Jules Laforgues
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16 août 1860:
Naissance de Jules Laforgue à Montevideo (Uruguay). Son père, Charles-Benoit Laforgue, d'origine tarbaise est instituteur, puis employé de banque et sa mère, née Pauline Lacollay, d'origine havraise;elle est la fille d'un fabriquant de chaussure.
1866:
Madame Laforgue revient en France à Tarbes avec ses enfants.
1867:
Sa mère repart en Uruguay le laissant seul avec son frère aîné, sous la tutelle d'un cousin.
1869:
Jules rentre au lycée de Tarbes.
1875:
La famille Laforgue rentre définitivement en France.
1876:
Il quitte Tarbes avec sa famille pour rejoindre Paris où il va étudier au lycée Fontanes (Aujourd'hui lycée Condorcet)
1877:
Madame Laforgue décède à l’âge de 38 ans en mettant au monde un douzième enfant qui ne lui survivra pas.
1879:
Son père malade repart pour Tarbes, il reste seul à Paris avec sa sœur. Il échoue pour la 3ème fois au baccalauréat.
1er AOUT: l’unique numéro de la revue Toulousaine L'Enfer publie, sous le pseudonyme d’Ouraphle, le premier poème connu de Laforgue, intitulé: La Chanson des Morts, daté de février 1878 et donné comme le fragment d'Un Amour dans les Tombes. En août et septembre, sous son nom, Laforgue publie trois autres poésies dans La Guêpe (Toulouse).
1880:
Il commence à fréquenter les milieux littéraires parisiens et pour la première fois, le nom de Laforgue apparaît dans le sommaire d'un magazine. Il s'agit de La vie moderne dont le rédacteur en chef est le gendre de Théophile Gautier.
1881:
Il est secrétaire de Charles Ephrussi directeur de la Gazette des beaux-arts. Il écrit une nouvelle Stéphane Vassiliew, qu'il ne peut publier. Il compose des poèmes qu'il compte publier sous le titre Le Sanglot de la Terre, mais finalement, il renoncera à son projets en 1883. En fin d'année, grâce à ce dernier, il devient lecteur de français auprès d'Augusta, l'Impératrice d'Allemagne (grand-mère du futur Guillaume II). Le 18 novembre, jour de son départ, il apprend que son père est mort à Tarbes et ne peut assister aux obsèques.
1885:
Publications des Complaintes à Paris, le 25 juillet, chez l'éditeur Léon Vanier. (Achevé d'imprimer du 10 juillet.) Suivi 4 mois plus tard de L'Imitation de Notre-Dame la Lune.
1886:
La Vogue de Gustave Kahn publie quelques traductions des Leaves of Grass de Walt Whitman par Laforgue. Parution du Concile féerique dans la même revue.
Il se marie à une anglaise, Miss Leah Lee le 31 décembre en Angleterre.
1887:
Le couple s'installe à Paris. Publication des moralités légendaires. Atteint par la phtisie, Jules Laforgue meurt le 20 août. Il sera enterré au cimetière de Bagneux le 22 août. Il venait de fêter ses 27 ans...
1888:
A 27 ans également, sa femme, Leah Lee, meurt le 6 juin en Angleterre, atteinte, elle aussi, par la phtisie.
1890
Parution des Fleurs de bonne volonté. Publication des Derniers Vers de Laforgue par Dujardin et Fénéon.
1901-1903:
Publication des Œuvres complètes de Laforgue au Mercure de France en 3 volumes.
1922:
Berlin, la cour et la ville, textes publiés par G. Jean-Aubry (Ed. de la Sirène). Laforgue, qui avait préparé le manuscrit de ses souvenirs, n'avait pu trouver aucun éditeur pour les publier.
1943:
Stéphane Vassiliew paraît en édition de luxe chez un éditeur genevois, Pierre Cailler. Elle reparaîtra en France en 1946, avec une introduction de François Ruchon.
