Albert Camus l'Etranger
Albert Camus en 1946 :
«Les journalistes veulent que je sois existentialiste!»
- Par Marie-Aude Bonniel
- Publié
LES ARCHIVES DU FIGARO -
Il y a 60 ans, le 16 octobre 1957, Albert Camus reçoit le Prix Nobel de littérature. En 1946 Camus s'était confié dans Le Figaro littéraire à Gaëtan Picon. Camus n'avait que 33 ans, mais était déjà célèbre grâce
à son roman
L'Étranger.
«Malraux aurait dû l'avoir» s'exclame surpris Albert Camus quand on lui annonce qu'il a obtenu le prix Nobel de littérature. Depuis la fin des années 40, le nom de l'auteur de l'Étranger circulait en même temps que celui de Malraux. Mais La Chute publiée en 1956 a impressionné le jury.
C'est dans le bureau de Gaston Gallimard -rue de l'Université- que l'ambassadeur vient annoncer la nouvelle officielle. «L'auteur de La Peste s'y cache des journalistes depuis la fin de la matinée…» rapporte Jean Prasteau dans Le Figaro du 18 octobre 1957.
«Un Français d'Algérie»
«Vous êtes le neuvième Français qui reçoit cette haute récompense. Je suis heureux de constater que La France distance ainsi de loin, dans cette grande compétition internationale, tous les autres pays…Comme héros cornélien, vous êtes un homme révolté qui a su donner un sens à l'absurde et soutenir, du fond de l'abîme la nécessité de l'espoir...» déclare l'ambassadeur de Suède. À cette déclaration, Albert Camus remercie l'Académie suédoise d'avoir distingué «Mon pays et ensuite un Français d'Algérie».
Quelques jours plus tard, Le Figaro du 26 octobre 1957 laisse la parole aux anciens pour saluer le nouveau lauréat: «Quelle que soit la réponse que chacun de nous donne à la question qui nous est posée, à ce moment tragique de l'histoire, il n'est rien de pire que de feindre de ne pas l'entendre comme font tant d'autres écrivains. Camus, lui, l'a entendue, et il a répondu. C'est cette jeune voix, à laquelle toute une génération fait écho, qui a conquis j'imagine le jury du prix Nobel». François Mauriac de l'Académie française, prix Nobel de littérature 1952.
«Chaque ouvrage nouveau, si inattendu qu'il soit, est un pas de plus sur une route solitaire, mais travée de longue date et qui mène quelque part. Ce cheminement concerté et riche de promesses, peut-être que les jeunes ne le distinguent pas encore; mais, certainement, il a retenu l'attention des académiciens suédois». Roger Martin du Gard, prix Nobel de littérature 1937.
Le 10 décembre 1957, Albert Camus vient recevoir son prix. Dans son discours de remerciement, il dessine ce qu'est pour lui le métier d'écrivain: «L'écrivain ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire: il est au service de ceux qui la subissent. Ou, sinon le voici seul et privé de son art…».
Retrouvez ci-dessous l'entretien d'Albert Camus paru dans nos colonnes en 1946. Il se défend d'être existentialiste. Il désire avant tout qu'on le rattache à une école nord-africaine. L'Afrique reste sa plus «secrète passion» et cette terre est «la seule que je sente vraiment» confie t-il à Gaëtan Picon.
Article paru dans Le Figaro Littéraire du 10 août 1946.
Entretien avec Albert Camus
Blanche et basse parmi les hautes façades noires, voici la maison célèbre discrètement ornée de ces trois lettres que nous lisons depuis près de trente ans sur la plupart des livres aimés: N.R.F. Feront-elles place un jour à la plaque de marbre qui préviendra le passant du rôle qu'a joué ce petit hôtel particulier dans l'histoire de notre littérature? Dans les pièces étroites et nues, quelques-uns des plus grand écrivains du siècle ont parlé, pensé, travaillé. Dans l'une d'elles, aujourd'hui, à la suite de tant d'ainés illustres, Albert Camus, entre un voyage aux États-Unis et une pièce de théâtre, entre une expérience civique et un roman, vient prendre souffle, recevoir les jeunes écrivains qui l'admirent et les importuns qui veulent le faire parler.
