se souvient-il des audaces des Incohérents et d’Alphred Ko-S’Inn-Hus, inventeur de Le Vénus demi-lot ou le Mari de la Vénus de Milo (1886) ? De la première Joconde « assistée » de Sapeck, qui avait « laissé dans la bouche de cette femme idéale une pipe culottée » (1887) ? D’une réclame montrant une femme à barbe pour vanter les bienfaits d’un épilatoire – Le Rire, nº 392, 6 aoû...
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Fresh Widow, 1920/1964
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L'original a été réalisé à New York en 1920. La réplique a été réalisée sous la direction de Marcel Duchamp en 1964 par la Galerie Schwarz, Milan et constitue la 3e version de ce Ready-made.
Fenêtre française miniature, bois peint en bleu et 8 carreaux de cuir ciré noir sur une tablette de bois
Bois peint, cuir
79,2 x 53,2 x 10,3 cm
tablette: 10,2cm x 53,3 x 1,9 cm 
Le titre de cette œuvre tient à l'un de ces calembours qu'affectionne Duchamp. Ainsi faut-il savoir, qu'aux Etats-Unis, les fenêtres s'ouvrent en coulissant à l'horizontal. Quant aux fenêtres à battants, rares, elles sont appelées « fenêtres françaises », French Windows.
De French Window à Fresh Widow, cette fenêtre devient une « veuve effrontée », en référence au noir de ses carreaux. Mais, au-delà du jeu de mots, c'est la tradition picturale occidentale, la conception du tableau comme « fenêtre ouverte sur le monde » d'Alberti, qui est interrogée.
Cette fenêtre, que Duchamp a fait construire en miniature et qu'il a dotée de morceaux de cuir à la place du verre, est en effet une fenêtre aveugle, qui n'ouvre sur aucun paysage, sur aucun espace fictionnel. La fenêtre se donne à voir pour elle-même au lieu d'être une transition, comme elle l'est encore dans la fenêtre à la lumière noire de Matisse, Porte-fenêtre à Collioure, 1914 (1).
Ici, la fenêtre s'affirme comme objet, dont il faut d'ailleurs prendre soin puisque Duchamp inclut dans le concept de l'œuvre les conditions de son entretien : les morceaux de cuir doivent « être cirés tous les matins comme une paire de chaussures, pour qu'ils reluisent comme de vrais carreaux ».
Dans une dialectique entre opacité et transparence, qui prolonge la problématique du Grand Verre, Fresh Widow renvoie le spectateur à une interrogation sur son propre regard.
(1) Pour une analyse de l'œuvre de Matisse, Porte-fenêtre à Collioure, 1914
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Rotorelief n°11 -
Eclipse totale / Rotorelief n°12 -
Spirale blanche, 1935
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Objet
Disque en carton imprimé en couleurs par lithographie offset
Diamètre : 20 cm
Première édition
Editeur : Henri-Pierre Roché, Paris 
Les Rotoreliefs sont à l'origine des disques de carton, imprimés de motifs en spirale, à utiliser sur des tourne-disques : ce sont « des jouets » à produire l'illusion du volume. Duchamp en a l'idée après la réalisation, en 1925, de son film Anemic cinema, fait d'illusion d'optique.
Mais, contrairement à ce film dont la diffusion est restée confidentielle, les disques sont confectionnés dans le but d'être commercialisés. Duchamp en dépose l'idée auprès du Tribunal de commerce de la Seine le 9 mai 1935 et les présente au public en août 1935 sur un stand du concours Lépine, dans des cartons ronds tirés à 500 exemplaires contenant plusieurs modèles.
Du point de vue commercial, l'entreprise est un échec tant en France qu'aux Etats-Unis, où il essaie aussi de les diffuser.
En revanche, en tant qu'œuvre d'art, les Rotoreliefs témoignent de la diversité des activités de Duchamp et font de lui à la fois un ingénieur, un entrepreneur, et l'un des premiers artistes à proposer des œuvres d'art multiples sous forme de boîtes. Quelques années plus tard, cette expérience le conduira à éditer une boîte contenant des objets renvoyant à ses œuvres complètes, La boîte-en-valise.
Quant aux exemplaires des Rotoreliefs des collections du Musée, ils ont été reconstitués suivant la version des dernières éditions où les disques sont installés sur des pieds, à la verticale, avec des moteurs pour provoquer le mouvement.
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Neuf Moules Mâlic,
1914 – 1915

L'œuvre fut brisée en 1916 et réencadrée par l'artiste entre deux panneaux de verre.
Œuvre en 3 dimensions
Verre, plomb, peinture à l'huile, acier vernis
66 x 101,2 cm 
Parallèlement à l'invention des ready-mades, dans les années 10, Marcel Duchamp se consacre à un vaste projet qui deviendra une œuvre mythique, Le Grand Verre ou La Mariée mise à nu par ses célibataires, même.
Ce titre énigmatique renvoie à une pièce qui, en quelque sorte, défie l'histoire de la peinture. En peignant sur une plaque de verre, Duchamp nie l'espace fictionnel du tableau et le remplace par un élément transparent, transitif, qui renvoie au thème, quant à lui traditionnel, de l'amour.
L'œuvre confronte des hommes, les célibataires, et une femme, la mariée, qui est, selon Duchamp, « mise à nu avant la jouissance qui la ferait déchoir », moment précédant le passage de la vierge à la mariée, « l'apothéose de la virginité ». Elaborée à partir de 1912, l'œuvre est laissée inachevée en 1923, ce qui contribue encore à son mystère.
Les Neuf Moules Mâlic font partie des nombreuses études préparatoires à ce Grand Verre. Ils s'attachent en particulier à la partie inférieure du tableau, qui constitue « une base solide, sur terre ferme » : les mâles. Tandis que la mariée flotte en haut dans « une cage transparente », ils sont représentés par d'étranges objets qui figurent des moules, comme des moules pour fabriquer des uniformes de « mâles », gendarme, livreur ou prêtre. Duchamp les qualifie de « matrices d'éros », des machines à fabriquer du désir. D'eux s'échappe un gaz qui monte vers la mariée, comme une fumée produite par la machine à vapeur. Cette élaboration propose une conception mécanique du désir, un désir qui s'emballe et se fixe sur un objet précis.
• Pour voir le Grand Verre,
Musée de Philadelphie