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Alain Fournier

 

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"J'ai l'intention d'écrire "sur mon visage" quelque chose de central et de très beau. Ce sera plus simple et plus doux qu'une main de femme, la nuit, qui suit avec grand'pitié la ligne douloureuse de la figure humaine. Et cependant ceux qui le liront s'étonneront d'une odeur de pourriture et de scandale. Pour décrire les différents visages de mon âme, il faudra que Celle qui parle de mon visage, ose imaginer les masques de mon agonie à venir, il lui faudra penser à ce hoquet sanglant qui marque enfin la délivrance et le départ de l'âme : alors seulement seront évoqués les étranges paradis perdus dont je suis l'habitant".
(Correspondance Jacques Rivière-Alain-Fournier, 18 juin 1909).

 

Alain est souvent associé au Grand Maulnes,mais savez vous que son véritable nom est Henri Alban Fournier.Ce n'est qu'en décembre 1907 décide de prendre ce demi-pseudonyme littéraire en faisant paraître dans la grande Revue un article intitulé "le corps de la femme" pour se différencier d'un célèbre coureur automobile de l'époque.

 L'enfance et l'adolescence (1886-1904)

 

bon-papa Barthe

Bon papa Barthe

maman Barthe maman Barthe (dessin Alain Fournier)

 

Henri Fournier  donc est né le 3 octobre 1886 à la Chapelle-d'Angillon,’où était originaire sa mère : Albanie Barthe (Millie dans le roman). situé au nord du département du Cher, dans la petite maison de ses grands-parents maternels,Il porte en deuxième prénom, à la suite de sa mère, un nom qui rappelle l'origine de son grand-père, né à Alban en Albigeois. Dernier descendant de la famille des Marquis de Pujol de Saint-André de la Tapie, Matthieu Barthe, "ancien berger, ancien soldat, ancien gendarme" raconte Isabelle, a conservé son accent du midi et sa bonhommie du sud. Veuf, et beaucoup plus âgé qu'elle, il a épousé Adeline Blondeau, "la plus jolie fille du pays", berrichonne née à Sury es Bois à quelques kilomètres de La Chapelle d'une famille de paysans. Ils n'eurent qu'une fille, Albanie, la mère d'Henri.. l'enfant issu d'un milieu d'instituteurs,coule des jours heureux en Berry. Après cinq années passées à Marçais, près de Saint-Amand-Monrond, 

En 1891, son père Augustin Fournier est nommé directeur de l’école dÉpineuil-le-Fleuriel (Sainte-Agathe dans le roman) : « Une longue maison rouge avec cinq portes vitrées, sous des vignes vierges, à l’extrémité du bourg ; une cour immense avec préau et buanderie qui ouvrait en avant sur le village par un grand portail ; (…) Ma mère que nous appelions Millie et qui était bien la ménagère la plus méthodique que je n’ai jamais connue, était entrée aussitôt dans les pièces remplies de paille poussiéreuse et tout de suite, elle avait constaté avec désespoir comme à chaque déplacement que nos meubles ne tiendraient jamais dans une maison si mal construite. Quant à moi, coiffé d’un grand chapeau de paille à ruban, j’étais resté là, sur le gravier de cette cour étrangère à attendre et à fureter petitement autour du puits et sous le hangar. »

Augustin Fournier, père d'Henri, est, quant à lui, né à Nançay, village de Sologne situé à une vingtaine de kilomètres de La Chapelle. Aîné de six enfants, Augustin, qu'on appelle Auguste, est instituteur et c'est au cours de son premier poste au Gué de la Pierre, hameau voisin de La Chapelle, qu'il rencontre sa future femme Albanie, elle aussi institutrice. La mère d'Augustin s'appelle Charpentier de son nom de jeune fille et c'est le nom que choisira Henri pour les grands-parents de François Seurel dans Le Grand Meaulnes, même si le modèle en est ses grands-parents Barthe.             

 

Albanie Barthe Résultat de recherche d'images pour "alain fournier"Augustin Fournier

 

Trois ans après la naissance d'Henri, naît sa soeur Isabelle. Souffrant d'une malformation de la hanche (elle avait eu les hanches déboitées à la naissance), elle restera très handicapée toute sa vie, et ce, malgré plusieurs opérations douloureuses subies alors qu'elle n'était pas encore adolescente. François Seurel, dans Le Grand Meaulnes, est dit souffrir de coxalgie, une maladie des hanches, caractère très certainement inspiré par la situation physique de sa soeur. Les deux enfants sont en effet très proches l'un de l'autre depuis leur plus tendre enfance : "je puis bien dire que pendant mon enfance entière, et jusqu'au jour même où Jacques surgit à son côté, il fut le seul être présent pour moi au monde", dit Isabelle dans Les Images d'Alain-Fournier. Elle épousera son meilleur ami, Jacques Rivière, en 1910 et restera toute la vie d'Alain-Fournier sa plus grande confidente. Elle consacra le reste de sa propre vie à la mise en valeur de l'oeuvre de son frère, malgré les nombreuses critiques et oppositions auxquelles elle dut faire face.

Henri bébé

A la naissance d'Henri, les Fournier sont nommés à Marçais dans le sud du département puis cinq ans plus tard à Epineuil le Fleuriel.
Le village et la maison d'Epineuil serviront de décor et de cadre à la majeure partie de l'histoire du Grand Meaulnes. A l'entrée de l'école, 
"une longue maison rouge aux cinq portes vitrées", il est écrit aujourd'hui: "C'est dans cette école où Alain-Fournier fut élève de 1891 à 1898 que naquit le personnage d'Augustin Meaulnes". Monsieur Lullier, qui fut instituteur depuis les années soixante dans cette école, avait consacré tout son temps libre à repérer les lieux décrits dans le roman, à retrouver les habitants du village encore vivants.Henri et sa soeur firent leurs études primaires dans cette école, dans la classe de leur père.

Henri et Isabelle Fournier écoliers à Epineuil

 

 

photo de l'école d'Epineuil par alain-fournier photo de l'arrière de l'école d'Epineuil par alain-fournier jardin de l'école d'epineuil

Cour de l'Ecole d'Epineuil
Photo prise par Alain-Fournier depuis le grenier

arrière de l'Ecole d'Epineuil

Jardin de l'Ecole d'Epineuil
Photo prise par Alain-Fournier de sa mère et de sa soeur

 

 

 

lycée Voltaire 1898

 

Le jeune Henri y sera son élève jusqu'en 1898, avant d'entrer en sixième, comme pensionnaire au lycée Voltaire à Paris,  

Le 3 octobre 1898, Henri, qui a douze ans, entre au lycée Voltaire à Paris pour y faire sa classe de sixième. "Il s'arrachait au doux jardin lumineux de notre enfance", dit Isabelle dans Les Images.Henri au lycée Voltaire

Durant ces deux premières années à Paris, Henri est pensionnaire chez Mme Bijard, une ancienne ajointe de Mr Fournier à Epineuil et qui dirige un pensionnat de jeunes filles. "Mornes matinées des dimanches matins au fond de la cour du 196 rue de la Roquette" (1903), "Paris que j'ai commencé par haïr d'une haine de paysan" (1905), écrira-t-il plus tard avant de partir à la découverte des trésors de Paris. Il est tout de même choyé par Mme Bijard et il collectionne tous les premiers prix. En 1901, Mme Bijard ayant quitté ses cours, Henri est pensionnaire à Voltaire où il restera jusqu'à la fin de la quatrième. Se sentant isolé, il rêve de devenir marin, influencé par les histoires d'aventures de son père.

 Au terme de cette quatrième, Henri quitte alors le lycée Voltaire. A son arrivée à Brest, son avance est telle qu'il tente de passer directement de la quatrième à la seconde marine. Il prépare l'Ecole Navale et son admission au Borda, navire école. Mais la vie y est bien plus dure qu'à Voltaire et à cause de l'éloignement, il ne peut rentrer chez ses parents que pour les vacances de Pâques. Brest le marquera néanmoins et Le Grand Meaulnes doit à cette période d'être rempli d'images et d'allusions marines, alors même que Frantz de Galais est supposé aspirant de marine.

 

Au premier trimestre de la rentrée 1902, Henri obtient du lycée de passer un baccalauréat anticipé qu'il réussit. A Noël, il rentre chez ses parents à La Chapelle d'Angillon et leur annonce qu'il ne retournera plus à Brest. Il va terminer ses études à Paris. Il entre début janvier au lycée Henri IV comme pensionnaire pour y faire sa philo puis à la fin du mois, quitte Paris pour Bourges où il entre comme pensionnaire au lycée qui porte aujourd'hui son nom. Il écrit:  "quand je dis lycée, je pense à Bourges où les draps étaient aussi puants que les plus puants de la caserne" (24 juin 1906).

