L’expédition Shackleton
» Cherche hommes pour voyage incertain. Petits gages, froid rigoureux, longs mois de nuit complète, dangers permanents, retour incertain. Honneur et reconnaissance en cas de succès. «
C'est avec cette annonce que Sir Ernest Shackleton a recruté une bonne partie des membres du bateau » L'Endurance » pour son expédition vers l'antarctique, qui démarra en 1914 pour s'achever trois ans plus tard. Une aventure humaine parmi les plus incroyables du XXe siècle.
Retour sur cette expedition qui restera inachevée ......
En 1914, l’expédition Shackleton part à la découverte de l’Antarctique. Elle ne l’atteindra jamais, et ses membres survivront dix-huit mois dans des conditions extrêmes. Bien plus tard, Blake et Mortimer affronteront eux aussi le pôle Sud !
FRANCISQUE OESCHGER Publié le 24/01/2020 à 16h08 - Mis à jour le 09/03/2022
Une nuit d'encre, une mer déchaînée… En route pour le pôle Sud, La Madeleine, sur lequel ont pris place Blake et Mortimer, est malmenée par la tempête. Le pire reste à venir : « Surgissant soudain à travers un dense rideau de pluie, un iceberg géant se dresse à quelques encablures…» « A tribord toute !!! » hurle Mortimer au commandant tandis que le bateau, emporté par son poids et sa vitesse, écorche son flanc sur le monstre de glace dans un bruit de tôles lacérées.
Cette scène, au début du tome 2 des Sarcophages du 6e continent, n'exagère pas les dangers qui guettent les bateaux naviguant dans l'océan Austral. Les marins le savent : « Sous les quarantièmes, il n'y a plus de lois, mais sous les cinquantièmes, il n'y a plus de Dieu. » Si les deux héros, mis en scène par Yves Sente et André Juillard en 2004, se sortent sans dommages de ce mauvais pas, tous les aventuriers des pôles n'ont pas eu cette chance. Au début du XXe siècle, Ernest Shackleton (1874-1922) a failli y laisser sa vie et celle de son équipage.
Le défi est de réaliser la première traversée du continent polaire : un raid de 3 000 kilomètres
Le 5 décembre 1914, l'explorateur britannique quitte l'île de la Géorgie du Sud, au large de l'Argentine, à bord de l'Endurance, et met le cap sur l'Antarctique. L’homme connaît la région. En 1901 et 1909, il a participé à deux expéditions pour tenter d'atteindre le pôle. Des exploits qui lui ont valu d'être anobli par le roi Edouard VII et d'entrer dans la légende de ces grands aventuriers qui tentent au mépris de leur vie de planter l'Union Jack sur les dernières terres inconnues du globe, pour la gloire et l'honneur de l'Empire britannique.
Le pôle Sud a été conquis trois ans plus tôt par le Norvégien Roald Amundsen, mais Sir Ernest Shackleton retourne cette année-là en Antarctique pour relever un autre défi : réaliser la première traversée du continent polaire entre la mer de Weddell (océan Atlantique) et la mer de Ross (océan Pacifique). Soit un raid de 3 000 kilomètres dans les « conditions les plus inhumaines qui soient » à travers « l'une des zones géographiques les plus inhospitalières de notre planète », écrit l'explorateur français Paul-Emile Victor dans sa préface au récit que Shackleton a consacré à son aventure, L'Odyssée de l’Endurance (éd. Phébus).
Le navire est vite immobilisé par les glaces
Le trois-mâts spécialement construit pour l'expédition n'atteindra jamais les côtes du continent blanc. Dès le 19 janvier, il est bloqué dans le pack, la banquise flottante, que Shackleton décrit comme « un jeu de puzzle gigantesque imaginé par la nature », dont les fragments se soudent, se séparent et se ressoudent au gré des variations de température – jusqu'à moins 30° C – et des courants marins. Le navire est vite immobilisé par les glaces avec son équipage, 26 hommes que Shackleton et son capitaine, Frank Worsley, ont sélectionnés parmi 5 000 volontaires. Les matelots chassent des phoques dont la viande et la graisse viennent enrichir les réserves de vivres, les scientifiques procèdent à différents relevés, tandis que le photographe de l'expédition, Frank Hurley, immortalise les étapes de cet interminable hivernage qui va durer huit mois.
