Stephan Legeard
Stéphen Liégeard (Dijon, – Cannes, ) est un écrivain et poète français. Il est l'inventeur du terme « Côte d’Azur » pour remplacer la dénomination « Riviera ». Il inspira à Alphonse Daudet le personnage du « sous-préfet aux champs » des Lettres de mon moulin.
Stéphen Liégeard
La famille Liégeard est une ancienne famille bourgeoise dijonnaise, sans doute originaire de Liège en Belgique et arrivée en Bourgogne à la fin du XIVeme siècle. Aux origines, Jean Liégeard, collecteur des impôts du duc Philippe le Bon, et son fils Thiébaut, inhumé en l’église St Jean avec son épouse Hugote. Par la suite les Liégeard s’installent comme orfèvres-joaillers place Royale (actuelle place de la Libération), puis Jean-Baptiste Liégeard, père de Stéphen, rompt avec cette tradition d’artisanat de luxe pour devenir avocat. Il fut maire de Dijon en 1863-65.
Stéphen naquit le 29 mars 1830, rue des Forges à Dijon, dans la maison qui fut sous l’Ancien régime le siège du Présidial (aujourd’hui le 40 ). Après de brillantes études secondaires, particulièrement doué pour les lettres et la philosophie, il devient bachelier ès-sciences et commence des études de droit. En 1852 il soutient avec succès pour la licence une thèse de droit romain entièrement rédigée en latin, et une thèse de Droit civil : « De la propriété et du droit d’accession ». En 1854 il présente un mémoire récompensé d’une médaille d’or par la Faculté de Droit de Dijon , sur le thème : « Le partage est déclaratif de propriété ». Entre temps il s'est inscrit au barreau de Dijon, où l'on commence à apprécier son talent. Pourtant, en 1856, il dépose la robe pour être nommé Conseiller de préfecture à Valence. Le pouvoir avait reconnu en lui un de ces hommes nouveaux et talentueux dont il avait besoin. Cela ne l'empêche pas de continuer son travail pour le Doctorat en Droit qu'il obtint en 1857 : « Des peines capitales »
<- Stephen Liégeard
En 1859 il est nommé sous-préfet à Briey en Moselle, où il arrive au mois de novembre. A peine est-il dans la place qu'une importante difficulté l'attend. Napoléon III vient d'adopter une politique économique de libre-échange, concrétisée par le traité de commerce franco-anglais signé le 23 janvier 1860. En tant que sous-préfet il doit expliquer et défendre cette politique, et la tâche n'est pas aisée, les industriels lorrains souffrant de la concurrence anglaise, et combattant le traité. Mais Stéphen Liégeard trouve un appui solide en la personne d'un riche maître de forges (il emploie 3000 ouvriers), Joseph Labbé, mieux armé que ses collègues. Or ce dernier a une fille, Mathilde, que Stéphen demande en mariage et épouse le 17 décembre 1860. Les deux familles offrent chacune au jeune couple 350000 francs en propriétés, produisant un revenu de 25000 francs par an. Le couple démarrait sous de bons auspices !
Ayant désormais des intérêts en Moselle, Stéphen Liégeard est déplacé à Parthenay (Deux-Sèvres) en 1861 ; en 1864 il arrive à Carpentras. A cette nomination est liée la genèse de la nouvelle du Sous-préfet aux champs. Alphonse Daudet, rendant visite au sous-préfet, aurait découvert sur son bureau des poèmes dissimulés sous des papiers administratifs, et eu ainsi l'idée de la nouvelle, parue dans la presse, où l'on voit M. le sous-préfet, « en débraillé de bohème, mâchonnant des violettes » écrire des vers, au lieu de rédiger son discours aux Comices agricoles. Il va sans dire que cette image de dilettante ne correspond en rien à la vérité historique. Stéphen Liégeard était un haut-fonctionnaire rigoureux, particulièrement compétent sur les questions agricoles, et appliquant méthodiquement la ligne politique qu'avait définie le comte de Persigny, Ministre de l'Intérieur : « Le suffrage est libre, mais afin que la bonne foi des populations ne puisse être trompée par des habiletés de langage, ou des professions de foi équivoques, désignez hautement les candidats qui inspirent le plus de confiance au gouvernement ».Stéphen Liégeard mit toute son ardeur, tout son dévouement, au service de cette doctrine du candidat officiel, mobilisant instituteurs, garde- champêtres, gendarmes, maires, bref, tous ceux qui avaient une parcelle d'influence. Et cela n'alla pas toujours sans de vifs incidents avec l'opposition républicaine...