Albert Camus s'avance vers moi. Je ne l'avais jamais vu encore. Il est grand, d'épaules larges; son visage brun, long et osseux sous les cheveux noirs et drus rejetés loin du front méditatif, est dessiné à gros traits. Les lèvres épaisses et sensuelles, les mains fortes pourraient n'être pas celles d'un écrivain. Je ne suis pas en présence d'un intellectuel, qui n'a d'autre relation avec la vie que celle de l'intelligence. On sent chez Albert Camus une lucidité patiente et réfléchie mais aussi bien autre chose encore: une énergie retenue- et une ardeur à vivre qui dédaigne la fièvre mais ne souffre pas de retard.
Je connais la légende de Camus. À trente-deux ans, il est célèbre. Mais il n'hésite pas à préférer le silence à la rumeur où il lui serait si facile de s'endormir. Il préfère ceux qui le lisent sans parler de lui à ceux qui parlent de lui sans le lire, et plus encore à ceux qui viennent le faire parler. Mais, dès le premier instant, je me sens parfaitement à l'aise devant lui: je suis sensible à cette cordialité sans affectation, à cette simplicité tranquille -à une franchise qui ne songe pas à se regarder dans les miroirs. C'est comme si je l'avais quitté hier, et qu'il y eût entre nous le pont d'une conversation suspendue. Albert Camus ne joue pas: il vit simplement devant vous.
Avec une aisance tranquille, de longs mouvements silencieux et souples, Albert Camus marche dans son bureau, qui ne semble pas tout à fait à la mesure de cette calme réserve d'énergie. À le regarder, je comprends mieux qu'il ait eu besoin de faire l'expérience de l'action: celle de la Résistance et du journalisme politique. On le sent prêt à répondre à toutes les sollicitations de la vie et du monde-résolu à donner à son existence le sens le plus plein.
La fenêtre s'ouvre sur la terrasse qui domine l'hôtel de la rue Sébastien-Bottin: quelques taches de verdure, trop frêles pour conjurer l'immense paysage urbain que l'on devine sous le ciel bas. Un rayon de soleil, pâle reflet de celui qui incendie le ciel d'Alger, joue sur quelques toiles aux couleurs éclatantes, erre sur les rayons de bois blanc où s'alignent des livres choisis: l'édition complète des œuvres d'André Gide, la Recherche du Temps perdu.
Nous échangeons quelques paroles banales. Mais voici le téléphone. Camus se rembrunit:
Impossible de travailler ici, fait-il...Dans quelques jours je pars pour la campagne...
-Votre nouveau roman?
-Mon premier roman... L'Etranger n'est qu'une nouvelle. Les critiques en ont parlé comme si j'avais, dans ces quelques pages, livré mon œuvre entière. Les critiques parlent souvent trop tôt.
Le téléphone, la critique, le journaliste: incarnations diverses d'un univers qu'Albert Camus ne supporte pas sans agacement. Je me sens vaguement coupable.
-Le livre auquel je travaille, reprend-il, est donc un roman, et je l'écris avec beaucoup de difficultés et de lenteur. C'est une technique qu'il me faut apprendre en même temps que je l'exerce.
-Un roman sur la peste, n'est- ce pas? dont on a pu lire un extrait dans un recueil collectif paru en Suisse pendant l'occupation?
- C'est cela: tout simplement l'histoire d'une épidémie de peste, à Oran.
Oran... Je viens justement de lire d'Albert Camus les quelques pages admirables que la revue L'Arche a récemment publiées: le Minotaure ou la Halle d'Oran. Pages lucides et brûlantes, d'où se lèvent, comme des flammes, les fauves lueurs des terres écrasées de soleil...
-Djemila, Alger, Oran... Vous demeurez fidèle à l'Afrique?
J'ai touché le point sensible. Le visage d'Albert Camus s'ouvre à sa plus secrète passion. Son regard plonge à travers la fenêtre: le ciel de Paris, gris malgré l'été, bascule et découvre à son souvenir le bleu profond et immuable du ciel d'Afrique.
-Je n'écrirai rien, affirme-t-il, qui ne soit en quelque mesure lié à cette terre dont je proviens. Aujourd'hui, on refuse à l'écrivain le droit d'être solitaire: il faut qu'il se rallie à un groupe, qu'il accepte une étiquette. Eh bien, si l'on veut à tout prix me rattacher à une école, parlons d'une école nord-africaine.
