Stephane Mallarmè

 

Ses premières années

D’une enfance assombrie par les deuils au certificat d’aptitude à l’enseignement de l’anglais

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Camille Delagrange, Portrait de Stéphane Mallarmé enfant, pastel, sans date© YVAN BOURHIS

Étienne Mallarmé, dit Stéphane, naît à Paris le 18 mars 1842 dans une famille de fonctionnaires. Il passe une enfance assombrie par la disparition de sa mère en 1847 et de sa sœur Maria en 1857.

Élève au lycée de Sens (Yonne), il écrit ses premiers essais poétiques à l’âge de 15 ans, influencé par Victor Hugo, Théophile Gautier, puis Charles Baudelaire.

Ayant appris l’anglais « simplement pour mieux lire [Edgar] Poe », il obtient son certificat d’aptitude à l’enseignement de cette langue et devient professeur en 1863. Il échappe ainsi à une carrière dans l’Enregistrement de biens fonciers à laquelle il était destiné.

Malgré tout, il ne connaît guère d’épanouissement dans son métier d’enseignant et trouve dans la poésie un moyen d’évasion.

Les années 1860

Les premiers écrits, l’affirmation d’un jeune poète

Constantin, Portrait de Mallarmé, photographie, 1861

Constantin, Portrait de Mallarmé, photographie, 1861© YVAN BOURHIS

Admirateur précoce de Charles Baudelaire et d’Edgar Allan Poe, Mallarmé publie ses premiers poèmes en 1862.

L’année suivante, il se marie avec Maria Gerhard, une jeune gouvernante allemande rencontrée à Sens.

Une succession de mutations l’amène à Tournon (Ardèche), où naît sa fille Geneviève en 1864, puis à Besançon et à Avignon. Pendant ses premières années d’enseignement en province, Mallarmé traverse une période d’intense création à laquelle succède une phase de doute aigu.

Entre 1863 et 1866, il rédige ses poèmes les plus connus : « Brise marine »« L'Azur »« Les Fleurs »« Hérodiade » (inachevé), une première version de « L’Après-midi d’un faune » Un choix de poèmes publiés dans Le Parnasse contemporain en 1866 l’amène à une première reconnaissance.

L'année 1866 marque un tournant pour Mallarmé : lors d'un séjour à Cannes chez son ami Eugène Lefébure, il entre dans une période de doute absolu qui dure plusieurs années. Nommé professeur à Besançon, il entame en novembre une correspondance avec Paul Verlaine.

En 1867, alors qu’il est en poste à Avignon, démarre la publication de ses poèmes en prose et il va plusieurs fois rendre visite à Frédéric Mistral à Maillane. Il commence en 1869 l'écriture d’Igitur, un conte poétique et philosophique laissé inachevé, qui marque la fin de sa période d'impuissance poétique débutée en 1866. En 1870, il se met en congé de l'instruction publique pour raisons de santé et se réjouit de l'instauration de la République en septembre. Son fils Anatole naît le  à Sens et, Mallarmé ayant été nommé à Paris au lycée Condorcet, la famille s'installe au 29, rue de Moscou.

 

Paris, 1871

L’aventure moderne

Paul Gauguin, Portrait de Stéphane Mallarmé, janvier 1891, eau-forte et pointe sèche (épreuve du premier tirage posthume)

Paul Gauguin, Portrait de Stéphane Mallarmé, janvier 1891, eau-forte et pointe sèche (épreuve du premier tirage posthume)© YVAN BOURHIS

En 1871, Mallarmé est enfin nommé à Paris et enseigne en particulier au Lycée Fontanes (devenu lycée Condorcet depuis).

L’année 1871 marque également la naissance de son second enfant, Anatole, qui décèdera en 1879 à l’âge de 8 ans. Le poète s’installe rue de Rome et se rapproche des milieux littéraires et artistiques de la capitale.

En 1873, il rencontre dans le salon de Nina de Villard le peintre Édouard Manet, qui devient son « meilleur ami ». L’artiste illustrera la traduction de Mallarmé du Corbeau de Poe, publié en 1875, et L’Après-midi d’un faune, publié en 1876. Cette proximité avec Manet lui permet de faire la connaissance des impressionnistes. Des liens amicaux se créent, avec Berthe Morisot et sa fille Julie Manet, dont Mallarmé devient tuteur à la mort de ses parents, mais aussi avec Edgar Degas, Auguste Renoir et Claude Monet.

 

En 1872, Mallarmé fait la connaissance d'un jeune poète, Arthur Rimbaud, qu’il fréquente brièvement, puis, en 1873, du peintre Édouard Manet, qu'il défend lorsque ses tableaux sont refusés au Salon de 1874.

C’est par Manet qu’il rencontre ensuite Zola. Mallarmé fait publier une revue, La Dernière mode, qui sort huit numéros et dont il est l'unique rédacteur sous divers pseudonymes, la plupart féminins. Nouveau refus des éditeurs en  de sa nouvelle version de L'Après-midi d'un faune, qui paraît néanmoins l'année suivante, illustrée par Édouard Manet, chez Alphonse Derenne. Il préface la réédition du Vathek de William Beckford. Dès 1877, des réunions hebdomadaires, devenues vite célèbres, se tiennent le mardi chez Mallarmé. Il fait la rencontre de Victor Hugo en 1878 et publie en 1879 un ouvrage sur la mythologie, Les Dieux antiques. Son fils Anatole meurt brutalement le .

À partir de 1874, Mallarmé, de santé fragile, effectue de fréquents séjours à Valvins près de Fontainebleau. Il loue pour lui et ses proches le premier étage d'une ancienne auberge au bord de la Seine. Il finit par l'acquérir et l'embellit de ses mains pour en faire son home. Là, les journées s'écoulent entre deux parties de pêche avec Nadar ou d'autres illustres hôtes, face à la forêt miroitant dans la Seine, et le poète alors de dire : « J'honore la rivière qui laisse s'engouffrer dans son eau des journées entières sans qu'on ait l'impression de les avoir perdues. »

C'est à cette époque que Mallarmé se met à la recherche d'un lieu de villégiature en région parisienne et découvre, non loin de Fontainebleau, une ancienne auberge de bateliers, qu'il commence à louer en août 1874. C'est le début d'une longue histoire : habitude est vite prise de séjourner tous les ans dans « la petite maison au bord de l'eau ».

Les années 1880

Une reconnaissance élargie

Paul Nadar, Portrait de Stéphane Mallarmé de trois-quart, sans date

Paul Nadar, Portrait de Stéphane Mallarmé de trois-quart, sans date© YVAN BOURHIS

Grâce à la notice que lui consacre Paul Verlaine dans Les Poètes maudits et surtout grâce à la parution d’À rebours de Joris-Karl Huysmans en 1884, Mallarmé gagne une nouvelle audience et une reconnaissance élargie. Le roman de Huysmans détaille longuement l’enchantement de Des Esseintes, personnage principal excentrique et esthète, pour les vers de Mallarmé.

Malgré son désir de se tenir à l’écart de toute école, le poète devient le représentant de la littérature décadente, puis du mouvement symboliste en plein développement. Le manifeste de Jean Moréas publié en 1886 définit cette poésie nouvelle, initiée par Charles Baudelaire, fondée sur le symbole et l’analogie. Mallarmé est alors considéré comme le Maître du symbolisme, puisque son entreprise poétique joue de la suggestion, et autorise par la superposition de différents sens, la recherche d’un langage poétique.

À partir de 1883, Mallarmé réunit à l’occasion des « mardis littéraires » organisés dans son appartement rue de Rome, l’élite intellectuelle et artistique de son temps. Il devient un nœud de la vie littéraire de l’époque. Sa renommée dépasse désormais les frontières de la France et le consacre dans les différents cénacles artistiques, au-delà des seuls poètes.

En 1884, Paul Verlaine fait paraître le troisième article des Poètes maudits consacré à Mallarmé ; cette même année, Joris-Karl Huysmans publie À rebours, dont le personnage principal, des Esseintes, voue une vive admiration aux poèmes de Mallarmé ; ces deux ouvrages contribuent à la notoriété du poète.

