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Damnation de Faust film 1926

 

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Vidéo pour "la damnation de faust film 1926"https://www.youtube.com/watch?v=8ajP1JGw65Y

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Les termes du pari sont que Méphisto doit parvenir à corrompre l’âme d’un homme de bien et détruire en lui tout ce qu’il y a de divin et alors la Terre sera sienne. Lorsque son choix est arrêté, il envoie la peste détruire le village de Faust.

Devant un tel fléau Faust prie pour que la mort et les privations cessent mais rien ne se passe. Désespéré, il en vient à appeler le diable. Celui-ci lui propose le marché suivant : une période d’essai de 24 heures durant laquelle Méphisto sera à son service. Faust accepte et demande de sauver les villageois. Cependant, ceci vient avec un prix ; Faust ne peut plus s’approcher de tout ce qui est divin. Et quand les malades le découvrent, ils le bannissent. Faust décide de faire un second marché avec Satan : jeunesse, les plaisirs terrestres et royaumes contre son âme. L’échange est scellé avec la duchesse de Parme. Avec le temps, Faust se lasse de ses excès et aimerait revoir sa ville. Obligé d’obéir, Méphisto le ramène. Quand ils arrivent, les cloches de la cathédrale sonnent, la messe se termine. Sur le parvis, Faust est attiré par une jeune fille. Il en tombe amoureux mais il est contraint de fuir quand on l’accuse du meurtre de son frère. Derrière ces machinations se trouve Méphisto qui voit d’un mauvais œil la romance de Faust et Gretchen. Sans famille, Gretchen qui attend l’enfant de Faust devient une paria. Bien plus tard, on la voit errer dans les rues au milieu d’un vent glacial avec son enfant. Les habitants refusent de les aider. Et dans un moment de folie, elle oublie son enfant dans la neige. À l’aube, la cité, voyant l’enfant mort, l’accuse et la condamne au bûcher. Elle appelle alors Faust. Il ne perd aucun instant pour la retrouver mais cela ne sert à rien. Souhaitant n’avoir jamais demandé d’être jeune, il se jette aux pieds de Gretchen. Le diable lui accorde ce dernier vœu. Gretchen reconnaît en ce vieillard son amant alors que les flammes les encerclent. L’ange dévoile à Méphisto qu’il a perdu son pari puisque l’amour triomphe de tout.

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Fiche technique

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Distribution

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Personnages

 

Méphistophélès

Il n’est autre que le diable. La terre lui appartient et il a bel et bien l’intention de lui infliger tous les fléaux à sa disposition.

Pour cela il lui suffit de gagner son pari avec l’archange et pour ce faire, il est prêt à utiliser tous les moyens possibles.

Murnau lui donne trois visages : un aspect divin lors de son échange avec l’archange, un aspect plus humain ;

celui d’un mendiant lors de sa rencontre avec Faust et enfin celui d’un seigneur.

L’Archange

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Werner Fuetterer :

Il est le représentant du Bien. Il est également le juge dans ce pari.

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Faust

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Gösta Ekman Sr. 

C'est un homme âgé.

Il semble être connu par les habitants de la ville comme celui vers qui se tourner dans les périodes troubles.

Sa rencontre avec Méphisto est concomitante avec une épidémie de peste qui ravage la cité.

Ce sera d’ailleurs la raison pour laquelle il convoquera le diable : une cure pour soigner les malades.

Par la suite, il acceptera d’échanger son âme contre les services de Méphisto et pour en jouir, il souhaitera redevenir jeune.

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Marguerite/Gretchen

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Camilla Horn 

Gretchen (diminutif allemand de Margaret) est une jeune fille qui obéit à sa mère et à son frère,

elle se rend à l’église, aide sa tante. Elle représente l’innocence, la pureté dans toute sa splendeur.

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La tante Marthe

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Yvette Guilbert :

Elle est certes un second rôle mais est également le ressort comique du film.

Elle vend des potions d’amour qu’elle a elle-même concoctées et croit être courtisée par Méphisto.

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Mise en scène du film

Les décor

Dans Faust, la lumière crée les formes qui se détachent du fond. Murnau joue avec les amalgames de gris ou de noir afin que les différents protagonistes s’unissent au décor. En effet, la notion de contour disparaît au profit d’un contraste fort de valeurs claires et sombres, notamment dans les scènes se déroulant dans le cabinet de Faust. Les contrastes y sont très marqués mais Faust reste fondu dans le décor. Les piles de livres qui constituent le cadre et le visage de Faust ressortent mais sont liées dans l’image à travers des noirs bouchés. À l’opposé, dans la chambre de Gretchen, c’est l’absence de contraste qui la lie au décor. La luminosité fait ressortir le caractère épuré des décors C’est un espace de surface lisse, tout est dans le même ton de gris. On retrouve le même amalgame que dans le cabinet de Faust, mais cette fois, c’est un amalgame par le blanc qui unifie le décor et le personnage dans l’image. Ce qui ressort avant tout c’est l’uniformité du gris. Aussi Murnau a choisi un décor épuré avec peu d’objets de la vie quotidienne. Cela fait penser à la construction d’un contraste entre les deux personnages, mais l’encombrement dans le cabinet de Faust est relativisé par le jeu des noirs bouchés qui fait que l’on ne les distingue pas. En fait chacun s’intègre dans son espace. Et si celui-ci tend à refléter la psyché des personnages, l’harmonie qui se dégage de l’image tend à les rapprocher plus qu’à les opposer.

L’architecture de la ville renvoie à un traitement différent. C’est le seul élément qui semble rester d’un décor d’inspiration expressionniste Les toits sont en pente raide, avec de nombreuses lignes obliques. Les formes architecturales sont statiques, reléguées aux arrière-plans afin de faire ressortir les différents protagonistes. Le décor est aussi un vecteur d’espace symbolique. Dans la scène de l’église jaillissent des ondes de lumière qui s’échappent par le portail ouvert et auxquelles se heurtent Méphisto et Faust voués aux ténèbres. Cette scène illustre un des thèmes récurrents du film, à savoir la frontière virtuelle et infranchissable. En effet, tout le film est construit autour de l'adjonction de deux mondes, deux visions, deux domaines. Ici le mythe de Faust qui célèbre le combat de la lumière contre les ténèbres, est particulièrement visible.