Une école nord-africaine? Camus peut-il citer beaucoup de noms?
-Mais oui. Tenez des écrivains comme Gabriel Audislo, Jules Roy, Jean Amrouche, Jean Grenier qui a été mon maître et auquel je dois tant. Je n'ai d'affinité profonde qu'avec eux.
-Je recueille avidement cette déclaration, lui dis-je. Elle me permettra d'affirmer que vous n'êtes pas existentialiste...
Existentialiste! Camus s'esclaffe.
-Dites-le, clamez-le, me dit-il: cela n'y fera rien. Les journalistes veulent que je sois existentialiste, et comme ils ne savent pas ce que c'est, rien ne peut les détromper.
- Bien sûr, lui dis-je: entre l'existentialisme et vous, il n'y a aucun rapport précis. Pourtant, il me semble que vous restreignez la portée de L'Étranger en invoquant cette école nord-africaine. J'aime surtout dans votre livre l'expression d'une sensibilité contemporaine, qui est une sensibilité générale... C'est en ce sens qu'il n'est pas tout à fait inexact de le mettre en parallèle avec les romans de Sartre.
Albert Camus allume une cigarette et réfléchit un instant:
—Tout ce que je peux vous dire, me répond-il, c'est que le côté nord-africain m'importe plus que le reste: c'est en lui que s'exprime ma sensibilité la plus personnelle. Ce que je vois surtout dans mon livre, c'est la présence physique, l'expérience charnelle que les critiques n'ont pas vue. Une terre, un ciel, un homme façonné par cette terre et ce ciel? Les hommes de là-bas vivent comme mon héros, tout simplement. Naturellement, vous pouvez comprendre L'Étranger, mais un Algérien entrera plus aisément et plus profondément dans sa compréhension.
Albert Camus feuillette négligemment sur son bureau un cahier: Messages de la Grèce. Il fixe un instant un Combat des Dieux et des géants peints sur un vase cinq siècles avec le Christ. Le ciel de la Grèce ressemble au ciel d'Alger.
—En tout cas, cette terre est la seule que je sente vraiment, ajoute-t- il.
—Paris?
—Paris, oui. Mais c'est une composition artistique, ce n'est pas une terre. Vous m'excusez!
Le téléphone.
—Mais, quand vous serez délivré du téléphone, lui dis-je en souriant, ce roman est-il le seul travail qui vous attende?
—Non, répond Albert Camus. Je veux aussi donner au Mythe de Sisyphe la suite qu'il réclame. Là encore, les critiques se sont trop pressés de juger. La morale de ce premier livre n'est en rien définitive. Il s'agissait seulement pour moi de tirer toutes les conséquences de l'absurde.
—L'absurde?
—C'est-à-dire le non-sens qu'a fait éclater dans le monde la disparition de Dieu. Mais au-delà de l'absurde reconnu, il faut fonder la possibilité d'une attitude morale.
—Peut-être votre expérience civique (votre action dans la Résistance) vous en a-t-elle fait sentir impérieusement la nécessité?
—Certes. Rien n'a de sens, et pourtant il y a des choses que l'on ne peut pas faire ou accepter: on ne pouvait pas s'incliner devant l'occupation ou dénoncer un camarade à la Gestapo. Il y a des conduites qui valent mieux que l'autres: celles qui rencontrent la liberté, la justice. Je cherche le raisonnement qui me permettra de la justifier.
—Mais croyez-vous que l'on puisse démontrer quoi que ce soit dans ce domaine, lui demandai-je. Pour ma part, je suis enclin à approuver cette remarque: «Les raisons de l'honneur ne tiennent pas debout. Ce sont les hommes qui tiennent debout à leur place.»
Albert Camus allume une nouvelle cigarette et secoue la tête avec fermeté.
—Non, non... je crois à des démarches de pensée plus raisonnables que d'autres, je ne crois pas que l'on puisse démontrer n'importe quoi.
Je songe à la belle prose méditée d'Albert Camus. Cet écrivain nord-africain, si vivant, si présent au monde, il est aussi l'héritier du plus pur classicisme: il croit au pouvoir de la réflexion.
Et je quitte Albert Camus avec une confiance accrue dans le destin de l'une des quelques œuvres contemporaines que l'histoire de nos lettres aura sans doute l'occasion de recueillir.