Mais le sous-préfet avait de plus hautes ambitions politiques. Son zèle fut récompensé : en 1867 il obtint du gouvernement l'autorisation de se présenter en Moselle aux élections pour le Corps législatif. La campagne fut rude. Les Républicains ne ménagèrent pas Stéphen Liégeard , qui fut violemment pris à partie dans le Temps et L'Indépendant de la Moselle. Jules Ferry, « l'aigre Jules », persifla « un sous-préfet versificateur dévoué jusqu'à l'alexandrin », lui conseillant « de remporter sa harpe ambulante à Carpentras ». Cette allusion perfide à la nouvelle d'Alphonse Daudet n'eut pas l'effet escompé, et Stéphen Liégeard fut élu au premier tour. Réélu en mai 1869, il siègera au total trois ans au Corps législatif, jusqu'en 1870, où la défaite de Sedan et la destitution de Napoléon III (« le crime du 4 septembre ») sonneront la fin de son activité de député et de sa carrière politique.
Une de ses premières interventions à la Chambre fut de défendre le projet du Maréchal Niel de réorganisation de l'Armée. Inquiet après la défaite autrichienne à Sadowa (1866), il pensait qu'il fallait fortifier la France face à la puissance prussienne montante. Mais le Maréchal Niel et Stéphen Liégeard ne furent pas suivis par la Chambre qui adopta un texte très édulcoré.
Stéphen Liégeard fut un député consciencieux, dévoué et dynamique. Il fut à la fois très proche de ses concitoyens et présent dans de nombreux débats. Entre autres il obtint l'augmentation du traitement des facteurs ruraux, proposa des mesures pour tempérer les effets du libre échange, et ainsi aider les maîtres de forge lorrains, et surtout bourguignons, plaida pour l'augmentation du traitement des instituteurs. Sa dernière intervention fut pour soutenir un projet d'expédition scientifique au Pôle Nord, dont la défaite de 1870 empêcha la réalisation.
Après sa réélection en mai 1869, il avait signé l'Interpellation des 116, et ainsi s'était rallié au Tiers-parti d'Emile Ollivier, qui poussait à l'Empire libéral. C'est pourquoi il intervint en faveur de la loi pour la révision de la législation sur la presse et en faveur de la réforme électorale. Il fit campagne pour le oui au plébiscite de mai 1870, qui obtint la majorité. Mais la chute était proche...
Mathilde Liégeard ->
Comme nous l'avons évoqué plus haut, après Sedan et la déchéance de Napoléon III en septembre 1870,même s'il eut quelques velléités de reprendre le harnais, il renonça de fait à briguer un mandat électif et resta fidèle au bonapartisme et à la famille impériale.
Dès lors un champ immense et varié d'activités s'ouvrit à lui. Installé au village de Brochon, il agrandit la propriété dont son grand'père et son père avaient commencé l'acquisition, en achetant en 1879 un terrain jadis objet d'une donation aux moines de la Chartreuse de Champmol par Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Les moines y avaient édifié un vaste bâtiment d'exploitation, dans lequel il s'installa en 1882. De 1884 à 1924 il fut conseiller municipal à Brochon et fit bénéficier le village de sa générosité. Il accepta la présidence de la Fanfare. En 1895 commença, sur une autre parcelle de le propriété (le Crais-Billon), la construction d'un châreau de style neo-renaissance, où il se plut à recevoir ses amis. Après l'achèvement du château, il fit démolir la maison des Chartreux, et dessiner un parc à l'anglaise, travail confié à Eugène Bühler, créateur du parc de la Tête d'Or à Lyon.
Sensible aux charmes de la vie mondaine, il avait un appartement à Paris, 21, rue de Marignan ; sa femme Mathilde avait hérité de son père une maison à Cannes, en bordure de mer, la Villa des Violettes, où le couple pouvait passer la mauvaise saison.
