les noyades de Nantes Carrier
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Fils de Jean Carrier et de Marguerite Puex, il est le troisième enfant de cette famille composée de trois filles et de trois garçons. Il épouse le Françoise Laquairie. En 1784, Jean-Baptiste Carrier, à force de travail, parvient à obtenir la place de procureur à Aurillac, mais son office est supprimé en 1789.
En 1790, il est conseiller pour le bailliage d'Aurillac.
En septembre 1792, il est élu député à la Convention nationale par le département du Cantal grâce à la victoire des extrémistes. Il était déjà connu comme orateur et comme l'un des membres influents des clubs des Cordeliers et des Jacobins. Il s'oppose violemment à Guillaume François Laennec. Après la prise de contrôle des Flandres, il y est nommé commissaire par la Convention à la fin de 1792. L'année suivante, il vote pour l'exécution du roi Louis XVI (janvier 1793), puis il prend part à l'établissement du Tribunal révolutionnaire, est l'un des premiers à demander l'arrestation du duc Philippe d'Orléans (1747-1793) et joue un rôle essentiel dans la chute des Girondins. Durant l'été 1793, il est envoyé en mission en Normandie pour y réprimer les fédéralistes girondins.Après ses missions en Normandie et une autre à Rennes, il est envoyé à Nantes en vendémiaire an II (septembre 1793) pour faire cesser la révolte vendéennepar les moyens les plus extrêmes.
En 1794 le représentant Carrier, envoyé un an plus tôt à Nantes pour réprimer l’insurrection vendéenne, comparaît devant le Tribunal révolutionnaire pour ses actions brutales : « À bas la tête de Carrier et toutes celles qui lui ressemblent. »
Le procès du représentant Carrier, qui s’inscrit dans la suite du procès des Nantais et de celui du Comité révolutionnaire de Nantes, est l’apogée d’un long moment d’affrontement politique sur les responsabilités de la Terreur, notamment dans la guerre de Vendée. Cette phase parcourt toute l’année 1794, bien au-delà de Thermidor et de la chute de Robespierre.
Âgé de 36 ans au moment du procès, Carrier, inconnu jusque-là, devient en quelques semaines, le symbole même de la Terreur. Envoyé à Nantes en septembre 1793 afin de juguler la révolte contre-révolutionnaire vendéenne, il est accusé d’y avoir commis des atrocités, ordonnant notamment les assassinats de plusieurs milliers de Vendéens incarcérés.
C’est d’abord le procès des 132 Nantais, incarcérés à Paris, depuis des mois, sous des accusations assez vagues, qui dès les premières heures de leur procès, dénoncent les pratiques terroristes qui ont eu lieu à Nantes durant l’hiver 1793-1794. Leur acquittement, le 15 septembre 1794, est fortement salué par la foule parisienne au cri de « Vive la République ! ». Le président du Tribunal lui-même se réjouit que « la hache nationale [ne] les eût pas atteints ».
Accusés à leur tour, les membres de l’ancien Comité révolutionnaire de Nantes paraissent au Tribunal. La publicité donnée à ce procès met en exergue les exactions commises dans la ville, comme en témoigne l’acte d’accusation reproduit dans Le Mercure universel du 18 octobre 1794 et l’attention portée en particulier sur les « noyades » – meurtres de prisonniers vendéens jetés dans la Loire, orchestrés par Carrier – qui vont rapidement devenir un des symboles les plus monstrueux de la Terreur :
« Jamais la lime du temps n’effacera l’empreinte des forfaits commis par ces hommes atroces ; la Loire roulera toujours des eaux ensanglantées, et le marin étranger n’abordera qu’en tremblant, sur les côtes couvertes des ossements des victimes égorgées par la barbarie, et que les flots indignés auront vomis sur ses bords. »
Au Tribunal révolutionnaire, les accusés du Comité de Nantes, dénoncent rapidement Carrier comme celui qui a donné les ordres.
