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Certains matins Marie-Françoise Hachet- de Salins ed L’enfance des arbres
L’écriture parfois savante ainsi que les références religieuses pourraient être un obstacle à la lecture et donner une impression d’hermétisme ; mais elles en sont aussi la richesse, comme la voie de l’intériorité dont ce recueil nous parle, une voie qui n’est jamais facile.
Les premiers poèmes sont une méditation en plusieurs variations du thème de la porte, une méditation qui se poursuit avec l’évocation du voile, ce voile qui conduit à la mort du Christ, rappelant le voile du Temple qui se déchire : « déchirer le voile et rebâtir le Temple ».
Plusieurs poèmes évoquent tout ce que le voile recèle de symboles et ce qu’il cache, car sous le voile le Mystère.
Pour Marie-Françoise Hachet, le poète et l’artiste ont pour rôle de percevoir le mystère et de le révéler, ils soulèvent le voile pour atteindre l’invisible.
Le voile est une voie pour aller à la rencontre de ce que l’on est ; le voile aussi pour masquer le visage, la féminité, cacher les mots, mais aussi et c’est là tout le paradoxe, le voile pour permettre l’expression artistique : « voile -Tarlatane / Imprégné d’encre » ou « voile -papier » pour y laisser son empreinte, pour la poète le voile est bien la métaphore de nos vies, à l’image de tous nos questionnements. Avec le poème « Voile Présence » commence une autre version plus méditative, voire mystique : « Ton Absence dans ta Présence/ est Mystère ».
Comme en écho à ce poème (p.72)
Ton Absence nous remplit
de questionnements
Et de doutes.
Ton Absence dans ta Présence
est Mystère
Le poème (p.76)
Ton Absence-Présence
nous invite à la Méditation.
Ta Présence Réelle ou Irréelle,
Présence Impalpable, Mystique,
Présence en transcendance
Difficile à Percevoir,
Qui nous invite à cet au-delà
de la forme visible.
Le voile nous cache le visible pour mieux nous révéler l’invisible, comme cet autre tissu, le Saint Suaire posé sur le visage de l’Homme, pour en garder l’empreinte, trace invisible de cette Présence-Absence, trace invisible du Mystère, trace de cette incarnation, trace de cette « Chair Ecorchée », de cette chair divine et de son corps de lumière qui a traversé le linceul blanc…
Le poème qui clôt le recueil reprend le premier vers du poème d’ouverture : « certains matins, comme ça ». « certains matins » l’expression choisie pour titre au recueil.
En ces poèmes les portes se sont bien ouvertes pour chasser tout voile, dévoiler les souvenirs, dissiper les ombres et ouvrir des passages vers l’infini.
Ghislaine Lejard
Poème d’ouverture
Certains matins, comme çà
Les portes s’ouvrent au moindre coup de vent
Comme un voile,
Seuil entre deux mondes,
Seuil, lieu de l’Obole,
Seuil, lieu de la Parole qui répond à l’Absence
ou de la Présence qui choisit le Silence,
Seuil, lieu de l’écart,
Seuil, lieu de tension,
Seuil, lieu de Vie,
Seuil, destin de disparition,
Seuil, mot dans l’invisible.
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Poème final
Certains matins, comme çà
Les rideaux, si dociles, s’envolent,
Ils nous dévoilent,
L’enfilade des portes de nos souvenirs,
Ils font émerger,
Les Mystères de nos brouillards,
Les voiles de nos brumes,
Les Apparitions de nos pensées,
Ils dissipent les ombres de nos désirs,
Ils nous ouvrent des passages vers l’Infini,
Ils délivrent sur notre peau des ondes positives…
Les poèmes sont accompagnés de gravures de Marie- Françoise Hachet, son travail est toujours dans l’entre-deux des images et des mots mis en écho , ce recueil est bien l’expression de cette double écriture poétique et révèle comme le dit Jean Lavoué dans la postface :
« tout un chemin d’artiste dans cette alliance de l’écriture poétique, de la gravure. »
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