La littérature tchèque regroupe l'ensemble des œuvres littéraires répondant à l'un des trois critères suivants :
- la littérature écrite par les membres de l’ethnie tchèque - c’est-à-dire non seulement écrit en tchèque mais aussi dans d'autres langues par des tchèques, comme La chronique des Tchèques de Cosmas de Prague, rédigée en latin, les premiers poèmes de Karel Hynek Mácha en allemand, ou L'ignorance de Milan Kundera en français ;
- la littérature écrite en tchèque, même par des auteurs originaires d'autres ethnies (La fille de la gloire du Slovaque Ján Kollár) ;
- la littérature écrite sur le territoire tchèque, en toute langue, et par les membres de toute ethnie (par exemple Le Château de Kafka, en allemand).
On utilise surtout les deux premières définitions. Plusieurs anthologies de la littérature tchèque prennent également en compte la dernière définition, qui reste pourtant très problématique.
La littérature romane (863-1310)
La littérature romane est une littérature du Moyen Âge. À cette époque, la littérature n'était pas écrite en tchèque, cette langue n'existant pas encore. On écrivait en vieux slave, dialecte macédonien utilisé comme langue commune par tous les Slaves, et en latin.
Les légendes constituent alors le genre littéraire le plus important :
- La légende de saint Venceslas ; la plus ancienne (rédigée vers 967), quoiqu'elle n'ait pas été conservée.
- Crescente fide christiana (Alors que se répand la foi chrétienne, après 974) ; on y trouve également la légende de saint Venceslas.
- Fuit in provincia Bohemorum (Il fut en pays de Bohême, après 975), consacrée à sainte Ludmilla.
- Vita et passio sancti Venceslai et sanctae Ludmilae aviae eius (Vie et martyre de saint Venceslas et de sainte Ludmilla, sa grand-mère), dite également légende de Christian. Christian est, du point de vue ethnique, le premier auteur tchèque.
Cette datation est conçue à partir des annales tchèques, qui relatent les années 1038-1250 (le manuscrit le plus ancien, datant de 1119, s'intitule Les vieilles annales de la Sainte Croix). La Chronica Bohemorum (La chronique des tchèques) de Cosmas de Prague est un texte qui se rapproche du récit historique (les histoires).
Littérairement parlant, la Chronicon Aulae Regiae de Petr Žitavský (1338) (dite Chronique de Zbraslav) est généralement considérée comme l'œuvre la plus aboutie de l'époque, même si le texte est un récit historique. (Pour cette période, le niveau littéraire apparaît en effet plus élevé dans les chroniques et dans les histoires).
Le gothique (1310-1433)