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Jules Laforgue traduit en langues étrangères:
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Ses poèmes
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http://www.laforgue.org/liste.htm#A
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A
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A la mémoire d’une chatte naine que j’avais
À Paul Bourget
A Saint-Cloud
À un crâne qui n'avait plus sa mâchoire inférieure
A un historien (de Walt Whitman)
A une certaine cantatrice (de Walt Whitman)
A une tête de mort
A vous (de Walt Whitman)
Air de biniou
Albums
Apothéose (En tout sens...)
Apothéose (Ô rêve éblouissant)
Aquarelle en cinq minutes
Arabesques de malheur
Au large
Au lieu de songer à se créer une position
Au lieu des « derniers sacrements »
Autre complainte de l'orgue de barbarie
Autre Complainte de lord Pierrot
Aux nations étrangères (de Walt Whitman)
Avant-dernier mot
Avis je vous prie
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B
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Ballade
Ballade de retour
Ballade du jour des morts
Berceuse
Bouffée de printemps
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C
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Cas rédhibitoire (Mariage)
Cauchemar
Ce qu'aime le gros Fritz
Célibat, célibat, tout n’est que célibat
Certes, ce siècle est grand...
Chanson d'automne
Citerne tarie
Clair de lune
Climat, faune et flore de la lune
Complainte à Notre-Dame des Soirs
Complainte d’un autre dimanche
Complainte d'un certain dimanche
Complainte d’une convalescence en mai
Complainte de cette bonne lune
Complainte de l'ange incurable
Complainte de l'automne monotone
Complainte de l'époux outragé
Complainte de l'organiste de Notre-Dame de Nice
Complainte de l'orgue de barbarie
Complainte de l'oubli des morts
Complainte de la bonne défunte
Complainte de la fin des journées
Complainte de la lune en province
Complainte de la vigie aux minuits polaires
Complainte de lord Pierrot
Complainte des blackboulés
Complainte des bons ménages
Complainte des cloches
Complainte des Complaintes
Complainte des condoléances au Soleil
Complainte des consolations
Complainte des crépuscules célibataires
Complainte des Débats mélancoliques et littéraires
Complainte des formalités nuptiales
Complainte des grands pins clans une villa abandonnée
Complainte des journées
Complainte des Mounis du Mont-Martre
Complainte des noces de Pierrot
Complainte des nostalgies préhistoriques
Complainte des pianos qu'on entend dans les quartiers aisés
Complainte des printemps
Complainte des pubertés difficiles
Complainte des voix sous le figuier boudhique
Complainte du fœtus de poète
Complainte du libre arbitre
Complainte du pauvre chevalier-errant
Complainte du pauvre corps humain
Complainte du pauvre jeune homme
Complainte du roi de Thulé
Complainte du Sage de Paris
Complainte du soir des comices agricoles
Complainte du temps et de sa commère l’espace
Complainte du vent qui s’ennuie la nuit
Complainte-épitaphe
Complainte-litanies de mon Sacré-Cœur
Complainte-placet de Faust fils
Complainte propitiatoire à l’Inconscient
Complainte sur certains ennuis
Complainte sur certains temps déplacés
Complainte variations sur le mot « falot, falotte »
Couchant d'hiver
Crépuscule de dimanche d'été
Crépuscule de juillet
Curiosités déplacées
Cythère
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D
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Dans la nuit
Dans la rue
Derniers soupirs d'un parnassien
Désolation
Désolations
Devant la grande rosace en vitrail, à Notre-Dame de Paris
Dialogue avant le lever de la lune
Dimanches (Bref, j'allais...)
Dimanches (C'est l'automne...) (1ère version)
Dimanches (C'est l'automne...) (2ème version)
Dimanches (C'est l'automne...) (3ème version)
Dimanches (Hamlet)
Dimanches (Ils enseignent...)
Dimanches (J'aime, j'aime de tout mon siècle...)
Dimanches (J'aurais passé ma vies...)
Dimanches (Je m'ennuie,...)
Dimanches (Je ne tiens que...)