Par Gaëtan Picon
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La première phrase du roman (l'incipit) est l'une des plus célèbres de la littérature française contemporaine :
« Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »
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C'est le premier roman d’Albert Camus, paru en 1942. Il prend place dans la tétralogie que Camus nommera « cycle de l’absurde » qui décrit les fondements de la philosophie camusienne : l’absurde. Cette tétralogie comprend également l’essai intitulé Le Mythe de Sisyphe ainsi que les pièces de théâtre Caligula et Le Malentendu. Le roman a été traduit en quarante langues et une adaptation cinématographique en a été réalisée par Luchino Visconti en 1967
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Le roman met en scène un personnage-narrateur nommé Meursault, vivant à Alger en Algérie française. Le roman est découpé en deux parties.
Au début de la première partie, Meursault reçoit un télégramme annonçant que sa mère, qu'il a internée à l’hospice de Marengo vient de mourir. Il se rend en autocar à l’asile de vieillards, situé près d’Alger. Veillant la morte toute la nuit, il assiste le lendemain à la mise en bière et aux funérailles, sans avoir l'attitude à attendre d’un fils endeuillé ; le héros ne pleure pas, il ne veut pas simuler un chagrin qu'il ne ressent pas.
Le lendemain de l'enterrement, Meursault décide d'aller nager à l'établissement de bains du port, et y rencontre Marie, une dactylo qui avait travaillé dans la même entreprise que lui. Le soir, ils sortent voir un film de Fernandel au cinéma et passent le restant de la nuit ensemble. Le lendemain matin, son voisin, Raymond Sintès, un proxénète notoire, lui demande de l'aider à écrire une lettre pour dénigrer sa maîtresse, une Maure envers laquelle il s'est montré brutal ; il craint des représailles du frère de celle-ci. La semaine suivante, Raymond frappe et injurie sa maîtresse dans son appartement. La police intervient et convoque Raymond au commissariat. Celui-ci utilise Meursault comme témoin de moralité. En sortant, il l'invite, lui et Marie, à déjeuner le dimanche suivant à un cabanon au bord de la mer, qui appartient à un de ses amis, Masson. Lors de la journée, Marie demande à Meursault s'il veut se marier avec elle. Il répond que ça n'a pas d'importance, mais qu'il le veut bien.
Le dimanche midi, après un repas bien arrosé, Meursault, Raymond et Masson se promènent sur la plage et croisent deux Arabes, dont le frère de la maîtresse de Raymond. Une bagarre éclate, au cours de laquelle Raymond est blessé au visage d'un coup de couteau. Plus tard, Meursault, seul sur la plage accablée de chaleur et de soleil, rencontre à nouveau l’un des Arabes, qui, à sa vue, sort un couteau. Aveuglé par la sueur, ébloui par le reflet du soleil sur la lame, Meursault tire de sa poche le revolver que Raymond lui a confié et tue l'Arabe d'une seule balle. Puis, sans raison apparente, il tire quatre autres coups sur le corps inerte.
Dans la seconde moitié du roman, Meursault est arrêté et questionné. Ses propos sincères et naïfs mettent son avocat mal à l'aise. Il ne manifeste aucun regret, mais de l'ennui. Lors du procès, on l'interroge davantage sur son comportement lors de l'enterrement de sa mère que sur le meurtre. Meursault se sent exclu du procès. Il dit avoir commis son acte à cause du soleil, ce qui déclenche l'hilarité de l'audience. La sentence tombe : il est condamné à la guillotine. L’aumônier visite Meursault pour qu'il se confie à Dieu dans ses derniers instants, Meursault refuse. Quand celui-ci lui dit qu'il priera pour lui, il déclenche sa colère.
Avant son départ, Meursault finit par trouver la paix dans la sérénité de la nuit.
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La lecture du manuscrit de L'Étranger inspira à André Malraux des remarques stylistiques qui furent communiquées à Camus par son ami Pascal Pia.
Malraux notait l’usage abusif que Camus faisait de la structure « sujet, verbe, complément, point ».
L'auteur apporte les modifications conseillées afin, concède-t-il, d'« éviter la caricature ».
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L'étranger, notamment la seconde partie, rappelle les procès staliniens ( début vers 1932 et l'étranger 1942).
La loi du 1er décembre 1934 de Staline raccourcit les délais de condamnation comme dans le livre où le procès est très rapide.