Seule issue : poursuivre à pied sur 640 kilomètres
Le 10 octobre 1915, le dégel disloque enfin la banquise et l'Endurance tente de se frayer un passage au milieu des glaçons. L'espoir ne sera que de courte durée. Le 23, les glaces se reforment brutalement autour de la coque qui est soumise à une pression énorme. « L'assaut fut terrible, raconte Shackleton. […] tout le bâtiment était ébranlé et gémissait sous la poussée […] Le navire se tordait et commençait à faire eau dangereusement. » Provisions, équipements, chiens, traîneaux et canots sont débarqués sur la banquise. Le mercredi 27 octobre, Shackleton donne l'ordre d'abandonner le bateau. L'objectif est maintenant de trouver des secours. L'île la plus proche, Paulet, est à 346 milles marins, soit 640 kilomètres…
Les 28 naufragés de l'Endurance n'ont pas le choix. A la veille de Noël 1915, ils se lancent à pied à travers le pack, emportant trois canots et des provisions pour 42 jours. Des hommes courbés derrière un traîneau tiré par des chiens, avançant au milieu d'une immensité de glace balayée par les vents… Une image mythique de la conquête des pôles à laquelle, toujours dans le même album, Francis Blake n'échappe pas. « Pourvu que je sois toujours dans la bonne direction. On n'y voit pas à trente pas dans ce blizzard…», s'inquiète-t-il, égaré avec son attelage dans une violente tempête de neige. Effectivement, alors qu'il cherche à rallier la base française, l'agent du MI5 tombe sur celle des Soviétiques…
Mais nulle base en vue pour Shackleton et son équipage qui progressent à grand-peine. « Chaque bateau avec son chargement et les traîneaux qui le portaient pesait plus d'une tonne », détaille l'explorateur. Le convoi glisse mal sur une glace trop molle, épuisant les hommes et les chiens. Il faut s'arrêter en attendant de meilleures conditions météorologiques. Ils vont rester trois mois prisonniers de ce campement qu'ils baptisent avec un flegme tout britannique « le camp de la Patience ». En dépit de la capture de quelques phoques et pingouins, les réserves de nourriture baissent et, la mort dans l'âme, ils doivent abattre leurs derniers chiens. Shackleton, qui fait chaque jour le point sur leur position, constate avec inquiétude que le pack, « trop disloqué pour nos traîneaux et pas assez pour permettre à nos canots de naviguer », les éloigne inexorablement de l'île Paulet.
Cap sur l'île de l'Eléphant
Le 9 avril, les glaces se disloquent enfin, faisant apparaître des chenaux praticables. Ils peuvent mettre les canots à l'eau et quitter leur glaçon flottant. Quatre jours plus tard, les trois embarcations s'arrachent aux derniers lambeaux du pack et affrontent la haute mer. Torturés par la faim et la soif, les « bouches enflées » et les « langues brûlantes », les matelots des trois embarcations mettent le cap sur l'île de l'Eléphant dont ils finissent par apercevoir la silhouette à l'horizon. Ils y abordent le 14 avril, épuisés. Ils ne sont pas sauvés pour autant. L'île est à l'écart des routes maritimes. Aucun bateau ne passe jamais au large.
Le professeur Mortimer connaîtra lui aussi cette angoisse. A la fin de l'aventure, il se retrouve avec quelques compagnons sur un iceberg à la dérive, scrutant l'horizon dans l'espoir d'y voir apparaître un navire… En vain. Mais les deux compères ne se sortent-ils pas toujours des pires situations ? Mortimer retrouve justement un émetteur oublié au fond de sa poche. Et bientôt un hydravion emportera les rescapés loin des glaces. Au printemps 1916, Shackleton et ses compagnons ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Leur seule chance de salut est de gagner l'île de la Géorgie du Sud, au nord-est, d'où ils ont appareillé seize mois plus tôt. Soit un nouveau périple de près de 1 500 kilomètres à travers les mers les plus difficiles du globe. Seul un des canots, le James Caird, une embarcation de 7 mètres, est taillé pour une telle aventure. Shackleton y embarque le 24 avril avec le capitaine Worsley et quatre volontaires. Les 22 autres hommes de l'Endurance devront attendre… et survivre au froid et à la faim.
