Baudelaire

 

« Tout enfant, j’ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires : l’horreur de la vie et l’extase de la vie. » (Mon cœur mis à nu).

 

Charles Pierre Baudelaire naît le  au 13 rue Hautefeuille5 à Paris: ses parrain et marraine sont les parents "adoptifs" de sa mère, Pierre Perignon et Louise Coudougnan6. Celle-ci, Caroline Dufaÿs, a vingt-sept ans. Son père, Joseph-François Baudelaire, né en 1759 à La Neuville-au-Pont7, en Champagne, est alors sexagénaire.

Quand il meurt en 1827, Charles n’a que cinq ans. Cet homme lettré, épris des idéaux des Lumières et amateur de peinture, peintre lui-même, laisse à Charles un héritage dont il n’aura jamais le total usufruit. Il avait épousé en premières noces, le 7 mai 1797, Jeanne Justine Rosalie Janin, avec laquelle il avait eu un fils, Claude Alphonse Baudelaire8, demi-frère de Charles.

Un an plus tard, sa mère se remarie avec le chef de bataillon Jacques Aupick. C’est à l’adolescence que le futur poète s’opposera à ce beau-père interposé entre sa mère et lui. « Lorsqu’il arrive à Lyon, Charles a dix ans et demi… À l’égard de son beau-père aucune hostilité n’est alors perceptible9. » Peu fait pour comprendre la vive sensibilité de l’enfant, l’officier

Aupick – devenu plus tard ambassadeur – incarne à ses yeux les entraves à tout ce qu’il aime : sa mère, la poésie, le rêve et, plus généralement, la vie sans contingences. « S'il va haïr le général Aupick, c'est sans doute que celui-ci s'opposera à sa vocation. C'est surtout parce que son beau-père lui prenait une partie de l'affection de sa mère. […] Une seule personne a réellement compté dans la vie de Charles Baudelaire : sa mère9. »

En 1831, le lieutenant-colonel Aupick ayant reçu une affectation à Lyon, le jeune Baudelaire est inscrit à la pension Delorme et suit les cours de sixième au Collège royal de Lyon. En cinquième, il devient interne. En janvier 1836, la famille revient à Paris, où Aupick sera promu colonel en avril. Alors âgé de quatorze ans, Charles est inscrit comme pensionnaire au Collège Louis-le-Grand, mais il doit redoubler sa troisième. En seconde, il obtient le deuxième prix de vers latins au concours général.

Renvoyé du lycée Louis-le-Grand en avril 1839 pour ce qui a passé pour une vétille10, mais que son condisciple au lycée, Charles Cousin (1822-1894) a expliqué comme un épisode d’amitié particulière11, Baudelaire mène une vie en opposition aux valeurs bourgeoises incarnées par sa famille. Il passe son baccalauréat au lycée Saint-Louis en fin d’année et est reçu in extremis.

Jugeant la vie de l’adolescent « scandaleuse » et désirant l’assagir, son beau-père le fait embarquer pour Calcutta. Le Paquebot des Mers du Sud quitte Bordeaux le 9 ou 10 juin. Mais en septembre, un naufrage abrège le périple aux îles Mascareignes (Maurice et La Réunion). On ignore si Baudelaire poursuit son voyage jusqu’aux Indes, de même que la façon dont il est rapatrié.

Vie dissolue

No 6 rue Le Regrattier : maison où Baudelaire logea sa maîtresse Jeanne Duval, dite la Vénus noire12.

Portrait présumé de Jeanne Duval par Constantin Guys.

De retour à Paris, Charles s’éprend de Jeanne Duval, une « jeune mulâtresse » avec laquelle il connaîtra les charmes et les amertumes de la passion. Une passion au sujet de laquelle, toutefois, certains de ses contemporains, comme Nadar, se sont interrogés, en s’appuyant sur les déclarations d’un amant de Jeanne Duval et de prostituées connues, qui témoignent au contraire de la chasteté surprenante de Baudelaire13. Dandy endetté, il est placé sous tutelle judiciaire et mène dès 1842 une vie dissolue. Il commence alors à composer plusieurs poèmes des Fleurs du mal.

