Systeme Ribadier Feydeau

 

 

Représentée pour la première fois à Paris, le 30 novembre 1892 sur la scène du théâtre du Palais-Royal.
Distribution: 4 Hommes – 2 Femmes.

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L’argument

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84058842
Théâtre du Palais-Royal, 30-11-1892. Source : BnF/Gallica

Depuis qu’Angèle a découvert un carnet où son premier mari, Robineau, notait méticuleusement ses conquêtes (365 en 8 ans) et les subterfuges pour tromper sa femme, elle est une jalousie maladive vis-à-vis de son deuxième époux, Ribadier. Mais, Ribadier a un talent particulier et infaillible : lorsqu’il veut rejoindre une de ses maîtresses, il utilise ses dons d’hypnotiseur pour endormir sa femme.

Jusqu’au jour où il se confie maladroitement à Aristide Thommereux, son ami commun avec Robineau, revenu d’un exil de plusieurs années à Batavia. Il ignore tout de l’amour que Thommereux porte à Angèle, raison de son exil par-delà les mers…

Profitant d’une escapade de Ribadier, Thommereux réveille Angèle pour lui réitérer sa flamme… C’est à ce moment-là que Ribadier revient en catastrophe, poursuivi par monsieur Savinet, mari de Thérèse, sa maîtresse du moment.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84058842

En 1892, après quelques années difficiles, Feydeau obtient coup sur coup deux grands succès : tout d'abord Monsieur chasse ! puis Champignol malgré luiLe Système Ribadier sera la troisième pièce de Feydeau à être montée cette année-là. Elle n'atteint pas le même succès que les deux œuvres précédentes, mais n'en connaît pas moins une carrière honorable : elle quitte l'affiche après 78 représentations.

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Personnages

__________

Ribadier

MM. Calvin

 

Thommereux

Raimond

 

Savinet

 Milher

 

Gusman

Hurteaux

 

Angèle

 Mmes Marie Magnier

 

Sophie

 Renaud

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ACTE I

Un salon au rez-de-chaussée. Porte au fond, donnant sur le vestibule. Porte à gauche et à droite, premier plan. Une grande fenêtre au fond, à droite. Une cheminée en pan coupé, à gauche, surmontée d’un grand portrait en pied de feu

Robineau. Au milieu, une table recouverte d’un tapis. Fauteuil à gauche de la table et chaise à droite, un canapé à gauche, un autre canapé devant la cheminée.

Scène première

SOPHIE, GUSMAN.

Au lever du rideau, la fenêtre du fond est ouverte. Sophie et Gusman sont à la fenêtre. Sophie intérieurement et Gusman extérieurement. Ils se tiennent embrassés comme deux amoureux.

GUSMAN.?

Un tout petit, Sophie !

SOPHIE.?

Mais non, voyons !

GUSMAN.?

Oh ! Tout petit ! Tout petit !

SOPHIE.?

Oh ! Vous n’êtes pas sérieux !…

oui, là, mais faites vite ! Elle tend son cou

. GUSMAN,

l’embrassant.?

Ah ! Sophie !

la vie de nos maîtres pour ce moment de bonheur !

SOPHIE.?

Allons, Gusman !

C’est pas le moment ! Je viens de servir

le café aux bourgeois ! Ils peuvent sortir

de table et nous surprendre, finissez !

GUSMAN,

lyrique.?

Eh ! bien, qu’ils nous surprennent !

SOPHIE.?

Merci !… Ils nous flanqueraient à la porte !…

Allons, filez…

voilà une bouteille de vin et une moitié

d’un pâté que j’ai sauvés du dîner…

Pour qu’il vous en reste, du pâté,

je ne l’ai pas repassé !

GUSMAN,

prenant la bouteille et le pâté.?

Ah ! Voilà comme je comprends l’amour !

Etre aimé pour soi-même…

Et quand te verrai-je ?

SOPHIE.?

Eh ! bien, ce soir,

si vous voulez…

GUSMAN.?

Ce soir ?…

Les bourgeois ne sortent donc pas ?