Il avait toujours porté beaucoup d'attention aux problèmes relatifs à l'éducation et à l'enseignement technique (il fut l'ami de Victor Duruy, ancien ministre de l'Instruction publique) : il continua à s'y intéresser, participant aux distributions des prix d'établissements scolaires, et y prononçant le discours rituel.
Souvent sollicité, il accepta de présider de nombreuses sociétés. Toutefois la présidence de la Société d'encouragement au Bien, qu'il accepta en 1897, succédant au républicain Jules Simon, eut pour lui la plus grande importance. C'était un pas vers la réconciliation avec la République, l'application de sa devise inscrite dans un oculus de la prestigieuse salle d'entrée du Château : « Il est beau d'être grand, être bon est meilleur ». Il s'acquitta donc de sa tâche très consciencieusement et avec beaucoup d'enthousiasme et de rigueur.
Il fut aussi, à la mort de son beau-père, président du Conseil d'administration des Forges de Gorcy en Lorraine.
Mais ce qui fut le plus cher à son coeur c'est le temps dont il disposait pour se consacrer à la littérature, à son oeuvre poétique comme à ses ouvrages en prose. Son oeuvre, commencée dans les années 50 (Les Abeilles d'Or, Chants impériaux,1859, Le Verger d'Isaure, 1870), prend de l'ampleur après le désastre de 1870. Parmi les oeuvres poétiques on trouve Les Grands Coeurs (1882), Rêves et Combats (1892), Brins de Laurier (1909), Rimes Vengeresses (1915). A côté de poèmes lyriques (Stéphen Liégeard se voulait disciple de Lamartine), on rencontre des poèmes d'une autre inspiration : le poète exalte l'amour de la patrie et se fait chantre de la revanche, avec vigueur, avec passion, et souvent avec virulence.
Ses oeuvres en prose exposent sa vision ou son action politique (Le Crime du 4 septembre, 1871 ; Trois ans à la Chambre, 1873), ou comportent des articles de critique littéraire (Au Caprice de la Plume, 1884 ; Pages françaises, 1902). Dans La Côte d'Azur, 1888, Stéphen Liégeard chante son amour et son admiration pour cette Riviéra française qu'il connaissait si bien et qu'il aimait tant. Le titre de son ouvrage, issu de la Côte d'Or, est aujourd'hui passé dans l'usage courant, mais l'auteur en est sans doute bien oublié !
Deux livres de Stéphen Liégeard furent couronnés par l'Académie Française : Les Grands Coeurs et La Côte d'Azur. Cela, ainsi que les louanges de ses amis, incita Stéphen Liégeard à postuler un fauteuil à cette prestigieuse institution. Il fit plusieurs tentatives auxquelles il renonça. Quand par trois fois il alla au terme de sa candidature, il fut battu par des personnalités d'importance : Pierre Loti (1891), Edmond Rostand (1901) et Mgr Duchesne (1910).Il avait obtenu respectivement 6, 7 et 6 voix au premier tour, ce qui est très honorable.
Les bouteilles de Chambertin Clos de Bèze qu'il envoyait aux « Immortels à l'occasion des élections furent-elles responsables de ses échecs ? Ces derniers voulaient-ils que se prolongeât l'envoi de ce vin délicieux que l'un d'entre eux nomma « le vin du refus » ?
Elu maire de Brochon en 1924, doyen des maires de France à 95 ans et fier de l'être, honoré par la République (Officier de la Légion d'Honneur, puis
Stéphen Liégeard, membre depuis 1891 de l'Académie de Dijon, est plusieurs fois candidat à l'Académie française, notamment en 1891, où Pierre Loti est élu, et en 1901, où Edmond Rostand l’emporte. Léon Daudet aurait dit, avec humour, qu'il fut victime du Chambertin : en élisant le prétendant, les académiciens n'auraient plus reçu les bouteilles que Stéphen Liégeard offrait avant chaque élection !
Stéphen Liégeard est à la fois un personnage au train de vie fastueux et un homme bon et généreux. Sa devise en témoigne : Il est beau d'être grand, être bon est meilleur. Il se fait le mécène de nombreuses associations et institutions ; il préside la Société Nationale d'Encouragement au Bien de 1897 à 1921. Son fils, Gaston, peut aisément faire ses voyages d'aventure et en ramener des reportages photographiques. Stéphen Liégeard est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1866, officier en 1905 et commandeur en 1920 ; il reçoit de nombreuses autres décorations.