Critique d’art et journaliste, il défend Delacroix comme représentant du romantisme en peinture, mais aussi Balzac lorsque l’auteur de La Comédie humaine est attaqué et caricaturé pour sa passion des chiffres14 ou sa perversité présumée15. En 1843, il découvre les « paradis artificiels » dans le grenier de l’appartement familial de son ami Louis Ménard, où il goûte à la confiture verte. Même s’il contracte une colique à cette occasion, cette expérience semble décupler sa créativité (il dessine son autoportrait en pied, très démesuré). Il renouvellera cette expérience occasionnellement, et sous contrôle médical, en participant aux réunions du « club des Haschischins ».

En revanche, sa pratique de l’opium est plus longue : il fait d’abord, dès 1847, un usage thérapeutique du laudanum16, prescrit pour combattre des maux de tête et des douleurs intestinales consécutives à une syphilis, probablement contractée vers 1840 durant sa relation avec la prostituée Sarah la Louchette. Comme De Quincey avant lui, l’accoutumance lui fait augmenter progressivement les doses. Croyant y trouver un adjuvant créatif, il en décrira les enchantements et les tortures17.

En dandy, Baudelaire a des goûts de luxe. Ayant hérité à sa majorité de son père, il dilapide la moitié de l'héritage en 18 mois. Ses dépenses d’apparat sont jugées outrancières par ses proches, qui convoquent un conseil judiciaire18. Le 21 septembre 1844, maître Narcisse Ancelle, notaire de la famille, est officiellement désigné comme conseil judiciaire qui lui alloue une pension mensuelle de 200 francs19. En outre, le dandy doit lui rendre compte de ses faits et gestes. Cette situation infantilisante inflige à Baudelaire une telle humiliation qu'il tente de se suicider d'un coup de couteau dans la poitrine le 30 juin 184520. Outre sa réputation de débauché, Baudelaire passait pour quelques-uns de ses amis pour homosexuel : « C’est moi-même », écrit-il « qui ai répandu ce bruit, et l’on m’a cru »21

Dessin de Courbet pour Le Salut public, 1848.

En 1848, il participe aux barricades. La révolution de février instituant la liberté de la presse, Baudelaire fonde l’éphémère gazette Le Salut Public (d’obédience résolument républicaine), qui ne va pas au-delà du deuxième numéro. Le 15 juillet 1848 paraît, dans La Liberté de penser, un texte d’Edgar Allan Poe traduit par Baudelaire : 

Révélation magnétique. À partir de cette période, Baudelaire ne cessera de proclamer son admiration pour l’écrivain américain, dont il deviendra le traducteur attitré. La connaissance des œuvres de Poe et de Joseph de Maistre atténue définitivement sa « fièvre révolutionnaire »22. Plus tard, il partagera la haine de Gustave Flaubert et de Victor Hugo pour Napoléon III, mais sans s’engager outre mesure d’un point de vue littéraire (« L’Émeute, tempêtant vainement à ma vitre / Ne fera pas lever mon front de mon pupitre » — Paysage dans Tableaux parisiens du recueil Les Fleurs du mal)

  • Peint en 1844 par Émile Deroy.

  • Autoportrait, 1848.

  • Portrait-charge par Nadar.

  • Autoportrait, 1860.

Baudelaire se voit reprocher son style d’écriture et le choix de ses sujets. Il n’est compris que par certains de ses pairs tels Armand Baschet, Édouard Thierry, ChampfleuryJules Barbey d'Aurevilly, Frédéric Dulamon24 ou André Thomas… Cet engouement confidentiel contraste avec l’accueil hostile que lui réserve la presse. Dès la parution des Fleurs du Mal en 1857, Gustave Bourdin réagit avec virulence dans les colonnes du Figaro du  :

 « Il y a des moments où l’on doute de l’état mental de M. Baudelaire, il y en a où l’on n’en doute plus? ; — c’est, la plupart du temps, la répétition monotone et préméditée des mêmes choses, des mêmes pensées. L’odieux y côtoie l’ignoble?; le repoussant s’y allie à l’infect… » Cette appréciation totalement négative deviendra le jugement dominant de l’époque.

Condamnation des Fleurs du mal

Moins de deux mois après leur parution, Les Fleurs du mal sont poursuivies26 pour « offense à la morale religieuse » et « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs ». Seul ce dernier chef d’inculpation sera retenu. Baudelaire est condamné à une forte amende de trois cents francs, réduite à cinquante par suite d’une intervention de l’impératrice Eugénie. L’éditeur Auguste Poulet-Malassis27 s’acquitte, pour sa part, d’une amende de cent francs et doit retrancher six poèmes dont le procureur général Ernest Pinard a demandé l’interdiction (Les Bijoux?; Le Léthé?; À celle qui est trop gaie?; Lesbos?; Femmes damnées [Delphine et Hippolyte]?;

 Les métamorphoses du Vampire). Le 30 août, Victor Hugo, à qui Baudelaire a envoyé son recueil, lui envoie de son exil à Guernesey une lettre d’encouragement : « Vos Fleurs du Mal rayonnent et éblouissent comme des étoiles. Je crie bravo de toutes mes forces à votre vigoureux esprit. Permettez-moi de finir ces quelques lignes par une félicitation. Une des rares décorations que le régime actuel peut accorder, vous venez de la recevoir.