Dimanches (Le dimanche, on se plait...)
Dimanches (Les nasillardes...)
Dimanches (Mon Sort est orphelin...)
Dimanches (N'achevez pas...)
Dimanches (Ô Dimanches bannis...)
Dimanches (Oh! ce piano,...)
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E
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Éclair de gouffre
Encore à cet astre
Enfer
Entêtement
Épicuréisme
Épilogue
Éponge pourrie
Éponge définitivement pourrie
Esthétique (Je fais la cour...)
Esthétique (La femme mûre...)
États
Étonnement
Ève sans trève
Excuse macabre
Excuse mélancolique
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F
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Fantaisie
Farce éphémère
Farouches amours
Fifre
Figurez-vous un peu
Fleur de rêves
Fragment
Fragments
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G
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Gare au bord de la mer
Grande complainte de la ville de Paris
Guitare (Astre sans cœur...)
Guitare (Vous qui valsez...)
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H
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I
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Idylle
Impassible en ses lois...
Impossibilité de l’infini en hosties
Incurablement
Intarissablement
Intérieur (Dans l'estomac...)
Intérieur (Il fait nuit...)
Intérieur (On vient...)
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J
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J'ai marché jusqu'au soir...
J’écoute dans la nuit...
Je chante le soi-même (de Walt Whitman)
Jeunes spleens de mai
Jeux
Justice
L’angoisse sincère
L'aurore-promise
L'espace est infini!...
L'espérance
L’éternel quiproquo
L'Hiver qui vient
L'île
L'impossible
L'oubli
La chanson des morts
La Chanson du petit hypertrophique
La cigarette
La Complainte des montres
La femme est une malade
La lune est stérile
La maisonnette blanche
La mélancholie de Pierrot
La noce de pierrot (Pierrot Fumiste)
La petite infanticide
La première nuit
La ronde de Barbe-Bleue
La vie qu'elles me font mener
Lassitude
Le bon apôtre
Le brave, brave automne
Le Concile féérique
Le fumiste (Pierrot Fumiste)
Le miracle des roses (Chapitre 1)
Le miracle des roses (Chapitre 2)
Le miracle des roses (Chapitre 3)
Le mystère des trois cors
Le sanglot universel
Le silence bleu
Le sphinx
Le vent d'automne
Le vrai de la chose
Légende
Les amoureux
Les après-midi d’automne
Les boulevards
Les chauves-souris
Les humbles
Les linges, le cygne
Les spleens exceptionnels
Les têtes de morts
Litanies de misère
Litanies de mon triste cœur
Litanies des derniers quartiers de la lune
Litanies des premiers quartiers de la lune
Litanies nocturnes
Locutions des Pierrots
Lunes en détresse
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M
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Madrigal
Maniaque
Marche funèbre pour la mort de la terre
Médiocrité
Méditation grisâtre
Mémento
Mémento (Sonnet Triste)
Mettons un doigt sur la plaie
Mœurs
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N
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Ne fermez pas vos portes (de Walt Whitman)
Nobles et touchantes divagations sous la lune
Nocturne
Noël sceptique
Noël résigné
Noire bise, averse glapissante...
Notre petite compagne
Nuage
Nuit de noce (Pierrot Fumiste)
Nuitamment
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O
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Ô étoile de France (de Walt Whitman)
Ô géraniums diaphanes...
Ô gouffre aspire-moi !...
Oh ! je sais qu’en ce siècle...
Oh ! qu’une, d’elle-même...
On les voit chaque jour...
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P
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Pâle soleil d'hiver
Paroles d’un époux inconsolable
Pataugement
Pauvre petit cœur...