SOPHIE.?

Non… Vous n’aurez pas à atteler.

Quand tout sera éteint…

Vous passerez par cette fenêtre…

j’aurai soin de la laisser entr’ouverte…

et vous monterez jusqu’à ma chambre !

… mais en tout bien, tout honneur !

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 Éclairage

En 1892, dans le même temps où Feydeau faisait donner les premières représentations du Système Ribadier au théâtre du Palais-Royal, le tout Paris se divertissait déjà avec Monsieur chasse (dans le même théâtre) et Champignol malgré lui (au théâtre des Nouveautés). Feydeau triomphe une fois de plus avec cette nouvelle pièce qui raconte comment Angèle, veuve depuis deux ans, doute de la fidélité de son second mari, Ribadier. Ce dernier profite de son don d'hypnotiseur [1] pour échapper à la surveillance de sa femme et « folichonner » en courant les demoiselles. L'insert de ce stratagème – le « système Ribadier » – n'est pas si saugrenu pour les contemporains de Feydeau, on s'intéresse alors de près aux sciences occultes pour s'amuser en société (séances de spiritisme), au magnétisme et à l'hypnose, ainsi qu'au somnambulisme (Charcot, Broca, du côté de la médecine neurologique et psychiatrique). Mais le procédé n'est pas si sûr et Ribadier en sera pour ses frais.

On voit bien dans cette pièce comment Feydeau recourt à des séries d'obstacles et aux mots à double sens pour compliquer la situation : Thommereux, qui s'était exilé autrefois en Batavia, est de retour à Paris, il croit pouvoir reprendre son idylle avec Angèle ; en toute naïveté, Ribadier insiste pour le loger chez lui. Le duo initial devient trio puis quatuor quand Ribadier va s'encanailler avec Thérèse Savinet, dont le mari ne tardera pas à se manifester. Feydeau ajoute également quantité d'obstacles physiques : des scènes nocturnes propices au quiproquo, une fenêtre à escalader, un pavillon infesté de cancrelats, des portes verrouillées dont on n'a pas la clé... Ces effets burlesques sont doublés par des citations et des détournements assez savoureux de la poésie de Musset ou de la versification de Rostand : Ribadier en effet, pour détromper sa femme, prétend répéter une comédie avec ses amis du Cercle.

La pièce a longtemps pâti de n'avoir pas été publiée et ce n'est qu'en 1949 que le grand public la redécouvre avec l'édition du théâtre complet de Feydeau en neuf tomes, entre 1948 et 1956, par les Editions du Bélier. Parmi les mises en scènes les plus populaires de la pièce, on peut citer celle de Georges Vitaly au Théâtre la Bruyère, en 1958, la captation du 11 avril 1975 pour « Au théâtre ce soir », réalisée par Pierre Sabbagh (avec dans la distribution Alain Feydeau, le petit-fils de l'auteur), ou encore le spectacle joué par Bruno Solo et Léa Drucker, au théâtre Montparnasse, dans une mise en scène de Christian Bujeau [2].

[1] Voir aussi de Feydeau Dormez ! je le veux (1897).

[2] Spectacle diffusé le 13 décembre 2008 sur la chaîne Paris Première et édité en DVD.

Céline Hersant

 Transcription

(Bruit)

Maurice Hennequin

Si, si !

Comédienne 1

Ah, non !

Maurice Hennequin

Si !

Comédienne 1

Ah, non !

Maurice Hennequin

Un tout-petit, Sophie !

Comédienne 1

Mais non, voyons !

Maurice Hennequin

Tout petit ! Tout petit !

Comédienne 1

Oh, vous n’êtes pas sérieux ! … Oui, là, mais faites vite ! Ha, ha, ha, pas trop.

Maurice Hennequin

Ah, Sophie, la vie de nos maîtres pour ce moment de bonheur !

Comédienne 1

Allons, Gusman, ce n’est pas le moment ! Je viens de servir le café aux bourgeois, ils peuvent sortir de table et nous surprendre, allez, finissez.