Objets

Les objets se comportent en véritable acteur du drame car ce sont des média d’interaction entre le bien et le mal, par leur capacité à émettre ou à renvoyer de la lumière. Sur les 56 objets recensés dans Faust, trente sont lumineux comme la croix, ou le miroir4. Ce sont des instruments au service d’un pouvoir occulte. Leur efficacité est magique, tel le miroir de Méphisto, ou la statue de la vierge qui repousse le diable.

Costumes

Le ton des tissus se démarque peu de ceux du fond dans un espace où se dégage un goût pour des couleurs unies : comme en témoigne Éric Rohmer, Faust est sombre dans son cabinet sombre, Marguerite est claire dans sa chambre claire Les costumes sont unis et plats afin de diffuser toute la lumière. Ils ont été conçus pour retenir dans leurs plis ombre et clarté juxtaposées. Par exemple, dans la séquence de l’errance de Gretchen, ce sont les plis des vêtements qui donnent aux images leur plus haute qualité picturale, renforçant la dimension dramatique du personnage. Murnau, historien de l’art de formation, s’est sans doute inspiré de l’œuvre sculptée la Transverbération de sainte Thérèse, de Gian Lorenzo Bernini dit Le Bernin au xviie siècle. La similitude du costume est manifeste, en particulier le drapé plissé qui encadre le visage en souffrance extatique. Dans les deux cas l’effet dramatique est créé par un fort contraste. Le Bernin a utilisé les mêmes outils pour les mêmes effets (ce sont les saillis qui créent les zones d’ombres). L'extase de sainte Thérèse est une œuvre théologique dont Murnau s’est inspiré en se servant d’éléments qui renvoient au fonds culturel des images christiques du monde occidental pour illustrer le martyre. Le costume exprime aussi le symbole de la transformation de l’être. En effet, la vieillesse de Faust au début du film se manifeste par des vêtements sombres et majestueux (grand manteau bourgeois, sombre, ample et volumineux) alors qu’il est doté d’un costume ajusté clair, près du corps et lisse lorsqu’il rajeunit. Méphisto va lui aussi changer de costume et d’apparence lors de sa transformation. Il va passer d’un aspect de vieux mendiant habillé d’un costume fatigué, gris et vulgaire, à celui d’un Méphisto jeune et majestueux ruisselant de soie de couleur noire. D'ailleurs, se dégage un paradoxe lié aux choix de costumes et d’image de Murnau : Méphisto qui est un personnage des ténèbres est lui aussi matérialisé par la lumière. En particulier lorsqu’il porte son costume soyeux, il réfléchit la lumière, sa cape de soie noire la faisant briller comme de l’eau. Mais là encore la virtuosité picturale de Murnau lui permet de traduire une opposition au divin. De façon tout à fait subtile, Méphisto reflète, renvoie une lumière qui répugne à le toucher, alors que le divin rayonne, émet de la lumière. C’est ce qui est annoncé dès les premières images du film où l’archange illumine la scène et où l’ombre créée par Méphisto semble happer la lumière.

Espace filmique[

Travelling

Murnau utilise le travelling de façon ponctuelle alors qu’il l'avait largement employé dans Le Dernier des hommes. Il emploie ce procédé notamment lors du voyage aérien de Faust et de Méphisto debout sur le manteau magique. Le vol débute au-dessus des toitures de la ville, traverse les campagnes et les montagnes pour arriver enfin, à Parme dans le palais où se déroulent les noces de la duchesse. Murnau se réfère à un passage de Goethe où le voyage aérien est présenté comme un doux rêve auquel se laisse aller Faust. On y retrouve d'ailleurs les différents motifs du paysage filmé : « Oh !, que n’ai-je des ailes pour m’enlever du sol… Que n’ai-je du moins un manteau magique Pour me porter en des contrées lointaines!». Murnau reprend ici la thématique du jardin paysage renvoyant à la conception du point de vue élevé, auxquels les poètes romantiques faisaient fréquemment référence. Ainsi cette scène transcrit bien le projet que fait miroiter Méphisto à Faust, à savoir le phantasme de la transcendance de l’homme qui veut s’apparenter à Dieu.

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Les effets spéciaux

Si les techniques ont évolué, les besoins, très divers, sont restés les mêmes :

  • reproduire un temps atmosphérique spécifique : pluie, chute de neige, brume.
  • reproduire des éléments fantastiques.
  • préserver l’intégrité des acteurs et des décors.

Murnau fait partie des cinéastes allemands des années vingt qualifiés d’expressionnistes. Ces derniers furent des précurseurs dans l’utilisation de ces nouvelles techniques. Murnau a eu recours à celles-ci pour Faust. Elles lui donnent en partie son identité. Il faut savoir que Faust fut un tournant pour l’UFA (Universum Film Aktiengesellschaft), société de production de film allemande très importante au début du xxe siècle. Ils n’avaient rien produit d’aussi complexe et d’aussi coûteux auparavant. Le tournage dura six mois et 2 millions de Deutschmark dont seulement la moitié fut récupérée. Murnau utilisa deux caméras qui tournaient simultanément. Et la même scène était filmée plusieurs fois. Il pouvait ainsi choisir les meilleures images. Un exemple est la scène du parchemin qui prend feu. Elle nécessita une journée à elle seule. Parmi ces techniques, il y a l’emploi de câbles afin de donner l’impression qu’un personnage ou un objet se déplace dans les airs. Des maquettes ont été réalisées pour modifier les notions d’échelle. D’autre part, il apparaît souvent en arrière-plan un décor peint, cela permettait de filmer en studio. Si ces effets sont réalisés devant la caméra, plusieurs autres sont réussis par le travail sur pellicule : apparition/disparition des objets, superposition des images…

Faust, un film pictural

Avec Faust transparaît la volonté première de Murnau de donner à son film l’illusion de la peinture. Ainsi, certains plans sont de véritables réminiscences de toiles célèbres. C’est que Murnau a reçu une formation d’historien de l’art.