Stéphane Mallarmé est nommé professeur d'anglais au lycée Janson-de-Sailly inauguré cette année. En 1885, il évoque l'explication orphique de la Terre. Son premier poème sans ponctuation paraît en 1886, M'introduire dans ton histoire. La version définitive de L'Après-midi d'un faune est publiée en 1887. Un an plus tard paraît sa traduction des poèmes d'Edgar Allan Poe.

 

 

 

 

 

 

Les années 1890

Le rayonnement du Maître

James McNeill Whistler, Portrait de Stéphane Mallarmé, lithographie, 1892

James McNeill Whistler, Portrait de Stéphane Mallarmé, lithographie, 1892© YVAN BOURHIS

En 1891, sa santé se détériore à nouveau. Mallarmé obtient un congé puis une réduction d’horaire. Il fait la connaissance d’Oscar Wilde et de Paul Valéry au pont de Valvins (ce dernier faillit s'y noyer). Paul Valéry est un invité fréquent des Mardis mallarméens. En 1892, à la mort d'Eugène Manet, frère d'Édouard Manet, Mallarmé devient le tuteur de sa fille, Julie Manet, dont la mère est le peintre Berthe Morisot. C'est à cette époque que Claude Debussy débute la composition de sa pièce Prélude à l'après-midi d'un faune, présentée en 1894. Mallarmé obtient sa mise à la retraite en . L'année suivante, en 1894, il donne des conférences littéraires à Cambridge et Oxford. Deux années passent, le poète assiste aux obsèques de Paul Verlaine, décédé le , il lui succède comme prince des poètes.
 

En 1892 paraît Vers et Prose, recueil de ses principales poésies. Quatre ans plus tard, Mallarmé succède à Verlaine comme « Prince des poètes ». Sollicité de toutes parts, il collabore à de nombreuses revues.

La Revue Indépendante publie en 1887 l’édition photolithographiée de ses poésies et, en 1888, sa traduction de la causerie esthétique de Whistler, Ten O’Clock. Mallarmé a en effet sympathisé avec le peintre américain et ne cesse d’élargir le cadre de ses amitiés et de ses activités.

À Paris, la petite salle à manger où le poète reçoit à l’occasion des « mardis littéraires » ne désemplit pas. Les aînés ont disparu et ont cédé la place à une nouvelle génération (emmenée par Paul Valéry) qui vient silencieusement écouter Mallarmé parler littérature, musique, actualité…

Durant cette période, Mallarmé entre également en contact avec les nabis : Pierre Bonnard, Ker-Xavier Roussel, Maurice Denis et surtout Édouard Vuillard, dernier peintre remarqué par le poète. L’effervescence autour de Mallarmé est le reflet de cette fin de siècle. Elle témoigne de la vivacité et du dynamisme des milieux littéraires et artistiques, pour lesquels Mallarmé fait figure d’inspirateur jusqu’à sa mort et au-delà.

De 1893 à 1898

Les séjours prolongés à Valvins

Paul Nadar, Stéphane Mallarmé au châle, photographie, 1895

Paul Nadar, Stéphane Mallarmé au châle, photographie, 1895© YVAN BOURHIS

À partir de 1893, année où il prend sa retraite anticipée, Mallarmé séjourne de plus en plus régulièrement dans la petite maison de Valvins. Il y loue davantage de pièces, y fait d’importants travaux et s’y installe toute la belle saison, d’avril à octobre.

Le 9 septembre 1898, alors âgé de 56 ans, il y meurt d’une crise d'étouffement provoquée par un spasme du larynx. Il est ensuite enterré aux côtés de son fils Anatole au cimetière de Samoreau.

En 1898, il se range aux côtés d'Émile Zola qui publie dans le journal L'Aurore, le , son article « J'Accuse », en faveur du capitaine Alfred Dreyfus (voir l’Affaire Dreyfus). Le , Mallarmé est victime d'un spasme du larynx qui manque de l'étouffer. Le soir même, il recommande dans une lettre à son épouse et à sa fille de détruire ses papiers et ses notes, déclarant : « Il n'y a pas là d'héritage littéraire… » Le lendemain matin, victime du même malaise, il meurt dans les bras de son médecin, en présence de son épouse et de sa fille. Il est enterré auprès de son fils Anatole au cimetière de Samoreau, près de Valvins. Maria Mallarmé meurt en 1910.


Edgar Degas et la photographie

Edgar Degas, Mallarmé et Renoir, photographie
Edgar Degas, Mallarmé et Renoir, photographie, 1895©YVAN BOURHIS

De 1895 à 1896, Edgar Degas (1834-1917) se passionne pour la photographie et réalise notamment une série de portraits et d’autoportraits en intérieur et en lumière artificielle.

L’artiste fait poser ses modèles selon une idée très précise et cherche, à travers ce médium, de nouveaux effets de lumière et de clair-obscur.

Le reflet d’une amitié profonde entre les trois artistes

Sur cette photographie, Stéphane Mallarmé, debout, adossé au mur, regarde Auguste Renoir (1841-1919) assis devant un miroir. La tête inclinée vers le poète, le peintre fixe l’objectif.

Cette position permet aux deux artistes de rester immobiles pendant les longues minutes nécessaires à l’impression de la plaque photographique. Selon Paul Valéry, Degas a en effet infligé à ses modèles une pose de quinze minutes à la lumière de neuf lampes à pétrole ! Dans le miroir se reflètent Edgar Degas et son appareil photographique ainsi que Marie et Geneviève Mallarmé, l'épouse et la fille du poète, également photographiées par Degas le même jour.

L’échange des regards entre les trois artistes traduit leur amitié profonde. Renoir a d’ailleurs peint un portrait de Stéphane Mallarmé aujourd’hui conservé au musée du château de Versailles.

Bibliographie

  • Edgar Degas photographe, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 1999

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LA LANTERNE MAGIQUE DE GENEVIÈVE MALLARMÉ

Présentée dans la « chambre » de Geneviève, la fille de Mallarmé, cette lanterne magique, de marque Lapierre, a été fabriquée vers 1885. Le musée l’a reçue en don en 2003 avec 73 plaques de verres. Elle témoigne des loisirs de la famille Mallarmé et de la vogue des lanternes magiques au 19ème siècle.

Petite histoire de la lanterne magique

Lanterne magique de Geneviève Mallarmé
Lanterne magique de Geneviève Mallarmé, 1885©YVAN BOURHIS

Inventée par Christian Huygens au 17ème siècle, la lanterne magique permettait de projeter sur un mur blanc des images translucides peintes sur des plaques de verre - comme par magie, d'où son nom !

Le 19ème siècle marque l’industrialisation de la production des lanternes magiques. Tantôt réservées à un usage privé, tantôt exploitées en public dans les foires, elles deviennent aussi au 19ème siècle un jouet que l’on offre aux enfants et un outil pédagogique utilisé par les enseignants.

Les plaques de verre de Julie Manet

Julie Manet, L’aventure de Miss Voss, plaques de lanterne magique
Julie Manet, L’aventure de Miss Voss, plaques de lanterne magique, 1896, inv. 2003.3.2 à 4©MUSÉE MALLARMÉ

La plupart des plaques de verre des collections du musée représentent des contes de fées (Le Petit chaperon rougeLa Barbe bleue...), des fables enfantines, des scènes historiques et des caricatures.

Certaines d'entre elles ont été peintes par Julie Manet, la fille de Berthe Morisot. La jeune fille raconte dans son journal intime avoir peint trois plaques de verre d’après les mésaventures de miss Vos, une de ses amies. Celle-ci, lors d'un séjour à Valvins en août 1896, s’était égarée dans la forêt au cours d’une promenade. Surprise par l’orage, elle finit par tomber dans un trou d’où des soldats, tombés à leur tour, parvinrent non sans mal à la tirer. Julie projeta cette courte histoire le 17 septembre 1896 devant les Mallarmé, Miss Vos et quelques voisins !

 

 

LA PENDULE DE SAXE

A l’automne 1864, Mallarmé rapporte de Londres à sa femme Marie cette petite pendule en porcelaine de Saxe aux motifs floraux. Elle décore d’abord leur appartement de Tournon en Ardèche où Mallarmé occupe son premier poste comme professeur d’anglais. Éblouie par sa splendeur, Marie ne cesse de la contempler.