Ce qu’il appelle sa justice vous a condamné au nom de ce qu’il appelle sa morale ; c’est là une couronne de plus28 ». Malgré la relative clémence des jurés eu égard au réquisitoire plus sévère qui vise onze poèmes, ce jugement touche profondément Baudelaire. Contraint et forcé, il fera publier une nouvelle édition en 1861, enrichie de trente-deux poèmes. En 1862, Baudelaire est candidat au fauteuil d’Eugène Scribe à l’Académie Française.

Il est parrainé par Sainte-Beuve et Vigny. Mais le 6 février 1862, il n’obtient aucune voix et se désiste. Par la suite, il renoncera à se présenter au fauteuil d’Henri Lacordaire29. En 1866, il réussit à faire publier à Bruxelles (c’est-à-dire hors de la juridiction française), sous le titre Les Épaves30, les six pièces condamnées accompagnées de seize nouveaux poèmes

Publié le 21 août 1857 par La Gazette des tribunaux et par L’Audience.

« En ce qui touche le délit d’offense à la morale religieuse :
« Attendu que la prévention n’est pas établie, renvoie les prévenus des fins de poursuites ;
« En ce qui touche la prévention d’offense à la moral publique et aux bonnes mœurs :
« Attendu que l’erreur du poète, dans le but qu’il voulait atteindre et dans la route qu’il a suivie, quelque effort de style qu’il ait pu faire, quel que soit le blâme qui précède ou qui suit ses peintures, ne saurait détruire l’effet funeste des tableaux qu’il présente au lecteur, et qui, dans les pièces incriminées, conduisent nécessairement à l’excitation des sens par un réalisme grossier et offensant pour la pudeur ;
« Attendu que Baudelaire, Poulet-Malassis et De Broise ont commis le délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs, savoir : Baudelaire, en publiant ; Poulet-Malassis en publiant, vendant et mettant à la vente, à Paris et à Alençon, l’ouvrage intitulé : Les Fleurs du mal, lequel contient des passages ou expressions obscènes ou immorales ;
« Que lesdits passages sont contenus dans les pièces portant les numéros 20, 30, 39, 80, 81, 87 du recueil ;
« Vu l’article 8 de la loi du 17 mai 1819, l’article 26 de la loi du 26 mai 1819 ;
« Vu également l’article 463 du Code pénal ;
« Condamne Baudelaire à 300 francs d’amende,
« Poulet-Malassis et De Broise chacun à 100 francs d’amende ;
« Ordonne la suppression des pièces portant les numéros 20, 30, 39, 80, 81 et 87 du recueil,
« Condamne les prévenus solidairement aux frais. »
  • Lettre de Charles Baudelaire à l'impératrice Eugénie lui demandant d'intervenir afin que soit diminuée l'amende dont avaient été frappées Les Fleurs du mal, 6 novembre 1857. Archives nationales, AE/II/1980
  • Lettre de Charles Baudelaire à l'impératrice Eugénie 1 - Archives Nationales - AE-II-1980.JPGLettre de Charles Baudelaire à l'impératrice Eugénie 2 - Archives Nationales - AE-II-1980.JPG

  •  

Dernières années

Baudelaire quelques mois avant sa mort.

Le 24 avril 1864, très endetté, il part pour la Belgique afin d’y entreprendre une tournée de conférences. Hélas, ses talents de critique d’art éclairé ne font plus venir grand monde… Il se fixe à Bruxelles où il rend plusieurs visites à Victor Hugo, exilé politique volontaire. Il prépare un pamphlet contre son éphémère pays d’accueil qui représente, à ses yeux, une caricature de la France bourgeoise. Le féroce Pauvre Belgique restera inachevé. Souhaitant la mort d’un royaume qu’il juge artificiel, il en résume l’épitaphe en un mot : Enfin?!

C’est en Belgique que Baudelaire rencontre Félicien Rops, qui illustre Les Fleurs du mal en 1866.