Maurice Hennequin

Eh bien, qu’ils nous surprennent !

Comédienne 1

Oh, Dieu. Merci, ils nous flanqueraient à la porte. Allez, allez assez, voilà une bouteille de vin et une moitié d’un pâté que j’ai sauvées du dîner. Pour qu’il vous en reste, du pâté, je ne l’ai pas repassé.

Maurice Hennequin

Ah, elle ne l’a pas repassé. Ah Sophie, voilà comme je comprends l’amour, être aimé pour soi-même… Et quand te verrai-je ?

Comédienne 1

Eh bien, ce soir, si vous voulez…

Maurice Hennequin

Ce soir ? … Les bourgeois ne sortent donc pas ?

Comédienne 1

Mais non, vous n’aurez pas à atteler. Alors, dès que tout sera éteint, vous passerez par cette fenêtre. J’aurai soin de la laisser entr’ouverte. Et vous monterez jusqu’à ma chambre, mais en tout bien, tout honneur.

Maurice Hennequin

Naturellement.

Comédienne 1

Ils viennent, déguerpissez !

Maurice Hennequin

Je déguerpis.

Simone Renant

Ah, non, tiens. Oh, laisse-moi, tu m’ennuies !

Paul-Emile Deiber

Oui, eh bien, moi, je désire que ça ne se renouvelle pas, des équipées pareilles.

Simone Renant

Ah, tu désires vraiment ?

Paul-Emile Deiber

Parfaitement. Laissez-nous, Sophie !

Comédienne 1

Oui, Monsieur. Oh, Oh, il y a un grain.

Paul-Emile Deiber

Non, ma parole d’honneur, tu as eu un accès de folie aujourd’hui. C’est insensé, toi, une femme comme il faut, venir faire cet esclandre en plein Conseil d’Administration.

Simone Renant

Qu’est-ce qui me prouvait que tu étais en Conseil d’Administration ?

Paul-Emile Deiber

Comment, ce qui te prouvait ? Je t’avais dit, je vais à la réunion du Conseil d’Administration du Chemin de fer du Nord. Non, mais c’était clair, il me semble. Mais non, ça ne suffit pas à Madame, il faut encore qu’elle vienne se rendre compte par elle-même. Il n’y avait pas cinq minutes que le Président avait ouvert la séance, que, tout à coup, une trombe s’abat dans la salle du Conseil, c’était Madame, qui s’écrie au milieu de tous les membres effarés : Ah, Ah, nous allons donc le voir, ce fameux Conseil.

Simone Renant

Eh après, ils n’en sont pas tous morts ces messieurs, je suppose.

Paul-Emile Deiber

Mais comment, mais tu t’es rendue absolument ridicule… et moi avec.

Simone Renant

Toi.

Paul-Emile Deiber

Oh, je sais bien que ça t’est égal, mais ça n’empêche pas que j’exige que ça ne se renouvelle plus. En te voyant là, ma parole d’honneur, je ne savais plus où me mettre… Et Monsieur de Rothschild, tu n’as pas vu la figure qu’il faisait, Monsieur de Rothschild ? Il ne me l’a pas lâché, va, quand tu as été partie : vous aurez la bonté, mon cher collègue, m’a-t-il dit, de prévenir Madame Ribadier pour l’avenir, que nos réunions sont privées. Voilà ce que tu m’as attiré. Et qu’est-ce que tu voulais que je réponde ?

Simone Renant

Naturellement, vous avez laissé marcher sur moi.

Paul-Emile Deiber

Mais non, je t’ai excusée. J’ai dit que depuis quelque temps, tu donnais des signes d’aliénation mentale.

Simone Renant

Vous avez dit ça ?

Paul-Emile Deiber

Oh, mais, j’ai assuré que le médecin me répondait de ta guérison.

Simone Renant

Charmant !

Paul-Emile Deiber

Ben dame, qu’est-ce que tu aurais fait à ma place ?

Simone Renant

Ce que j’aurais fait ? Et bien j’aurais dit que j’étais venue parce que j’étais une femme qui était parfaitement payée pour savoir ce que valait la fidélité des hommes.