La place centrale de la salle à manger

Pendule en porcelaine de Saxe
Pendule en porcelaine de Saxe, 18ème siècle, inv. 985.21.1©YVAN BOURHIS

En 1896, Mallarmé effectue des travaux dans la salle à manger de Valvins et assigne à la pendule « la place suprême » du nouvel aménagement.

Mis en valeur, « ce délicieux bibelot dont l’unique place est là » est posé sur un socle en bois et trône au-dessus de la cheminée.

Une pendule poétique

Cette pendule inspire les poèmes « Frisson d’Hiver » de Mallarmé et « La Pendule de porcelaine » d’Henri de Régnier.

Cette pendule de Saxe, qui retarde et sonne treize heures parmi ses fleurs et ses dieux, à qui a-t-elle été ? Pense qu'elle est venue de Saxe par les longues diligences d'autrefois.

Stéphane Mallarmé, « Frisson d'hiver » (extrait), 1

 

LA « TABLE DES MARDIS »

Présente dans la salle à manger de la « petite maison au bord de l'eau », cette table ronde en bois de style Louis XVI se trouvait à l'origine dans la salle à manger de l'appartement parisien de Mallarmé. Elle a été apportée à Valvins après sa mort par sa fille Geneviève.

Une table d’une grande valeur symbolique

Table des « mardis littéraires »
Table des « mardis littéraires », inv. 985.1.©YVAN BOURHIS

C’est autour de cette table que se réunissaient, à partir de 1883, les « mardistes », ces hommes de lettres et ces artistes que Mallarmé avait pris l’habitude d’inviter chaque mardi soir chez lui. Parmi les plus célèbres figuraient Paul Claudel, Claude Debussy, André Gide, Oscar Wilde, Alfred Jarry, Paul Valéry et James Whistler.

Ces réunions ont joué un rôle essentiel dans la vie de Mallarmé. Le poète y voyait la possibilité d’échanger des idées avec ses confrères. Mallarmé traitait de tous les sujets du moment (littérature comme faits divers) et relatait aussi avec ses invités des « anecdotes exquises, spirituelles ou malicieuses », comme le rapporte Geneviève, la fille du poète, dans un témoignage de novembre 1916.

Le 1er mardi soir (après huit heures) qu'il vous sera loisible de vous égarer rue de Rome, montez donc fumer une cigarette et causer, au 89. J'y suis toujours pour quelques jeunes et vieux amis.

Le pot à tabac en porcelaine de Chine

Pot à tabac en porcelaine de Chine
Pot à tabac en porcelaine de Chine, inv. 985.28.1 et 2©YVAN BOURHIS

Placé au centre de la table, le pot en porcelaine de Chine dans lequel chaque convive puisait du tabac revêtait une place notable dans ces réunions.

Synonyme de convivialité, le tabac jouait en effet un rôle important dans la sociabilité de l’époque, comme en témoignent plusieurs poèmes de Mallarmé tels que « La Pipe » et « Toute l’âme résumée… ».

Hier, j’ai trouvé ma pipe en rêvant une longue soirée de travail (...) mais je ne m’attendais pas à la surprise que me préparait cette délaissée, à peine eus-je tiré une première bouffée (...) attendri, je respirai l’hiver dernier qui revenait.

Stéphane Mallarmé, « La Pipe » (extrait)

Bibliographie

  • Gordon Millan, Les « mardis » de Stéphane Mallarmé, Mythes et réalités, Saint-Genouph, librairie Nizet, 2008

 

LE « CABINET JAPONAIS »

Présenté dans la pièce du même nom, ce cabinet laqué de style japonais se trouvait à l'origine dans l’appartement parisien de Mallarmé. Il a été apporté à Valvins après la mort du poète. Il témoigne de la vogue du japonisme qui déferle sur l’Europe dans la seconde moitié du 19ème siècle. Mallarmé possédait d’ailleurs d’autres objets japonisants.

Un objet précieux à l’origine mystérieuse

Cabinet japonais
Cabinet japonais, inv. 985.50.1©MUSÉE MALLARMÉ

Incrusté de nacre, ce cabinet est d’une très belle exécution. Son origine reste mystérieuse.

Un démontage récent a permis de découvrir des tampons de La Havane laissant supposer qu’il a été monté à Cuba. Il est la preuve de l’ampleur du commerce du japonisme à cette époque.

Le grand personnage sur le côté est une figure d'occidental du même type que ceux peints sur les paravents japonais « namban » des 17ème et 18ème siècles : les artistes chinois et japonais représentaient en effet les Occidentaux avec de grands chapeaux ou des costumes de religieux.

Un meuble essentiel dans l’évocation de l’univers mallarméen

Cabinet japonais (détail)
Cabinet japonais (détail)©YVAN BOURHIS

C’est dans ce meuble aux multiples tiroirs, que le poète accumule de 1866 jusqu’à sa mort des notes pour son Grand Œuvre, le Livre, œuvre unique illustrant la pensée du poète. Ce Livre que Mallarmé voulait « architectural et prémédité », comme il l’explique dans sa lettre à Verlaine du 16 novembre 1885, n’a jamais vu le jour.

Mourant, le poète demande en effet à sa fille de détruire ces notes, soucieux de ne pas livrer à la postérité cette pensée encore inachevée.

Vous ne vous étonnerez pas que je pense au monceau demi-séculaire de mes notes, lequel ne vous deviendra qu’un grand embarras ; attendu que pas un feuillet n’en peut servir. (...) Brûlez, par conséquent : il n’y a pas là d’héritage littéraire.

Stéphane Mallarmé, « Recommandation quant à mes papiers », 8 septembre 1898

LE MIROIR AUX MONSTRES MARINS

De style italien, datant peut-être du 18ème siècle, ce miroir a probablement été acheté par Mallarmé à Tournon ou à Avignon dans la seconde moitié des années 1860. Fixé au-dessus de la cheminée de sa chambre, il montre l’importance que le poète accordait aux miroirs.

Stéphane Mallarmé et les miroirs

Miroir de Venise
Miroir de Venise, inv. 985.102.1©YVAN BOURHIS

Dans de nombreux poèmes, Mallarmé montre sa fascination pour les miroirs, ces fioles de verre, « pureté, qui renferme la substance du Néant » (extrait d’Igitur).

Il évoque par exemple la glace de Venise, également conservée au musée, dans « Frisson d’hiver » de 1864.

Et ta glace de Venise, profonde comme une froide fontaine, en un rivage de guivres dédorées, qui s’y est miré ?

Stéphane Mallarmé, « Frisson d’hiver » (extrait), 1864

Le sonnet en « yx »

Miroir aux monstres marins
Miroir aux monstres marins, Inv. 985.103.1, Coll. MDSM, Vulaines-sur-Seine,©YVAN BOURHIS

Le cadre doré du miroir, sur lequel des monstres marins s’entrelacent, fait écho au « Sonnet en yx » dont la seconde version a été écrite en 1887.

Le poème évoque en effet l’affrontement entre des licornes et une nixe, divinité aquatique dans les légendes germaniques, représenté sur le cadre doré d’un miroir:

Mais proche la croisée au nord vacante, un or / Agonise selon peut-être le décor / Des licornes ruant du feu contre une nixe, // Elle, défunte nue en le miroir, encor / Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se fixe.

Stéphane Mallarmé, « Sonnet en yx » (extrait), 1887

Bibliographie

  • Stéphane Mallarmé, 9e cahier, Derniers sonnets, Sonnet IV dans Œuvres complètes, tome I, édition présentée, établie et annotée par Bertrand Marchal, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1998, p. 98

Mallarmé Nadar.jpg


En lisant Hegel, Mallarmé a découvert que si « le Ciel est mort », le néant est un point de départ qui conduit au Beau et à l'Idéal. À cette philosophie devait correspondre une poétique nouvelle qui dise le pouvoir sacré du Verbe. Par le rythme, la syntaxe et le vocabulaire rare,

Mallarmé crée une langue qui ressuscite « l'absente de tous bouquets7». Le poème devient un monde refermé sur lui-même dont le sens naît de la résonance. Paul Valéry raconte comment Mallarmé affirma un jour à Edgar Degas que « ce n’est point avec des idées […] que l’on fait des vers. C’est avec des mots8. » Le vers se fait couleur, musique, richesse de la sensation, « concours de tous les arts suscitant le miracle ». C'est avec Mallarmé que la « suggestion » devient le fondement de la poétique antiréaliste et fait du symbolisme un impressionnisme littéraire. Son œuvre est alors celle de l'absence de signification qui « signifie davantage » et le poète cherche à atteindre les « splendeurs situées derrière le tombeau ».