Dans L’écran démoniaque de Lotte Eisner, nous pouvons lire : « Si dans son Faust il montre en raccourci un pestiféré gisant avec d’énormes plantes des pieds, c’est le reflet du Christ de Mantegna. Et si Gretchen, accroupie dans la neige parmi les ruines d’une chaumière la tête enveloppée dans son manteau, tient son enfant dans les bras, ce n’est que la vague réminiscence d’une madone flamande »

Murnau a pour peintres référents : RembrandtGeorges de La Tour ou encore Vermeer. Un jeu du clair obscur s’installe dès les premières secondes du film et rappelle le clair obscur de Rembrandt. Référençons nous à quelques scènes du film ; celles de la peste par exemple, la peste qui se propage et décime la population. L'action constitue alors un frêle ilot de lumière menacée par une obscurité dévorante. Dans le cabinet de travail de Faust, la lumière est nébuleuse et flottante, des formes sortent des brumes doucement lumineuses.Ici, Murnau se souvient de la lumière qui baigne la gravure du Faust de Rembrandt. Avec Georges de La Tour, Murnau partage le goût du dépouillement des décors et des costumes. Chez Murnau, tout comme chez Vermeer, la lumière se veut organisatrice de l’espace, référençons nous aux scènes diurnes chez Gretchen. Nous lirons chez Rohmer « Si Faust est le plus pictural de ses films, c’est que le combat de l’ombre et de la lumière en constitue le sujet. »

La plastique de Murnau est avant toute chose axée sur la conception et la fonction de la lumière. Murnau subordonne la forme à la lumière, en d’autres termes ; la lumière modèle la forme, elle la sculpte. « Toutes les formes, visages, corps, objets, éléments naturels, écrit Éric Rohmersont modelés à sa guise avec une science consommée de l’effet. Jamais œuvre cinématographique n’a spéculé si peu sur le hasard »

La lumière accompagne le geste, affirme la présence dramatique des comédiens, transcende leur jeu. Par instants, la lumière ondoie sur les visages. L’éclairage participe à l’intensité des émotions. Et par cette intensité, le personnage accède à une existence picturale.

La lumière ruisselle de toutes parts : sur Faust brûlant de gros volumes poussiéreux, sur le fantôme noirci de Méphisto conjurant les flammes, à l’intérieur de l’église jaillissent des ondes de lumière douce et tendre… Les nuances de l’éclairage participent activement au drame.

Parce que ce combat de l’ombre et la lumière, c’est le combat du Bien et du Mal, ce duel entre Méphisto et l’Archange. Le début du film présente ce que le clair-obscur allemand a créé de plus remarquable, de plus saisissant. Eisner écrit : « Une lumière qui prend naissance dans les brumes, des rayons qui traversent l’air opaque ou encore la forme lumineuse d’un archange troublant qui s’oppose au démon dont les contours en dépit des ténèbres, ont un relief grandiose.» Un film du clair-obscur pour illustrer un pari surnaturel. Les Enfers défiant le Ciel, les ténèbres démoniaques tentant d’étouffer la clarté divine. Un surnaturel qu’impose Murnau de manière magistrale.

 

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« Je déjeunais de temps à autre chez Mme Louis Stern avec Mme Réjane et Mme Yvette Guilbert qui chantait de vieilles chansons françaises et composait des rondes pour enfants.

Elle était une dame âgée, très digne, habillée d'une robe de chantilly noir. »

— Gabriel-Louis Pringué30 ans de dîners en ville, éditions Revue Adam, 1948

Emma Laure Esther Guilbert, dite Yvette Guilbert, est une chanteuse française du café-concertparolièreactriceautrice et metteuse en scène, née le  dans le 3e arrondissement de Paris et morte le  à Aix-en-Provence.

 

vette Guilbert est issue de l'union d'Hippolyte Guilbert, un brocanteur et patron d'une fabrique de confection normand, et d'Hernance Julie Lubrez, une chapelière belge.

À seize ans, après six mois passés dans un atelier de couture, elle entre comme vendeuse aux grands magasinsLe Printemps du boulevard Haussmann à Paris.

En 1885, elle suit des cours d'art dramatique. Elle se révèle « timide à la ville et audacieuse à la scène », comme elle le rapporte elle-même, fait ses premiers pas au théâtre des Bouffes du Nord, puis passe au théâtre de Cluny. Fin 1885, Yvette Guilbert rencontre Charles Zidler, directeur de l'Hippodrome et créateur du cabaret parisien Moulin Rouge.

En 1887, elle entre au théâtre des Nouveautés, où elle a notamment un petit rôle dans une pièce de Feydeau. L'année suivante, elle passe au théâtre des Variétés, où, là encore, elle n'a que de petits rôles. Elle décide alors de se tourner vers la chanson et le café-concert. Ses débuts sont difficiles, elle est très critiquée et recolte plus de sifflets que d'applaudissements... Cette année-là, elle épouse Max Schiller, un chimiste d'origine allemande.

Elle tient les premiers rôles dans l'opérette Le Moulin de la galette d'Alphonse Allais et Jules Desmarquoy3 en 1888, puis en 1890 dans la revue légère4 de George Auriol et Narcisse Lebeau5Pourvu qu'on rigole6, que donne le Divan japonaiscafé chantant de la rue des Martyrs dirigé par Jehan Sarrazin7, où elle se produit régulièrement jusqu'en 1892. Sarrazin, son directeur artistique, la surnomme la diseuse fin de siècle, car elle a l'habitude d'entrecouper ses chansons de phases parlées.