 Mais il est plus proche de sa famille, ses parents ayant demandé leur nomination à La Chapelle d'Angillon pour se rapprocher de Maman Barthe qui vient de perdre son mari.

lycée Alain-Fournier à Bourges

C'est à Bourges qu'Henri situera le personnage de Valentine dans Le Grand Meaulnes et au jardin de l'archevêché, les rendez-vous de la petite couturière avec Frantz. Et la mairie-école de La Chapelle d'Angillon, logement de fonction de ses parents, est décrite comme la maison d'Augustin Meaulnes.

jardin de l'archevêché à Bourges

 

 

?mairie-école de La Chapelle

Jardins de l'archevêché à Bourges

Mairie-Ecole de La Chapelle d'Angillon

 

Au troisième trimestre 1903, Henri réussit de justesse son baccalauréat de philosophie.

 Le Lycée Lakanal est le lycée parisien qui accueille beaucoup de jeunes hommes de province dont les dossiers scolaires leurs permettent de prétendre à passer le Concours. Jacques Rivière qui vient de Bordeaux, est dans la classe d'Henri. Ils ne s'entendent pas du tout. Mais un jour à l'occasion de la lecture par leur professeur d'un poème d'Henri de Régnier, "Tel qu'en songe..." ils perçoivent "cette voix comme à l'avance dirigée vers notre coeur que tout à coup Henri de Régnier nous fit entendre". (...) Nous fûmes bouleversés d'un enthousiasme si pareil que notre amitié en fut brusquement portée à son comble" (Jacques Rivière, Miracles).

Jacques restera à Lakanal jusqu'à la fin de l'année scolaire 1904-1905 et échouera au concours. Henri y demeurera un an de plus. Il ne se présente pas en 1905 ne se jugeant pas prêt. Il ne sera pas plus chanceux l'année suivante même s'il réussit l'écrit.

Après leur rencontre si forte, plus que le programme de l'Ecole, c'est l'art et la littérature qui les intéressent et qui les poussent chaque dimanche à courir dans Paris à tous les concerts, toutes les expositions et à fouiller les libraires et les revendeurs des quais pour y trouver des livres. Lorsqu'ils seront séparés après le retour de Jacques à Bordeaux en 1906, ils échangeront une immense correspondance qui est un monument pour la connaissance de leur temps et qui permet de suivre pas à pas leur évolution en tant qu'écrivains. 

 

Jacques Rivière adolescent

 

 

Photo prise par Alain-Fournier en 1902

Depuis le grenier de l'Ecole d'Epineuil.

Au centre : Madame Fournier, Isabelle et la bonne

lycée de Brest 1902

En 1901,Henri a un rêve:  devenir marin; il entre alors en seconde au lycée de Brest pour préparer l'Ecole Navale et ainsi concrétiser son rêve. Mais au bout d'un an Il renonce,et en janvier 1903, il passe son baccalauréat au lycée de Bourges.

Neuf mois plus tard,au mois d'Octobre de la même année Henri Fournier va préparer l'Ecole normale supérieure au lycée Lakanal à Sceaux. C'est là qu'il rencontre Jacques Rivière, jeune bourgeois bordelais qui deviendra bientôt son meilleur ami.

A partir de 1905,les deux amis échangeront jusqu'en 1914 une importante et passionnante correspondance.Par la suite,  en 1909 Jacques deviendra, son beau-frère en lorsqu'il épousera Isabelle Fournier, de trois ans plus jeune que son frère.


 

 

Cette photo d’Alain-Fournier, sans doute l'une des plus connues,

a été prise en septembre 1905 à la Chapelle d'Angillon.

Alain-Fournier a alors près de 19 ans.

 


 

 La rencontre et les premiers écrits (1905-1909)

 1er juin 1905, jour de l'Ascension, Henri Fournier, étudiant  alors au lycée Lakanal, vient  visiter le « Salon de la Nationale » au Grand Palais. En descendant l'escalier de pierre, son regard croise celui d'une jeune fille blonde, élégante, élancée, une vieille dame appuyée à son bras.

L'aventure qu'il débute avec elle sera transposée dans celle d'Augustin Meaulnes avec Valentine dans Le Grand Meaulnes. Il rencontre Jeanne Bruneau avec sa soeur à la mi-février "sur le quai" à Paris, un samedi après-midi et il invite les deux soeurs au théâtre. Le roman donne la date du 13 février (le 12 en réalité). La pièce à laquelle ils assistent au théâtre Sarah Bernard est La Dame aux Camélias, jouée par Sarah Bernard elle-même. C'est le début d'une liaison de deux ans, traversée de brouilles et de réconciliations jusqu'à la rupture définitive à la fin de 1912. Isabelle l'évoque rapidement dans Les Images, la correspondance entre André Lhote et Alain-Fournier rend compte de ces disputes violentes. En effet, du 22 au 28 juin 1910, Henri rend visite au ménage Lhote à Orgeville à la Villa Médicis libre où André et Marguerite sont admis par le mécène Bonjean. Henri vient accompagné de "Valentine". Il gardera de ces quelques jours passés à Orgeville un souvenir mêlé d'amertume qu'il transposera dans le chapitre écarté du Grand Meaulnes, publié en 1924 par Jacques dans Miracles, sous le titre "La dispute et la nuit dans la cellule". Il en restera dans le roman l'épisode épuré qu'il rapporte au chapitre Le Secret de la troisième partie, qui est le récit d'une rupture.

Le 28 septembre 1910, Henri écrit sa première lettre à Charles Péguy. Une grande amitié naît alors entre les deux écrivains qui se confient mutuellement leurs peines et leurs travaux. Péguy lui envoie un billet, alors qu'il vient de lire dans La NRF de septembre 1911, sa nouvelle intitulée Portrait : "Vous irez loin Fournier, vous vous souviendrez que c'est moi qui vous l'ai dit".

Il décide de  la suivre jusqu’au Cours-la-Reine, puis sur un bateau où elle s'embarque ; il la suit à distance jusqu'à sa maison du boulevard Saint-Germain. Plus tard Fournier reviendra  plusieurs fois sous ses fenêtres les jours suivants. Pourtant un soir,sa patience sera récompenser, il aperçevra enfin le visage de la jeune fille, derrière la vitre .

Le lendemain matin, dimanche de la Pentecôte, il revient vêtu de son uniforme de collégien, la jeune fille sort de cette maison, couverte d’un grand manteau marron.

Sur le chemin du tramway, Fournier décide de l'accoster et murmure : « Vous êtes belle ». La belle hâte le pas, mais le jeune collègien n'abondonne pas et monte derrière elle jusqu'à l'église Saint-Germain-des-Prés. A la sortie de la messe, il ose enfin l'aborder à nouveau et c'est « la grande, belle, étrange et mystérieuse conversation » entre ces deux jeunes êtres qui, jusqu'au pont des Invalides vont laisser vivre leur rêve ; elle lui demande son nom, ’il lui répond. Elle hésite une seconde  puis « le regardant bien droit, pleine de noblesse et de confiance elle dit fièrement : Mon nom ? je suis mademoiselle Yvonne de Quiévrecourt. »

Mais elle répète : « A quoi bon ? à quoi bon ? », frémissante comme une hirondelle qui déjà tremble du désir de reprendre son vol ; elle lui défend de la suivre. Il la regarde s’en aller ; elle se retourne vers lui qu'elle vient de quitter et, une dernière fois, elle le regarde longuement.

Cette rencontre, dont il a noté  les moindres détails, les jours suivants, va déterminer la vie entière du futur écrivain. Il la transposera presque littéralement dans Le Grand Meaulnes. Pendant huit longues années, l’auteur s'efforcera de raconter son histoire en l'associant à ses plus chers souvenirs d'enfance.

Le 2 juillet 1905, Henri part pour l'Angleterre où il a trouvé à s'engager pour la durée des vacances comme secrétaire de la manufacture de papiers peints Sanderson and Son à Chiswick, dans la banlieue ouest de Londres. Il loge chez le secrétaire de l'usine, Mr Nightingale. Il est embauché pour traduire des lettres commerciales.