Regagner coûte que coûte l'île de la Géorgie du Sud
Après quinze jours d'une traversée durant laquelle ils manquent à plusieurs reprises de sombrer, les six hommes atteignent la côte sud de l'île. Il leur reste une ultime épreuve. Pour rejoindre la station de Stromness, sur la côte nord, il leur faut traverser cette terre inhospitalière dont les sommets glacés culminent à près de 3 000 mètres d'altitude – « un morceau des Alpes planté dans l'Atlantique », comme le résument l'explorateur Bertrand Imbert et le chercheur Claude Lorius dans leur ouvrage Le Grand Défi des pôles (coll. Découvertes Gallimard). Trente kilomètres de haute montagne que les naufragés entreprennent avec pour tout équipement une corde et une herminette de charpentier en guise de piolet. Le 20 mai, ils se présentent, à bout de forces, aux autorités de la petite base britannique. Douchés et habillés de propre, ils peuvent enfin prendre un repas chaud digne de ce nom… le premier depuis un an et demi !
Après trois tentatives infructueuses, les hommes de l'Endurance bloqués sur l'île de l'Eléphant ne seront récupérés que trois mois plus tard, le 30 août 1916. Comme les deux héros de Edgard P. Jacobs, les Robinson des glaces s'en sont tous tirés sains et saufs. « Nous avons échoué », regrette l'explorateur à la fin de son récit. Il venait pourtant de signer l'un des plus grands exploits de la conquête des pôles.
Et aujourd’hui : un vaisseau futuriste pour explorer les eaux polaires
Plus d’un siècle après l’épopée de l’Endurance, le continent blanc continue de fasciner scientifiques et explorateurs. Mais plus question de trois-mâts, ni de moteur à vapeur… Au XXIe siècle, la technologie se met au service de la découverte. Polar Pod est le vaisseau de l’avenir : une plateforme océanographique verticale de 100 mètres de haut conçue pour résister aux vagues et aux courants des cinquantièmes hurlants.
Pendant deux ans, ce « navire » va tourner autour de l’Antarctique. Son équipement sophistiqué permettra à une équipe internationale de chercheurs d’étudier les courants, la dynamique des vagues ou encore de recenser la faune marine grâce à des mesures acoustiques. L’initiateur du projet n’est autre que Jean-Louis Etienne qui, entre 1989 et 1990, avait traversé le pôle à pied sur 6 300 kilomètres. Départ prévu en octobre 2021.
Sa devise était « Par l’endurance, nous vaincrons ».
SHACKLETON conçu alors une éxpédition qui devait faire de lui un explorateur dont la notoriété deviendrait identique à celle d'ADMUNSEN et encore plus importante que celle de son éternel rival Robert Falcon SCOTT. L'histoire lui donna raison mais d'une façon qu'il n'aurait jamais imaginé ...
L'objectif de SHACKLETON était de réussir la première traversée de l'Antarctique. Il monta alors ce qu'il nomma: "the “one great main object of Antarctic journeyings", plus connu sous le nom de " L'expédition de l'Endurance".
À l’heure ou l’épave de l’Endurance d’Ernest Shackleton a été découverte en Antarctique, plus d’un siècle après son naufrage, revenons sur cet explorateur irlandais qui a tenté la première traversée du Grand Continent Blanc.
Né en Irlande en 1874, Ernest Shackleton effectue ses premiers voyages en Antarctique en 1901, 1907, 1909. En 1911, Roald Amundsen le devance en atteignant le Pôle Sud.Ignorant les souhaits de son père médecin qui désirait que son fils embrasse la même profession, le jeune Ernest s'engage dans la marine marchande à l'âge de 16 ans. Sa passion pour l'exploration polaire grandit lors d'un voyage en Antarctique en 1901. Lui et les hommes du "Discovery" devinrent alors les humains ayant atteint le point le plus au sud de la planète. SCOTT qui dirigeait l'expédition doutant de la bonne santé de SHACKLETON décida de faire retourner en Angleterre sur le voilier de la relève . A son retour SHACKLETON s'essaya comme journaliste, géographe puis politicien.
Privé de cette découverte, il prend pour objectif de traverser de part en part l’Antarctique dans une transcontinentale de 2900 km. Il se lance dans l’expédition avec deux bateaux, l’Endurance et l’Aurora, un bateau d’assistance qui les attendra de l’autre côté du continent blanc.