Lors d’une visite à l’église Saint-Loup de Namur, Baudelaire perd connaissance. Cet effondrement est suivi de troubles cérébraux, en particulier d’aphasie. À partir de mars 1866, il souffre d’hémiplégie.

En juillet 1866, on le ramène à Paris. Il est aussitôt admis dans la maison de santé du docteur Guillaume Émile Duval (1825-1899), aliéniste réputé. L’établissement se trouve 1, rue du Dôme. Le poète y occupe, au rez-de-chaussée du pavillon situé au fond du jardin, une chambre bien éclairée ornée de deux toiles d'Édouard Manet31, dont la Maîtresse de Baudelaire, peinte en 1862, aujourd'hui au musée des beaux-arts de Budapest.

C’est là qu’il meurt, rongé par la syphilis, le , à onze heures du matin. Le lendemain, Narcisse Ancelle, son conseil judiciaire, et Charles Asselineau, son ami fidèle, déclarent le décès à la mairie du XVIe arrondissement et signent l’acte d’état civil32.

Le même jour, il est inhumé au cimetière du Montparnasse (6e division), dans la tombe où repose son beau-père détesté, le général Aupick, et où sa mère le rejoindra quatre ans plus tard.

Son faire-part de décès indique : « de la part de Madame Vve Aupick, sa mère, de Mme Perrée, sa grand-tante et de ses enfants, de Mme Vve Baudelaire sa belle-sœur, de M. Jean Levaillant, Général de Brigade, de M° Jean-Jacques Rousseau Levaillant, Chef de Bataillon, de M° Charles Levaillant Général de Division, ses cousins ».

Il n’a pu réaliser son souhait d’une édition définitive des Fleurs du Mal, travail de toute une vie.

Le Spleen de Paris (autrement appelé Petits poèmes en prose) est édité à titre posthume en 1869, dans une nouvelle édition remaniée par Charles Asselineau et Théodore de Banville. À sa mort, son héritage littéraire est mis aux enchères. L’éditeur Michel Lévy l’acquiert pour 1 750 francs. Une troisième édition des Fleurs du Mal, accompagnée des onze pièces intercalaires, a disparu avec lui.

  

  • Masque mortuaire de Baudelaire.

  • Maison où est décédé Charles Baudelaire. Vue d'ensemble depuis la rue Lauriston, juillet 2017.

  • Tombe du général Aupick, de Mme Aupick et de Charles Baudelaire au cimetière du Montparnasse à Paris.

Révision de la condamnation de 1857

Une première demande en révision du jugement de 1857, introduite en 1929 par Louis Barthou, alors ministre de la Justice, ne put aboutir faute de procédure adaptée.

C’est par la loi du 25 septembre 194633 que fut créée une procédure de révision des condamnations pour outrage aux bonnes mœurs commis par la voie du livre, exerçable par le Garde des Sceaux à la demande de la Société des gens de lettres. Celle-ci décida aussitôt, à l’unanimité moins une voix34, de demander une révision pour Les Fleurs du Mal, accordée le 31 mai 1949 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation35,36,37.

Dans ses attendus, la Cour énonce que : « les poèmes faisant l’objet de la prévention ne renferment aucun terme obscène ou même grossier et ne dépassent pas, en leur forme expressive, les libertés permises à l’artiste ; que si certaines peintures ont pu, par leur originalité, alarmer quelques esprits à l’époque de la première publication des Fleurs du Mal et apparaître aux premiers juges comme offensant les bonnes mœurs, une telle appréciation ne s’attachant qu’à l’interprétation réaliste de ces poèmes et négligeant leur sens symbolique, s’est révélée de caractère arbitraire ; qu’elle n’a été ratifiée ni par l’opinion publique, ni par le jugement des lettrés ».

