Au théâtre, il poursuit une carrière brillante, étant presque toujours à l’affiche, et collectionne les aventures galantes auprès des comédiennes. Un hôtel près de l’Avenue Montaigne abrita quelque temps ses amours avec une célèbre actrice. Christian Millau, qui a bien connu Marcel Aymé raconte, dans son livre de souvenirs Au Galop des Hussards. « Il regarda sa montre, se leva et se dirigea vers l’hôtel voisin » (l’action se situe au bar des théâtres, avenue Montaigne) « J’appris par la suite qu’il y avait ses habitudes. Marcel Aymé ne m’avait pas menti. Il sera longtemps sensible au charme des belles actrices. À cet égard, la distribution de ses pièces, de Dora Doll à Françoise Christophe, de Judith Magre à Rosy Varte, de Nicole Courcel à Christiane Minazzoli, ne manquera jamais d’être exemplaire ».
Marie-Antoinette boit pour oublier et tente de se suicider. Marcel Aymé adapte en 1954 Les Sorcières de Salem d’Arthur Miller qu'il connaît, dans une mise en scène de Raymond Rouleau, avec Yves Montand et Simone Signoret en tête d’affiche, une totale réussite. Il écrit pourtant dans Arts: « Je veux être pendu comme une simple sorcière s’il m’arrive jamais de refaire une adaptation ». Promesse de gascon, car il récidive en 1958 avec Vu du Pont, du même Arthur Miller, mise en scène de Peter Brook.

Vu du pont
Maquette de l'affiche, gouache originale
Collection A.R.T.
Entre temps, il a fait représenter à l’Atelier, en 1956 Les Oiseaux de lune (ex Bel oiseau sans souci), pièce qui, comme dans ses contes fait la part belle au fantastique. C’est l’histoire de Valentin, qui a le pouvoir de changer en oiseaux tous ceux qui le contrarient. Le public accepte le postulat et s’amuse beaucoup. La pièce est jouée plus de 300 fois, ce qui console l’auteur du demi-échec des Quatre Vérités en 1954. Le thème en était pourtant très cocasse : inoculer un sérum de vérité aux membres d’une même famille. La scène a ses mystères. Louis Jouvet a résumé le succès au théâtre avec la formule : « C’est une mayonnaise qui prend ou qui ne prend pas ».

Les Oiseaux de lune
Décors et affiche de Jacques Noël
Collection A.R.T.
Malheureusement, la mayonnaise ne prendra pas avec ses dernières créations : La Mouche bleue en 1957, Patron en 1959, Louisiane en 1961. La Mouche bleue satire musclée de l’Amérique est présentée peu après l’invasion de la Hongrie par les troupes soviétiques et le moment semblait mal choisi d’exaspérer les américains qui semblaient le rempart le plus sûr contre l’expansion de l’URSS en Europe de l’Ouest. Quant à Patron, comédie musicale, l’idée en était originale : au sein du Ministère des Finances, il existe un véritable gang qui réalise de nombreux cambriolages pour renflouer les caisses de l’État. Mais c’est une comédie musicale, genre particulièrement déprécié en France à l’époque.
En ce qui concerne Louisiane, en 1961 la pièce connaît un véritable four, et l’auteur prend sa revanche avec Les Maxibulles farce sans queue ni tête dans laquelle Jacques Dufilho, le crâne rasé, pète des quatre fers, tient des propos invraisemblables, et est pour beaucoup dans le succès de la pièce qui raconte une histoire d’amour sublimé par l’absence. Le spectacle dure plusieurs mois. En 1960, Aymé fait un retour au roman avec Les Tiroirs de l’inconnu, ouvrage en liberté, sans la chronologie du récit traditionnel, et contenant des monologues intérieurs et des fragments de scénarios.

La Mouche bleue - décor de Georges Wakhevitch
Collection A.R.T.