Il s'éteint à plus de quatre-vingt-quinze ans, le 29 décembre 1925 à Cannes, et est inhumé à Dijon. Son nom a été donné à une rue située en face de sa maison natale à Dijon, à des avenues de Cannes, Hyères et Nice, à un IUFM de Nice situé avenue Stéphen-Liégeard, et au lycée de Brochon. L'avenue Stéphen-Liégeard de Cannes longe la villa des Violettes, où Stéphen Liegeard fit de nombreux séjours.
Activité littéraire
n 1852, à vingt-deux ans, Stéphen Liégeard édite son premier recueil, Souvenirs de quelques soirées d'été, dans lequel il mêle poésie et courtes pièces de théâtre. En 1859, il publie des vers en l'honneur de Napoléon III : Les Abeilles d'or Chants impériaux. L'Académie des Jeux floraux de Toulouse le nomme maître ès-jeux en 1866 et couronne ses œuvres à plusieurs reprises.
Entre 1866 et 1872, il fait de fréquents séjours à Bagnères-de-Luchon, dans les Pyrénées, dont il décrit la société animée dans des pages brillantes parues en 1874 : Vingt journées d'un touriste au pays de Luchon. Au début des années 1870, il livre un témoignage de sa vie politique : la chute du Second Empire, avec Le crime du 4 septembre, publié en 1871 ; son mandat de député, avec Trois ans à la chambre, paru en 1873. Il continue la poésie ; l'ouvrage Les Grands cœurs, pour lequel les critiques ont été unanimement élogieux, est couronné par l'Académie française en 1894.
En 1887, il écrit à Brochon son ouvrage le plus célèbre, La Côte d’azur, publié à Paris en 1887. Dans ce livre, il décrit, de Marseille à Gênes, les villes et les sites "de cette plage baignée de rayons qui mérite notre baptême de Côte d’Azur". Stéphen Liégeard fait imprimer en 1894 une nouvelle édition de La Côte d'Azur, plus longue, dans l’avant-propos de laquelle il remarque que « Le dictionnaire s’est augmenté d’un mot. »
Stéphen Liégeard est aussi l'auteur de discours, de préfaces et de poèmes isolés.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54015178.r=.langFR
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5438699g.r=.langFR
histoire du domaine Stéphen-Liégeard
Le château Stéphen-Liégeard est situé dans un parc d'une superficie de cinq hectares environ. Il ne fallut pas moins de trois générations de Liégeard - 75 ans - pour que ce parc prît sa figure actuelle.
Le fief de Crais-Billon.
Le Crais-Billon, ou Crays-Billon, terrain à sous-sol crayeux (défriché, planté ou possédé par un nommé Billon, selon l'hypothèse avancée par Gaston Liégeard et qui rejoint celle qui attribue à un certain Bertin le défrichement du champ fameux) était un petit fief avec moyenne et basse justice.
En 1681 son propriétaire le partage en deux, et vend la moitié sud à Claude Jacquinot, conseiller-maître à la chambre des comptes. Celui-ci la revend à Isaac Turrel, trésorier de France en Bourgogne. A partir de 1717 plusieurs propriétaires se succèdent. Le dernier, Claude Devoyo, conseiller au Parlement de Bourgogne, émigre pendant la Révolution, et le domaine est déclaré Bien national.
Il est acheté en 1804 par Etienne Liégeard, grand'père de Stéphen, et le dernier d'une longue lignée d'orfèvres installés à Dijon.
Ouvrons une parenthèse. Qu'arrive-t-il à la moitié nord du fief ? Elle est vendue en 1686 à Melchior Jolyot, maître-clerc en chef de la Cour des comptes et commis-greffier d'icelle. "Voici donc ce modeste scribe qui, selon l'expression pittoresque de M. Rossignol, n'était qu'un porte-plume dans l'encrier de la Cour, promu au grade de Châtelain. Prenant pour modèle M. Jourdain, il se hâta d'ajouter à son nom celui de son demi-fief et devint Monsieur de Crébillon", écrit en substance Gaston Liégeard, le fils de Stéphen. Prosper Jolyot, fils de Melchior, hérite du terrain, mais, perclus de dettes et impuissant à les payer, il voit le domaine saisi en 1717. Après la saisie, cette propriété connaît, comme la moitié sud, plusieurs propriétaires successifs, et en 1843 elle est achetée par Jean-Baptiste Liégeard, père de Stéphen.