Fragment de la Chronique de Dalimil (Bretislav Ier de Bohême enlevant sa femme Judith de Schweinfurt)
La langue tchèque écrite devient courante. On notera les œuvres suivantes : Alexandreis, Le livre judiciaire des Rožmberks et la Chronique de Dalimil.
Le hussitisme (1370-1434)
La révolution hussite du xve siècle provoque un changement dans la littérature tchèque. Le principal objectif de cette littérature était la défense d'une doctrine religieuse. Sa forme est généralement la prose.
Les premiers écrits théologique de Jean Hus apparaissent au début du xve siècle. Il écrit d'abord en latin, puis en tchèque ou en allemand. Il s'agit de questions techniques et théologiques, de sermons en tchèque, et de livre d'orthographe ou de grammaire qui seront utilisés pour la fondation du tchèque moderne aux xviie siècle et xviiie siècle.
Il reste seulement quelques fragments des œuvres des Taborites radicaux. Il s'agissait d'apologies latines de la doctrine taborite. En général, les écrits hussites diffèrent de l'ère précédente par son intérêt pour les questions sociales. Leur audience est surtout constituée par les classes basses et moyennes.
Quelques travaux, comme ceux de Jan Rokycana, attaquent également les Hussites ultraquistes. La période hussite développe, pour la première fois, le genre des chansons pieuses, afin de remplacer la liturgie latine.
Après l'élection de Georges de Bohême au trone, à la suite des guerres hussites, une nouvelle vague culturelle emporte la Bohème. L'humanisme voit dans les classiques de l'Antiquité un idéal littéraire et culturel. La principale caractéristique de la littarature de cette époque est la lutte entre les écrits des catholiques en latin et ceux des protestants en tchèque.
L'imprimerie de Gutenberg rende enfin les œuvres et les pamphlets plus accessibles, ce qui change lentement le statut de la littérature.
La Renaissance (1433-1620)
Durant la Renaissance, la littérature se divise en trois parties : les littératures catholique, de calixtin et fraternelle - trois genres n'ayant pas grand-chose en commun, et qui ne s'influencent guère.
En 1829 František Palacký publie Les anciennes annales tchèques, un recueil de chroniques tchèques portant sur les années 1378-1526, de caractère calixtin. Le texte le plus ancien date des années 1430.
Le Baroque (1620-1729)
La littérature tchèque se divise alors pour la première fois en littérature officielle (Bed?ich Bridel), non éditée (Bohuslav Balbín z Vorli?né) et d'exil (Comenius, Pavel Stránský ze Zapské Stránky et Pavel Skála ze Zho?e).
L'Époque des ténèbres (1729-1773)
Cette époque est dite « des ténèbres », car sous l'influence des philosophes tchèques des lumières, les historiens se sont peu intéressés à cette période. En réalité, plusieurs personnages s'imposent à cette époque dans les Pays tchèques :
Les œuvres de ces auteurs sont presque oubliées.
Le Renouveau national (1773-1848)

Václav Hanka

Božena N?mcová
La Renaissance nationale tchèque (?eské národní obrození1 en tchèque) est un mouvement culturel né dans les pays tchèques aux xviiie et xixe siècles. Le but du mouvement est de faire renaître la langue, la culture et l'identité nationale tchèques. Les personnalités les plus prééminentes du mouvement sont Josef Dobrovský et Josef Jungmann.
À la suite de la bataille de la Montagne Blanche en 1620, les pays tchèques subissent la politique de germanisation des Habsbourg. Le tchèque est plus ou moins éliminé de l'administration, de la littérature, des écoles, de l'université de Prague et au sein des classes supérieures. Les livres écrits en tchèque sont brûlés et toute publication en tchèque est considérée comme hérétique par les Jésuites. La langue tchèque est réduite à un moyen de communication entre les paysans, le plus souvent illettrés. C'est pourquoi le mouvement de Renaissance puise son inspiration parmi les Tchèques ordinaires de la campagne.

Josef Dobrovský publie sa Grammaire tchèque en 1809. Josef Jungmann publie son Dictionnaire tchèco-allemand en cinq volumes entre 1834 et 1839.
Ces œuvres lexicographiques exercent une influence importante sur l'évolution de la langue tchèque. Jungmann combine le vocabulaire de la période de la Bible de Kralice (1579-1613) avec la langue utilisée par ses contemporains. Il emprunte à d'autres langues slaves des mots qui n'existent pas (ou plus) en tchèque et crée un certain nombre de néologismes. Jungman inspire également le développement d'un langage scientifique tchèque, ce qui rend possible le développement d'une recherche tchèque originale.
Épisode moins glorieux, mais révélateur de ce retour aux sources de la langue, la découverte fortuite des manuscrits de Dv?r Kralové et Zelená Hora, en 1817, alimente un débat intellectuel durant tout le xixe siècle. S'agit-il des plus anciens manuscrits connus en langue tchèque ? Ou de faux brillants ? Emblématiques du mouvement de la Renaissance nationale tchèque, il n'est pas fortuit que la polémique s'éteigne avec celle-ci, la fin du siècle et l'avènement de la bourgeoisie tchèque aux postes clés de l'administration du pays.
1862 voit, sous l'impulsion de Miroslav Tyrš, la naissance de l'association gymnique nationaliste Sokol.
Avec la renaissance de la langue, la culture tchèque refleurit. Des institutions tchèques sont établies pour célébrer l'histoire et la culture tchèques. Le Théâtre national ouvre ses portes en 1883, et le Musée national en 1890.
La lutte culturelle ne saurait éviter le terrain éducatif. Un professorat tchèque est progressivement mis en place au sein de l'Université Charles de Prague : en 1863, sur les 187 cours donnés, 22 le sont en tchèque, le reste l'étant en allemand. En 1882, suivant la pression de la bourgeoisie tchèque montante et du renforcement du sentiment national, l'université (alors appelée Carolo-Ferdinandea) est divisée en deux entités, l'une tchèque, l'autre allemande, totalement indépendantes l'une de l'autre. En 1909, le nombre des étudiants de la Karlo-Ferdinandova univerzita atteint 4 300 alors que ceux de la Karl-Ferdinand Universität est de 1 800