Mais pendant ses soirées et ses congés, il écrit des vers (le poème "A travers les étés", puis "Chant de route", édités dans Miracles) ainsi que des lettres très longues à Jacques et à ses parents, sans parler des cartes postales. Il se promène aussi dans les parks et visite les musées de Londres où il découvre les Préraphaélites tout à fait ignorés en France à l'époque et se prend d'une grande passion pour cette peinture. Un tableau le frappe particulièrement : La Beata Beatrix de Dante Gabriele Rossetti qu'il assimile au visage de la jeune fille du Cours la Reine.

En mai 1906, le jour anniversaire de leur rencontre, Alain-Fournier guette vainement la jeune fille et confie tristement le soir même à Jacques Rivière : « Elle n'est pas venue. D'ailleurs fut-elle venue, qu'elle n'aurait pas été la même ». Cette année-là, il échouera au concours d'entrée à l'Ecole Normale.


 

Photo : Yvonne de Quiévrecourt en 1908
 

En juillet 1907, au terme d'une ultime année préparatoire au lycée Louis-Le-Grand, il échoue de nouveau à l'Ecole Normale. Le lendemain, il apprend qu'Yvonne de Quiévrecourt est mariée depuis près d’un an. Il va passer une quinzaine de jours de vacances à Cenon dans la famille de son ami Jacques, qu’il reçoit ensuite chez ses parents à La Chapelle d’Angillon."A présent, le suis seul avec la dure vie basse. Tu ne savais pas ce que c'était. C'était comme une âme éternellement avec moi. Avec son amour, je méprisais tout, et j'aimais tout. Il y avait sa hauteur et mon amour, sa grâce et ma force. Nous étions seuls au milieu du monde. Il me semblait hier que, sans elle, rien que traverser la cour aride de la maison me faisait mal. Elle n'était plus là. Je suis seul", écrit-il à Jacques.

A partir d’octobre 1907 et jusqu’en septembre 1909, Fournier fait son service militaire, d’abord à Vincennes puis à Paris : après le peloton d'élève-officier à Laval, il est nommé sous-lieutenant à Mirande (Gers). Toujours hanté par le souvenir d'Yvonne, il écrit quelques poèmes, contes et nouvelles qui seront publiés après sa mort par jacques et Isabelle Rivière sous le titre Miracles.

En février 1908, Isabelle, sa soeur et Jacques, son meilleur ami, se fiancent. Malgré l'échec de Jacques à l'agrégation de Philosophie, malgré l'opposition du père de Jacques, les parents Fournier décident que "leurs enfants" se marieront et qu'ils commenceront à habiter avec eux. Lorsque la date du mariage est fixée au 24 août, Henri demande une permission du dimanche 22 au vendredi 27 août 1909. Le mariage a lieu à Paris, en l'église Saint-Germain des Prés, le 24 août.

Il commence pour la première fois le 9 mai. Il s'agit d'une production alimentaire et Fournier ne la considère pas "comme quelque chose d'écrit par moi". Il réussira néanmoins à se faire remarquer par ce billet quotidien, tant à cause de sa pertinence que par le tour doucement ironique et souvent même caustique et toujours très indépendant qu'il sait lui donner.

Le 2 octobre, il avait cependant commencé son service militaire au 23ème Régiment de Dragons, cantonné à Vincennes. Isabelle raconte: "Quelques mots écrits à la hâte laissent entrevoir une détresse morale que l'on n'attendait que trop, mais aussi un écrasement physique qu'il n'avait pas un instant prévu, espérant au contraire de ces deux ans de vie dure et saine - croyait-il ! - comme un allègement, une sorte de restauration de l'âme épuisée de tristesse". Avec maman Barthe, elle lui rend visite : "il nous regarde avec une espèce de stupéfaction, comme s'il n'arrivait pas à se rappeler qui nous sommes". Il ne supporte pas la rigueur de cette vie de cavaliers et obtient alors, grâce à des appuis, d'être versé dans l'infanterie. Il passe dans le 104ème Régiment d'Infanterie, à Latour-Maubourg.
Très vite, il est inscrit comme élève-officier de réserve et fera son stage à Laval du 15 octobre 1908 

 

 

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 Genèse d‘un roman (1910 -1913)

 

Promu sous-lieutenant, Henri est affecté en avril 1909 au 88ème Régiment d'Infanterie, cantonné à Mirande dans le Gers. Il y passe les six derniers mois de sa vie militaire et y reviendra trois fois : deux fois pour une période militaire de vingt-huit jours en 1911 et en 1913, enfin, pour y rejoindre son corps à la mobilisation de 1914. Dès le début de sa vie de fantassin, Henri connaît les longues marches et les manoeuvres épuisantes, tout au long de l'année 1908, puis en 1909, jusqu'en septembre où il est libéré. Ses itinéraires sont jalonnés de précieuses cartes p

Après son service militaire,comme la plupart des soldats Alain-Fournier cherche un emploi, il trouve en avril 1910 un poste de rédacteur à Paris-Journal. Il rencontre Jeanne Bruneau, une jeune modiste, originaire de Bourges. Il se donne d’abord tout entier à elle, mais elle ne le comprend pas.

Le 19 octobre 1910, il écrit à Jacques et sa sœur : « C'est fini ». Ils se reverront pourtant et la rupture définitive ne se produira qu'au mois d'avril 1912. Alain-Fournier confiera dans sa correspondance : « J'ai fait tout cela pour me prouver à moi-même que je n'avais pas trouvé l'amour. »

A partir de 1910, Alain-Fournier, installé rue Cassini, se met pour de bon à l'écriture du Grand Meaulnes.Deux ans plus tard en 1912, il quitte la rédaction de Paris-Journal, devient secrétaire de Claude Casimir-Perier avant d'entamer avec la femme de ce dernier, la célèbre actrice « Madame Simone », de son vrai nom Pauline Benda, une liaison passionnée.

1912, Péguy s'entremet même auprès de Claude Casimir-Perier qui cherche un secrétaire pour l'aider à finir son livre, alors qu'Henri a perdu son travail à Paris-Journal à cause du changement de directeur.
Henri sera marqué par cette influence, par cet esprit proche du sien. C'est Péguy qui l'aidera, comme dit Jacques, "à saisir son rêve par les ailes pour l'obliger à cette terre et le faire circuler parmi nous". De son côté, Fournier écrit : "je dis, sachant ce que je dis, qu'il n'y a pas eu sans doute depuis Dostoievski, un homme qui soit aussi clairement "Homme de Dieu" (Correspondance Jacques Rivière- Alain-Fournier).

Le Ier juillet 1911, Alain-Fournier écrit à Marguerite Audoux, l'auteur de Marie-Claire avec laquelle il a lié une amitié profonde depuis déjà une année. Le livre de l'ancienne bergère - qui a eu le prix Femina en 1910 -  a fait date pour lui, et c'est là qu'il comprend qu'on puisse "écrire des contes qui ne soient pas des poèmes". "Tel est l'art de Marguerite Audoux : l'âme dans son livre est un personnage toujours présent mais qui demande le silence. Ce n'est plus l'âme de la poésie symboliste, princesse mystérieuse, savante et métaphysicienne. Mais, simplement, voici sur la route deux paysans qui parlent en marchant: leurs gestes sont rares et jamais ils ne disent un mot de trop; parfois, au contraire, la parole que l'on attendait n'est pas dite et c'est à la faveur d'un silence imprévu, plein d'émotion, que l'âme parle et se révèle". (Alain-Fournier, Chroniques et critiques)
C'est avec son admiration pour Péguy, l'un des éléments décisifs qui ont contribué à lui faire trouver son "chemin de Damas", en septembre 1910. Depuis cette époque, les relations d'Alain-Fournier avec les deux écrivains seront de plus en plus amicales. Il écrit donc pour raconter à Marguerite Audoux la visite qu'il a faite aux lieux décrits par elle dans Marie-Claire : le village de Sainte-Montaine et la ferme des Berrué située en pleine Sologne non loin de La Chapelle d'Angillon. Longue description accompagnée d'un dessin au crayon. Berrichon comme elle, Henri se plaît dans ce pays de Marie-Claire. Il envoie la même carte postale de l'église de Sainte-Montaine à Léon-Paul Fargue, le protecteur de Marguerite Audoux, à son père et à Jacques.
L'échange de lettres avec Marguerite Audoux se poursuivra jusqu'à la guerre. En 1913, Fournier racontera à cette correspondante privilégiée ses retrouvailles avec Yvonne de Quiévrecourt à Rochefort, mais la priera ensuite de détruire ses lettres avant son départ pour le front, ce qui sera fait, malheureusement.