Un quinquagénaire toujours combatif
En 1957, il a quitté la rue Paul Féval et emménagé 26 rue Norvins, aujourd’hui Place Marcel Aymé. En 63, il fait sa rentrée aux Bouffes-Parisiens avec une adaptation du Placard de Kopit (qu’il désavouera au dernier moment, en faisant retirer son nom de l’affiche) et d’un acte original Le Minotaure, interprété par Jean Le Poulain, Anne Carrere et Madeleine Lambert. C’est une aimable bouffonnerie. Irène trouve dans son salon bourgeois du Boulevard Saint-Germain, une machine agricole. Elle pousse des hurlements. C’est son mari, qui adore la campagne, et qu’elle en prive, qui a fait venir ce tracteur, afin de pouvoir avoir la campagne chez lui. Quand un poète farfelu trouvera l’idée géniale, Irène reviendra sur ses préventions. C’est ensuite, trois ans plus tard La Convention Belzebir, dernière pièce de l’auteur présentée de son vivant, refusée par Jean-Louis Barrault et André Barsacq, et montée à l’Athénée par René Dupuy le 30 novembre 1966. Le succès fut loin d’être éclatant, malgré l’originalité du postulat : l’achat d’une licence permettant de tuer son prochain. Marcel Aymé a tiré la pièce de son roman : Les Tiroirs de l’inconnu. Durant ses dernières années, il écrit pour la scène Le Commissaire, Le Cortège, Le Mannequin, qui n’ont jamais été représentées, mais publiées dans les Cahiers Marcel Aymé.

La Convention Belzebir
D décor de Jacques Noël
Maquette de la collection particulière de Jacques Noël
Ce pessimiste joyeux avait le culte de l’amitié et n’hésitait jamais à prendre, souvent avec beaucoup de risque, la défense de ceux qu’il jugeait injustement accusés de délit d’opinion. Son amitié avec Céline fut très tumultueuse. Céline, que la folie de persécution égarait totalement, le dépeint sans aménité dans Maudits soupirs pour une autre fois. Pourtant, Marcel Aymé restera l’un de ses amis les plus fidèles, en tentant de le réhabiliter aux yeux du monde littéraire et en cherchant également à rassembler des témoignages favorables à présenter lors du procès qui va s’ouvrir. Il écrit dans Le Libertaire: « Ses ennemis auront beau mettre en jeu toutes les ressources d’une haine ingénieuse, Céline n’en est pas moins le plus grand écrivain français actuel et peut être le plus grand lyrique que nous ayons jamais eu… La IVème République ne s’honore pas en tenant en exil un homme de cette envergure ».
Il écrit au Président du Tribunal une très longue lettre qui ne manque pas d’arguments en faveur de Céline. Il ira rendre visite au proscrit, le 11 mars 1951, à Klarskovgaard (Danemark). Céline, jugé par contumace, rentre du Danemark, car le Commissaire du Gouvernement vient de reconnaître que le dossier d’accusation est vide. Céline s’enferme alors dans une villa à Meudon où Marcel Aymé ira le voir presque tous les dimanches, quelquefois accompagné de Roger Nimier et d’Antoine Blondin.
Indépendant miséricordieux s’attaquant en franc-tireur aux puissances liguées de la coercition sociale. Certes, anti nazi, il demanda la grâce de Brasillach mais déclina l’invitation des amis du fusillé de prendre la parole à leur cercle. « J’aimerais mieux dîner en tête à tête avec mon percepteur » écrivit-il à leur Président. Partisan de l’Algérie algérienne, il tenta d’arracher au peloton d’exécution Bastien-Thiry, l’ultra de l’Algérie Française, commanditaire de l’attentat du Petit Clamart, contre le Général de Gaulle… Ennemi du terrorisme - celui de FLN comme les autres - il rendit visite dans sa prison au porteur de valise, le comédien Jacques Rispal. Antistalinien, il ramena dans les studios, scénariste d’un de ses films des années noires, le metteur en scène communiste, son camarade Louis Daquin, alors en quarantaine.
En 1962, à la mort accidentelle de Roger Nimier, il est scandalisé par un article de Robert Kanters dans L’Express. Ce dernier écrivait : « Et il y a bien dans ce vieux pays un parti de jeunes gens qui se sentent étrangement attirés par la mort, le parti de Drieu La Rochelle, le seul finalement auquel Roger Nimier ait jamais appartenu, et on y meurt vraiment, avec la bénédiction édentée de vieillards bien portants comme M. Jacques Chardonne… C’était un lion aux ongles non point rongés, mais manucurés. Le masque de l’enfant terrible commençait à grimacer un peu sur le visage de l’homme de 36 ans ». Marcel Aymé répond, dans le bulletin de la N.R.F. : « Quelqu’un qui saisit, avec un jovial empressement l’occasion de cracher sa haine et son fiel dans une tombe encore ouverte… Roger Nimier était la vie même, la joie de vivre et même, pour les gens de son âge, la jeunesse. Ce qu’on sait beaucoup moins, c’est que ce garçon d’un grand cœur d’une inépuisable bonté, se dépensait inlassablement pour des amis, des inconnus avec toujours une exemplaire discrétion… D’un côté la générosité du cœur, de l’autre, l’envie encore inapaisée et la fureur nécrophage me permettent d’imaginer facilement quelle fut la joie de M. Kanters à la nouvelle de cette mort, la joie qui s’étale si crûment dans son misérable article. Le critique haïssait probablement l’écrivain d’être tout ce qu’il ne serait jamais, et d’abord un homme au plein sens du mot ». La brouille, on s’en doute, fut définitive.