Domiciles du poète

Baudelaire habita principalement à Paris où, constamment endetté et pressé de fuir ses créanciers, il occupa une quarantaine de domiciles38 :

  • 13, rue Hautefeuille, où il naît le 9 avril 1821. La maison fut détruite lors du percement du boulevard Saint-Germain. Une plaque rappelle son emplacement, à l’actuel no 17 (l’immeuble n’est pas numéroté) ?;
  •  
  • 50, rue Saint-André-des-Arts, à partir de la mort de son père (1827) ?;
  •  
  • 11, rue du Débarcadère (située à l’époque à Neuilly-sur-Seine) (1827-1828) ?;
  •  
  • 17, rue du Bac, à partir du remariage de sa mère (1828) et jusqu’à la promotion du colonel Aupick (1832) ?;
  •  
  • Lyon (1832-1836). Baudelaire est logé d’abord à la pension Delorme, puis à l’internat du collège Royal?; pendant cette période, il réside également au 4-6, rue d’Auvergne. Une plaque, marquée d’un C et d’un B au balcon du deuxième étage, y a été apposée
  •  ;
  • 32, rue de l’Université, au retour à Paris (1836) ?;
  •  
  • 123, rue Saint-Jacques, à l’internat du lycée Louis-le-Grand (mars 1836-avril 1839) ?;
  •  
  • rue de la Culture-Sainte-Catherine (devenue rue de Sévigné), dans le Marais, domicile de ses parents après son renvoi du collège (printemps 1839). Baudelaire reprend ses cours comme externe au lycée Saint-Louis ?
  • ;
  • 22, rue du Vieux-Colombier, chez son répétiteur M. Lassègue, jusqu’à passage du baccalauréat (août 1839) ?;
  •  
  • rue de l'Estrapade, pension L’Évêque et Bailly ;
  • rue du Pot-de-Fer-St.-Sulpice (devenue rue Bonaparte), chez MlleThéot
  • ?;
  • 73, rue de Lille ?;
  •  
  • 50, rue de Sévigné ?;
  • Bordeaux, Île Maurice et Île Bourbon (actuelle île de La Réunion), lors de son voyage dans les mers du Sud (9 juin 1841-début février 1842) ?;
  •  
  • 10 (devenu 22), quai de Béthune, sur l’île Saint-Louis40, au rez-de-chaussée à gauche de la porte d’entrée, avec fenêtre sur rue (mai-décembre 1842). Il y reçoit les visites de sa nouvelle maîtresse Jeanne Duval, qu’il avait rencontrée au théâtre du Panthéon sis « cloître Saint-Benoît » (bâtiment remplacé par l’actuelle Sorbonne) ?;
  •  
  • rue Vaneau, au rez-de-chaussée (premier semestre de 1843) ?;
  • 15, quai d’Anjou, sur l’île Saint-Louis (juin à septembre 1843) ?
  • ;
  • 17, quai d’Anjou, à l’hôtel Pimodan (originellement hôtel de Lauzun, puis redevenu tel plus tard), sur l’île Saint-Louis. Baudelaire occupe trois pièces au dernier étage sous les combles, côté cour (octobre 1843-1846). Lors de son aménagement, il loge Jeanne Duval et la mère de Jeanne au 6, rue de la Femme-sans-Tête (devenue rue Le Regrattier), également sur l’île Saint-Louis ?;
  •  
  • une succession d’hôtels et de chambres garnies, souvent très brièvement, à partir de 1846. Au cours de 1846-1847, il réside successivement :
  •  
  • 18, avenue de la République (devenue avenue de Neuilly) à Neuilly-sur-Seine (août 1848) ?;
  • Dijon (bref séjour) ?;
  •  
  • 95, avenue de la République (devenue avenue de Neuilly) à Neuilly-sur-Seine (mai 1850-juillet 1851) ?;
  • 25, rue des Marais-du-Temple (devenue rue Yves-Toudic) ?;
  • 128, rue de la Pompe, dans une chambre qui appartenait à des amis du général Aupick, son beau-père ;
  • 11, boulevard de Bonne-Nouvelle (mai-juillet 1852) ?;
  • 60, rue Pigalle, dans un hôtel situé non loin de Mme Sabatier, qui habitait au 4 ou 16, rue Frochot (octobre 1852-mai 1854). La mère de Baudelaire et son mari, le général Aupick, habitent à cette époque au 91, rue du Cherche-Midi ?;
  •  
  • 61, rue Sainte-Anne, à l’hôtel d’York (actuellement hôtel Baudelaire Opéra) (février 1854) ?;
  • 57, rue de Seine, à l’hôtel du Maroc (mai 1854-février 1855) ?;
  • « balloté d’hôtel en hôtel » en mars 1855, où il déménage à six reprises. Au début de juin, il loge dans des gîtes de rencontre ?;
  •  
  • 13, rue Neuve-des-Bons-Enfants, à l’hôtel de Normandie (juin 1855) ?;
  • 27, rue de Seine (juillet-août 1855) ?;
  • 18, rue d’Angoulême-du-Temple (devenue rue Jean-Pierre-Timbaud) (janvier-juin 1856). C’est là qu’il emménage de nouveau avec Jeanne Duval, mais les choses ne s’arrangent pas (disputes parfois violentes) et il la quitte ?;
  •  
  • 19, quai Voltaire, à l’hôtel Voltaire (actuellement hôtel du quai Voltaire) (juin 1856-novembre 1858). Baudelaire y achève les Fleurs du Mal. L’hôtel se trouve à deux pas de l’imprimerie du Moniteur universel, qui va publier en feuilleton un roman de Poe dans la traduction de Baudelaire — ce dernier dort souvent à l’imprimerie après avoir travaillé toute la journée ?;
  •  
  • Allers-retours entre le domicile de sa mère à Honfleur, et le domicile de Jeanne à Paris, 22, rue Beautreillis?; avec quelques séjours à Alençon pour rendre visite à son éditeur Poulet-Malassis (novembre 1858-juin 1859) ?;
  •  
  • 22, rue d’Amsterdam, à l’hôtel de Dieppe (1859-1864). Mme Sabatier habite non loin à partir de 1860, au 10 rue de la Faisanderie. À cette époque, Baudelaire loge Jeanne Duval à Neuilly-sur-Seine, au 4 rue Louis-Philippe, où il cohabite avec elle brièvement de décembre 1860 à janvier 1861) ?;
  •  
  • 28, rue de la Montagne à Bruxelles, lors d’un séjour en Belgique (1864-1866). Baudelaire loge principalement à l’hôtel du Grand Miroir, Lors de ses rares retours à Paris, il loge à l’hôtel du Chemin de fer du Nord, place du Nord. Jeanne Duval habite à cette époque au 17, rue Sauffroy, dans le quartier des Batignolles. C’est en Belgique que Baudelaire est atteint d’une congestion cérébrale et rapatrié vivant, mais aphasique ?;
  •  
  • 1, rue du Dôme, dans le quartier de Chaillot, à la clinique du docteur Duval. Baudelaire y entre en juillet 1866 et y meurt le 31 août 1867.