En effet, en décembre 1912, le frère de Jacques, Marc Rivière, qui fait ses études de médecine navale à Rochefort, apprend à Henri qu'il a rencontré dans cette ville la famille de Quiévrecourt et qu'il joue au tennis avec la soeur d'Yvonne. Le 11 avril 1913, il écrit à Henri pour lui conseiller de passer à Rochefort en revenant d'une période militaire à Mirande. Il lui promet de le présenter.
Henri s'y rend le 2 mai et rencontre effectivement Jeanne de Quiévrecourt, la soeur d'Yvonne. Celle-ci, qui réside à Rochefort avec son père, haut responsable dans la Marine Nationale, sa mère et son jeune frère, se propose d'avertir sa soeur qui, elle, habite à Toulon, du passage de Fournier et de son souhait de la revoir. Quelques mois plus tard - selon toute probabilité du 1er au 4 août 1913, un faisceau d'éléments convergents nous permettant aujourd'hui de retenir ces dates - Fournier, appelé par Marc, retourne à Rochefort.
Pendant quatre jours, il revoit la jeune femme, cause longuement, amicalement avec elle. Yvonne est mariée et mère de deux enfants qu'Henri fait sauter sur ses genoux. Le dernier jour, il lui fait lire la lettre qu'il avait écrite dix mois auparavant. La jeune femme très troublée, lui rend la lettre sans rien dire. Il ne nous en reste que le brouillon. C'est Henri lui-même qui a noté ces événements dans un petit carnet noir conservé pieusement après sa mort. Malheureusement, aucune lettre ni aucun document ne précisent exactement la date de ce deuxième voyage. Après avoir quitté Rochefort, Henri ne reverra jamais la jeune femme mais il lui écrira encore des lettres dont plusieurs ne seront pas envoyées. Lorsque paraît Le Grand Meaulnes, Fournier le lui envoie à Toulon, dédicacé. Le mari d'Yvonne lira plus tard le roman à ses deux enfants et leur révèlera que leur mère en est l'héroïne.

Ce qu'ignore Yvonne de Quiévrecourt lors de la rencontre de Rochefort, c'est que la vie sentimentale de son admirateur est depuis plus d'un mois fortement bouleversée. Fournier, qui a été engagé comme secrétaire de Claude Casimir-Perier, a partagé la vie du couple jusqu'à en devenir peu à peu l'intime. Simone, sensible à son charme qui la change de l'atmosphère artificielle dans laquelle elle vit, en fait progressivement son compagnon et son homme de confiance. Simone rend ainsi compte de la parfaite courtoisie du "secrétaire" et dès la première rencontre affirme : "j'ai tout de suite vu que j'avais affaire à un gentilhomme". L'actrice adulée joue les pièces à la mode et y invite Henri dans sa loge. Cela devient une habitude. Elle l'emmène également dans sa propriété de Trie la Ville où il lui apporte le manuscrit du Grand Meaulnes achevé et le lui fait lire. Simone souhaite connaître sa famille. A la première visite, sa mère Albanie est éblouie et séduite. Le 29 mai 1913, lors de la première du Sacre du Printemps qui est un fameux charivari, Simone l'emmène chez elle à la sortie de la pièce qu'elle a joué ce soir-là, Le Secret, et le garde jusqu'à l'aube. Chaste nuit encore cependant. Le 8 juin, le jeune homme se découvre enfin et adresse à celle qui occupe ses pensées une longue déclaration d'amour : "Sachez que je vous aime, belle jeune femme... La nuit du Sacre, en rentrant, j'ai vu qu'une chose était finie dans ma vie et qu'une autre commençait, une chose admirable, plus belle que tout, mais terrible et peut-être mortelle". Le 18 juin, il devient l'amant de Simone.

Pendant l’été de 1913, huit ans après la rencontre du Grand Palais, Alain-Fournier revoit une dernière fois à Rochefort Yvonne Brochet, désormais mère de deux enfants. Après lui avoir remis une lettre écrite un an plus tôt, il la quitte pour toujours et revient vers Simone.

Le Grand Meaulnes est achevé au début de l'année 1913. La publication du roman est alors l'occasion d'un grave différend entre Jacques et Henri. Depuis six mois, Henri Massis avait retenu le roman pour sa revue L'Opinion et l'ouvrage devait tout normalement être édité en volume aux éditions de La Nouvelle Revue Française.
Simone, la maîtresse d'Alain-Fournier, va bouleverser ce plan et s'entremettre auprès d'Emile-Paul. Le 21 avril, elle écrit à Henri : "Emile-Paul ne veut éditer qu'un très petit nombre d'auteurs et votre roman l'intéresserait dans la mesure où vous seriez candidat - candidat désigné - au Prix Goncourt. Cela vous va-t-il ? Si oui, laissez faire". Et Fournier laisse faire. En compensation, Fournier dont le manuscrit a finalement été refusé par L'Opinion, le donnera à paraître en revue dans La NRF (de juillet à novembre 1913), mais le volume sera édité chez Emile-Paul.

Le Président du Jury, Lucien Descaves, qui en est le grand défenseur, se heurte à une farouche opposition sans doute aggravée par la campagne menée par Simone. Après onze tours de scrutin qui n'arrivent pas à dégager une majorité, l'académie Goncourt se rabat finalement sur Marc Elder pour Le Peuple de la mer. Henri avait écrit à Jacques quelques mois plus tôt : "je ne demande ni prix, ni argent, mais je voudrais que Le Grand Meaulnes fût lu" (Correspondance Rivière-Fournier, le 2 mai 1913). 
La presse fut unanime à stigmatiser le choix du jury Goncourt et "la question des Prix littéraires" fut un sujet de débat en cette fin d'année 1913.


Rivière qui est secrétaire à La NRF et qui travaille beaucoup avec Gaston Gallimard à la promotion du comptoir d'édition de la revue, prend très mal ces manoeuvres et il lui écrit une lettre si violente que Fournier la déchirera. Toutefois ce différend ne ternira pas longtemps l'amitié entre les deux beaux-frères, mais dès ce moment, la vie de Fournier est tournée ailleurs. Il commence à écrire un nouveau roman : Colombe Blanchet, et, sous l'influence de Simone, esquisse une pièce de théâtre : La Maison dans la forêt. Aucun des deux ouvrages ne sera achevé. La presse est cependant très élogieuse.

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 La guerre, la mort (1914)

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Au début de 1914, Alain-Fournier ébauche une pièce de théâtre, La Maison dans la forêt, il commence  alors un nouveau roman, Colombe Blanchet, qui restera inachevé.Mobilisé dès la déclaration de guerre, le 1er août 1914, Alain Fournier, alors en vacances à Cambo-les-Bains avec Simone, rejoint Mirande, puis le front de Lorraine comme lieutenant d'infanterie, le 23 août ; il participe à trois batailles très meurtrières autour de Verdun. Fin septembre, il est porté disparu, au cours d’un combat dans le bois de Saint-Remy, sur la crête des Hauts-de-Meuse. On saura plus tard qu’il a été tué ainsi que son capitaine et plusieurs autres hommes de son régiment, dans l’après-midi du 22 septembre. Il n'avait pas encore vingt-huit ans.

départ d'Alain-Fournier à la guerre sur le quai de la gare

Le 1er août 1914, Henri est mobilisé comme Jacques. Il écrit à sa soeur : "je pars content". Jacques est dans le même corps d'armée que lui  le 17ème. Il se rend à Marmande pour rejoindre son unité tandis qu'Henri part en auto de Cambo où il était avec Simone, pour Mirande. Ils y parviennent le 2 août à minuit. Henri est promu lieutenant. Le 9 août, le 288ème R.I. part à pied pour Auch d'où le régiment s'embarque en train le 12 août à 9 heures du soir. Le 24 août, Jacques est fait prisonnier et Isabelle n'aura plus de nouvelles de lui pendant trois mois.
Le 1er septembre, le 288ème entre dans la bataille. Péguy est tué le 7 septembre 1914 à Villeroy. Pendant ce temps, Isabelle s'installe à Bordeaux dans la famille de Jacques où Simone, suivie d'Albanie Fournier la rejoint, espérant agir auprès du gouvernement et spécialement d'Aristide Briand, pour faire retirer Henri du front, sans résultat, naturellement. Le 11 septembre, Henri écrit sa dernière carte à Isabelle, carte qu'elle recevra le 21 seulement.
Le 22 septembre, Henri est tué sur les Hauts de Meuse. Son corps ne sera retrouvé que soixante-dix-sept ans plus tard dans la fosse commune où l'avaient enterré les Allemands avec vingt de ses compagnons d'arme. Le 10 novembre 1992, tous ont été ré-inhumés dans une tombe individuelle dans le cimetière militaire du secteur de Saint-Rémy la Calonne. Une poignée de terre d'Epineuil a été déposée sur sa tombe
 

Photo : Le Lieutenant Fournier en 1913 aux manoeuvres de Caylus

Ses restes n’ont été découverts qu’en mai 1991 dans une fosse commune où les Allemands l'avaient enterré avec vingt de ses compagnons d'armes. Identifié six mois plus tard, son corps est maintenant inhumé avec ceux de ses compagnons d’armes dans le cimetière militaire de Saint-Remy-la-Calonne (Meuse).