Les deux parties du fief, scindé depuis 1681, se trouvent réunies, mais la partie nord restera toujours en dehors du parc de Brochon. Objet d'une donation par René de Saint Quentin, petit-fils de Stéphen, elle fait partie aujourd'hui du domaine de la Croix Violette.
Autour du fief de Crais-Billon.
Le fils d'Etienne, Jean-Baptiste (1800-1887), avocat, acquiert, de 1832 à 1865, par héritage, achats, échange - 32 années de patience, de procédures, voire de querelles de voisinage - toute la partie occidentale du parc (Clos des fosses, Meix des Fosses, rue Mienne, sur la rue Mienne, à la Cras).
Une anecdote : en 1855 le rectangle formé par les acquisitions de Jean-Baptiste était entaché d'une toute petite enclave (une ouvrée) que son propriétaire qui "entretenait à l'égard de son voisin Liégeard des sentiments peu cordiaux" s'obstinait à ne pas vendre. C'était "une épine enfoncée dans le flanc de son ennemi", d'après Gaston Liégeard. Mais Jean-Baptiste Liégeard sut trouver le chemin pour résoudre l'affaire. Connaissant bien son monde rural, il offrit trois ouvrées pour une, et l'affaire fut conclue !
Ces agrandissements s'accompagnent de divers remaniements ; entre autres, sur l'emplacement de la rue Mienne, construction d'un mur de soutènement et d'une terrasse (1844), adjonction d'un pavillon de briques à la maison Turrel (1873), édification d'une rocaille. Toutes choses encore visibles aujourd'hui.
Le domaine des Chartreux.
C'est Stéphen Liégeard, fils unique de Jean-Baptiste, qui donna au domaine sa forme définitive. Il acheta en 1879 au neveu et filleul de Mme Henriette Darcy, femme du célèbre hydraulicien, morte en 1875, les deux parcelles du Crais-devant et du Crais-derrier, situées au sud et à l'est de la propriété, et qui en doublaient la surface.
Ces parcelles ont une longue histoire. Elles faisaient partie d'une donation (1387) du Duc de Bourgogne Philippe le Hardi aux moines de la Chartreuse de Champmol qu'il avait fondée quelques années auparavant. Il voulait ainsi assurer aux moines des moyens honorables de subsistance. Il leur étaient accordés "les dismes des vins" et l'exercice de "toute justice haulte moyenne et basse (c'est à dire droit de vie et de mort) attaché à ces terres, partie d'une seigneurie ancienne.
On y avait construit "une haulte maison de muraille de pierre et à cranaulx". A date ancienne sans doute les Chartreux la transformèrent ou la reconstruisirent. Ils avaient besoin de vastes bâtiments d'exploitation et d'un lieu de repos pour les religieux malades. Les bâtiments remaniés par les moines subsistaient à l'époque où Stéphen Liégeard en fit l'acquisition. C'était un ensemble imposant : deux corps de logis disposés en équerre, avec étage, chambres à coucher, cave, cuverie, remises, magasins, chapelle. Stéphen Liégeard l'occupa de 1882 à 1898. Notons que Mme Henriette Darcy avait déjà transformé ce domaine d'exploitation viticole en propriété d'agrément avec un jardin anglais et une grande pelouse..Quant aux bâtiments, ils furent détruits sur ordre de Stéphen Liégeard après la construction du Château.
La constitution du domaine de Brochon est donc le fruit d'une fascinante continuité de désirs,de préoccupations, de pensées et de pratiques. Au-delà de la volonté de faire fructifier leur fortune par l'accroissement de leurs propriétés foncières, il y a chez ces trois hommes un véritable goût pour les choses de la terre. Jean-Baptiste Liégeard fut président de la Société d'Horticulture de la Côte d'Or, et Stéphen, tant comme sous-préfet que comme député, fut un connaisseur reconnu des problèmes agricoles.