Les livres: Broderies en Bretagne
J’aime flâner dans une de mes librairies parisiennes préférées, la Librairie Rivoli, située dans une aile du Louvre, à une entrée du Musée des Arts Décoratifs (ce musée est à voir si vous vous intéressez un peu au mobilier, bijoux, tapisseries, arts de la table du 16e siècle à nos jours), et y trouver des références de livres sur le textile que je n’aurais pas trouvé ailleurs.
L’année dernière j’ai donc trouvé un livre très intéressant sur la broderie bretonne. On pense très souvent aux plastrons noir et or des costumes folkloriques, ou à la broderie blanche sur tulle qui orne les coiffes des femmes bigoudènes, mais cet ouvrage est en fait plus largement un livre très référencé sur l’histoire de la broderie appliqué aux costumes folkloriques des régions, du Moyen-Age à nos jours, en passant par « l’âge d’or » de la moitié du 19e siècle jusqu’à la Grande Guerre.
Ainsi on apprendra que l’art de la broderie n’était pas si sophistiqué ni si courant jusqu’à la période du 18e siècle. En effet! Il fallait bien un certain essor de l’industrie du textile pour permettre la production de fils de qualité, une plus grande variété de teintures, et une meilleure fixation des couleurs. Il fallait aussi un certain enrichissement de la population, la naissance de cette petite et grande bourgeoisie qui a les moyens de se payer des vêtements plus richement ornés, singer la noblesse, et donner le ton de la mode aux autres ouches de la population. Les couches plus populaires elles, cousent, tissent et brodent ces riches costumes folkloriques (qui nous semblent être le costume de base des folklores de nos régions), mais la brodeuse qui passe des heures sur son ouvrage ne peut que rêver de porter ces belles broderies pour son usage personnel, même pas pou son mariage. Gare à elle! Les conventions sociales de l’époque auront vite fait de la remettre à sa place…
On apprend aussi que le métier de brodeur dans la coutume bretonne est principalement un métier… d’homme! Métier souvent allant de pair avec le métier de tailleur, les brodeurs allaient de villages en villages, et brodaient leur ouvrage dans la maison qui les employaient. On les trouvait ainsi assis en tailleur à même le sol, brodant sans tambour ou métier et tenant juste leur tissu à la main, se regroupant aux beaux jours devant les maisons et devisant avec le voisinage. C’était un métier itinérant, et les longues heures passées assis à parler faisaient d’eux des êtres fascinants et craints à la fois. Ils étaient utiles pour connaître les informations qui circulent d’une région à l’autre, mais gare à la ménagère qui les traiterait mal! Ils diffuseraient alors sans pitié nombre de ragots sur votre compte à des kilomètres alentours.
La broderie bretonne a inspiré parfois la mode parisienne, et fut aussi inspirée en retour par des types de broderie plus complexes, plus raffinés. Les brodeuses se jetaient sur les derniers modèles parus dans les magazines de mode de l’époque. Ainsi à côté des points bigoudens, trouve-t-on de la peinture à l’aiguille, de la broderie blanche, de la broderie Richelieu, qui décoraient abondamment le linge de maison.
La deuxième partie du livre est tout aussi intéressante, présentant des brodeurs et brodeuses contemporains, comme Viviane Hélias ou Pascal Jaouen, dont j’ai découvert les travaux via ce livre. Ils font partie du fer de lance de cette « renaissance bretonne » qui, depuis quelques décennies, s’applique à faire vivre ou revivre certains arts folkloriques bretons, à l’instar du succès renouvelé des bagads et des troupes folkloriques, lesquelles sont d’ailleurs des clientes régulières des derniers brodeurs bretons encore en exercice.
Enfin une troisième partie référence un certain nombre de points de broderie. Il y a bien sûr les grands classiques, passé empiétant, plumetis, point de tige, point lancé, mais aussi des variantes plus locales comme le point laouig (variante du point de chaînette), le point de chaînette double, le point hanter regenn (variante du point de deuil), le drein pesk, le point kamm ou le galon de Lorient.
Enfin, une dernière partie vous propose treize modèles à broder sur le support que vous voulez. Inspirés de vrais costumes folkloriques bretons, vous pourrez vous essayer à la broderie glazig, haute en couleur, à la broderie bigouden, généralement en fils de coton ou de laine jaune sur gabardine noire ou bleue marine, ou à la peinture à l’aiguille.
Un très beau livre, très complet, dont je vous conseille la lecture! (faites pas attention au prix sur l’étiquette, il est vendu à 20 €, et semble toujours édité).
BRODERIES EN BRETAGNE – L’art de l’aiguille (cliquez sur le lien pour le commander en ligne