 

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Oeuvre choisie

 

Alain Fournier

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Quelques oeuvres

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Oeuvre choisie

 

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Le Grand Maulnes

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 1913

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Résumé

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Un roman d’aventure, un roman d’amitié :

« Meaulnes, pour la première fois, regardait en plein jour l'intérieur de la propriété. Les vestiges d'un mur séparaient le jardin délabré de la cour, où l'on avait, depuis peu, versé du sable et passé le râteau. À l'extrémité des dépendances qu'il habitait, c'étaient des écuries bâties dans un amusant désordre, qui multipliait les recoins garnis d'arbrisseaux fous et de vigne vierge. Jusque sur le domaine déferlaient des bois de sapins qui le cachaient à tout le pays plat, sauf vers l'est, où l'on apercevait des collines bleues couvertes de rochers et de sapins encore. »

Le Grand Meaulnes, Première partie, chapitre XV : La Rencontre

 

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« Une longue maison rouge avec cinq portes vitrées, sous des vignes vierges, à l'extrémité du bourg (...) cette demeure où s’écoulèrent les plus tourmentés et les plus chers de ma vie – demeure d’où partirent et où revinrent se briser, comme des vagues sur un rocher désert, nos aventures. »

Le Grand Meaulnes, Première partie, chapitre I . Le Pensionnaire

 

Le texte qui suit est extrait du résumé que Jacques Rivière a proposé à ses auditeurs, dans la conférence qu’il a prononcée à Genève en 1918 sur Le Grand Meaulnes. 

PREMIERE PARTIE

Arrivée du Grand Meaulnes

François, quinze ans, narrateur du récit, est le fils de M. et Mme Seurel, instituteurs de Sainte-Agathe, en Sologne. Il fréquente le Cours Supérieur qui prépare au brevet d’instituteur. Un mois après la rentrée, un nouveau compagnon de dix-sept ans vient habiter chez eux. "L’arrivée d’Augustin Meaulnes fut pour moi le commencement d’une vie nouvelle" écrit François. La personnalité mystérieuse d'Augustin , que les élèves appellent bientôt "le grand Meaulnes", va troubler le rythme monotone de l'établissement scolaire et fasciner tous les élèves.

Le départ de Meaulnes

"Environ huit jours avant Noël", un élève doit aller chercher les grands-parents de François Seurel à la gare. M. Seurel désigne l'élève Moucheboeuf. Meaulnes se tait. Une conversation, après l'école, dans l'atelier du maréchal-ferrant le laisse songeur. Le lendemain, on s'aperçoit qu'il a disparu. Il a emprunté la voiture et la jument du père Florentin. Le soir, un homme ramène la carriole de Florentin, mais aucune trace de Meaulnes. Il réapparaît après trois jours, l’air étrange et ne veut dire à personne où il était. Sitôt rentré, il établit un mystérieux petit plan pour retrouver le chemin qu’il a emprunté lors de son escapade. Durant les semaines qui suivent, François est intrigué par l'attitude de Meaulnes qui, la nuit, "arpentait la chambre de long en large", comme s'il voulait repartir. Il remarque aussi le "gilet de marquis" que porte son ami sous ses vêtements d'écolier.

Meaulnes raconte son étrange aventure

François obtient enfin que Meaulnes lui fasse le récit de son étrange aventure :

Parti chercher les grands-parents de François à Vierzon, il se perd en chemin. Il trouve asile chez des paysans qui proposent à Meaulnes de mettre sa jument à l’abri. Mais la jument s’enfuit. Il part à sa recherche mais en vain. Fourbu et blessé au genou, il passe la nuit dans une bergerie abandonnée. Au matin, il se remet en marche et approche d'un " domaine mystérieux ", où l'on prépare une fête. Il aperçoit de jolies fillettes en costumes anciens. Pour ne pas les effrayer, il se réfugie dans une chambre abandonnée et ne tarde pas à s’endormir. A son réveil il surprend la conversation d'étranges comédiens qui l'invitent à la fête costumée. Meaulnes se déguise en marquis. Des enfants le conduisent dans une grande salle où un repas de fête a été organisé pour les fiançailles de Frantz de Galais, le fils du château. Il apprend que Frantz est parti à Bourges pour y chercher sa fiancée, mais qu'ils ne sont pas encore arrivés. Meaulnes participe à une farandole conduite par un grand Pierrot "à travers les couloirs du Domaine". Il découvre une pièce paisible, où une jeune femme joue du piano pour des enfants. " Alors ce fut un rêve, comme son rêve de jadis. Il put imaginer longuement qu'il était dans sa propre maison, marié, un beau soir, et que cet être charmant et inconnu qui jouait du piano, près de lui, était sa femme…"

 

Au petit matin, a lieu la merveilleuse rencontre : près de l'étang, Meaulnes aperçoit deux femmes, " l'une très vieille et courbée; l'autre, une jeune fille blonde, élancée". Il les suit jusque dans une promenade en bateau. En débarquant, il échange avec la jeune fille quelques mots. Elle lui dit son nom : " je suis mademoiselle Yvonne de Galais" mais lui demande de ne plus le suivre. Au retour de la promenade, la fête s'arrête prématurément. Frantz est arrivé seul et annonce à Meaulnes que sa fiancée ne viendra pas. Il s'enfuit, laissant ces quelques mots " Ma fiancée a disparu, me faisant dire qu'elle ne pouvait pas être ma femme... Je n'ai plus envie de vivre". Tandis qu’une voiture ramène Augustin à Sainte-Agathe, il entend un coup de feu et aperçoit le " grand Pierrot de la fête " qui porte dans ses bras un corps humain.

DEUXIEME PARTIE

Le Bohémien

François et Augustin essayent de localiser le château, mais n'y parviennent pas. Un soir du mois de février, intrigués par des cris et des coups de sifflet, ils sortent dans la rue mais tombent dans une embuscade. Un jeune bohémien au front bandé et des garçons du village leur dérobent alors la carte qu'ils ont commencé à reconstituer. Le lendemain, ce bohémien devient élève de l'école et s'impose bientôt comme un nouveau chef de bande. Le bohémien restitue à Meaulnes le précieux plan, complété par ses soins. François, Meaulnes et le "jeune homme au front bandé" se jurent amitié. " Soyez mes amis pour le jour où je serais encore à deux doigts de l'enfer comme une fois déjà… Jurez-moi que vous répondrez quand je vous appellerai …Vous Meaulnes, jurez d'abord ". Et les trois amis jurèrent. Le "jeune bohémien au front bandé" donne alors à Meaulnes l’adresse d’Yvonne à Paris.

 

Le départ vers Paris

Le bourg de Sainte-Agathe est troublé par une série de vols, commis probablement par le bohémien Ganache, le compagnon du "jeune homme au front bandé". Aux premiers jours du printemps, les deux saltimbanques donnent une représentation sur la place du village. A la fin de celle-ci, le jeune bohémien révèle à François et à Augustin sa véritable identité, en retirant son bandeau. Il s'agit de Frantz, "le fiancé du Domaine inconnu". Le lendemain matin, Frantz et Ganache disparaissent avant l’arrivée des gendarmes. Meaulnes perd ainsi le seul espoir qu'il avait de retrouver le sentier perdu.

Meaulnes part alors pour Paris, où il espère revoir Yvonne de Galais. François Seurel resté à Sainte-Agathe livre à ses camarades le secret de Meaulnes. Il reçoit trois lettres de son ami, dont l'une lui apprend qu’Yvonne s’est mariée.

 

TROISIEME PARTIE

Le domaine retrouvé

Plus d'un an après le départ de Meaulnes, François découvre, par hasard, l'adresse du "Domaine sans nom" : il s'agit du domaine des Sablonnières, un dédale de batiments ruinés" tout près du village du Vieux-Nançay, où François passe, chaque année, la fin de ses vacances chez son oncle Florentin : celui-ci lui apprend qu’Yvonne de Galais n’est pas mariée. François rencontre Yvonne et il comprend que la jeune fille n'a pas oublié Meaulnes. L'oncle Florentin décide d'organiser une "partie de plaisir" à laquelle sont conviés Augustin, François et la jeune fille. François rend visite à la tante Moinel avant d’annoncer la grande nouvelle à Augustin. Cette tante lui raconte une étrange histoire. Un soir d'hiver revenant d'une fête, elle a secouru puis hébergé une jeune fille. Puis celle-ci est partie à Paris. Trop préoccupé de réunir Meaulnes et Yvonne de Galais, François prête peu attention à ce récit.