« La Poésie est l'expression, par le langage humain ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l'existence : elle doue ainsi d'authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle. »

« Qui parle autrement que tout le monde risque de ne pas plaire à tous ; mieux, de passer pour obscur aux yeux de beaucoup. […] L'attrait de cette poésie tient à ce qu'elle est vécue comme un privilège spirituel : elle semble élever au plus haut degré de qualité, moyennant l'exclusion de la foule profane, cette pure joie de l'esprit que toute poésie promet


                                                   Traductions de l'anglais

Le Corbeau

 

  • Le Ten O'Clock 
  • de M. Whistler
  •  1888 ;
  •  
  • La Valentine 
  • de James Abbott McNeill
  • Whistler,
  • 1888 ;
  •  
  • Contes indiens 
  • de Mary Summer,
  • 1893, réédition
  • en 1927.

  • Correspondance


  • Correspondance,

  • édition de Lloyd James Austin
  • et Henri Mondor 
  • en 8 tomes,
  • Paris,
  • Gallimard,
  • coll. « Blanche »,
  • 1959-1983.

 

 

  • Correspondance.
  • Lettres sur la poésie,
  • préface de Yves Bonnefoy
  •  édition de Bertrand Marchal,
  • Paris,
  • Gallimard,
  • coll. « folio »,
  • 1995.
  •  
  • Correspondance (1854-1898),
  • édition de Bertrand Marchal,
  • publié sous la direction de Jean-Yves Tadié,
  • Paris
  •  Gallimard,
  • coll. « Blanche »
  •  2019 (nouvelle édition augmentée en un volume).

  • Enregistrements


  • Villiers de l'Isle-Adam,

  • avec une remarque de Roger Lewinter
  •  sur « Le Tombeau d'Edgar Poe ».
  • Lecture de la conférence (CD)
  • par Roger Lewinter, Paris, éditions Ivrea, 1995

 

  • La Musique et les Lettres 
  • Crise de vers, lecture des textes (CD)
  • par Roger Lewinter, Paris,
  •  éditions Ivrea,
  • 1999
  •  
  • Le Coup de Dés
  •  lu par Alain Cesco-Resia.
  • Vidéo Joëlle Molina. Avignon.
  • 2009

 

  • pour Babel in Mystères d'Igitur.
  • Le Coup de Dés lu par Jihad Darwiche
  • en arabe dans la traduction
  • de Mohammed Bennis
  • parue aux editions Ypsilon
  • 2007.
  • Vidéo Joëlle Molina.

 

  • Le Coup de Dés lu
  • par Maria Lucia Puppo
  • en portugais
  • dans la traduction de Haroldo de Campos
  • parue aux éditions Perspectiva en 2006.
  • Vidéo Joëlle Molina.

 

  • Le Coup de Dés
  •  lu par Isabella Checcaglini
  • en italien
  • dans la traduction de Maurizio Cucchi
  • paru chez Libri Scheiwiller -
  • Playon en 2003.
  • Vidéo Joëlle Molina.

 

  • Le Coup de Dés 
  • lu par Robin Frechet
  • en anglais
  • dans la traduction de E.H
  • et A.M Blackmore paru
  • chez Oxford World's Classics en 2006
  •  Vidéo Joëlle Molina.

 

  • Igitur ou la folie d'Elbehnon.
  • Lecture d'extraits du manuscrit d'Igitur 
  • par Jean Pierre Bobillot.
  • Vidéo Joëlle Molina .Cerisy la Salle
  • 2010.

  • Œuvres mises en musique


  • Claude Debussy

  • Apparition,
  • 1884 ;
  •  
  • Claude Debussy
  • Prélude à l'après-midi
  • d'un faune,
  • 1891-1894
  •  
  •  
  • Maurice Ravel
  • Sainte,
  • 1896 ;
  •  
  • Claude Debussy
  • Trois poèmes de Stéphane Mallarmé
  •  (Soupir ; Placet futile ; Éventail),
  • 1913 ;
  •  
  • Maurice Ravel,
  •  Trois poèmes de Stéphane Mallarmé
  •  (Soupir ; Placet futile ;
  • Surgi de la croupe et du bond),
  • 1913 ;
  •  
  • Claude Ballif, 
  • Chanson bas op.  3,
  • pour soprano et piano
  •  poèmes de Stéphane Mallarmé
  • (Le canonnier ;
  • Le marchand d'ail et d'oignons 
  •  La femme de l'ouvrier ;
  • Le vitrier ; Le crieur d'imprimés
  •   La marchande d'habits),
  • 1949 ;
  •  
  • Pierre Boulez,
  •  Pli selon pli, portrait de Mallarmé
  •  (Don du poème ; Le vierge
  • le vivace et le bel aujourd'hui ;
  • Une dentelle s'abolit ;
  • À la nue accablante tu ;
  • Tombeau), 1957-1962
  • (diverses révisions
  • dans les années 1980) ;
  •  
  • Claude Ballif
  •  Un coup de dés op.  53,
  • contre-sujet musical
  • pour chœur symphonique,
  • 6 musiciens et un ruban sonore,
  • 1979.

Poésies et autres textesLe «Livre» de MallarméÉcrits sur l'Art par MallarméVers de circonstance par MallarméContes indiensAUTRES LIVRES Divagations - Stephane MallarmeStéphane Mallarmé

 

BERTHE MORISOT, PORTRAIT DE JULIE MANET ET DE PAULE GOBILLARD

Ce dessin au crayon sur papier, réalisé par Berthe Morisot, représente Julie Manet, la fille de l’artiste, et Paule Gobillard, sa nièce. Il date probablement du début des années 1890. Acquis par le musée en 2006, il permet d'évoquer le lien étroit qui unissait ces trois femmes à Mallarmé.

Un portrait intimiste

Berthe Morisot, Portrait de Julie Manet et Paule Gobillard
Berthe Morisot, Portrait de Julie Manet et Paule Gobillard, crayon sur papier, s.d., inv. 2006.2.1©YVAN BOURHIS

Julie Manet, Paule et Jeannie Gobillard apparaissent dans de nombreux dessins et tableaux de Berthe Morisot.

Assise au premier plan, Julie est représentée de profil, ses longs cheveux tombant librement dans le dos. Sa cousine Paule, au visage rond, s’appuie sur le dos du fauteuil. Une complicité entre le peintre et ses deux modèles est perceptible.

Julie et Paule suivaient les leçons de peinture de Berthe Morisot.

Un lien étroit avec la famille Mallarmé

Julie Manet, Geneviève au jardin, aquarelle sur papier, 1899
Julie Manet, Geneviève au jardin, aquarelle sur papier, 1899© YVAN BOURHIS

Ces trois femmes étaient très proches de la famille Mallarmé.

Ami de Berthe et fervent défenseur de son œuvre, Stéphane Mallarmé devint, après la mort de son mari Eugène Manet, le tuteur de Julie, leur fille.

Julie et ses cousines Paule et Jeannie (future femme de Paul Valéry) étaient des amies proches de Geneviève, la fille de Mallarmé. Le poète les surnommait affectueusement « l’escadron volant ».

Comme Berthe Morisot, elles firent des séjours à Valvins. Le musée conserve d’ailleurs deux huiles sur toile de Paule Gobillard ( Fleurs amicales et Pivoines), deux aquarelles attribuées à Julie Manet représentant Marie et Geneviève Mallarmé à Valvins et des plaques de verre que Julie avait peintes pour la lanterne magique de Geneviève.

PAUL VERLAINE, STÉPHANE MALLARMÉ AU COURS DE L’UN DES MARDIS

Ce dessin à la plume de Paul Verlaine (1844-1896) a probablement été réalisé lors de l’un des mardis littéraires de la rue de Rome.

Un témoignage des mardis littéraires

Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé au cours d’un des mardis
Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé au cours d’un des mardis, dessin à la plume, n.d., Inv. 993.3.1, Coll. MDSM, Vulaines-sur-Seine©YVAN BOURHIS

Sur ce dessin, Mallarmé est représenté de profil, adossé à un meuble, la pipe à la bouche.