Persée et Andromède (Chapitre 1)
Persée et Andromède (Chapitre 2)
Persée et Andromède (Chapitre 3)
Petite chapelle (1ère version)
Petite chapelle (2ème version)
Petite prière sans prétentions
Petites misères d’août
Petites misères d'automne
Petites misères d’hiver
Petites misères d’octobre
Petites misères de juillet
Petites misères de mai
Pétition
Pétition (2ème version paru dans La Vogue)
Petits mystères
Pierrots
Pierrots (On a des principes)
Pierrots (Scène courte mais typique)
Poètes à venir (de Walt Whitman)
Pour le livre d’amour
Préface
Préludes autobiographiques
Prière
Prière suprême
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Q
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Quand la terre...
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R
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Rabâchages
Recueillement du soir
Résignation
Rêve (1ère version)
Rêve (2ème version)
Rigueurs à nulle autre pareilles
Romance
Rondel sur ses mains
Rosace en vitrail
Rouages (Manque)
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S
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Salomé (Chapitre 1)
Salomé (Chapitre 2)
Salomé (Chapitre 3)
Salomé (Chapitre 4)
Sancta simplicitas
Sanglot perdu
Sieste éternelle
Signalement
Simple agonie
Soir de carnaval
Soirs de fête
Soleil couchant (L'astre calme...)
Soleil couchant (Le soleil s'est couché...)
Soleil couchant de juin
Solo de lune
Solutions d'automne
Sonnet
Sonnet de printemps
Sonnet pour éventail
Spleen
Spleen et printemps
Spleen de printemps
Spleen des nuits de juillet
Stérilités
Stupeur
Suis-je?
Sur l’Hélène de Gustave Moreau
Sur une défunte
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T
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Toi lecteur (de Walt Whitman)
Triste, triste
Trop tard (1ère version)
Trop tard (2ème version)
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U
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Un mot au Soleil pour commencer
Une femme m'attend! (de Walt Whitman)
Une nuit qu’on entendait un chien perdu
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V
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Veillée d'avril
Veillée d'hiver
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Z
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Zum Intermezzo
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Le Magazine vous propose
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Jules Laforgue
poèmes choisis
(Extrait)
Enregistrement : Audiocite.net
Lu par Jean-Paul Alexis
Livre audio de 45min
Fichier Zip de 20,9 Mo (il contient des mp3)
823 - Téléchargements - Dernier décompte le 10.06.17
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Oeuvre au hasard
Oeuvres_____________________choisies
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C'était un très-au vent d'octobre paysage,
Que découpe, aujourd'hui dimanche, la fenêtre,
Avec sa jalousie en travers, hors d'usage,
Où sèche, depuis quand ! une paire de guêtres
Tachant de deux mals blancs ce glabre paysage.Un couchant mal bâti suppurant du livide ;
Le coin d'une buanderie aux tuiles sales ;
En plein, le Val-de-Grâce, comme un qui préside ;
Cinq arbres en proie à de mesquines rafales
Qui marbrent ce ciel crû de bandages livides.Puis les squelettes de glycines aux ficelles,
En proie à des rafales encor plus mesquines !
O lendemains de noce ! Ô bribes de dentelles !
Montrent-elles assez la corde, ces glycines
Recroquevillant leur agonie aux ficelles !Ah ! qu'est-ce que je fais ici, dans cette chambre !
Des vers. Et puis, après ? Ô sordide limace !
Quoi ! La vie est unique, et toi, sous ce scaphandre,
Tu te racontes sans fin, et tu te ressasses !
Seras-tu donc toujours un qui garde la chambre ?Ce fut un bien au vent d'octobre paysage...
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Au XIXe siècle, après l'importance majeure apportée en art par le romantisme, la décadence commence à faire son nid. L'esprit décadent, ou « fin de siècle » se situe en décalage par rapport aux idées d'une beauté d'harmonie et d'équilibre telle qu'on la concevait jusqu'au Romantisme.
Le décadentisme préfère la recherche de l'étrangeté et du bizarre, comme si au lieu de contempler le fruit luisant et magistral qui est en haut de l'arbre, on le laissait mûrir un peu trop et se décomposer pour observer tout ce que les phénomènes naturels parfois dégoûtant peuvent avoir d'attrayant.
