Ils se voient en 1832, et désormais, jusqu'à la mort de Mérimée, ils entretiendront une relation stable et profonde, du genre de l'"amitié amoureuse". En 1874, sous le titre de Lettres à une inconnue, la destinataire publiera deux volumes de correspondance de son illustre ami, permettant ainsi à la postérité de découvrir un Mérimée "sensible".
Voyages en Angleterre et Espagne |
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L'anglophilie de Mérimée est un héritage : sa grand-mère avait vécu dix-sept ans en Angleterre, ses parents sont versés dans la culture anglaise. Lui-même fera de nombreux séjours outre-Manche. Le premier a lieu en 1826. Il lui permet de revoir à Londres Jacques-Simon Rochard, ami de son père et son initiateur à la pratique de la peinture. Par la suite, il retrouvera à chaque voyage ses amis intimes, Sutton Sharpe, et, plus tard, Panizzi, conservateur au British Museum. |
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À chaque voyage, il prend la "température" du pays, expérience qui lui importe parce que, tout au long de sa vie, il continue à souhaiter un rapprochement franco-britannique qui lui paraît être la garantie de l'équilibre européen.
Il critique la cuisine insipide, les femmes qui manquent de beauté, l'absence de conversation qui oblige les convives, aussitôt le dîner fini, à se réfugier dans les journaux. Mais il s'habille à Londres et ses contemporains comparent ses manières à celles d'un Anglais. Taine le décrit ainsi : "Un homme grand, droit, pâle et qui, sauf le sourire, avait l'apparence d'un Anglais. Il avait cet air froid, distant, écartant toute familiarité." Toutefois, l'essentiel reste qu'il attribue souvent la valeur de modèles aux institutions culturelles anglaises. |
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L'Espagne l'attirait avant qu'il ne la connût, le Théâtre de Clara Gazul, paru en 1825, en fait foi. Il part pour l'Espagne la première fois en juin 1830, pour oublier, dit-il, un amour impossible. Son père finance ce voyage, en échange de comptes rendus détaillés d'anciens traités de peinture. Parti pour trois mois, il en passe six dans ce pays qui le séduit. |
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Portrait de Mme de Montijo avec ses deux filles. © Bibliothèque nationale de France (Estampes)
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Il s'enthousiasme pour les paysages espagnols, les basses classes qu'il côtoie, la corrida, l'architecture mauresque. Dans une diligence, il fait la connaissance du comte de Teba, futur comte de Montijo. Libéraux tous les deux, ils sympathisent, et Mérimée devient bientôt un intime de la famille. Mme de Montijo, esprit large et cultivé, restera jusqu'à sa mort sa grande confidente. C'est d'elle qu'il tiendra le sujet de Carmen, et elle l'aidera à rassembler la documentation pour Don Pèdre Ier, roi de Castille. Les deux fillettes du couple, Paca, six ans, future duchesse d'Albe, et Eugenia, quatre ans, future impératrice des Français, ont tôt fait de le charmer. De retour à Paris fin 1830, il publie des Lettres d'Espagne. Très attaché au pays, il y séjournera cinq fois encore, en 1840, 1845, 1853, 1859, 1864. Des écrivains espagnols de premier rang, comme Azorín ou Unamuno, admirent sa profonde connaissance de l'Espagne.
Premiers postes dans l'administration |
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Prosper Mérimée en 1830, dessin par Louis-Pierre Henriquel-Dupont © Musée national du château de Compiègne
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Pendant le voyage de Mérimée en Espagne, eut lieu la Révolution de Juillet. Son libéralisme étant en accord avec le régime de Louis-Philippe, dès son retour en France, il sollicite un poste. Ses amis font de même : Vitet est nommé inspecteur général des Monuments historiques, poste qui vient d'être créé, Stendhal entre dans le corps diplomatique, le baron de Mareste monte en grade à la préfecture de Police de Paris… Grâce aux relations de son père, Mérimée est nommé, le 5 février 1831, chef du bureau du secrétariat général de la Marine, puis, le 13 mars, chef du cabinet du comte d'Argout, ministre du Commerce, qui n'est autre que le cousin de Stendhal. En mai, il est fait chevalier de la Légion d'honneur. En avril 1832, il est chargé de la mise en œuvre des mesures prises pour lutter contre l'épidémie de choléra. |
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En novembre, il est nommé maître de requêtes, et le 31 décembre, chef de cabinet du comte d'Argout toujours, désormais ministre de l'Intérieur. Tout en fustigeant, devant ses amis, la bêtise et les bassesses des fonctionnaires, il se révélera très efficace dans ses différents postes. Durant toute sa vie, il fera preuve d'une force de travail exceptionnelle.
En 1833, il publie Mosaïque, son premier recueil de nouvelles. Pour leur majorité, celles-ci ont paru d'abord dans la presse périodique en 1829 et 1830. Les plus importantes resteront Mateo Falcone, L'Enlèvement de la redoute, Vision de Charles IX, Tamango, Le Vase étrusque, La Partie de trictrac. |
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