Ce portrait peut être rapproché du témoignage de Geneviève sur les mardis littéraires. Dans un témoignage de novembre 1916, elle affirme en effet : « Père était le plus souvent debout devant le poêle de faïence blanc placé en angle dans le mur de la chambre, (…) la pipe ou la cigarette aux doigts ».

Paul Verlaine et Stéphane Mallarmé

Alcide Allevy, Photographie de Verlaine en buste
Alcide Allevy, Photographie de Verlaine en buste, 1883, inv. 994.5.1, Coll. MDSM, Vulaines-sur-Seine,©MUSÉE DÉPARTEMENTAL STÉPHANE MALLARMÉ

Les deux poètes entrent en relation en 1866 à propos des Poèmes saturniens de Verlaine. Ils se voient dès lors fréquemment au café Vachette, chez l’éditeur Vanier et à l’hôpital Broussais et éprouvent l’un pour l’autre une admiration réciproque.

Paul Verlaine invite dès 1872 Mallarmé aux « mercredis » qu’il inaugure rue Nicolet, et fréquente lui-même, plus ou moins assidûment, les « mardis » de la rue de Rome.

Verlaine consacre un chapitre à Mallarmé dans Les Poètes maudits publié en 1884 et rédige la biographie de Mallarmé pour la collection Les Hommes d’aujourd’hui.

Mallarmé est profondément affecté par la mort de Verlaine survenue le 8 janvier 1896. Pour le Journal du 10 janvier 1896, Mallarmé interrogé par Georges Docquois dit de Verlaine : « (…) Avec lui, je ne sentais pas réellement le contact. Je l’aimais pourtant (…) ».

Mallarmé et les impressionnistes

Lettre autographe signée d'Édouard Manet à Stéphane Mallarmé
Lettre autographe signée d'Édouard Manet à Stéphane Mallarmé, avril 1874, inv. 989.1.1©MUSÉE MALLARMÉ

Grand admirateur de l'impressionnisme dès 1874, année officielle de la création du mouvement, Stéphane Mallarmé trouve dans cette peinture un écho à sa propre entreprise poétique.

Aussi écrivait-il : « Peindre, non la chose, mais l’effet qu’elle produit. Le vers ne doit donc pas, là, se composer de mots ; mais d’intentions, et toutes les paroles s’effacer devant la sensation » (lettre d’octobre 1864).

Le poète noue une relation étroite avec les peintres du mouvement. Il leur consacre plusieurs écrits sous forme de billets, de portraits et d’études, et sollicite la collaboration de certains d’entre eux : Édouard Manet illustre sa traduction du Corbeau d’Edgar Poe et L’Après-midi d’un faune et Renoir fournit le frontispice de Pages.

Mon cher ami, Merci, si j’avais quelques défenseurs comme vous, je me f… absolument du jury. Tout à vous Ed. Manet

Lettre autographe signée d'Édouard Manet à Stéphane Mallarmé, avril 1874

Mallarmé et Manet : une forte complicité

Édouard Manet, Ex-libris pour Le Corbeau, 1875
Édouard Manet, Ex-libris pour Le Corbeau, 1875, inv. 994.2.1©YVAN BOURHIS

Parmi ces artistes, Mallarmé est surtout fasciné par la peinture de Manet.

La profonde amitié qui lie le peintre au poète semble avoir commencé en 1873, alors qu’ils sont quasi-voisins : Manet a son atelier 4 rue de Saint-Pétersbourg et Mallarmé habite au 87 rue de Rome.

Les deux hommes passent de longues heures à discuter dans l’atelier de Manet. Celui-ci réalise alors le célèbre portait de Mallarmé aujourd’hui conservé au Musée d’Orsay.

Dans une lettre adressée à Verlaine le 16 novembre 1885, Mallarmé affirme en effet : J’ai dix ans vu tous les jours mon cher Manet dont l’absence aujourd’hui me paraît invraisemblable.

 

 

 

 

JAMES ABBOTT MCNEILL WHISTLER, LITHOGRAPHIES POUR LA REVUE « THE WHIRLWIND »

Ces quatre lithographies furent créées par Whistler pour la revue The Whirlwind. Cette éphémère publication fut constituée de 26 livraisons qui parurent entre le 28 juin et le 27 décembre 1890 : elle avait, d’après le critique d’art Théodore Duret trois objectifs : « ranimer la cause des Stuarts [ses deux jeunes fondateurs, Stuart Erskine et Herbert Vivian, étant de fervents jacobites], faire connaître les œuvres de Mallarmé et célébrer les mérites de Whistler ». Whistler offrit à Mallarmé une épreuve de chacune de ces lithographies.

The Dancing Girl

James Abbott Mc Neill Whistler, The Dancing girl
James Abbott Mc Neill Whistler, The Dancing girl, 1889 ou 1890, lithographie, 24,5 x 18,7 cm, coll. Musée départemental Stéphane Mallarmé©MUSÉE DÉPARTEMENTAL STÉPHANE MALLARMÉ

The Dancing Girl, qui va servir en quelque sorte de frontispice à la revue The Whirlwind, a en fait été créée dès la fin de l’année 1889 puisque Whistler en envoie une épreuve à Mallarmé en guise d’étrennes dans les derniers jours de décembre 1889 ou tout début janvier 1890. Alors qu’il vient de recevoir cette épreuve, Mallarmé répond le 5 janvier 1890 : « Mon cher ami / Quelle merveille ! et pourtant, je ne sais si ma joie d’y jeter les yeux, pendue au mur de la petite salle que vous connaissez, ne vient pas, autant de l’attention exquise, vraiment, que de la beauté de votre œuvre ; laquelle ainsi porte à un double titre la signature de Whistler. »

Mallarmé avait accroché la lithographie dans son salon de la rue de Rome, à gauche du poêle. Lorsque, quelques mois plus tard, à la sollicitation de Whistler, Mallarmé lui adresse le sonnet Billet, qui paraît dans The Whirlwind du 15 novembre 1890, c’est cette danseuse, personnification du « tourbillon » dont la revue porte le nom, qui constitue le thème central du sonnet :
« […] /Mais une danseuse apparue // Tourbillon de mousseline ou / Fureur éparses en écumes / Que soulève par son genou / Celle même dont nous vécûmes // Pour tout hormis lui, rebattu / Spirituelle, ivre, immobile / Foudroyer avec le tutu / Sans se faire autrement de bile // Sinon rieur que puisse l’air / De sa jupe éventer Whistler. »

Maunder’s Fish Shop, Chelsea

James Abbott Mc Neill Whistler, Maunder's Fish Shop
James Abbott Mc Neill Whistler, Maunder's Fish Shop, 1890, lithographie, 28,4 x 22,1 cm, coll. Musée départemental Stéphane Mallarmé,©MUSÉE DÉPARTEMENTAL STÉPHANE MALLARMÉ

Maunder’s Fish Shop, Chelsea parut en supplément du numéro du 20 décembre 1890, avant dernière livraison de The Whirlwind. Réalisée selon l’usage de Whistler sur du papier à report préparé à cet effet, elle fut reportée par Thomas R. Way, son lithographe attitré, sur plusieurs pierres afin d’être imprimées. Whistler en envoya une épreuve à Mallarmé le 5 février 1891, avec un paquet d’eaux-fortes destinées au Docteur Evans à qui Mallarmé servait d’intermédiaire auprès de l’artiste.

Maunder’s Fish Shop fait partie des nombreuses devantures pittoresques dont Whistler fit le sujet de ses lithographies dans les années 1890. La boutique, qui fut détruite en 1900, était établie 72 Cheyne Walk à Chelsea. Elle évoquait certainement pour Mallarmé le Londres pittoresque qu’il avait connu lors de son séjour dans la capitale anglaise entre novembre 1862 et l’été 1863 avec sa future épouse Marie Gerhard.