Laforgue s'ancre dans cet esprit fin de siècle, avec la particularité de cette écriture qu'est l'ironie avec laquelle il traite les lieux communs artistiques. En 1885, la vague du romantisme est passée et Laforgue, avec ses Complaintes, contribue à subvertir les idéaux de cette école littéraire : il en montre les travers, les défauts, les excès. Notamment dans sa « Complainte d'un autre dimanche » qui a pour thème principal un Soleil couchant.
Laforgue construit sa « Complainte d'un autre dimanche » « à rebours » de la tradition romantique afin d'opérer une démystification des topoï de cette poésie.
Le paysage de la poésie de Laforgue, un paysage démystifié, ou une subversion du dire romantique
Un paysage romantique typique qui présente de nombreux topoï
- la description d'un paysage : thème romantique par excellence (cf le romantisme anglais et l'importance de la nature). Plus précisément, un paysage de Soleil couchant : sacralisé par l'emploi du substantif "couchant" plutôt que l'adjectif.
- "En plein, le Val-de-Grâce, comme un qui préside" : au milieu du vers donc mise en évidence : goût romantique pour l'histoire et les monuments.
- tonalité lyrique avec le rythme du vers : "Avec sa jalousie en travers, hors d'usage" : protase / apodose : rythme mineur qui traduit l'expressivité et le ressentiment du poète.
- pourtant, la scène est vu sous le signe de l'échec : "un couchant mal bâti" = un couchant qui n'est pas à la hauteur
Un paysage « entaché » (la paire de guêtres, les bandages livides) d'un deuxième tableau que découpe la fenêtre
(cf : les tableaux de Magritte, jeux d'optique) : le paysage est donc vu de l'intérieur => restriction du champ de vision : pas une vue panoramique mais une vision restreinte. => Présence de 2 strates : temporelles : octobre / dimanche et de façon horizontale : paysage / fenêtre => d'où une sorte de rétrécissement # conception panoramique et ouverte sur la nature, le monde et le temps ou l'intemporel
Un paysage dérisoire, dénudé et figé
dérisoire : 1er vers : si on rétablit l'ordre des mots, on s'aperçoit que la situation est dérisoire : le style seul paraît rendre intéressant le propos (on pense à ce que dira Heidegger plus tard : l'art rend à l'art sa vérité, dévoile le quotidien et l'aspect banal des choses : mais ici, il semble que ce soit le contre pied de cela justement). Présence des guêtres : très prosaïque et sans intérêt. dénudé : Glabre paysage = paysage dénudé, dépouillé # topos romantique de nature à profusion (ex de l'engouement pour les jardins à l'anglaise) figé : absence de verbes aux vers 6, 7 et 8: phrases nominales
Laforgue nous peint donc un paysage romantique en le démystifiant, en prenant le contre pied des topoï romantiques. Ainsi, il nous présente moins la grandeur que la décadence et ce paysage ouvre sur un imaginaire empreint de l'atmosphère fin de siècle dans laquelle Laforgue compose.