Yvette Guilbert au Concert parisien en 1891 par Jules Chéret.

Entre-temps, en 1889, elle obtient un engagement à l'Eldorado, qu'elle quitte presque aussitôt pour entrer à l'Éden-Concert, mais ne parvient toujours pas à se faire un nom.

En août 1889, Freud vient l'écouter à l'Eldorado sur les conseils de Mme Charcot. Par la suite, Freud affichera dans son bureau une photo dédicacée par elle et ils entretiendront une correspondance assez suivie8. Elle interprète de nombreuses chansons de Paul de Kock. En février 1891, Marcel Proust lui consacre son premier article dans Le Mensuel.

L'été 1892, elle chante à Liège, puis à Bruxelles et est enfin ovationnée. Elle est même surprise du succès d'une chanson légère de sa composition intitulée La Pocharde. À son retour, pour sa rentrée parisienne, elle demande une augmentation à l'Éden-Concert, et face au refus, elle rompt — à grands frais — son contrat puis obtient un engagement au Moulin Rouge qu'elle doit à la confiance de Charles ZidlerHenri-Julien Dumont exécute une affiche la représentant en 1893 pour sa revue aux Ambassadeurs (« l'affiche au chat »).

Atteinte d'une grave maladie à partir de 1896, elle rompt tous ses contrats, en pleine gloire, et sans regrets, en 1900 : elle se fait alors édifier à Paris un hôtel particulier[Où ?] (depuis détruit) par l'architecte Xavier Schoellkopf.  Pendant cette période, elle se constitue un nouveau répertoire de chansons anciennes. Pour cela, elle se documente très sérieusement et effectue des recherches dans différentes bibliothèques. Elle adapte et traduit plusieurs textes du théâtre médiéval (en français, en anglais et en latin), dont les drames édités par Edmond de Coussemake9, ainsi que le Miracle de Pierre le changeur,  La Guerre et le débat entre la langue, les membres et le ventre de Jean de Salisbury traduit par Jehan d'Abundance. Elle adapte également Les Goinfres, pièce en 2 actes et 8 tableaux, d'après La Condamnation de Banquet de Nicolas de La Chesnaye10.

Elle regagne la France en 1922 et fonde le "Théâtre religieux du Moyen âge" avec l'aide de Joseph Bédier et Gustave Cohen

Mais en 1906, elle finit par remonter sur scène, au Carnegie Hall de New York, et renoue même avec le théâtre dans une pièce de Edmond Guiraud et Jean Hinx(L'Eau Trouble) au Théâtre royal du Parc, puis au Casino de Nice en 1913, mais avec un répertoire tout à fait nouveau, composé de chansons plus littéraires, comportant ses reprises de poésies anciennes et modernes, ainsi que des chansons du Moyen Âge. Elle enseigne et fonde une école, et donne des conférences-concerts.

Elle consacre la fin de sa vie aux grandes salles d'Europe et d'Amérique, avec pour pianiste Irène Aïtoff (1904-2006). Parallèlement, elle ouvre une école de chant à Bruxelles, tourne dans quelques films, rédige des chroniques, fait de la mise en scène, anime des émissions de radio et écrit des livres.

Représentation de Madame Chiffon, comédie musicale d'Yvette Guilbert, à la Salle Pleyel, avril 1933.

En 1933, elle écrit et met en scène une comédie musicale, en trois tableaux, Madame Chiffon, marchande de frivolités, qui est créée à la Salle Pleyel (le 3 avril pour la presse et le 4 avril pour le public). Une représentation devant les professionnels eut lieu le 31 mars)11 12. Elle sera reprise l'année suivante à la salle des Annales. La musique est composée par Fernand Raphaël. Yvette Guilbert souhaitait mettre en scène un rôle de femme âgée, mais toujours galante et pleine de vie, inspirée de sa grand-mère : "Tiens, voici, pour moi, l'occasion de reconstituer une de ces femmes peut-être hurluberlues en apparence mais au fond pleines de bon sens, âgées sans doute, mais charmantes, toujours dotées des choses fraîches que le temps et l'expérience fanent si vite chez les moins bien douées (...) J'ai pris plaisir à soigner ce rôle d'aïeule galante mais de belle santé". Ne trouvant pas d'actrice pour le rôle-titre, elle l'interpréta elle-même ("Comme aujourd'hui les actrices se refusent la fierté d'avouer leur âge, j'ai dû accepter de l'interpréter moi-même, ce dont je suis ravie !"13). Le reste de la distribution comprenait : Renée Camia, José Delaquerrière, Henri Dangès, et Jacques Derives. La pièce fut précédée d'un prologue, publié dans la revue Comoedia le 27 mars (en ligne [archive]). Malgré le succès critique14 15, aucun directeur de théâtre ne la programma.

Yvette Guilbert a enregistré des chansons pendant presque quarante ans, ce qui nous vaut de nombreux enregistrements conservés, du début du cylindre commercialisé aux disques enregistrés électriquement.

Morte le  à Aix-en-Provence, elle a été inhumée au cimetière du Père-Lachaise, à Paris.

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PAGES ANNEXES
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Discographie
Paris Qui Chante
Mémoires














Acte de naissance d'Yvette Guilbert





 



 



 



Yvette Guilbert à Berlin
(paru dans Paris qui Chante du 26 mars 1905)
La légende précise : 
"Mlle Yvette Guilbert - Personnalités du monde 
musical allemand entourant la chanteuse 
française dans un salon de Berlin."





 



 



 



 



 



 



 



 



 



"La Rive" - Maison d'Yvette Guilbert
à Vaux-Sur-Seine (78) Yvelines (anc. Seine et Oise)
(Collection Jean-Bernard Demoussy)

Yvette Guilbert

Elle est née Emma, Laure, Esther Guilbert, 78, Rue du Temple à Paris, le 20 janvier 1865, fille d'Hippolyte Guilbert, d'origine normande (Saint-Lô), comptable et d'Albine Hermance Julie, née Lubrez, chapelière, d'origine flamande.