The Tyresmith

James Abbott Mc Neill Whistler, The Winged hat

 

James Abbott Mc Neill Whistler, The Winged hat, 1890, lithographie, 28,4 x 22,2 cm, coll. Musée départemental Stéphane Mallarmé©MUSÉE DÉPARTEMENTAL STÉPHANE MALLARMÉ

The Tyresmith parut dans le numéro du 15 novembre 1890 de The Whirlwind en même temps que le sonnet de Mallarmé Billet à Whistler. Dès le 17 novembre, Mallarmé, recevant la livraison du périodique, écrit à Whistler, évoquant à la fois son poème et la lithographie : « Mon cher ami, tout cela est fait Whistleriennement : cette page entière, inouï ! je n’ai jamais présenté aux cieux le linge d’un si impeccable plastron ; et cela à côté d’une œuvre de vous, laquelle, des deux, est le vrai Song

. Quant au Brouhaha, vous devinez s’il m’est précieux, puisque j’y entends votre voix.. […] ». La dernière phrase est une allusion à la rubrique « Brouhaha » de la même revue dans laquelle Whistler parle de Mallarmé en termes élogieux, le présentant comme le « chef des Décadents » (ce que le poète cependant récusait) mais surtout comme « le poète le plus vingtième siècle de la France » et « le classique de la modernité ».

Mallarmé et Whistler

Mallarmé et Whistler, pourtant de caractères opposés, nouèrent à partir de la fin de 1887 une amitié indéfectible. Octobre 1896, Whistler à Mallarmé : « Pour Moi – je ne comprends rien – si non que Mallarmé m’aime – et que nous aimons toujours Mallarmé ». Le poète partagea les convictions du peintre et se reconnut dans la solitude de son travail. Pour son ami, il traduisit L e « Ten O’Clock » de M. Whistler, texte d’une conférence sur l’art donnée à Londres en 1885 et qui parut dans sa version française dans La Revue indépendante en mai 1888.

De nombreuses estampes offertes par Whistler témoignèrent également de cette touchante amitié. Parmi elles, le portrait de Mallarmé, qui figura dans l’édition de Vers et Prose de 1894 et qu'il dédicaça "A mon Mallarmé". Whistler réalisa également deux portraits de Geneviève, un dessin au fusain et un autre à l’huile, Rose et gris, peint à Valvins en une seule journée, le 20 octobre 1897.

 

ODILON REDON, BRÜNNHILDE

Stéphane Mallarmé possédait une épreuve de cette lithographie, probablement reçue directement d’Odilon Redon. L’épreuve de Mallarmé, longtemps conservée par les descendants du gendre du poète, Edmond Bonniot, n’est plus localisée.

L'influence de Richard Wagner

Odilon Redon, Brünnhilde

Odilon Redon, Brünnhilde, 1894, lithographie, 38 x 29,2 cm, coll. Musée départemental Stéphane Mallarmé©MUSÉE DÉPARTEMENTAL STÉPHANE MALLARMÉ

Cette lithographie témoigne de l’importance de Richard Wagner dans certains milieux intellectuels français avec lesquels Mallarmé était en relation. Mais c’est surtout à partir de 1884, quand Mallarmé, un an après la mort de Wagner, s’initie vraiment à la musique, que le musicien joua un rôle central dans ses méditations sur les rôles respectifs de la poésie, du drame et de la musique.

La puissance de la création wagnérienne, qui provoqua chez le poète une jalousie manifeste, devint l’antithèse de la concentration de l’expression mallarméenne qui confina parfois au néant, au « rien » absolu.

Dans la livraison du 8 août 1885 de la Revue wagnérienne étaient parus simultanément une première Brünnhilde d’Odilon Redon et Richard Wagner, rêverie d’un poète français par Mallarmé, précédant de quelques mois le fameux poème Hommage, publié dans la même revue en janvier 1886. Ces deux textes témoignent de l’ambiguïté des sentiments du poète à l’égard du musicien.

Le Crépuscule des Dieux, auquel se réfère explicitement la lithographie de Redon, ne sera montré intégralement à Paris qu’en 1902 mais des extraits en avaient été donnés par les Concerts Lamoureux en présence de Mallarmé. Cette Brünnhilde de Redon, datée de 1894, s’inscrit donc dans un contexte marqué, pour le poète comme pour le peintre, par une présence éminente de l’héroïne wagnérienne.

Le pur profil à la douceur caractéristique du Redon des années 1890 est bien éloigné tant de la figure plus martiale de sa Brünnhilde de 1885 que des traits prosaïques de la grande cantatrice qui incarnait ce personnage sur la scène de l’Opéra Garnier. L’artiste bannit les accessoires typiques de la scénographie wagnérienne du temps, qui métamorphosaient la fille de Wotan en « une manière d’Amazone avec des ailes de pigeon sur la tête »:

une Brünnhilde rêvée qui ne pouvait que séduire le poète qui, comme l’a souligné Henri Mondor, préférait au théâtre le livre, « le mental instrument par excellence, sans escorte de figurants, sans bric-à-brac de décors ».

Mallarmé et Redon

Mallarmé admira l’œuvre de Redon dès 1882, mais ne le rencontrera que trois ans plus tard, par l’intermédiaire de Huysmans. « La rencontre de Mallarmé et de Redon est un des faits essentiels de l’histoire du symbolisme » écrit Roseline Bacou.

Il existe en effet de nombreuses affinités esthétiques entre les deux hommes, rapprochés d’ailleurs par Huysmans dans A rebours, et qui nouèrent une fidèle amitié. Leurs liens se resserrèrent encore lorsque la famille Redon vint séjourner à Samois, à quelques encablures de la maison du poète à Valvins, en 1888 et 1889.

Geneviève, la fille de Mallarmé, fut choisie pour être la marraine du fils de Redon, Arï. Les deux hommes projetèrent de collaborer à l’édition d ’Un Coup de dés jamais n’abolira le hasard, mais Mallarmé mourut avant que le projet ait vu le jour. Le poète possédait au moins deux pastels du peintre : L’Enfant, 1894, maintenant conservé au Musée des Beaux-Arts de Dijon, et un bouquet de fleurs.

___________________________

Je t'ai dit avoir tué les pucerons des rosiers avec de la nicotine infusée par moi. Tous les matins je me promène avec le sécateur et fais leur toilette aux fleurs, avant la mienne.

Lettre de Stéphane Mallarmé à sa fille Geneviève, 27 mai 1897

Du salon d'été au verger

Julie Manet, Geneviève au jardin, aquarelle sur papier, 1899
Julie Manet, Geneviève au jardin, aquarelle sur papier, 1899© YVAN BOURHIS

À l’époque de Mallarmé, la cour du musée abrite un « jardinet tout fleuri de roses trémières » (journal de Julie Manet, 24 juillet 1898) qui sert de cadre au salon d’été. Ces dames s’y reposent, y brodent et y prennent le thé. Mallarmé y reçoit volontiers les amis de passage, sous le marronnier blanc qu’il a planté dans les années 1880 avec sa fille Geneviève. L’ombre que l’arbre procure est essentielle : le teint halé est en effet associé aux travaux des champs et à la paysannerie.

L’escalier de pierre qui permet d’accéder à l’appartement des Mallarmé est couvert de vigne vierge et de glycine.

De l’autre côté de la maison, un autre jardin, plus grand et plus sauvage, abrite un poulailler et quelques clapiers. Les habitants de la maison se le partagent. Ici, les plantes et les herbes potagères – dont des pommes de terre, du cerfeuil et du persil – s’épanouissent au milieu d’arbres fruitiers de plein vent, non loin des dahlias, des « soleils » (hélianthis), des pivoines, des rosiers... plantés et soigneusement entretenus par Mallarmé au fil des années.

J'ajoute que le petit marronnier monte trop haut et fait moins d'ombre ; et que j'hésite à le faire tailler, en feuilles, quand je ferai soigner, une heure ou deux, la vigne vierge. Ton avis, horticulteur Vève ?

Lettre de Stéphane Mallarmé à sa fille Geneviève, 7 mai 1896

Le jardinage, une passion familiale

Rosier Jacques Cartier
Rosier Jacques Cartier© YVAN BOURHIS

Chaton, les iris masquent délicieusement le bas de la porte et, bientôt, bleuiront. (Lettre de Stéphane Mallarmé à sa fille Geneviève, 6 mai 1898)

Mallarmé s’exerce avec beaucoup de sérieux aux plaisirs du jardinage – même s’il apprécie les conseils de sa voisine et l’aide précieuse d’un ouvrier pour accomplir les « gros » travaux.