Le genre rappelle aussi le théâtre de l'absurde (Alfred Jarry).
C'est un genre traitant fréquemment de l’absurdité de l’Homme et de la vie en général, celle-ci menant toujours à une fin tragique.
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« J'ai résumé L'Etranger, il y a très longtemps, par une phrase dont je reconnais qu'elle est très paradoxale: 'Dans notre société, tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort.' Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu'il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société où il vit, il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle. Et c'est pourquoi des lecteurs ont été tentés de le considérer comme une épave. On aura cependant une idée plus exacte du personnage, plus conforme en tout cas aux intentions de son auteur, si l'on se demande en quoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple : il refuse de mentir. Mentir, ce n'est pas seulement dire ce qui n'est pas. C'est aussi, c'est surtout dire plus que ce qui est et, en ce qui concerne le cœur humain, dire plus qu'on ne sent.
C'est ce que nous faisons tous, tous les jours, pour simplifier la vie. Meursault, contrairement aux apparences, ne veut pas simplifier la vie. Il dit ce qu'il est, il refuse de masquer ses sentiments et aussitôt la société se sent menacée. On lui demande par exemple de dire qu'il regrette son crime, selon la formule consacrée. Il répond qu'il éprouve à cet égard plus d'ennui que de regret véritable. Et cette nuance le condamne. Meursault pour moi n'est donc pas une épave, mais un homme pauvre et nu, amoureux du soleil qui ne laisse pas d'ombres.
Loin qu'il soit privé de toute sensibilité, une passion profonde, parce que tenace, l'anime, la passion de l'absolu et de la vérité. Il s'agit d'une vérité encore négative, la vérité d'être et de sentir, mais sans laquelle nulle conquête sur soi ne sera jamais possible. On ne se tromperait donc pas beaucoup en lisant dans L’Étranger l'histoire d'un homme qui, sans aucune attitude héroïque, accepte de mourir pour la vérité. Il m'est arrivé de dire aussi, et toujours paradoxalement, que j'avais essayé de figurer dans mon personnage le seul christ que nous méritions. On comprendra après mes explications, que je l'aie dit sans aucune intention de blasphème et seulement avec l'affection un peu ironique qu'un artiste a le droit d'éprouver à l'égard des personnages de sa création. »
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Préface
à
l'édition américaine1955,
cité par Roger Grenier,
Soleil et ombre, une biographie intellectuelle,
Gallimard, 1987,
Folio, 1991, p. 106-107
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En 1948
sort
une édition
de
L’Étranger
illustrée de 29 eaux fortes
par le peintre et créateur de costumes
Mayo,
qui créera également pour Camus les décors de sa pièce
Les Possédés
dix ans plus tard
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En 1954,
soit 12 ans après la publication du roman,
Camus enregistre pour l'ORTF
la lecture intégrale de L’Étranger.
Cet enregistrement a été publié en CD :
L’Étranger,
d'Albert Camus, texte intégral lu par Camus en avril 1954, Frémeaux et Associés.
(coffret de 3 CD avec un livret conçu par Roger Grenier.)
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- L'Étranger est classé à la 1re place du classement français établi en 1999 des 100 meilleurs livres du xxe siècle.
- Il est inclus dans la liste des 100 meilleurs livres de tous les temps, établie en 2002 par le Cercle norvégien du livre, à partir des propositions de 100 écrivains issus de 54 pays différents.
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- L’Étranger a été traduit en afrikaans par Jan Rabie sous le titre Die buitestaander, publié en 1966 aux éditions Afrikaanse Pers-Boekhandel, il a été réédité chez Praag Uitgewery à Johannesburg en 20056 ; en espéranto par Michel Duc-Goninaz en 1993 et publié par SAT7 ; en kabyle par Mohamed Arab Aït Kaci et publié gratuitement sur internet ; en anglais plusieurs fois, la traduction originale fut faite par Stuart Gilbert en 1954, et la plus récente par Sandra Smith en 2013 ; en polonais (1re édition en 1958, nombreuses rééditions chez divers éditeurs en Pologne ou en France) par Maria Zenowicz (pl) (épouse de Kazimierz Brandys) ; en néerlandais par Adriaan Morriën sous le titre De Vreemdeling publié par De Bezige bij Amsterdam