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- la 4e génération fut l'acmé du renouveau national : Josef Kajetán Tyl (auteur de l'hymne tchèque).
Pourtant, dans une atmosphère où le nationalisme devenait prépondérant, la qualité des œuvres littéraires était en déclin. Aujourd'hui, elles ne sont plus guère lues.
La littérature moderne (1848-1938)

La littérature moderne commence en 1836, avec le poème Mai de Karel Hynek Mácha. La prose moderne est représentée par Les scènes de Russie de Karel Havlí?ek Borovský (1843). Mais ce progrès moderniste reste minoritaire, la majeure partie de la création littéraire de cette époque étant fortement influencée par les échos du Renouveau national, comme chez Karel Jaromír Erben ou Božena N?mcová.
Le Renouveau national n'est définitivement dépassé que par le réalisme.
Sa première génération est constituée par les maiens

(májovci) 1858-1868. Après le Concordat (naissance de l'Autriche-Hongrie)
la 2e génération prend le relais.

Cette dernière se divise en ruchiens (ruchovci) avec un programme national dans le journal Éducation populaire (Osv?ta), par exemple Eliška Krásnohorská, et
en lumiriens (lumírovci), les cosmopolites, qui s'efforcent de surmonter la dépendance de la littérature allemande. Ils s'inspirent profondément de la littérature française

(Jaroslav Vrchlický)
Il devint professeur de littérature moderne à l'Université tchèque. Il fut aussi un immense traducteur, en tchèque, de toute la littérature mondiale : Arioste, Schiller, Victor Hugo, Baudelaire, Byron… Il aurait traduit plus de 3 000 poèmes.
Poète, il se déclara élève de l'école poétique de Victor Hugo et de Leconte de Lisle du côté français, et de Giosuè Carducci du côté italien. Ainsi, il s'intéressa à toutes les civilisations et chercha à les faire revivre dans ses poèmes. Ses Fragments d'Épopée mêlent tous les genres et toutes les époques. Vrchlický écrivit également des drames et des comédies. Il fut aussi important au sein de la littérature tchèque que Victor Hugo en France, et plus fécond encore (ses œuvres complètes ont été publiées par l'éditeur Jan Otto en 65 tomes). Considéré par ceux qui en on connaissance comme un des plus grands esprit du xixe siècle, ses œuvres sont malheureusement ignorées en dehors de son pays.

ou de la anglo-saxonne (Josef Václav Sládek). Julius Zeyer est un précurseur de la décadence.

On regroupe sous le terme de modernisme la création des 3e et 4e générations, qui rassemble la décadence (fin de siècle) et l'avant-garde entre-deux-guerres : Jaroslav Hašek et ses Aventures du brave soldat Chvéïk (1923).
Les régimes totalitaires (1938-1989)
De la même façon que pendant la période baroque, la littérature se divise alors en trois parties : officielle, interdite (samizdat) et d'exil.

On remarque aussi un développement considérable de l'existentialisme, avec principalement Egon Hostovský et son Etranger qui cherche un appartement (1947).
Après 1989
La chute du communisme en 1989 a marqué un nouveau tournant dans la littérature tchèque avec le retour de la liberté et de la pluralité. Le travail de plusieurs écrivains interdits ou exilés sont publiés pour la première fois.

Une nouvelle génération d'écrivains apparaît, parmi laquelle Jachym Topol, Patrik Ourednik, Petra Hulova ou Milos Urban.