De six à huit ans, elle séjourne en Normandie. À l'automne de 1872, elle est au cours Archambault à Paris puis demi-pensionnaire à la pension Couard à Saint-Mandé.

Yvette Guilbert à 9 ans

À seize ans, elle est embauchée chez Hentennart, le couturier, et six mois après, elle est vendeuse au magasin du Printemps.

À vingt ans, en novembre 1885 : elle rencontre Charles Zidler, directeur de l'Hippodrome (et le créateur du Moulin Rouge - voir aussi à French Cancan) et est engagée comme comédienne dans la tournée d'été de ses Variétés.

En 1888, elle est aux Bouffes du Nord, toujours en comédienne mais elle se tourne peu à peu vers la chanson.

En 1889, elle passe en lever de rideau à l'Eldorado mais personne ne veut de cette débutante qui n'est pas du genre à la mode. Même chose à l'Eden où on lui dit qu'elle n'aura jamais de succès. Elle s'exile à Lyon puis en Belgique où elle commence à en avoir un peu grâce à des chansons comme "La pocharde", car elle s'est lassée très vite du répertoire qu'on lui impose.

En 1890, elle est de retour à Paris, au Moulin Rouge (sic) mais sous le nom de Nurse Valéry ou quelques amateurs l'admirent mais pas plus.

Reprenant son nom et après avoir fait la connaissance de Xanrof, de Jean Lorrain, après surtout, avoir emprunté ici et là, d'Aristide Bruant, entre autres, elle finit par développer un personnage (robe verte, longs gants noirs, chevelure rousse) qui commence à percer. Au Divan Japonais, entre autres :

"J'arrivais au Divan (en mai 1891), descendant d'un fiacre découvert qui m'apportait du Moulin Rouge toute habillée, toute maquillée. Quelques fidèles du Moulin suivaient mon fiacre, pour venir au Divan m'écouter dans un tout autre répertoire, car au Moulin, entre huit et neuf, c'était une clientèle de petits commis du quartier, et je n'osais pas risquer ces mêmes couplets que j'offrais à la clientèle artiste des peintres, sculpteurs, écrivains qui se réunissaient chez Jehan Sarrazin. Pour fêter ma venue, Sarrazin faisait deux soirées : une, de huit à dix, avec ses artistes ; une autre, de dix à douze, soirée d'Yvette. Imaginez une petite salle de café de province, basse de plafond, et pouvant contenir, en les tassant, cent cinquante à deux cents personnes. On y chantait. Une estrade plantée au fond de la salle à 1,50 mètre du sol, ce qui m'obligeait à faire attention de ne point lever les bras sans besoin absolu, car alors mes mains se cognaient au plafond, ce plafond où la chaleur de "la rampe" à gaz montait si forte qu'elle nous mettait la tête dans une fournaise suffocante ! Les chanteurs n'y séjournant que cinq à dix minutes s'en tiraient, mais moi, c'était cinquante à soixante minutes qu'il me fallait endurer ce supplice, lequel, terminé, m'obligeait "à me sécher" une demi-heure, avant d'oser affronter l'air froid de la rue, collée que j'étais, dans ma robe, les cheveux ruisselants de sueur" (Y. Guilbert, la Chanson de ma vie)

Mais c'est à Müssleck du Concert Parisien qu'on doit le grand début d'Yvette Guilbert, à Müssleck qui... se laissa tenter par son approche publicitaire :

Yvette Guilbert, celle du Divan et non du Moulin Rouge, proposa, en effet, à ce cher Auguste, sur le point de déposer son bilan, de se lancer elle-même :

"Voilà, dis-je à Müssleck sans préambule : j'ai du talent, je vous apporte mille francs pour me faire des affiches inondant Paris. Vous m'annoncerez simplement avec la date de mes débuts à votre concert. Je le regardais, médusée... Il était gros, ventru, obèse terriblement, sa face rougie, réjouie, craquait de santé, ses yeux clignotants, éternellement pleins d'eau, si terriblement crapules, si cocassement "fripouillards" quand il était sincère, devenaient tout à coup honnêtes et largement ouverts quand il avait à tromper quelqu'un, une main sur le cœur et son brûle-gueule dans l'autre." (Op. cité.)

Vingt mille affichettes de 40 centimètres furent ainsi dans tout Paris, avec cette inscription :

Yvette Guilbert. La diseuse fin de siècle.
Le 5 octobre 1891 au Concert Parisien.

Le résultat fut prodigieux. - Quatorze mois plus tard, Müssleck avec qui Yvette ne s'était jamais entendue, dut assigner sa vedette pour le paiement d'un dédit de cent mille francs, parce que celle-ci s'était produite sur une autre scène même si son contrat lui permettait. Müssleck perdit son procès et enfin, libérée, cette "diseuse",  en demande partout, entra à la fois aux Ambassadeurs, à la Scala et dans l'histoire.

Immortalisée à partir de 1893 par Toulouse-Lautrec ("Petit monstre, mais vous avez fait une horreur !"), c'est en grande vedette qu'elle promènera jusqu'en 1899 sa silhouette partout en France, en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis...

Gravement malade (à partir de 1900), elle disparut mais finit par remonter sur scène - elle est au Carnegie Hall de New York en 1906 - surtout à partir du début des années dix (ex. : Casino de Nice en 1913) avec, cependant, un répertoire tout à fait nouveau, composé essentiellement de chansons plus "littéraires" : poésies anciennes et modernes, chansons du Moyen-âge, etc... pour ne mourir que des années plus tard, non sans, avant, avoir refait les grandes salles d'Europe et d'Amérique, ouvert une école de chant à Bruxelles, tourné dans divers films, rédigé des chroniques, fait de la mise en scène, animé des émissions de radio, écrit des souvenirs, d'autres livres dont un sur l' "Art de chanter une chanson"...