    

  • 1842 : 22 (ex 10), quai de Béthune, Paris 4e.

  • 1er semestre 1856 : 18, rue Jean-Pierre Timbaud (ancienne rue d'Angoulême-du-Temple), Paris 11e.

  • 2e semestre 1856 : 19, quai Voltaire, Paris 7e.

  • 1859 : hôtel de Dieppe, 22, rue d’Amsterdam, Paris 9e.

  • 1866 : 1, rue du Dôme, Paris 16e. Lieu du décès.

Baudelaire fréquentait beaucoup les cafés. Selon un ami de jeunesse, il « composait dans les cafés et dans la rue ». Dans sa jeunesse, il retrouvait ses amis Chez Duval, un marchand de vin installé place de l'Odéon. Il affectionnait aussi La Rotonde, un café du Quartier latin. Il prenait souvent ses repas à La Tour d’Argent sur le quai de la Tournelle, un restaurant qui existe toujours sous le même nom mais dont l’intérieur n’a plus rien en commun avec son apparence à l’époque de Baudelaire. Plus tard, ce sera le café Momus de la rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerroisle Mabillele Pradola Chaumière et la Closerie des Lilas.

Regards sur l’œuvre

Horreur et extase

 

Charles Baudelaire par Nadar, 1855.

Idées politiques

Fortement influencé par Joseph de Maistre, dont il adopte en 1851 la lecture analogique de l’histoire comme signe d’une écriture providentielle, adepte d’un catholicisme aristocratique et mystique, dandy de surcroît, Baudelaire rejette les Lumières, la Révolution, la démocratie et la tyrannie de l’opinion publique. Selon lui, « il n'y a de gouvernement raisonnable et assuré que l'aristocratique » car « monarchie ou république, basées sur la démocratie, sont également absurdes et faibles ».

Il évoque l'ivresse que lui a fait éprouver la révolution de 1848, mais précise : « De quelle nature était cette ivresse ? Goût de la vengeance. Plaisir naturel de la démolition. […] Goût de la destruction ». Le coup d’État mené par Louis-Napoléon dans la nuit du 1 au 2 décembre 1851 ne lui laisse plus aucune illusion : « Le 2 décembre m’a physiquement dépolitiqué » écrit-il à Narcisse Ancelle le 5 mars 185267. Il écrit : « Politique. - Je n'ai pas de convictions, comme l'entendent les gens de mon siècle, parce que je n'ai pas d'ambition ».

