Rao Pingru
Le raconter, ce serait s'y complaire. C'est à peine si, dans son gros livre de souvenirs, il évoque les vingt-deux années que, à l'époque du Grand Bond en avant, il a endurées, loin des siens, dans un camp de travail et de rééducation.
Aujourd'hui âgé de 94 ans, le Chinois Rao Pingru a fait le choix d'avoir la mémoire conciliante. Il souffre moins d'avoir été une victime expiatoire du maoïsme triomphant que d'avoir perdu, en 2008, sa femme adorée, Meitang. Après sa mort, et pour ne rien oublier de leur histoire, il s'est mis non seulement à écrire, mais aussi à peindre et à calligraphier ce récit graphique, dont les merveilleuses et candides aquarelles enjolivent même ce qui est triste.
D'ailleurs, à l'exception des pages sur la guerre sino-japonaise (1937-1945), au cours de laquelle Rao Pingru, lieutenant de l'armée nationaliste, combattit l'envahisseur nippon, notamment à la bataille de Changde, il est peu question de politique dans cette longue traversée de la Chine du XXe siècle. C'est plutôt une chronique colorée de la vie quotidienne dans l'ancienne puis la nouvelle société, où la poésie compte plus que l'idéologie, la gastronomie que l'économie et la famille, que le parti.