Décédée à l'hôtel Nègre Coste, cours Mirabeau, Aix-en-Provence), le 3 février 1944, elle est inhumée, depuis 1946, à Paris, au cimetière du Père-Lachaise.

1893

1894

1890

1890

1892

1900

1905

Certaines affiches proviennent des sites Gallica et Les Silos (Merci Hélène L'Hégarat)

De sa carrière, la chanson française (qui lui doit beaucoup) a surtout retenu d'Yvette Guilbert la première époque, celle du "Fiacre" de Xanrof, celle où elle chantait "Fleur de berge" de Jean Lorrain ou "Madame Arthur" de Paul de Kock mais, de cette époque, il ne nous reste que des enregistrements (très inégaux), des affiches et des photos. Ce n'est qu'à partir des enregistrements qu'elle fera plus tard et des quelques films qu'elle a tournés par la suite mais presque exclusivement de son tour de chant dela deuxième période qu'on peut s'imaginer l'impact qu'elle a eu sur la chanson d'avant 1900 avec ses gestes et sa façon de chanter en faisant des clins d'œil.

Elle fut, en quelque sorte, le précurseur de chanteuses qui allaient suivre cinquante, soixante ans après : des Jujube et des Barbara, par exemples, qui, la dernière surtout, n'hésitera pas à reprendre, soixante-dix ans après leurs créations, quelques-uns de ses succès :

"Ça ne t'empêchait pas d'fair' de p'tit's bombances
Et d'convoiter même un autr' bien que l'tien
Tu m'en as fait voir un peu d'tout's les nuances
Tu trouvais, d'ailleurs, que l'jaune m'allait bien
Et quand j'pense que, moi, j't'ai été fidèle !
Dans la vie d'un' femm', ça compte ! En tout cas
L'fait est assez rar' pour qu'on s'en rappelle
Et c'est un' bêtis' qu'une femm' noublie pas !"

("D'elle à lui" - Paroles de Paul Marinier - 1898)


Discographie et enregistrements

Yvette Guilbert a enregistré ses chansons pendant presque quarante ans, depuis le presque tout début du cylindre commercialisé (et gravé individuellement) aux disques enregistrés électriquement, laissant ainsi une trace bien précise d'une voix humaine dans le développement des techniques d'enregistrement.

Malheureusement, son style datait déjà à partir de 1900 ; axée sur l'interprétation "intégrale" (avec gestes, mimiques, coups d'œil, déhanchements, etc.) et desservie par un filet de voix (quoique la diction ait été impeccable mais pas toujours) elle nous paraît aujourd'hui étrange parce que peut-être trop près du texte qu'elle persiste à vouloir, tout au long de sa vie, réciter trop souvent avec toutes les nuances possibles contrairement à Mayol (ou même son contemporain, Bruant) pour qui la chanson se veut d'abord et avant tout un air qu'on retient et qu'on pourra fredonner longtemps après qu'on aura oublié les paroles.

Nous donnerons dans les pages ci-jointes quelques exemples de ce style unique dans huit enregistrements faits à des époques fort différentes et qui donnent en même temps une idée de l'évolution des techniques d'enregistrement de 1897 à 1934 :

(Voir également à Madame Rollini.)


Liste plus complète des enregistrements (que nous avons retracés d'Yvette Guilbert)


Opinions

Dans sa "Chanson sous la IIe république" (voir à Bibliographie), Serge Dillaz dit "qu'elle fut sans doute la première interprète moderne".

"Je pense toujours en l'entendant, à quelque troublant automate, à une dame en cire d'Edgar Allan Pœ qui aurait un phonographe dans le ventre." dit Henri Lavedan cité par Chantal Brunswick - 100 ans de chanson française (voir à Bibliographie)

Pour leurs parts, Gilbert Salachas et Béatrice Bottet - Le guide de la chanson contemporaine (voir à Bibliographie II) ajoutent "qu'elle n'a pas toujours été comprise et souvent admirée à contretemps."

En ce qui nous concerne, nous référons le lecteur aux nombreuses affiches et croquis qu'a dessinés d'elle Toulouse-Lautrec. - Des caricatures ? - Peut-être pas.


Parmi son œuvre écrite

Outre des mémoires et des souvenirs - voir ci-dessous -, Yvette Guilbert, a écrit plusieurs articles de journaux, des chansons (petits formats) et fait publier des recueils divers :

  • Comment on devient une étoile, monologue.
    Paris, P. Dupont, 1893.
  • La vedette. Paris, H. Simonis, 1902
  • Les Demi-Vieilles. Paris, F. Juven, 1903.
  • Légendes dorées (épisodes de la vie de Jésus recueillis et reconstitués par Yvette Guilbert) Paris, 1914
  • L'art de chanter une chanson. Paris, Grasset, 1928.
  • Mes lettres d'amour. Paris, Denoël & Steele, 1933 (publiées d'abord en Allemand, en 1928).
  • Autres temps, autres chants. Paris, Robert Laffont, 1946.

Parmi ses recueils

  • Chansons de la Vieille France, recueillies et chantées par Yvette Guilbert, reconstituées et harmonisées par Maurice Duhamel. Paris, F. Juven, s.d.

Quant à ses mémoires et souvenirs, l'essentiel se retrouve dans deux volumes :

  • La chanson de ma vie. Paris, Grasset, 1927.
  • La passante émerveillée. Paris, Grasset, 1929.
  • qui furent précédés d'un article paru dans Fémina en 1904 sous le titre de : Du théâtre au théâtre en passant par le Café-concert.

On en trouvera le texte intégral de ces deux volumes et de cet article en annexe, précédés d'une courte introduction.


En annexe

Photos du magazine Paris Qui Chante dédié à Yvette Guilbert (1906).

Chansons illustrées - Galerie de portraits.

  Lyon, 1936  

Voir également un article que lui consacre (en page 15) le n° 114 des Chansons Illustrées.