A la "partie de plaisir" au bord du Cher, Augustin retrouve Yvonne. Mais malgré le bonheur de ces retrouvailles, il réalise que" le passé ne peut renaître". Durant cette journée de fête, il presse de questions Yvonne de Galais et apprend que l'ancien château a été abattu. Pour payer les dettes de Frantz, la famille a dû vendre les bateaux et les poneys de la fête. Meaulnes semble s'enfermer dans une nostalgie destructrice. A la fin de la journée, il reproche même à M. de Galais d'utiliser leur vieux cheval fatigué. Mais le soir venu, "c'est avec des sanglots qu'il demande en mariage Mlle de Galais".

Fuir le bonheur...

C'est "au commencement de février de l'année suivante " qu'est célébré le mariage d'Augustin Meaulnes et d'Yvonne de Galais dans " l'ancienne chapelle des Sablonnières". Le jour même des Noces, aux abords de la maison des jeunes mariés, "un appel "déjà entendu jadis" retentit "dans la grande sapinière". Il s'agit de Frantz, malheureux, de n'être pas parvenu à retrouver sa fiancée Valentine. Il vient rappeler à Meaulnes sa promesse. François essaye d'éloigner Frantz, mais Augustin Meaulnes a entendu l'appel de son ami et malgré son amour pour Yvonne, il décide de partir en quête de la fiancée disparue. Yvonne reste seule à la maison. François, nommé instituteur dans une école voisine, devient son confident et tente de la réconforter.

Au mois d'octobre Yvonne met au monde une petite fille. Mais elle meurt le lendemain d'une embolie sans avoir revu Augustin. François s'installe aux Sablonnières. Il découvre quelques mois plus tard, le journal de Meaulnes qui lui fournit des renseignements sur sa vie passée à Paris : en cherchant Yvonne, son ami a rencontré et séduit Valentine Blondeau. Lorsqu’il découvre que celle-ci n’est autre que la fiancée de Frantz, il éprouve le sentiment d'avoir trahi son ami en lui prenant celle qu'il aimait. Meaulnes chasse Valentine sans ménagement. Pris de remords, il a ensuite désiré la revoir, mais la belle s’était enfuie. Meaulnes, pour expier ce qu'il considérait comme sa faute, a quitté Yvonne et répondu à "l’appel de Frantz". C'est pourquoi il est parti dès le lendemain de ces noces en laissant dans son journal ces derniers mots " je ne reviendrai près d'Yvonne que si je puis ramener … Frantz et Valentine mariés".

Epilogue

Un an plus tard, Meaulnes ramène Frantz et Valentine mariés, prend sa fille et disparaît avec elle laissant François seul, qui termine ainsi son récit et le livre "Et déjà je l’imaginais, la nuit, enveloppant sa fille dans un manteau, et partant avec elle pour de nouvelles aventures".

 

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Analyse de l'Oeuvre

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Publié en 1913, « Le Grands Meaulnes » est l’œuvre la plus connue d’Alain-Fournier. Ecrit dans un style simple et direct, le roman raconte une histoire limpide en apparence. Pour autant, le livre se révèle riche en interprétations. On pourra l’analyser en s’intéressant à trois thèmes principaux : les lieux évoqués, le temps du roman et le rôle des personnages.

Géographie réelle et mythique

 

Tout comme « La Recherche du Temps Perdu » de Marcel Proust, dont le premier tome sera publié peu de temps après, « Le Grand Meaulnes » est un roman forgé par sa toponymie. Les noms de lieux, omniprésents, sont utilisés pour donner corps à un univers romanesque réel et labyrinthique, dans lequel le lecteur est vite absorbé. Alain-Fournier use des mêmes techniques que Proust en transposant les lieux de son enfance dans le cadre du roman.

L’intrigue prend place dans sa région natale, le Berry, et plus particulièrement le département du Cher. Au nord de ce dernier s’étend la forêt de la Sologne, paysage grandiose à la portée symbolique et imaginaire dans le roman. On songe à la forêt de Brocéliande, caractéristique des romans arthuriens, dont « Le Grand Meaulnes » peut être vu comme une transposition moderne.

Les lieux déterminent l’action du roman. Sainte-Agathe correspond au cadre scolaire et quotidien, le domaine des Sablonnières au « pays perdu », inconnu et mystérieux, lieu utopique où les règles n’existent pas. Le départ pour Paris marque l’éloignement spatial du héros, mais aussi l’éloignement symbolique par rapport à Yvonne. C’est finalement le retour en Sologne, là où le roman a commencé, qui permet l’accomplissement de la quête d’Augustin.

 

Saison et temporalité dans Le Grand Meaulnes

Le cadre spatio-temporel dans lequel se déroule l’action du livre est essentiel à sa bonne compréhension. L’écoulement du temps est marqué par la succession des saisons, les références au climat (dureté de l’hiver opposée à la douceur des journées d’automne et de printemps) entrant en résonance avec la chanson de geste, où ces précisions abondent. Les bouleversements de la nature entraînent l’évolution des personnages. Le froid symbolise le romanesque et le besoin d’aventure : c’est avec lui que se produit la disparition provisoire d’Augustin, qui arrive ainsi au « pays perdu ».

Racontée de manière simple par un narrateur unique, l’histoire du « Grand Meaulnes » est cependant soumise à une temporalité bien particulière. On suit le récit de façon linéaire, mais il est entrecoupé à plusieurs reprises par des procédés narratifs qui l’éclairent et l’enrichissent. C’est d’abord Augustin qui raconte son aventure à son ami François, puis les lettres que tous deux s’échangent, et enfin la découverte de son journal intime. Ces ellipses contribuent à renforcer le mystère autour du récit : le temps du roman s’écoule de manière inexorable, tout en étant hanté par des réminiscences du passé.

 

Les personnages moteurs de l’action

Les trois grandes parties du récit (si l’on excepte l’épilogue) sont centrées chacune sur un personnage : Augustin Meaulnes dans la première, Frantz de Galais dans la deuxième et François Seurel dans la dernière. Le récit progresse au fur et à mesure que le narrateur, François, avance dans sa vie. Celui-ci passe d’ami effacé du héros au début de l’histoire à son confident indispensable, puis à celui autour duquel se noue l’intrigue dans la dernière partie du texte. François devient autonome avec le départ d’Augustin pour Paris, l’éloignement géographique du héros marquant l’affirmation de son propre rôle.

Les personnages du roman existent par « couples ». Couples réels formés par Augustin et Yvonne, Frantz et Valentine puis Augustin et Valentine, mais aussi couples symboliques. On peut citer les deux amis du héros, Frantz et François, aux noms étrangement proches, les deux femmes disparues, Yvonne et Valentine, et les deux amoureux dont l’attitude s’oppose, Augustin qui espère retrouver sa belle et Frantz qui sombre dans l’abattement.

Aux triangles amoureux mouvants de l’histoire se superpose un système de vases communicants : quand l’un est heureux, l’autre est malheureux. Pour permettre le bonheur de Frantz, Augustin doit sacrifier le sien en abandonnant Yvonne, qui meurt en son absence. Ce n’est qu’en retournant au domaine des Sablonnières qu’Augustin peut retrouver sa fille et achever sa quête.

 

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Feuilleter

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Ecouter

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Illustration: Le Grand Meaulnes - alain-fournier
Lu par Christophe
Livre audio de 7h45min
Fichier Mp3 de 425 Mo

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1ère Partie

Chapitre 1
Le Pensionnaire.



Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189...

Je continue à dire "chez nous", bien que la maison ne nous appartienne plus. Nous avons quitté le pays depuis bientôt quinze ans et nous n'y reviendrons certainement jamais.

Nous habitions les bâtiments du Cour Supérieur de Sainte-Agathe. Mon père, que j'appelais M. Seurel, comme les autres élèves, y dirigeait à la fois le Cours supérieur, où l'on préparait le brevet d'instituteur, et le Cours moyen. Ma mère faisait la petite classe.