Lorsqu’il séjourne à Valvins sans sa femme et sa fille, restées à Paris, il leur donne des nouvelles du jardin. Sa correspondance abonde de détails sur ses activités, surtout à partir de 1896, et montre ainsi combien il aime jardiner. En plus de toiletter les fleurs chaque matin, il chasse les pucerons avec de la nicotine, sable les allées… Le jardin fait donc l’objet de tous les soins du poète, soucieux de le présenter en bon état à Geneviève, elle-même soucieuse de savoir dans quel état il se trouve, passé l’hiver.

Il me semble (…) que nous aurons, à l’arrivée, un jardin peu fleuri, malgré mes soins de cet automne. Ce doit être le manque d’arrosage par ce vent. (Lettre de Geneviève Mallarmé à son père, 13 mai 1896)

Non ton jardin s'annonce, beaucoup de petits soleils ; et mille plantes pointent, que tu as semées. Je voudrais que vous vissiez (…) les rosiers du mur qui éblouissent. (Réponse de Stéphane Mallarmé, 14 mai 1896)

Dans ses lettres, Mallarmé fait aussi état de ses dépenses et énumère les fleurs et les plantes qu’il achète pour étoffer les massifs : phlox, giroflées, chrysanthèmes, dahlias… Toutes ces plantes, entre deux et cinq sous : telles sont mes humbles folies. (4 mai 1898). Apparues avec timidité dans les jardins ruraux à partir du milieu du 19ème siècle, ces fleurs d’ornement étaient très appréciées à l’époque.

Demande à Madame Pubelier si mes roses trémières fleuriront. / Les roses trémières sont en feuilles et fleuriront.

Lettre de Geneviève à son père, 7 mai 1896 / Réponse de Mallarmé, 8 mai 1896

Je t'ai dit avoir tué les pucerons des rosiers avec de la nicotine infusée par moi. Tous les matins je me promène avec le sécateur et fais leur toilette aux fleurs, avant la mienne.

Lettre de Stéphane Mallarmé à sa fille Geneviève, 27 mai 1897

Du salon d'été au verger

Julie Manet, Geneviève au jardin, aquarelle sur papier, 1899
Julie Manet, Geneviève au jardin, aquarelle sur papier, 1899© YVAN BOURHIS

À l’époque de Mallarmé, la cour du musée abrite un « jardinet tout fleuri de roses trémières » (journal de Julie Manet, 24 juillet 1898) qui sert de cadre au salon d’été. Ces dames s’y reposent, y brodent et y prennent le thé. Mallarmé y reçoit volontiers les amis de passage, sous le marronnier blanc qu’il a planté dans les années 1880 avec sa fille Geneviève. L’ombre que l’arbre procure est essentielle : le teint halé est en effet associé aux travaux des champs et à la paysannerie.

L’escalier de pierre qui permet d’accéder à l’appartement des Mallarmé est couvert de vigne vierge et de glycine.

De l’autre côté de la maison, un autre jardin, plus grand et plus sauvage, abrite un poulailler et quelques clapiers. Les habitants de la maison se le partagent. Ici, les plantes et les herbes potagères – dont des pommes de terre, du cerfeuil et du persil – s’épanouissent au milieu d’arbres fruitiers de plein vent, non loin des dahlias, des « soleils » (hélianthis), des pivoines, des rosiers... plantés et soigneusement entretenus par Mallarmé au fil des années.

J'ajoute que le petit marronnier monte trop haut et fait moins d'ombre ; et que j'hésite à le faire tailler, en feuilles, quand je ferai soigner, une heure ou deux, la vigne vierge. Ton avis, horticulteur Vève ?

Lettre de Stéphane Mallarmé à sa fille Geneviève, 7 mai 1896

Le jardinage, une passion familiale

Rosier Jacques Cartier
Rosier Jacques Cartier© YVAN BOURHIS

Chaton, les iris masquent délicieusement le bas de la porte et, bientôt, bleuiront. (Lettre de Stéphane Mallarmé à sa fille Geneviève, 6 mai 1898)

Mallarmé s’exerce avec beaucoup de sérieux aux plaisirs du jardinage – même s’il apprécie les conseils de sa voisine et l’aide précieuse d’un ouvrier pour accomplir les « gros » travaux.

Lorsqu’il séjourne à Valvins sans sa femme et sa fille, restées à Paris, il leur donne des nouvelles du jardin. Sa correspondance abonde de détails sur ses activités, surtout à partir de 1896, et montre ainsi combien il aime jardiner. En plus de toiletter les fleurs chaque matin, il chasse les pucerons avec de la nicotine, sable les allées… Le jardin fait donc l’objet de tous les soins du poète, soucieux de le présenter en bon état à Geneviève, elle-même soucieuse de savoir dans quel état il se trouve, passé l’hiver.

Il me semble (…) que nous aurons, à l’arrivée, un jardin peu fleuri, malgré mes soins de cet automne. Ce doit être le manque d’arrosage par ce vent. (Lettre de Geneviève Mallarmé à son père, 13 mai 1896)

Non ton jardin s'annonce, beaucoup de petits soleils ; et mille plantes pointent, que tu as semées. Je voudrais que vous vissiez (…) les rosiers du mur qui éblouissent. (Réponse de Stéphane Mallarmé, 14 mai 1896)

Dans ses lettres, Mallarmé fait aussi état de ses dépenses et énumère les fleurs et les plantes qu’il achète pour étoffer les massifs : phlox, giroflées, chrysanthèmes, dahlias… Toutes ces plantes, entre deux et cinq sous : telles sont mes humbles folies. (4 mai 1898). Apparues avec timidité dans les jardins ruraux à partir du milieu du 19ème siècle, ces fleurs d’ornement étaient très appréciées à l’époque.

Demande à Madame Pubelier si mes roses trémières fleuriront. / Les roses trémières sont en feuilles et fleuriront.

Lettre de Geneviève à son père, 7 mai 1896 / Réponse de Mallarmé, 8 mai 1896

Après la mort du poète

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Le jardin de derrière en 2015© YVAN BOURHIS

Après la mort de Stéphane Mallarmé en 1898, ses héritiers n’ont eu de cesse d'entretenir la maison et son jardin, jusqu’à leur achat en 1985 par le Conseil départemental de Seine-et-Marne.

Il a alors fallu remettre le jardin en état. Le projet a été confié à la paysagiste Florence Dollfus, qui a travaillé à la restitution d’un jardin proche de celui qu’avait connu Mallarmé.

Des photographies anciennes (même si elles ne sont pas antérieures aux années 1920), l’abondante correspondance du poète et de sa famille, les traces des anciennes allées, la configuration du terrain et les végétaux subsistants l’ont aidée à créer une évocation fidèle du jardin des années 1890.

Florence Dollfus s’est également inspirée des traités et catalogues de jardinage ainsi que de la peinture de la seconde moitié du 19ème siècle.

Le jardin était en effet l’un des motifs de prédilection des peintres impressionnistes, dont Mallarmé était l’ami et le défenseur. D’ailleurs, en septembre 1876, dans un article en anglais intitulé « The impressionists and Édouard Manet », le poète faisait du jardin la clé de voûte de leur œuvre : « ces artistes (…) trouvent leurs sujets près de chez eux, à quelques pas seulement, ou bien dans leurs propres jardins », comme Claude Monet à Giverny. Grâce à eux, le jardin mi-bourgeois mi-paysan du 19ème siècle, destiné à la récréation des yeux et faisant partie intégrante de la conception de la vie moderne, nous est devenu étonnamment familier

 

 

 

« THE POETICAL WORKS OF EDGAR ALLAN POE WITH ORIGINAL MEMOIR »

Cette édition en langue anglaise datée de 1858 a probablement été acquise par Mallarmé dans sa jeunesse, comme l’indique sa signature autographe sur la page de garde. Le poète porte en effet dès l’âge de 18 ans une très vive admiration à Edgar Allan Poe (1809-1849).

Stéphane Mallarmé et Edgar Allan Poe

The Poetical works of Edgar Allan Poe
The Poetical works of Edgar Allan Poe with original memoir©YVAN BOURHIS

Dans sa lettre à Paul Verlaine du 16 novembre 1885, Mallarmé explique avoir appris l’anglais « simplement pour mieux lire Poe ».