Références

Yvette Guilbert l'irrespectueuse
Claudine Brécourt-Villars
Plon - 1988
Autobiographie

 

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Henri de Toulouse-Lautrec remarque Yvette Guilbert dès 1890 au Divan japonais mais ne fait vraisemblablement sa rencontre qu’en 1892 par l’entremise de Maurice Donnay (1859-1945), compositeur et écrivain. 
Elle devient, avec sa silhouette reconnaissable entre toutes – longue silhouette aux mains gantées de noir – une source d’inspiration pour le peintre. Toulouse-Lautrec représente Yvette Guilbert pour la première fois dans l’affiche qu’il réalise en 1893 à l’occasion de la réouverture du café-concert, le Divan Japonais. Figurée la tête coupée par le haut de l’affiche, Yvette Guilbert est reconnaissable à sa seule silhouette qui devient ainsi emblématique. 
De la même manière, dans le projet d’affiche de 1894 qui doit annoncer la saison 1894-1895 de la chanteuse aux Ambassadeurs conservé au musée Toulouse-Lautrec d’Albi, le peintre met en avant la silhouette caractéristique, une attitude typique ainsi que ses mimiques expressives. En 1894, Lautrec soumet le fusain à Yvette Guilbert, mais celle-ci le rejette, au profit de la proposition plus flatteuse de Steinlen, par ces mots : « (...) Mais pour l’amour du ciel, ne me faites pas si atrocement laide ! un peu moins… ! (...). »

Yvette Guilbert reste en effet peu convaincue par les productions de l’artiste qu’elle juge trop caricaturales. Dans les gants noirs d’Yvette Guilbert, Lautrec synthétise effectivement la célèbre diseuse et ne retient que l’accessoire le plus marquant de son costume de scène, ses longs gants noirs.
Le succès des deux albums de lithographies rehaussées de crachis que Toulouse-Lautrec réalise, la rende moins réticente à son égard.
La Suite française, en 1894, album de seize planches dans une mise en page sobre, sont en parfaite correspondance avec le texte écrit par le critique Gustave Geffroy. Toulouse-Lautrec choisit à nouveau les gants noirs, traités à plat, sans modelé comme couverture de cet album. Dans la dernière planche, la Diseuse salue le public à la fin de son spectacle comme courbée pour recevoir les applaudissements. Lautrec fige, à la manière des estampes japonaises, la mimique d’Yvette Guilbert, lèvres soulignées de rouge et sourcils relevés. 
La Suite anglaise, créée en 1898, comprend neuf lithographies au dessin épuré représentant la Diseuse interprétant ses plus fameuses chansons La Glu ou bien encore La Soularde. Le musée Toulouse-Lautrec conserve un exemplaire de chacun de ces albums ainsi que huit pierres lithographiques de l’album dit Suite anglaise.
Toulouse-Lautrec illustre également trois chansons écrites par Maurice Donnay, Adolphe ou le jeune homme triste, Eros vanné, Les vieux messieurs… Conservées au musée Toulouse-Lautrec, ces lithographies mentionnent le nom d’Yvette Guilbert.

Toulouse-Lautrec a grandement contribué à la notoriété de la diseuse et a assuré sa postérité.
Par sa volonté de se construire un personnage de toute pièce, simplifié à l’extrême, sans bijou ni fioriture, elle se démarque du Paris nocturne de la Belle Epoque, et en devient finalement l’une des effigies aujourd’hui, grâce à l’image conçue par Toulouse-Lautrec.

© Musée Toulouse-Lautrec, Albi (81)

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bouton (voir le diaporama de la fiche)Yvette Guilbert - Henri de Toulouse-LautrecLe divan japonais - Henri de Toulouse-LautrecGustave Geffroy, Yvette Guilbert, L’Estampe originale - Henri de Toulouse-LautrecYvette Guilbert saluant le public - Henri de Toulouse-Lautrec

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renant prétexte du spectacle de Nathalie Joly "je ne sais quoi" basé sur les chansons et les lettres échangées entre Freud et Yvette Guilbert, Jean Allouch a bien voulu nous confier ce court article. Précisons que le spectacle sera donné à Avignon cette année et qu'il tourne régulièrement en France. Ajoutons enfin que ce texte figure dans le dernier ouvrage de Jean Allouch :"Contre l'éternité Ogawa, mallarmé, lacan" EPEL

Jean Allouch / Contre l’éternité / Cabaret : p. .

Cabaret

Sigmund Freud goûtait fort les chansons d’Yvette Guilbert (1865-1944) qu’incité par Mme Charcot il entendit lors de son séjour à Paris chez le maître de la Salpêtrière, entre octobre 1885 et février 1886. Quarante ans plus tard, s’engage une correspondance1, sans doute occasionnée par une tournée de la « diseuse2 » à Vienne. M. et Mme Freud saluent ce séjour par l’envoi d’un bouquet de fleurs à l’hôtel Bristol, où séjournent l’actrice et Max Schiller, son mari. Un billet accompagne sans doute l’envoi, signé Sigmund Freud. On accueillerait presque comme une lettre d’amour ce qu’il fait alors savoir à l’artiste : il avait frémi en écoutant « La soularde » ; il avait répondu « “oui”, avec tous les sens » à la demande véhiculée par la chanson « Dites-moi que je suis belle ».

Cinq ans plus tard (février 1931), Yvette fit parvenir à celui qui était devenu son « cher professeur » le prologue d’un ouvrage qu’elle était en train d’écrire. Une autre consultation se fait jour, qui fleure la demande d’analyse. Dans sa réponse datée du 8 mars, Freud reprend d’abord la thèse qu’il vient de lire : la technique d’Yvette, résume-t-il, consiste « à reléguer complètement à l’arrière-plan votre propre personnalité et à la remplacer par le personnage que vous représentez ». Il poursuit :

À mon avis, ce que vous considérez comme le mécanisme psychologique de votre art a été affirmé très souvent, peut-être généralement. Mais l’idée de l’abandon de sa propre personnalité et son remplacement par une personnalité imaginaire ne m’a jamais complètement satisfait. […] Je suppose plutôt qu’il doit s’y ajouter un mécanisme contraire. La personnalité de l’artiste n’est pas éliminée, mais certains éléments, par exemple des prédispositions qui ne sont pas parvenues à se développer ou des motions de désirs réprimées, sont utilisées pour composer le personnage choisi et parviennent ainsi à s’exprimer et à lui donner un caractère d’authenticité.