Une longue maison rouge, avec cinq portes vitrées, sous des vignes vierges, à l'extrémité du bourg ; une cour immense avec préaux et buanderie, qui ouvrait en avant sur le village par un grand portail ; sur le côté nord, la route où donnait une petite grille et qui menait vers La Gare, à trois kilomètres ; au sud et par derrière, des champs, des jardins et des prés qui rejoignaient les faubourgs... tel est le plan sommaire de cette demeure où s'écoulèrent les jours les plus tourmentés et les plus chers de ma vie ? demeure d'où partirent et où revinrent se briser, comme des vagues sur un rocher désert, nos aventures.

Le hasard des "changements", une décision d'inspecteur ou de préfet nous avaient conduits là. Vers la fin des vacances, il y a bien longtemps, une voiture de paysan, qui précédait notre ménage, nous avait déposés, ma mère et moi, devant la petite grille rouillée. Des gamins qui volaient des pêches dans le jardin s'étaient enfuis silencieusement par les trous de la haie... Ma mère, que nous appelions Millie, et qui était bien la ménagère la plus méthodique que j'aie jamais connue, était entrée aussitôt dans les pièces remplies de paille poussiéreuse, et tout de suite elle avait constaté avec désespoir, comma à chaque "déplacement", que nos meubles ne tiendraient jamais dans une maison si mal construite... Elle était sortie pour me confier sa détresse. Tout en me parlant, elle avait essuyé doucement avec son mouchoir ma figure d'enfant noircie par le voyage. Puis elle était rentrée faire le compte de toutes les ouvertures qu'il allait falloir condamner pour rendre le logement habitable... Quant à moi, coiffé d'un grand chapeau de paille à rubans, j'étais resté là, sur le gravier de cette cour étrangère, à attendre, à fureter petitement autour du puits et sous le hangar.

C'est ainsi, du moins, que j'imagine aujourd'hui notre arrivée. Car aussitôt que je veux retrouver le lointain souvenir de cette première soirée d'attente dans notre cour de Sainte-Agathe, déjà ce sont d'autres attentes que je me rappelle ; déjà, les deux mains appuyées aux barreaux du portail, je me vois épiant avec anxiété quelqu'un qui va descendre la grand'rue. Et si j'essaie d'imaginer la première nuit que je dus passer dans ma mansarde, au milieu des greniers du premier étage, déjà ce sont d'autres nuits que je me rappelle ; je ne suis plus seul dans cette chambre ; une grande ombre inquiète et amie passe le long des murs et se promène. Tout ce paysage paisible ? l'école, le champ du père Martin, avec ses trois noyers, le jardin dès quatre heures envahi chaque jour par des femmes en visite ? est à jamais, dans ma mémoire, agité, transformé par la présence de celui qui bouleversa toute notre adolescence et dont la fuite même ne nous a pas laissé de repos. Nous étions pourtant depuis dix ans dans ce pays lorsque Meaulnes arriva.

J'avais quinze ans. C'était un froid dimanche de novembre, le premier jour d'automne qui fît songer à l'hiver. Toute la journée, Millie avait attendu une voiture de La Gare qui devait lui apporter un chapeau pour la mauvaise saison. Le matin, elle avait manqué la messe ; et jusqu'au sermon, assis dans le choeur avec les autres enfants, j'avais regardé anxieusement du côté des cloches, pour la voir entrer avec son chapeau neuf.

Après midi, je dus partir seul à vêpres.

"D'ailleurs, me dit-elle, pour me consoler, en brossant de sa main mon costume d'enfant, même s'il était arrivé, ce chapeau, il aurait bien fallu sans doute, que je passe mon dimanche à le refaire".

Souvent nos dimanches d'hiver se passaient ainsi. Dès le matin, mon père s'en allait au loin, sur le bord de quelque étang couvert de brume, pêcher le brochet dans une barque ; et ma mère, retirée jusqu'à la nuit dans sa chambre obscure, rafistolait d'humbles toilettes. Elle s'enfermait ainsi de crainte qu'une dame de ses amies, aussi pauvre qu'elle mais aussi fière, vînt la surprendre. Et moi, les vêpres finies, j'attendais, en lisant dans la froide salle à manger, qu'elle ouvrît la porte pour me montrer comment ça lui allait.

Ce dimanche-là, quelque animation devant l'église me retint dehors après vêpres. Un baptême, sous le porche, avait attroupé des gamins. Sur la place, plusieurs hommes du bourg avaient revêtu leurs vareuses de pompiers ; et, les faisceaux formés, transis et battant la semelle, ils écoutaient Boujardon, le brigadier, s'embrouiller dans la théorie...

Le carillon du baptême s'arrêta soudain, comme une sonnerie de fête qui se serait trompée de jour et d'endroit ; Boujardon et ses hommes, l'arme en bandoulière emmenèrent la pompe au petit trot ; et je les vis disparaître au premier tournant, suivis de quatre gamins silencieux, écrasant de leurs grosses semelles les brindilles de la route givrée où je n'osais pas les suivre.

Dans le bourg, il n'y eut plus alors de vivant que le café Daniel, où j'entendais sourdement monter puis s'apaiser les discussions des buveurs. Et, frôlant le mur bas de la grande cour qui isolait notre maison du village, j'arrivai un peu anxieux de mon retard, à la petite grille.

Elle était entr'ouverte et je vis aussitôt qu'il se passait quelque chose d'insolite.

En effet, à la porte de la salle à manger ? la plus rapprochée des cinq portes vitrées qui donnaient sur la cour ? une femme aux cheveux gris, penchée, cherchait à voir au travers des rideaux. Elle était petite, coiffée d'une capote de velours noir à l'ancienne mode. Elle avait un visage maigre et fin, mais ravagé par l'inquiétude ; et je ne sais quelle appréhension, à sa vue, m'arrêta sur la première marche, devant la grille.

"Où est-il passé ? mon Dieu ! disait-elle à mi-voix. Il était avec moi tout à l'heure. Il a déjà fait le tour de la maison. Il s'est peut-être sauvé..."

Et, entre chaque phrase, elle frappait au carreau trois petits coups à peine perceptibles.

Personne ne venait ouvrir à la visiteuse inconnue. Millie, sans doute, avait reçu le chapeau de La Gare, et sans rien entendre, au fond de la chambre rouge, devant un lit semé de vieux rubans et de plumes défrisées, elle cousait, décousait, rebâtissait sa médiocre coiffure...

En effet, lorsque j'eus pénétré dans la salle à manger, immédiatement suivi de la visiteuse, ma mère apparut tenant à deux mains sur la tête des fils de laiton, des rubans et des plumes, qui n'étaient pas encore parfaitement équilibrés... Elle me sourit, de ses yeux bleus fatigués d'avoir travaillé à la chute du jour, et s'écria :

"Regarde ! Je t'attendais pour te montrer..."

Mais, apercevant cette femme assise dans le grand fauteuil, au fond de la salle, elle s'arrêta, déconcertée. Bien vite, elle enleva sa coiffure, et, durant toute la scène qui suivit, elle la tint contre sa poitrine, renversée comme un nid dans son bras droit replié.

La femme à la capote, qui gardait, entre ses genoux, un parapluie et un sac de cuir, avait commencé de s'expliquer, en balançant légèrement la tête et en faisant claquer sa langue comme une femme en visite. Elle avait repris tout son aplomb. Elle eut même, dès qu'elle parla de son fils, un air supérieur et mystérieux qui nous intrigua.

Ils étaient venus tous les deux, en voiture, de La Ferté-d'Angillon, à quatorze kilomètres de Sainte-Agathe. Veuve-et fort riche, à ce qu'elle nous fit comprendre-elle avait perdu le cadet de ses deux enfants, Antoine, qui était mort un soir au retour de l'école, pour s'être baigné avec son frère dans un étang malsain. Elle avait décidé de mettre l'aîné, Augustin, en pension chez nous pour qu'il pût suivre le Cours Supérieur.

Et aussitôt elle fit l'éloge de ce pensionnaire qu'elle nous amenait. Je ne reconnaissais plus la femme aux cheveux gris, que j'avais vue courbée devant la porte, une minute auparavant, avec cet air suppliant et hagard de poule qui aurait perdu l'oiseau sauvage de sa couvée.

Ce qu'elle contait de son fils avec admiration était fort surprenant : il aimait à lui faire plaisir, et parfois il suivait le bord de la rivière, jambes nues, pendant des kilomètres, pour lui rapporter des oeufs de poules d'eau, de canards sauvages, perdus dans les ajoncs... Il tendait aussi des nasses... L'autre nuit, il avait découvert dans le bois une faisane prise au collet...