Pessimiste, il dénonce l’absurdité de l’idée de progrès et l’hérésie moderne de la suppression du péché originel. L’homme éternel n’est que « l’animal de proie le plus parfait »69. De là procède la violence polémique de ses textes (notamment les derniers), le sentiment de l’inéluctable décadence, la conviction de la victoire du satanisme ainsi que des affirmations comme : « Il n’existe que trois êtres respectables : le prêtre, le guerrier, le poète. Savoir, tuer et créer » et il ajoute : « Les autres hommes sont taillables et corvéables, faits pour l'écurie, c'est-à-dire pour exercer ce qu'on appelle des professions ».

Dans Pauvre Belgique, il rapporte : « On me dit qu’à Paris 30 000 pétitionnent pour l’abolition de la peine de mort. 30 000 personnes qui la méritent ». Dans Mon cœur mis à nu, il explique que la peine de mort « a pour but de sauver (spirituellement) la société et le coupable » et précise : « Pour que le sacrifice soit parfait, il faut qu'il y ait assentiment et joie, de la part de la victime. Donner du chloroforme à un condamné à mort serait une impiété, car ce serait lui enlever la conscience de sa grandeur comme victime et lui supprimer les chances de gagner le Paradis ».

Dans « Entre Bainville et Baudelaire », Maurras saluait en Baudelaire l’admirateur de Maistre qui, « dans la faible mesure de l’attention donnée à la vie civique, [avait pris parti] contre tout ce qui ressemblait à la voix du peuple et au suffrage universel. Chrétien bizarre, tourmenté, dissident, il n’en professait pas moins les dogmes les plus opposés à ceux du Vicaire savoyard, tels que la bonté naturelle de l’homme ou l’utilité publique d’une volonté générale ».

Baudelaire jugé par quelques contemporains

Charles Baudelaire par Nadar, printemps 1862.

Le 13 juillet 1857, Gustave Flaubert remercie Baudelaire en ces termes pour l’envoi d’un exemplaire des Fleurs du mal : « … depuis huit jours, je le relis, vers à vers, mot à mot et, franchement, cela me plaît et m’enchante. — Vous avez trouvé le moyen de rajeunir le romantisme. Vous ne ressemblez à personne (ce qui est la première de toutes les qualités). L’originalité du style découle de la conception. La phrase est toute bourrée par l’idée, à en craquer. 

J’aime votre âpreté, avec ses délicatesses de langage qui la font valoir, comme des damasquinures sur une lame fine. […] Ah?! vous comprenez l’embêtement de l’existence, vous?! […] Ce qui me plaît avant tout dans votre livre, c’est que l’art y prédomine. Et puis vous chantez la chair sans l’aimer, d’une façon triste et détachée qui m’est sympathique. Vous êtes résistant comme le marbre et pénétrant comme un brouillard d’Angleterre ».

Barbey d’Aurevilly souligna dans les Fleurs du mal « la réussite des détails, […] la fortune de la pensée, […] le luxe et l’efflorescence de la couleur », mais surtout « l’architecture secrète, un plan calculé », concluant que Baudelaire n’avait que deux voies à suivre après l’écriture d’un tel recueil : « Se brûler la cervelle… ou se faire chrétien ! » Il lui écrivit une lettre dithyrambique et drolatique, où il le qualifiait d’ « ivrogne d’ennui, d’opium et de blasphèmes ».

Victor Hugo lui écrit en octobre 1859 qu’il ne partage pas sa vision de l’art pour l’art, lui préférant « l’art pour le progrès », mais reconnaît qu’il donne à la poésie une force neuve : « Vous dotez le ciel de l’art d’on ne sait quel rayon macabre. Vous créez un frisson nouveau ».

Leconte de Lisle, le 1er décembre 1861, s’émerveille de voir comment, dans la poésie des Fleurs du mal, « tout concorde à l’effet produit, laissant à la fois dans l’esprit la vision de choses effrayantes et mystérieuses, dans l’oreille exercée comme une vibration multiple et savamment combinée de métaux sonores et précieux, et dans les yeux de splendides couleurs ». Comme d’autres, il est sensible à l’originalité de l’œuvre « marquée du sceau énergique d’une longue méditation ».

Sainte-Beuve situe l’œuvre de Baudelaire « à la pointe extrême du Kamtchatka romantique » et voit en l’auteur le représentant parfait de ces cercles littéraires « où l’on récite des sonnets exquis, où l’on s’enivre avec le haschisch pour en raisonner après, où l’on prend de l’opium et mille drogues abominables dans des tasses d’une porcelaine achevée ».