Un imaginaire fin de siècle, un horizon plus pessimiste que fabuleux
Décadence et néologisme : affirmer le besoin de renouveau
les mals + la polysémie du poème : la jalousie : ambiguïté du mot (ici : il s'agit du treillis en bois qui permet de ne pas être vu : le choix de ce mot n'est pas anodin : il traduit le choix de se cacher derrière les mots) qui marbrent ce ciel crû de bandages livides : participe passé de croître et non pas croire comme on l'attend => contournement des habitudes de l'oreille du lecteur. 1er vers : C'était un très-au vent : le lecteur s'attend à un très-haut vent => rupture entre l'écrit et l'oral => un lecteur déstabilisé par la nouveauté du poème et le travail sur les mots (cf le travail de Mallarmé et des symbolistes)
Pessimisme et goût pour le bizarre et l'étrange
bandages livides, un couchant ... suppurant du livide, mesquines rafales, recroquevillant leur agonie, sordide limace : zeugmas => impression d'étrangeté, de paysage hybride entre le naturel et l'humain. Images de dégoût aussi : suppurant du livide : sécrétion anormale. Le macabre : agonie
Décadence et artificiel : un certain maniérisme dans le recours à certaines images
Montrent-elles assez la corde ces glycines / Recroquevillant leur agonie aux ficelles
maniérisme dans l'évocation de la glycine (plante avec des méandres, des bifurcations) => plante presque artificielle. Recroquevillant : image de la vieillesse qui s'agrippe (cf le tableau Les Vieilles de Goya: maquillage et bijoux: autant d'artifices pour cacher la vieillesse) /VS/ allitération en -s et en -l : impression que ça coule => l'irrémédiable Les squelettes de glycines : décharnement du squelette : ne nous paraît pas naturel mais artificiel (une sorte de sculpture, de production artistique: une vision esthétique du squelette)
Une démystification du poète et de la poeisis par une prise de distance critique
Une démystification du poète romantique et de son rapport au temps
Depuis quand ! : modalité exclamative : naïveté du poète mise en évidence par l'incise dans le vers. Le refus du thème de la réminiscence grâce à la nature (/VS/ la grive de Chateaubriand par exemple) : O lendemain de noces ! Ô bribes de dentelles ! : Ô + phrases nominales : lyrique, émotion, mais dérision : pas de rapport direct avec les rafales dont il est en train de parler. La mort : évoquée par des symboles (le squelette) : jamais direct mais de façon suggestive (cf influence du symbolisme : Mallarmé : nommer un objet c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème ... le suggérer, voilà le rêve) pour ne pas tomber dans la cliché du temps qui a passé. => démystification du poète qui traverse les âges et les temps grâce à une extra-conscience ou à son rapport privilégié à la nature
L'arme de Laforgue : son ironie subtile mais grinçante
Seras-tu donc toujours un qui garde la chambre? : fonction polémique de la modalité interrogative (rappeler l'étymologie de ironie, eironein = interroger). Phrase inquisitrice avec une adresse au je par le truchement de la 2ème personne : moyen de prendre de la distance par rapport à soi. Sursaut ironique du poète : Ah ! Qu'est ce que je fais ici, dans cette chambre ! / Des vers ... : prise de conscience tardive et ironique jusqu'à l'ironie sur soi avec le retour au lieu commun : la vie est unique (peut-être un discours rapporté?)
Le refus du sérieux romantique
par l'auto-dérision : Et après? O Sordide limace ! : une des seules modalités interrogatives : cristallise les interrogations et semble questionner le poète, mais rupture de ton avec le deuxième hémistiche : bestiaire qui démystifie aussi la parole de Laforgue (il ne veut pas devenir comme ceux qu'il démystifie) construction cyclique : broder sur le même thème avec quelques variations seulement (le temps du verbe) => moquerie des romantiques qui n'avancent pas ? => ou : le poème comme une chanson populaire avec refrain : importance de l'oralité. Absence de réponse claire : pas de leçon. => Badinage avec le poème. Plutôt que le grand déballage.
Conclusion
On pourrait conclure simplement en mettant l'accent sur la généreuse honnêteté dont fait preuve Laforgue dans cette complainte : il ne se contente pas de mettre à mal de façon gratuite les topoï romantiques, il les emprunte, entre en eux pour mieux les faire vaciller. Il nous livre ainsi un poème au ton badin et sérieux à la fois. Et surtout, l'honnêteté de Laforgue vient de la constante remise en question de lui-même dont il fait preuve : son discours démystifie mais ne veut donner aucune « leçon », il ne prétend même pas s'ériger en figure nouvelle d'une poésie inquisitrice : il pointe au final le stylet vers lui et frappe d'une nouvelle ironie sa propre entreprise de démystification.
Ainsi, Les Complaintes de Laforgue regorgent de discours démystificateur dont par exemple la « Complainte sur certains ennuis », dont le premier vers indique tout : Un couchant des Cosmogonies / Ah! Que la vie est quotidienne.