Paul-Emile Deiber

Allons !

Simone Renant

Mais parfaitement, oui, parce que vous savez moi, je n’y ai jamais cru à votre Conseil d’Administration.

Paul-Emile Deiber

Mais enfin, voyons,… tu nous as bien vus, cependant.

Simone Renant

Ah, oui. Ça, je vous ai vus, je vous ai vus là, entre hommes, c’est évident. Mais qu’est-ce que ça prouve ? Ces salles d’assemblées, c’est si bien agencé, on doit être organisé pour éviter les surprises.

Paul-Emile Deiber

Oh, non !

Simone Renant

Qu’est-ce qui me dit que vous n’avez pas eu le temps de faire filer les femmes ?

Paul-Emile Deiber

Ma chère amie, je t’assure vraiment que le Conseil d’Administration du Chemin de fer du Nord a autre chose à faire que de se réunir pour folichonner avec des demoiselles.

Simone Renant

On vient pour causer du chemin de fer, vous allez me faire croire ça.

Paul-Emile Deiber

Ben dame !

Simone Renant

Allons donc, il est fait, votre chemin de fer, ce n’est plus la peine d’en parler.

Paul-Emile Deiber

Mademoiselle, discuter avec une femme, ça. Elles ont de ces raisonnements. À qui en as-tu ? De quel droit me soupçonnes-tu ? T’ai-je jamais fourni un motif de dire que je t’ai trompée ?

Simone Renant

Oh, toi, non, mais lui !

Paul-Emile Deiber

Lui, lui. Ah, lui, ah oui, toujours ton Robineau. Est-ce que c’est ma faute si ton premier mari t’a trompée ?

Simone Renant

Oh non, c’est bien de la mienne. Si j’avais été plus clairvoyante, aussi c’est pour ça que je prends mes précautions maintenant. Le misérable, quand je pense qu’il m’a trompée toute sa vie, et que je n’y ai vu que du feu. Non, mais regarde-le là, regarde-le avec son air de se moquer de moi. Scélérat ! M’as-tu assez tournée en ridicule ?

Paul-Emile Deiber

C’est ça, prends-t’en à lui !

Simone Renant

Tu te croyais très fort parce que tu avais une femme aveugle, mais tu ne paies rien pour attendre, va ! Ah, tu m’as trompée. Ah, tu as eu des maîtresses.

Paul-Emile Deiber

Ça !

Simone Renant

Eh bien, moi aussi je te tromperai, moi aussi j’aurai des amants.

Paul-Emile Deiber

Hein ?

Simone Renant

Et tu la sentiras, la peine du talion.

Paul-Emile Deiber

Non, mais eh là, eh là, Angèle ! Tu te trompes… tu oublies que tu as changé de raison sociale. Il est liquidé, le numéro 1.

Simone Renant

Ah, c’est vrai, c’est l’indignation.

Paul-Emile Deiber

Oui, eh bien ! Il ne faudrait pas qu’elle allât trop loin l’indignation, parce que ce n’est pas lui, c’est moi que tu ferai... "chose". Ce n’est pas une raison parce qu’il a été banqueroutier pour qu’on me mette en faillite.

Simone Renant

Qu’est-ce que tu veux ? Chaque fois que je regarde ce tableau, je sens la colère qui me monte au cerveau.

Paul-Emile Deiber

Ah bien ! Envoie-le au grenier, si c’est cela, pourquoi le gardes-tu ?

Simone Renant

Parce qu’il est de Bonnat. Tu pensais que ce n’est pas à cause des traits de ce Robineau mais un Bonnat, même de son mari, ça se garde, c’est décoratif !

Paul-Emile Deiber

Je ne te dis pas, mais si ton caractère doit s’en ressentir, si la paix du ménage doit s’en trouver menacée, tiens, veux-tu que je demande à Bonnat de le retoucher, de le modifier, bien, il en ferait un seigneur du moyen âge le temps efface bien des choses. Eh bien, ça l’éloignera.

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