Pendant que le monde vit sa première guerre mondiale, Shackleton quitte l’Angleterre le 8 août 1914 et atteint la mer de Weddell début décembre. L’Endurance progresse dans la glace dans des conditions extrêmement difficiles et est vite immobilisé, pris par les glaces. Il hiverne quelques mois et pendant cette période le bateau dérive vers le Nord. Lorsque le dégel arrive, la glace se fractionne et la pression est telle que très vite, de l’eau s’infiltre dans la coque du navire qui doit être évacué. Sans autre issue possible, l’ordre est donné de quitter le navire, et tout est débarqué sur la glace avant que l’Endurance ne disparaisse dans les eaux glacées une année après le début de l’expédition, et 281 jours passés prisonniers de la glace.
L’Endurance, pris par les glaces en novembre 1915, source Wikipedia
C’est à ce moment que commence la véritable odyssée de l’explorateur. L’équipage et leurs chiens de traîneaux campent alors sur la banquise avec l’espoir de dériver dans la bonne direction, là où des vivres se trouvent depuis 12 ans suite au naufrage du bateau Antarctic. La vie est pénible, et, particulièrement inactifs, les hommes voient régulièrement des mirages. Se nourrissant de manchots et de phoques, ils récupèrent l’huile et s’en servent comme combustible. Mais la dérive des glaces les éloigne inexorablement, et la pénurie alimentaire les guette. Shackleton décide alors d’atteindre les eaux libres pour mettre les canots à la mer et rejoindre la terre la plus proche. Ils passent plusieurs nuits en mer par une température de -20°C, blottis les uns contre les autres et ils atteignent les côtes de l’île Eléphant où ils débarquent.
Décidé à chercher de l’aide pour sauver son équipage et sa vie, Shackleton va réaliser de véritables exploits. Il choisit le plus grand des canots pour rejoindre Stromness, une station baleinière, et embarque avec lui 5 coéquipiers et 4 semaines de vivres. Dans des conditions extrêmes, sur ce bateau de fortune rafistolé pour supporter une mer imprévisible, et 15 jours durant, ils affrontent une mer agitée, des courants forts et un vent glacial. Ils aperçoivent les côtes de la Géorgie du Sud où ils accostent. La station baleinière se trouvant de l’autre côté de l’île, la décision est prise de laisser les plus faibles sur place et de traverser l‘île à pied.
En 36 heures, ils atteignent Stromness, station de pêche à la baleine entre 1912 et 1931. Ernest Shackleton organise alors le sauvetage de tous ses coéquipiers. Le sauvetage des 3 hommes restés sur l’île Eléphant est réussi après plusieurs tentatives. Reste le bateau Aurora dont il n’a aucune nouvelle et qui a dérivé lui aussi mais en pleine mer et sans gouvernail. Il est finalement localisé grâce à un message de détresse capté par un bateau qui sillonnait la zone. Prévenu, Shackleton rejoint le navire et constate que 3 personnes ont perdu la vie dans cette expédition. Cette expédition aura duré 2 ans et 5 mois de courage et d’abnégation dans des conditions plus qu’extrêmes.
Shackleton rentre en Angleterre mais repart très vite au Svalbard pour établir une concession minière, puis part à Mourmansk dans le but de développer le Nord de la Russie. En 1921, il organise une expédition océanographique et subantarctique dans le but de faire de cette région une nouvelle destination touristique. Les objectifs sont de cartographier de façon plus précise la zone et de découvrir de nouvelles localités. Arrivée à Rio de Janeiro, Shackleton est malade et refuse de faire des examens. Tout porte à croire qu’il a fait une crise cardiaque et pourtant ; il donne l’ordre de repartir. Arrivé en Géorgie du Sud, il fait une seconde crise cardiaque, qui lui est fatale. Il meurt le 5 janvier 1922, il a 48 ans.
Bien que resté peu reconnu à son époque, Ernest Shackleton est considéré aujourd’hui comme un héros polaire, un modèle de leadership et sa mort a marqué la fin de cette la grande période d’exploration des pôles.
Plus de 100 ans après le départ de Shackleton en Antarctique, une l’expédition d’exploration lancée par le Falklands Maritime Heritage Trust est menée en 2022 dans l’espoir de retrouver l’épave de l’Endurance. ET c’est ainsi que le 9 mars 2022, l’équipe d’exploration a annoncé sa découverte a plus de 3000 mètres de profondeur. « Nous sommes très émus d’avoir localisé et capturé des images de l’Endurance », a annoncé Mensun Bound, directeur de l’expédition.
C’est un jour historique donc, qui remet au gout du jour l’histoire de cette formidable épopée et du courage de ces hommes qui ont marqué l’histoire par des explorations…extrêmes.
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