Vouant un véritable culte à l’auteur américain, il traduit un grand nombre de ses œuvres dont Le Corbeau publié en 1875 avec des illustrations d'Édouard Manet.

Stéphane Mallarmé, comme Charles Baudelaire, entre en poésie par Edgar Allan Poe : son premier livre publié est une traduction du poète américain.

Une édition conservée dans la bibliothèque anglaise du poète

The Poetical works of Edgar Allan Poe

The Poetical works of Edgar Allan Poe with original memoir©YVAN BOURHIS

Cette édition est illustrée de nombreuses vignettes dans un style traditionnel bien éloigné de celui qu’adoptera Édouard Manet pour Le Corbeau.

Elle est conservée dans la bibliothèque anglaise du poète avec de nombreux autres ouvrages consacrés à Edgar Allan Poe : poésie, romans, biographies et études sur l’écrivain américain.

La bibliothèque comporte également un dictionnaire, des classiques de la littérature anglaise, des romans et des recueils de poésies de nombreux auteurs anglo-saxons proches de Mallarmé.

Bibliographie

  • My Mallarmé is rich, Mallarmé et le monde anglo-saxon, Paris, Somogy Editions d’Art, Musée départemental Stéphane Mallarmé, 2006.

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JORIS-KARL HUYSMANS, « À REBOURS »

A travers Des Esseintes, le héros d’À rebours, roman de 1884, Joris-Karl Huysmans témoigne de son admiration pour Mallarmé dont il cite des vers d’Hérodiade et de L’Après-midi d’un faune. La correspondance du poète révèle que cet ouvrage l’a subjugué.

Mallarmé et Huysmans

Dans À rebours, Des Esseintes hume « avec joie » les poèmes de Mallarmé. Une lettre de Stéphane Mallarmé à Joris-Karl Huysmans du 12 mai 1883 montre que le poète a suivi la genèse de l’œuvre.
Après la parution du livre, Mallarmé félicite Huysmans dans une lettre du 18 mai 1884 : « Le voici ce livre unique qui devait être fait ».
Pour remercier Huysmans, il publie dans La Revue indépendante de janvier 1885 son poème Prose pour des Esseintes.

La comparaison avec Gustave Moreau

Dans son livre, Huysmans rapproche les œuvres de Gustave Moreau et de celles de Mallarmé. Pour lui, l’Hérodiade de Mallarmé donne la parole à l’héroïne du tableau de Moreau : « Invinciblement, il levait les yeux vers elle, la discernait à ses contours inoubliés et elle revivait, évoquant sur ses lèvres ces bizarres et doux vers que Mallarmé lui prête».


Aucun témoignage n’indique que Mallarmé et Moreau se connaissaient mais ils ont été souvent comparés, tous deux apparaissant comme les chefs de file du Symbolisme.
Mallarmé a d’une certaine façon fait rentrer Gustave Moreau chez lui, par le biais de la gravure de Félix Bracquemond d’après Gustave Moreau, Le Songe d’un habitant du Mogol, que le graveur a sans doute offerte à Mallarmé.

 

L’influence de la mythologie polynésienne

Paul Gauguin, L’Après-midi d’un faune
Paul Gauguin, L’Après-midi d’un faune, vers 1892, inv. 995.5.1©YVAN BOURHIS

Inspirée de la mythologie polynésienne, cette sculpture en très bas-relief fait partie d’un groupe de sculptures en bois que Gauguin réalise lors de son premier séjour à Tahiti.

Elle représente deux divinités de la mythologie polynésienne, Te Fatu et Hina. Elle incarne les recherches de Gauguin sur l’art océanien.

L’hommage à L’Après-midi d’un faune de Mallarmé

Édouard Manet, Illustration pour L’Après-midi d’un Faune, 1876
Édouard Manet, Illustration pour L’Après-midi d’un Faune, 1876, inv 985.342.1©YVAN BOURHIS

Offerte à Mallarmé, l’œuvre change de sens.

Te Fatou se transforme en faune et Hina en nymphe. La statuette devient un hommage à L’Après-midi d’un faune de Mallarmé, poème composé de 110 vers, publié en 1876 avec des illustrations de Manet. Grande œuvre symboliste, le poème marque toute une génération. Il inspire Claude Debussy pour son Prélude à l’Après-midi d’un faune achevé en 1894.

Pour Mallarmé, cette musique de Debussy « prolonge l’émotion » de son poème et « en situe le décor plus passionnément que la couleur » en allant plus loin « dans la nostalgie et dans la lumière, avec finesse, avec malaise, avec richesse… ». En 1912, Nijinski crée un ballet sur la musique de Debussy.

STÉPHANE MALLARMÉ, « AUTRE ÉVENTAIL DE MADEMOISELLE MALLARMÉ »

Présenté dans la salle didactique du musée, cet éventail a été offert par Stéphane Mallarmé à sa fille Geneviève. Il y avait inscrit l’un de ses poèmes dits « de circonstance », qu'il offrait généralement à ses proches à certaines occasions.

Mallarmé et les éventails

Stéphane Mallarmé, Autre éventail de Mademoiselle Mallarmé, poème autographe sur éventail, vers 1884
Stéphane Mallarmé, Autre éventail de Mademoiselle Mallarmé, poème autographe sur éventail, vers 1884©YVAN BOURHIS

Mallarmé a écrit des poèmes sur éventail durant les quinze dernières années de sa vie, donnant ainsi à cet art épigraphique, apparu au 19ème siècle, ses lettres de noblesse.

Ces offrandes poétiques, exclusivement féminines, ne sont pas de simples épigrammes galantes mais de courts poèmes savamment travaillés.

Une œuvre importante

Par sa longueur et sa complexité, cet éventail est une œuvre importante qui a toute sa place dans le florilège des grands poèmes mallarméens. « Un poème d’une perfection, d’une musique et d’un charme si rares, que ce serait le chef-d’œuvre de Mallarmé, s’il y en avait un » disait Paul Valéry.

Le poème a été publié en 1884 dans La Revue critique puis dans les Poésies en 1887.

L’éventail crée un espace tendre et paradisiaque en évoquant le mouvement de l’aile et la fraîcheur qu’il apporte.

Bibliographie

  • Rien qu’un battement aux cieuxL'éventail dans le monde de Stéphane Mallarmé, Montreuil-sous-Bois, Lienart - Musée départemental Stéphane Mallarmé, 2009.

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STÉPHANE MALLARMÉ, « SOUPIR »

Ce poème de dix alexandrins a été publié pour la première fois en 1866 dans Le Parnasse contemporain avec neuf autres poèmes. Alors âgé de seulement vingt-quatre ans, Mallarmé y affirme déjà un style original. Le manuscrit conservé au musée date probablement de 1890. Il ne s’agit donc pas d’un brouillon mais d’une copie autographe sans doute destinée à être offerte à un ami.

L’atmosphère alanguie de l’automne

Stéphane Mallarmé, Soupir, manuscrit, vers 1890
Stéphane Mallarmé, Soupir, manuscrit, vers 1890, inv. 2010.8.1©MUSÉE MALLARMÉ

Le poème est placé sous le signe de l’automne. Le titre initialement prévu pour l’ensemble auquel ce poème appartient était Atonies : Il retranscrit l’atmosphère alanguie et pâle de cette saison.

Le ciel, qui dans le poème Azur, également publié dans Le Parnasse contemporain, est cruel et ironique, devient dans Soupir « l’Azur attendri d’Octobre pâle et pur ».

L’évocation de la femme et de la sœur disparue

Le poème établit une correspondance entre le paysage automnal et la femme. Cette femme est aussi bien Marie, la femme du poète, qui pour Mallarmé avait « la grâce des choses fanées », que Maria, la sœur décédée « à la veille de l’automne » en 1857 à l’âge de treize ans.
Profondément affecté par cette perte, Mallarmé évoque sa sœur également dans le poème en prose Plainte d’automne écrit en 1863.
Un portrait au pastel de Maria, exécuté par Camille Lagrange, est exposé dans les collections permanentes du musée au côté de celui de Stéphane, réalisé par le même peintre.

Bibliographie

  • Stéphane Mallarmé, Œuvres complètes, édition présentée, établie et annotée par Bertrand Marchal, Bibliothèque de la Pléiade, 1998. Poème page 107, notes p.1161-1162.
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