cf : Bivouacs d’un hussard éditions de la Table Ronde
Les dernières années.
En 63, la santé de Marcel Aymé n’est guère florissante. On cherche tout nouveau médicament susceptible de guérir ou d’atténuer sa myasthénie. Il meurt le 14 octobre 1967 d’un cancer du pancréas ayant entraîné un œdème pulmonaire. Marie-Antoinette obtient, malgré les réticences des autorités ecclésiastiques, des obsèques à Saint-Pierre de Montmartre. Il repose au cimetière Saint-Vincent, devant Le Lapin agile.
Jean Anouilh écrit alors: « Sans légion d’honneur, sans jeune ministre ému, sans honneurs militaire et sans brochette de vieillards déguisés, le plus grand écrivain français vient de mourir ».
Laissons la parole à Louis Nucera qui se souviendra dans Le Figaro du16 novembre 1996 : « Du côté de Montmartre, des années 30 aux années 60, vivait un homme que les idéologies en vogue – cet anticonformisme qui se croit courageux alors qu’il ne groupe que moutons et perroquets – ne pervertissaient pas. Il y avait du paysan en lui, un paysans du temps où le bon sens n’était pas impopulaire. Il ne consentait à aimer que ce qu’il aimait vraiment. Il lançait ses quatre vérités sans céder aux concessions que dicte la prudence, sinon la peur, car le terrorisme intellectuel ne date pas d’aujourd’hui ».

Quelques Pièces
LUCIENNE ET LE BOUCHER
Analyse
Compagne inassouvie d’un horloger chétif, Lucienne s’éprend de son voisin, le puissant boucher Duxin, homme naïf à l’âme de midinette. Envoûté par la sensualité dévorante de l’âme de l’horlogère, il ne songe qu’à la sortir du mauvais pas où elle s’est mise en tuant son minable mari et prend le cadavre à son compte. La police ne sera pas assez crédule et découvrira la vraie coupable.

Lucienne et le boucher
maquette reconstituée du décor de Jean-Denis Malclès
Collection A.R.T.
Critiques
« Nous sommes mal à l’aise pour rire au beau milieu de scènes presqu’intolérables. Si c’est de l’humour, je puis assurer à l’auteur qu’il faut le pratiquer autrement au théâtre et, pour être tout à fait franc, je lui déconseille de s’y attarder. Je ne crois pas qu’il ait le don ».
Jean-Jacques GAUTIER - Le Figaro
« Il y a dans la pièce de la force et de l’effort. Moins de verve que de volonté. Et une violence qui se gâte de grossièreté. Cela ne fait pas une pièce indifférente. Je lui rends justice et je n’aime pas cela ».
Robert KEMP – Le Monde
« J’ai toujours eu la plus vive amitié pour les livres de M. Marcel Aymé… C’est dire avec quelle sympathie, quelle amitié, quelle confiance je suis entré au Théâtre du Vieux Colombier… Eh bien, au sortir du théâtre, cette sympathie était devenue du respect, cette amitié de l’affection et cette confiance, une paisible assurance ».
Jacques LEMARCHAND - Combat
Lors de la reprise (septembre 1976)
« C’est presque tout le temps cocasse, et je reste étonné, à distance, de la maîtrise classique de l’auteur qui laisse entrevoir déjà la perspective du chef d’œuvre que sera, plus tard Clérambard… Que n’ai-je senti tout cela en 1948 ? Peut être étais-je encore un peu trop jeune ».
Jean-Jacques GAUTIER - Le Figaro
« La pièce tient drôlement bien le coup. Son innocence roublarde la sauve du temps. Nicole Anouilh l’enveloppe de la mise en scène qu’il faut : acide et claire, contournant le burlesque, dégustant la faille secrète d’un réalisme d’Épinal ».
