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le livre de poche

 

Filipacchi Henri

Publié le par Mémoires de Guerre

Henri Filipacchi, né à Smyrne (Turquie) en 1900, et mort à Marnay-sur-Seine (Aube) le 10 septembre 1961, était un éditeur français. Il était le père de Daniel Filipacchi.

Filipacchi Henri

Filipacchi Henri

Issu d'une riche famille d'armateurs originaires de Venise et installés en Turquie, il suit ses études dans un collège allemand avant de s'embarquer pour la France en raison de la guerre contre la Grèce. Accompagné de sa mère, il s'installe en 1922 à Marseille puis rejoint Paris où il gagne sa vie en jouant du violon dans les bars du quartier du Montparnasse. Il épouse une jeune française, Edith Besnard, fille du peintre Robert Besnard et belle-sœur de Jean Luchaire. Il commence à travailler dans une imprimerie spécialisée dans les ouvrages de luxe, l'Imprimerie du Livre à Rueil dont il en devient directeur en 1926. Sa passion pour les livres et son travail acharné dans les ateliers d'imprimerie, saturés d'oxyde de plomb, seront responsables de la maladie des poumons qui l'affecte peu à peu. En 1928, le couple donne naissance à un fils, Daniel, qui deviendra journaliste, éditeur et patron du groupe de presse qui porte son nom.

En 1931, Henri Filipacchi s'associe à Jacques Schiffrin, qui a créé les Éditions de la Pléiade et qui envisage de les céder à Gaston Gallimard. Il parvient à le faire changer d'avis et imagine alors la Bibliothèque de la Pléiade, qui deviendra une collection de référence pour la littérature classique. Mais sa santé se dégrade et il doit effectuer un long séjour en sanatorium. Incité à profiter du grand air, il devient libraire itinérant, parcourant la campagne et les plages au volant d'un camion transformé en « bibliobus » en 1934. Son dynamisme attire l'attention de René Schœller, directeur général de la librairie Hachette, qui l'embauche le 1er mars 1934. Deux ans plus tard, Filipacchi dirige le service Distribution de la société où il multiplie ses contacts avec les éditeurs, les grossistes et les libraires.

Aux débuts de l'Occupation allemande, la Propaganda Staffel le charge de recenser les livres « susceptibles d'indisposer les autorités d'occupation » : il établit alors une liste de plus de mille ouvrages qui deviendra la « Liste Otto » le 28 septembre 1940. À son procès en novembre 1945, il expliquera qu'il a été contraint de se soumettre aux autorités allemandes, qui avaient réquisitionné les Messageries Hachette, et qu'il s'était contenté de transmettre leur demande aux éditeurs, lesquels « étaient mieux à même de juger ce qui pouvait déplaire à l’occupant ». La Commission d’épuration classe l'affaire, mais Filipacchi sera écarté de la direction de Hachette et muté en 1947 à un poste plus discret au département des Exclusivités.

Loin de rester dans l'ombre, il commence à réfléchir à une adaptation des « Pocket Books » américain. Ce sera « Le Livre de poche », qu'il lance en 1953 avec l'aide de Guy Schoeller, et qui connaît immédiatement un grand succès, atteignant rapidement une dizaine de millions d'exemplaires. Henri Filipacchi imagine alors d’autres collections en complément de la série littéraire. Atteint d’un cancer depuis plusieurs années, il meurt d’une congestion cérébrale le dimanche 10 septembre 1961, dans sa maison de Marnay/Seine.

 

Et le Livre de Poche a mis la littérature

dans la poche des Français

 

« On ne peut pas vivre sans un livre dans sa poche »

: un livre de petit format, moins cher, et donc plus accessible. Tels sont le slogan et le pari d’Henri Filipacchi, secrétaire général de la librairie Hachette, en lançant une nouvelle collection appelée « Le Livre de Poche », le 9 février 1953.

Paraissent ainsi les premiers titres du Livre de Poche : Koenigsmark du romancier à succès de l’entre-deux-guerres Pierre Benoit, suivi de L’ingénue libertine de Colette, Les Clefs du royaume de J.A. Cronin, Pour qui sonne le glas d’Ernest Hemingway… Ils valent alors deux francs, à peine plus que le prix d’un quotidien, un peu moins que celui d’un magazine.
 

Un nouvel objet livre

Pour avoir joué un rôle décisif dans la création de collections comme la « Bibliothèque de La Pléiade » ou la « Série noire », mais aussi pour avoir sillonné les routes de France à bord d’un « bibliobus » dans les années 1930, Filipacchi a acquis une exceptionnelle connaissance du secteur de l’édition et de sa distribution. Il veut à présent impulser une nouvelle dynamique qui permette une démocratisation de la lecture. Et assisté d’une équipe restreinte, il se lance résolument dans l’aventure du Livre de Poche.

Prix, format, papier, reliure : « l’objet livre » se trouve entièrement renouvelé. Imprimé à moindre coût, selon un mode d’impression et de distribution (sur tourniquets) directement inspiré de la presse, le Livre de Poche est de A à Z un « livre industriel ». Un livre taillé pour accompagner les Trente Glorieuses et l’avènement inéluctable d’une culture de masse.


Le pari de la qualité

  Pragmatique et visionnaire, Henri Filipacchi a associé ses amis éditeurs – de Gaston Gallimard à Bernard Grasset, d’Albin Michel à Calmann-Lévy – à son projet. Détenteurs des plus grands fonds éditoriaux français, ensemble ils seront les « pères fondateurs » du Livre de Poche.

Le pari de Filipacchi est à cet égard plus qualitatif que quantitatif. Il s’agit pour lui de mettre au service des grands textes, aussi bien classiques que modernes, les techniques d’impression jusque-là destinées au roman populaire. Sorti en format de poche, Un amour de Swann de Marcel Proust trouve ainsi 500 000 lecteurs dans les années 1950.


« Un moyen de culture aussi puissant que la radio ou la télévision »

Rapidement, les réactions se multiplient. Certains écrivains portent le Livre de Poche aux nues, tel Jean Giono qui y voit « le plus puissant instrument de culture de la civilisation moderne ». Selon Marcel Pagnol, également enthousiaste, « c’est un fait social d’une importance capitale ». Il ajoute : « Ce qui m’a étonné, ce sont les tirages des grands classiques. […] On vient de me dire que Rimbaud a tiré à 120 000, Verlaine aussi a tiré à 120 000. C’est un moyen de culture qui est presque aussi puissant que la radio ou la télévision ! ».
 

Aussi nécessaire que la baguette de pain

La croissance du Livre de Poche s’accélère au cours des années 1960. De 8 millions d’exemplaires en 1957-1958, les ventes passent à 28 millions d’exemplaires en 1969. Moins d’une décennie après sa création, le Livre de Poche compte fortement dans la vie des Français. Tenu pour aussi nécessaire que la baguette de pain ou le ticket de métro, le Livre de Poche fait partie depuis 1962 du quotidien des Français au point d’être devenu l’une des composantes de l’indice des prix, fondé sur la liste des « 259 articles » qui permettent d’évaluer la « consommation de base » des Français.

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