Non, rétorque aussitôt Yvette, « je ne crois pas que ce qui sort de moi en scène soit le “surplus” supprimé et employé ». Et d’argumenter : elle est nue en scène, elle s’y offre « déshabillée de tous les mensonges ». Trois jours plus tard, une lettre de son mari vient apporter de l’eau à son moulin, plaider sa cause. Son répertoire, écrit-il à Freud, comporte entre vingt et trente « types de femmes », ce qui rend inconcevable qu’en chaque personnage se manifestent des sentiments « suppressed ». Le débat se prolonge un temps, où l’on sent Freud piqué au vif. Ainsi écrit-il à Max : « Il est vraiment très intéressant pour moi de devoir défendre mes théories contre Mme Yvette et l’oncle Max. » À cette fin, il fait état de son Léonard de Vinci et mentionne Chaplin qui « joue toujours le même personnage ». Chacun, pour finir, restera sur ses positions sans que cela porte préjudice à l’affection. Cependant, aucune des rencontres envisagées par la suite, notamment à Londres où Freud a immigré, n’aura lieu et Yvette n’entreprendra pas de « traitement », fût-il de quelques jours, avec un dénommé Robinson, que Freud lui indiqua alors qu’elle était de nouveau de passage à Vienne.

Ce bref récit atteste que Freud était averti de ce dont il a été question ici même, du disparaître comme condition de la création. Quoique ayant admis la généralité du propos, il le récuse au nom de l’inconscient et de l’infantile. Le résultat de cette position défensive est clair : sur ce débat tout au moins, son échange avec Yvette et Max fut un dialogue de sourds. Et la querelle reste non tranchée.

La responsabilité en incombe à Freud. Où et comment a-t-il dérapé ? En doutant de l’inconscient ! Ou, plus exactement, en n’en doutant pas de la bonne façon3. S’il y avait cru davantage, il n’aurait eu nul besoin de le mettre en avant comme tel, de ferrailler avec ses interlocuteurs, de tenter de les convaincre de son existence. S’il y avait autrement cru, il aurait mis de côté son savoir et aurait questionné plus avant celle qui lui faisait part de son expérience de comédienne et de la théorie qu’elle s’en était forgée, celle qui, en outre, le questionnait à ce propos, lui ouvrant ainsi sa porte. Et − qui sait ? − peut-être aurait-il pu lire cette élaboration comme une nouvelle « théorie sexuelle infantile » et, de cette façon, avoir in fine raison contre elle et son mari.

Dès octobre 1926, Yvette lui avait adressé pour traitement une dénommée Miss Dorothy Hunt munie d’une lettre de recommandation signée de sa blanche main. Freud a certes d’excellentes raisons de ne pas recevoir cette possible patiente (son travail, sa fatigue, sa maladie) ; on doute cependant, tant la chose est fréquente, qu’il n’ait pas un instant envisagé ce geste d’Yvette comme une demande d’analyse qu’elle n’osait pas encore effectivement formuler. Cinq ans après, cette demande refait surface avec la consultation chez le Dr Robinson… sans davantage aboutir. Et c’est donc la lettre du 8 mars 1931 où Freud récuse la position d’Yvette et de Max, qui, en portant l’échange sur un plan théorique, ne laissa plus aucune chance à l’exploration analytique du disparaître comme condition de la création.

Un autre empêchement a joué : l’éternité. Freud conclut ainsi sa lettre d’octobre 1926 : « Que l’“éternelle” jeunesse − dont il ne me reste rien − soit avec vous. » On mesure l’embarras du propos au nombre de signes de ponctuation. Il est d’ailleurs contradictoire avec la thèse qui sera plus tard défendue auprès d’Yvette et Max, celle qui rattachait (a priori) le talent d’Yvette « aux conflits de ses années de jeunesse » (lettre du 26 mars 1931). Freud serait-il, lui, complètement débarrassé de sa jeunesse et de ses conflits ? Il le suggère, quand bien même son hypothèse de l’inconscient interdit de le penser.

La jeunesse hante sa correspondance avec Yvette et Max. Dans une lettre du 24 octobre 1938, Freud leur écrit qu’il a été « assez privé de n’avoir pu redevenir jeune l’espace d’une heure grâce au charme magique d’Yvette ». Le 10 juin4, il redit ce même regret de ne pouvoir entendre Yvette en concert : « Je n’aurai probablement pas encore retrouvé la jeunesse et la force ne serait-ce que de venir écouter la grande, l’incomparable artiste […]. » Yvette ne s’y trompe pas, qui informe le vieil homme, le 21 avril 1939, et, cette fois, en anglais, qu’elle et son mari ont « lighted a candle to thank God to keep you in eternal youth and activity ». Freud décède le 23 septembre 1939.

Il est aisé de conclure : l’inconscient, cette instance psychique que Freud disait « hors du temps », c’est l’éternelle jeunesse de Freud. Aussi, se démarquant des « freudiens », Jacques Lacan dut-il s’employer à offrir à Freud une sépulture décente5. Ce qu’il fit encore ultimement en renommant « unebévue » l’inconscient − ce piège tendu aux psychanalystes ainsi que l’on vient de le voir. L’unebévue est l’inconscient sans son éternité, l’inconscient strictement accueilli dans ses manifestations ponctuelle (il y a unebévue, puis une autre bévue, puis une autre encore : rien de plus). L’unebévue est l’inconscient délesté de l’éternelle jeunesse de Freud. L’unebévue offre à Sigmund Freud la possibilité de n’être pas privé de sa seconde mort.

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