Henri RABINE - La Croix
CLÉRAMBARD
Analyse
Vers 1910, en province, le Comte Hector de Clérambard, noble ruiné, oblige sa femme, sa belle-mère et son fils Octave à travailler comme des esclaves sur des métiers à tisser. Lui, fait la chasse aux chats et aux chiens pour les consommer à sa table. Un jour, Saint François d’Assise apparaît à Clérambard, lui reproche de tuer « ses frères les animaux » et ressuscite, semble-t-il, le chien du curé. Touché par la grâce, Clérambard pousse, de force, sa famille dans les sentiers de la vertu et de la charité franciscaines. Il décrète que son fils épousera La Langouste, fille publique de la ville voisine, plutôt que la laide héritière de l’avoué Galuchon. Le Comte finira par emmener tout son beau monde dans une roulotte pour aller mendier sur les routes.

Clérambard, maquette originale de Jean-Denis Malclès
Collection A.R.T.
Critiques
« Clérambard » est de bout en bout une pièce extraordinaire, d’un accent, d’une saveur, d’une vigueur incomparable. Dieu ! qu’on s’y amuse, comme elle vous enchante et quel bien elle vous fait. Elle balaie d’un seul coup les conventions, les timidités, les faux semblants, le savoir-vivre, toutes les poussières. Elle plonge gaillardement au cœur des vrais problèmes et de la vraie humanité ».
Francis AMBRIERE - Opéra
« Les deux premiers actes sont excellents, vifs et savoureux. Oyez ce langage direct et cru. Le langage d’un enfant de Molière et de Courteline. Voilà du gros, du solide, du percutant comique. On ne peut pas avoir tout le temps un tact infaillible. Sa pièce, qui a la rudesse d’un fabliau, qui est de l’Henri Monnier au village, et où l’on reconnaît aussi la verdeur d’un Voltaire édifiant, a amusé le public ».
Robert KEMP - Le Monde
« J’étais à Clérambard et j’y ai ri de tout mon cœur avec le public, un peu moins aux plaisanteries anticléricales qu’aux autres, bien sûr, mais je nie qu’elles soient dans Clérambard les plus nombreuses… Mais il est vrai que le ricanement sur les choses saintes fait partie de notre héritage. Marcel Aymé, fils d’Anatole France, petit fils de Béranger, est préposé, en 1950, à ce ricanement ; chaque génération a l’Anatole qu’elle mérite ».
François MAURIAC - Le Figaro

LA TÊTE DES AUTRES
Analyse
Juliette, épouse du procureur Maillart, attend, chez elle, entourée de ses amis, le procureur Bert Olier et le ménage Andrieu, la fin d’un procès qui se déroule en ville. Elle est anxieuse car elle souhaite que son mari ait pu obtenir la condamnation à mort de Valorin. Maillard fait une entrée triomphale : il a obtenu la peine capitale. Bertolier décide d’emmener tout le monde chez lui pour fêter le héros. Maillard, resté seul quelques minutes reçoit Roberte, la femme de Bertolier, qui est aussi sa maîtresse. Mais un homme fait irruption dans la pièce, revolver au poing, c’est Valorin qui s’est échappé de la prison. Il reconnaît en Roberte la femme avec laquelle il s’ébattait dans un hôtel de passe alors que s’accomplissait le crime pour lequel il est condamné.

La Tête des autres
Décor de Jean-Denis Malclès
photographie de la maquette
Collection A.R.T.
Critiques
« La nouvelle pièce de Marcel Aymé est tout sauf indifférente. Ce sera, sans doute possible, un des ouvrages le plus passionnément discuté de cette saison. Il y a dans La Tête des autres une force comique indéniable et même irrésistible. Je ne parle pas seulement des dialogues, mais avant tout des situations, simplement, il est impossible de traiter la pièce comme un simple vaudeville. L’auteur lui-même n’a pas voulu que nous la jugions ainsi, peut être ne peut-on parler, à la rigueur, de satire de la magistrature, mais ce qui est certain, c’est que l’œuvre est, au plus haut degré « salissante ».
Gabriel MARCEL - Les Nouvelles Littéraires
« Marcel Aymé vient d’écrire une pièce admirable qui a deux avantages. Elle est aussi drôle que possible et nous imaginons sans peine que notre rire se poursuivra au cours des siècles. Par là même elle est classique. Elle est utile dans un pays qui a perdu le goût de la liberté, elle nous console par sa violence, c’est ce qui la rend indispensable aux spectateurs de 1952.