Moi qui n'osais plus rentrer à la maison quand j'avais un accroc à ma blouse, je regardais Millie avec étonnement.

Mais ma mère n'écoutait plus. Elle fit même signe à la dame de se taire ; et, déposant avec précaution son "nid" sur la table, elle se leva silencieusement comme pour aller surprendre quelqu'un...

Au-dessus de nous, en effet, dans un réduit où s'entassaient les pièces d'artifice noircies du dernier Quatorze Juillet, un pas inconnu, assuré, allait et venait, ébranlant le plafond, traversait les immenses greniers ténébreux du premier étage, et se perdait enfin vers les chambres d'adjoints abandonnées où l'on mettait sécher le tilleul et mûrir les pommes.

"Déjà, tout à l'heure, j'avais entendu ce bruit dans les chambres du bas, dit Millie à mi-voix, et je croyais que c'était toi, François, qui étais rentré..."

Personne ne répondit. Nous étions debout tous les trois, le cœur battant, lorsque la porte des greniers qui donnait sur l'escalier de la cuisine s'ouvrit ; quelqu'un descendit les marches, traversa la cuisine, et se présenta dans l'entrée obscure de la salle à manger.

"C'est toi, Augustin ?" dit la dame.

C'était un grand garçon de dix-sept ans environ. Je ne vis d'abord de lui, dans la nuit tombante, que son chapeau de feutre paysan coiffé en arrière et sa blouse noire sanglée d'une ceinture comme en portent les écoliers. Je pus distinguer aussi qu'il souriait...

Il m'aperçut, et, avant que personne eût pu lui demander aucune explication :

"Viens-tu dans la cour ?" dit-il.

J'hésitai une seconde. Puis, comme Millie ne me retenait pas, je pris ma casquette et j'allai vers lui. Nous sortîmes par la porte de la cuisine et nous allâmes au préau, que l'obscurité envahissait déjà. A la lueur de la fin du jour, je regardais, en marchant, sa face anguleuse au nez droit, à la lèvre duvetée.

"Tiens, dit-il, j'ai trouvé ça dans ton grenier. Tu n'y avais donc jamais regardé ?"

Il tenait à la main une petite roue en bois noirci ; un cordon de fusées déchiquetées courait tout autour ; ç'avait dû être le soleil ou la lune au feu d'artifice du Quatorze Juillet.

"Il y en a deux qui ne sont pas parties : nous allons toujours les allumer", dit-il d'un ton tranquille et de l'air de quelqu'un qui espère bien trouver mieux par la suite.

Il jeta son chapeau par terre et je vis qu'il avait les cheveux complètement ras comme un paysan. Il me montra les deux fusées avec leurs bouts de mèche en papier que la flamme avait coupés, noircis, puis abandonnés. Il planta dans le sable le moyeu de la roue, tira de sa poche ? à mon grand étonnement, car cela nous était formellement interdit ? une boîte d'allumettes. Se baissant avec précaution, il mit le feu à la mèche. Puis, me prenant par la main, il m'entraîna vivement en arrière.

Un instant après, ma mère qui sortait sur le pas de la porte, avec la mère de Meaulnes, après avoir débattu et fixé le prix de pension, vit jaillir sous le préau, avec un bruit de soufflet, deux gerbes d'étoiles rouges et blanches ; et elle put m'apercevoir, l'espace d'une seconde, dressé dans la lueur magique, tenant par la main le grand gars nouveau venu et ne bronchant pas...

Cette fois encore, elle n'osa rien dire.

Et le soir, au dîner, il y eut, à la table de famille, un compagnon silencieux, qui mangeait, la tête basse, sans se soucier de nos trois regards fixés sur lui.



Chapitre 2
Après quatre heures.



Je n'avais guère été, jusqu'alors, courir dans les rues avec les gamins du bourg. Une coxalgie, dont j'ai souffert jusque vers cette année 189... m'avait rendu craintif et malheureux. Je me vois encore poursuivant les écoliers alertes dans les ruelles qui entouraient la maison, en sautillant misérablement sur une jambe...

Aussi ne me laissait-on guère sortir. Et je me rappelle que Millie, qui était très fière de moi, me ramena plus d'une fois à la maison, avec force taloches, pour m'avoir ainsi rencontré, sautant à cloche-pied, avec les garnements du village.

L'arrivée d'Augustin Meaulnes, qui coïncida avec ma guérison, fut le commencement d'une vie nouvelle.

Avant sa venue, lorsque le cours était fini, à quatre heures, une longue soirée de solitude commençait pour moi. Mon père transportait le feu du poêle de la classe dans la cheminée de notre salle à manger ; et peu à peu les derniers gamins attardés abandonnaient l'école refroidie où roulaient des tourbillons de fumée. Il y avait encore quelques jeux, des galopades dans la cour ; puis la nuit venait ; les deux élèves qui avaient balayé la classe cherchaient sous le hangar leurs capuchons et leurs pèlerines, et ils partaient bien vite, leur panier au bras, en laissant le grand portail ouvert...

Alors, tant qu'il y avait une lueur de jour, je restais au fond de la mairie, enfermé dans le cabinet des archives plein de mouches mortes, d'affiches battant au vent, et je lisais assis sur une vieille bascule, auprès d'une fenêtre qui donnait sur le jardin.

Lorsqu'il faisait noir, que les chiens de la ferme voisine commençaient à hurler et que le carreau de notre petite cuisine s'illuminait, je rentrais enfin. Ma mère avait commencé de préparer le repas. Je montais trois marches de l'escalier du grenier ; je m'asseyais sans rien dire et, la tête appuyée aux barreaux froids de la rampe, je la regardais allumer son feu dans l'étroite cuisine où vacillait la flamme d'une bougie.

Mais quelqu'un est venu qui m'a enlevé à tous ces plaisirs d'enfant paisible. Quelqu'un a soufflé la bougie qui éclairait pour moi le doux visage maternel penché sur le repas du soir. Quelqu'un a éteint la lampe autour de laquelle nous étions une famille heureuse, à la nuit, lorsque mon père avait accroché les volets de bois aux portes vitrées. Et celui-là, ce fut Augustin Meaulnes, que les autres élèves appelèrent bientôt le grand Meaulnes.

Dès qu'il fut pensionnaire chez nous, c'est-à-dire dès les premiers jours de décembre, l'école cessa d'être désertée le soir, après quatre heures. Malgré le froid de la porte battante, les cris des balayeurs et leurs seaux d'eau, il y avait toujours, après le cours, dans la classe, une vingtaine de grands élèves, tant de la campagne que du bourg, serrés autour de Meaulnes. Et c'étaient de longues discussions, des disputes interminables, au milieu desquelles je me glissais avec inquiétude et plaisir.

Meaulnes ne disait rien ; mais c'était pour lui qu'à chaque instant l'un des plus bavards s'avançait au milieu du groupe, et, prenant à témoin tour à tour chacun de ses compagnons, qui l'approuvaient bruyamment, racontait quelque longue histoire de maraude, que tous les autres suivaient, le bec ouvert, en riant silencieusement.

Assis sur un pupitre, en balançant les jambes, Meaulnes réfléchissait. Aux bons moments, il riait aussi, mais doucement, comme s'il eût réservé ses éclats de rire pour quelque meilleure histoire, connue de lui seul. Puis, à la nuit tombante, lorsque la lueur des carreaux de la classe n'éclairait plus le groupe confus de jeunes gens, Meaulnes se levait soudain et, traversant le cercle pressé :

"Allons, en route !" criait-il.

Alors tous le suivaient et l'on entendait leurs cris jusqu'à la nuit noire, dans le haut du bourg...

Il m'arrivait maintenant de les accompagner. Avec Meaulnes, j'allais à la porte des écuries des faubourgs, à l'heure où l'on trait les vaches... Nous entrions dans les boutiques, et, du fond de l'obscurité, entre deux craquements de son métier, le tisserand disait :

"Voilà les étudiants !"

Généralement, à l'heur du dîner, nous nous trouvions tout près du Cours, chez Desnoues, le charron, qui était aussi maréchal. Sa boutique était une ancienne auberge, avec de grandes portes à deux battants qu'on laissait ouvertes. De la rue on entendait grincer le soufflet de la forge et l'on apercevait à la lueur du brasier, dans ce lieu obscur et tintant, parfois des gens de campagne qui avaient arrêté leur voiture pour causer un instant, parfois un écolier comme nous, adossé à une porte, qui regardait sans rien dire.

Et c'est là que tout commença, environ huit jours avant Noël.

 

Alain Fournier et Epineuil la maison du grand Maulnes

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