L’ancien président du Tribunal criminel de Nantes, Phelippes Tronjolly, acquitté du procès des Nantais, est le plus redoutable témoin à charge contre Carrier.
Francastel, Tréhouart et Prieur de la Marne, membre du comité de salut public, sont dénoncés par Jean-Baptiste Carrier pour leur modérantisme. Il exhortait à la répression la plus féroce : « Il vous est ordonné, écrit-il au général Haxo, d'incendier toutes les maisons des rebelles, d'en massacrer tous les habitants et d'en enlever toutes les subsistances ». Sur son ordre, il entérine les décisions des sans-culottes qui envoient à Paris 132 notables nantais, modérés et girondins, pour être jugés et guillotinés. S'il proteste que parfois ses instructions ne sont pas suivies : « J'avais écrit à Francastel à Angers, de les faire noyer en cet endroit, mais le foutu coquin n'a pas osé le faire », Francastel les reçoit très mal à Angers et Carrier n'a pas voulu les faire mourir à Nantes, ce qui incite à penser que ses pouvoirs sont plus limités qu'il ne le dit et que l'histoire le retient. Tréhouart ayant à sa disposition un brigand, Le Batteux, qui pillait les campagnes au nom de Jean-Baptiste Carrier, ce dernier le dénonça au Comité de salut public comme contre-révolutionnaire et fédéraliste. Le Comité de salut public pencha en faveur de Jean-Baptiste Carrier, mais Jullien de Paris, fils du député de la Drôme à la Convention (Marc-Antoine Jullien), agent de ce Comité, ayant, lors de son séjour à Nantes, constaté la folie meurtrière de Jean-Baptiste Carrier, appuiera les dires de Tréhouart.
On dit que son esprit avait été perturbé par les horreurs qu'il avait vues durant les affrontements avec les royalistes et par son alcoolisme. Il fait sur la fin de son séjour à Nantes arrêter 132 notables en les accusant de fédéralisme. Mais sentant le vent tourner, Carrier demanda dans le même temps son rappel à Paris, qu'il obtint le 20 pluviôse an II. Il repart à Paris surtout parce qu'il s'est opposé aux sans-culottes nantais et qu'il a été dénoncé par Jullien auprès de Robespierre. Carrier est décrit comme un proconsul sanguinaire. Carrier est proche alors des Hébertistes parisiens, il n'est pas concerné par leur élimination en mars 1794, mais comme Fouché il était opposé à Robespierre.
Jules Michelet a recueilli, des dizaines d'années après la Révolution, de nombreux témoignages sur Carrier qu'il évoque dans son Histoire de la Révolution française. Surnommé par Michelet le « missionnaire de la Terreur », il a laissé un souvenir sanglant dans la ville de Nantes et ses environs. La maladresse politique et les excès rhétoriques de Carrier, autant que sa brutalité, lui ont assuré sa réputation sanguinaire : cependant d'autres envoyés de la Convention, tels Fouché ou Collot d'Herbois à Lyon, furent responsables de massacres tout aussi considérables sans que la postérité les juge aussi sévèrement.
Tous ces jugements se sont appuyés sur la propagande qui naît au moment du procès des 132 Nantais par le Tribunal révolutionnaire et qui est le déclenchement des procès du Comité révolutionnaire de Nantes puis de Carrier. La campagne qui se déroule est orchestrée par un certain nombre de révolutionnaires désireux de faire oublier leur propre rôle, comme Fouché à Lyon. C'est Fouché qui finance Babeuf auteur d'un pamphlet peu lu en fait en 1794, mais qui est repris au xxe siècle, dénonçant le « populicide » vendéen. Carrier fait front et attaque la Convention, à la différence de Fouché, de Barras ou d'autres « terroristes » qui se font oublier. Cette attitude le précipite à l'échafaud et sa mémoire envahit l'imaginaire français. Les fusillades et noyades de Nantes figurent ainsi parmi les exemples les plus connus de la Terreur. Carrier a également été associé au robespierrisme, alors qu'il était en réalité hostile à Robespierre.