Roger NIMIER - Opéra
« Je suis sorti de l’Atelier plein de tendresse, de pitié filiale pour la Magistrature Assise, en dépit des faiblesses que je sais. On n’a pas le droit, français, de ne montrer que des magistrats sans conscience, faisant joyeusement couper des têtes, de dire que leurs femmes sont des gourmandes de guillotine et que leurs petits enfants voudraient faire sauter, dans leur berceau, les têtes décollées par « l’éloquence de leur papa »... De la magistrature, l’auteur passe aux gouvernements. Il s’ébat dans une ordure qu’il a créé à plaisir. Le suintement devient une inondation. Bref, J’EXECRE ».
Robert KEMP - Le Monde
« M. Marcel AYMÉ est un auteur à bile. Il ne porte pas le régime dans son foie, et ça lui coupe tous ses moyens. Il a une vieille dent contre lui. Une dent gâtée. Ça se sent. On s’attendait, d’après les premières répliques à une vigoureuse satire contre la justice. On ne devait avoir qu’un outrage à magistrats ».
TRENO - Le Canard Enchaîné
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Œuvres Dramatiques
15-4-1948 - LUCIENNE ET LE BOUCHER - Théâtre du Vieux Colombier
13- 3-1950 - CLÉRAMBARD - Comédie des Champs-Élysées
13-12-1951 - VOGUE LA GALÈRE - Théâtre de la Madeleine
15-2-1952 - LA TÊTE DES AUTRES - Théâtre de l’Atelier
23-1-1954 - LES QUATRE VÉRITÉS - Théâtre de l’Atelier
16-2-1954 - LES SORCIERES DE SALEM (adaptation) - Théâtre Sarah-Bernhardt
16-12-1955 - LES OISEAUX DE LUNE - Théâtre de l’Atelier
20-10-1957 - LA MOUCHE BLEUE - Comédie des Champs-Élysées
11-3-1958 - VU DU PONT (adaptation) - Théâtre Antoine
28-9-1959 - PATRON (comédie musicale) - Théâtre Sarah Bernhardt
18-9-1961 - LOUISIANE - Théâtre de la Renaissance
21-11-1961 - LES MAXIBULES - Théâtre des Bouffes Parisiens
1963 - LE PLACARD (adaptation) - Théâtre des Bouffes Parisiens
1967 - LE MINOTAURE - Théâtre des Bouffes Parisiens
20-11-1966 - LA CONVENTION BELZEBIR - Théâtre de l’Athénée

Prix
1927 -
Prix Corrard (pour Brûlebois)
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1929
- Prix Renaudot (
pour
La Table aux crevés)
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1930 -
Bourse Blumenthal
(20 000 fr)
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1939
- Prix Chanteclerc
(pour
Les Contes du chat perché)
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Extrait
LA TÊTE DES AUTRES
SCÈNE II
Par la porte côté cour entre Frédéric Maillard portant une serviette de cuir.
C'est un homme de trente-huit ans. Juliette, Renée et Louis s'avancent a sa rencontre.
Louis : Alors ?
Maillard a un hochement de tête mélancolique.
Renée : Ça y est. Cet animal de Valorin s'en est tiré !
Juliette : J'en avais le pressentiment.
Louis : Mon pauvre vieux. Alors, non ? Ça n'a pas marché ?
Maillard, il éclate de rire et, l'air triomphant, vient à Juliette :
Mais si ! Ça a très bien marché puisque j'ai fait condamner mon bonhomme.
Louis : C'est vrai ? Les travaux forcés ? A perpétuité ?
Maillard : Pas du tout ! Il est bel et bien condamné à mort !
Renée et Louis, battant des mains : Bravo ! Bravo ! C'est épatant !
Juliette, se jetant au cou de son mari : Mon chéri ! Comme je suis heureuse ! Non, tu ne peux pas savoir quel bonheur c'est pour moi ! J'ai passé par de telles angoisses ! Je n'osais plus espérer la bonne nouvelle. Tu ne rentrais pas... tu ne téléphonais pas...
Maillard, ému : Ma chère petite. (Il lui baise le front.) Le verdict a été rendu tard et j'ai dû ensuite écouter le chef de cabinet de Robichon qui m'a tenu encore vingt minutes.
Renée : Et en entrant, vous nous avez fait marcher en prenant une mine d'enterrement, comme si le type avait été acquitté ! (Mutine.) C'est vilain, ce que vous avez fait là, procureur Maillard.
Renée et Juliette prennent Maillard chacune par un bras.
Juliette : Oui, c'est très vilain et nous sommes tous très fâchés.
Maillard : Je demande pardon à tous et je promets de ne plus le faire jamais.
Juliette On lui pardonne ?
Renée : Pour cette fois, on lui pardonne parce que c'est un homme inouï, formidable, génial !
Louis : J'avoue que je ne m'attendais pas à une condamnation à mort.
Maillard : Très franchement, je n'y croyais pas non plus. Bien sûr, il s'agissait d'un crime crapuleux. Mon bonhomme avait assassiné une ; vieille dame pour la voler, mais, après tout, il n'y avait pas de preuve décisive. En somme, il existait un faisceau de très graves présomptions, mais qui n'étaient tout de même que des présomptions. Les empreintes digitales, qui étaient d'ailleurs bien les siennes, ne constituaient pas non plus une charge suffisante. La défense avait beau jeu. Vous n'avez qu'une certitude morale, plaidait Maître Lancry. Et, au bout du compte, c'était vrai.
Louis : Évidemment sa position était forte. Voua avez dû vous démener comme un diable.
Maillard : C'est bien simple, je suis claqué. Vingt fois, j'ai cru que l'accusé sauvait sa tête. Je le sentais m'échapper, me filer entre les doigts. Chaque fois, j'ai réussi à donner le coup de barre qui le faisait rentrer dans l'ornière.
Louis : L'ornière de la Justice.
On rit.
Maillard : Mais le pire était que cet animal-là inspirait la sympathie. Pour un procureur, il n'y a rien de plus pénible ni de plus dangereux. Ce n'était pas du tout le genre de brute auquel on pouvait s'attendre. C'en était même très exactement le contraire.
Louis : Qu'est-ce qu'il faisait, dans la vie, votre accusé ?
Maillard : II était joueur de jazz.
Louis : Ah ! C'est vrai.
Maillard : Imaginez un garçon de trente-cinq ans, l'air plutôt distingué malgré sa profession, avec un visage énergique, respirant la franchise, l'honnêteté, et un regard intelligent, des manières et une élocution aisées, une voix parfois frémissante qui pouvait émouvoir.
Renée : Il était beau ?
Maillard : Pas mal. Avec ça, un certain chic dans la façon de s'habiller, une élégance un peu négligée.
Juliette : II y avait des femmes dans le jury ?
Maillard : Deux.
Juliette : Tu avais vraiment tout contre toi.
Maillard : Tu peux le dire. Quand le prévenu protestait de son innocence, je sentais fléchir la salle, le jury et jusqu'au Président. Alors, je donnais un coup de gueule et je le ramenais au pied du mur : « Où étiez-vous le soir du premier juin entre huit heures et minuit ? »
Louis : Au fait, où était-il, entre huit heures et minuit ?
Maillard : Chez sa victime, parbleu ! II prétendait, lui, avoir passé la soirée dans un hôtel avec une inconnue. En fait d'alibi, c'était puéril, mais il avait une façon d'affirmer qui troublait les jurés. Finalement et grâce à moi, la sympathie qu'il inspirait s'est retournée contre lui.
Renée : Et comment vous y êtes-vous pris, mon cher magicien ?
Maillard, retrouvant l'accent du prétoire : Messieurs les Jurés, vous avez en face de vous un assassin dont l'arme la plus dangereuse n'est ni le couteau ni le revolver, mais cette sympathie... (Changeant de ton.) Si nous parlions d'autre chose ? Je ne vais tout de même pas refaire le procès à moi tout seul.
Louis : Dommage !
Juliette, Se tournant vers le vestibule : Oui, mes enfants, papa est rentré... Je ne sais pas... C'est lui qui vous le dira. (A Maillard.)Ce sont les enfants. Ils n'arrivent pas à s'endormir. Va les embrasser, tu leur apprendras la bonne nouvelle. Ils vont être si contents !
Maillard, se dirigeant vers le vestibule : Chers mignons. A midi, Alain m'a fait promettre de lui apporter la tête de l'accusé.
Rire général. Maillard monte les deux marches accédant au vestibule.
Juliette, à Maillard : Toute la soirée, ils ont joué à se condamner à mort.
Rire attendri de Maillard qui disparaît dans le vestibule.
...
Sources:http://www.regietheatrale.com/