Théodore de Banville parle de la publication des Fleurs du mal et de leurs « courts chefs-d’œuvre » comme d’un « véritable événement littéraire ».

Paul Verlaine juge les poèmes des Fleurs du mal comme « la quintessence, […], la concentration extrême » de ce qui fait « l’homme moderne, avec ses sens aiguisés et vibrants, son esprit douloureusement subtil, son cerveau saturé de tabac, son sang brûlé d’alcool, bref cet échantillon d’humanité qu’il appelle « le bilio-nerveux par excellence » ».

Théophile Gautier dit de lui, en 1868, que « ce poète que l’on cherche à faire passer pour une nature satanique éprise du Mal et de la dépravation […] avait l’amour du Bien et du Beau au plus haut degré ».

D'autres, en revanche, jettent sur l'œuvre et l’homme des commentaires au vitriol.

Ainsi, pour les Goncourt, Baudelaire appartient au cercle des « épaffeurs cyniques », proférant en public d'énormes obscénités. Ils le croisent, deux mois après le procès d’août 1857, et en laissent le portrait suivant : « […] Sans cravate, le col nu, la tête rasée, en vraie toilette de guillotiné. Une seule recherche : de petites mains lavées, écurées, mégissées. La tête d’un fou, la voix nette comme une lame. Une élocution pédantesque ». Ils ajoutent qu’il « se défend, assez obstinément […] d’avoir outragé les mœurs dans ses vers ».

Louis Edmond Duranty qualifie le poète de « croque-mitaine littéraire » au talent surfait « qui emploie les niaiseries du mystère et de l’horreur pour étonner le public ».

Jules Vallès n’a vu en Baudelaire « qu’un fou », « un fanfaron d’immoralité » créateur d’un monde où « les anges avaient des ailes de chauve-souris avec des faces de catins ».

Un certain Louis Goudall s’étonne, dans Le Figaro du 4 novembre 1855, que « Baudelaire [ait] réussi à se faire passer dans le monde des lettres pour un poète de génie » quand on voit comment, à la publication de ses poèmes, sa « réputation et [son] talent […] se brisèrent en mille pièces », ajoutant : « Je défie bien la postérité d’en retrouver un morceau ».

Comment pourrait-il en être autrement, explique-t-il, devant l’« inspiration puérilement prétentieuse », l’« entassement d’allégories ambitieuses pour dissimuler l’absence d’idées », la « langue ignorante, glaciale, sans couleur » et le goût partout affiché pour l’immonde et le scabreux. Non, décidément Baudelaire « ne sera plus cité désormais que parmi les fruits secs de la poésie contemporaine ».

Hommages

Cénotaphe de Charles Baudelaire au cimetière du Montparnasse à Paris.

Musique

Henri Duparc, deux poèmes de Baudelaire, pour chant et piano :

  • L'Invitation au voyage (1870), orchestration du compositeur
  • La Vie antérieure (1884), orchestration du compositeur

Claude Debussy, cinq poèmes de Baudelaire, pour chant et piano :

  • Le Balcon (1888), orchestration John Adams (1994)
  • Harmonie du soir (1889), orchestration John Adams (1994)
  • Le jet d'eau (1889), orchestration John Adams (1994)
  • Recueillement (?), orchestration John Adams (1994)
  • La mort des amants (1887)

André Caplet, deux poèmes de Baudelaire pour chant et piano :

  • La Cloche fêlée (1922)
  • La Mort des pauvres (1922)

Cénotaphe

Le cénotaphe de Baudelaire est situé entre les 26e et 27e divisions du cimetière parisien du Montparnasse. Ce monument ne doit pas être confondu avec sa tombe située dans le même cimetière, dans la 6e division

la visite : les œuvres 1. Les peintres que Baudelaire n’aime pas • Les peintres ingristes et académiques S’il reconnaît, à son corps défendant, le talent d’Ingres, il trouve son école catastrophique. Eugène-Emmanuel Amaury-Duval (1808-1885) : Annonciation, 1860 - Localisation : rez-de-chaussée, salle 1 - Amaury-Duval, un des élèves d’Ingres ; peinture religieuse néo-classique, italianisante - Baudelaire et les ingristes :

“Le parti des ennemis du soleil”, Salon de 1846. Il a horreur des “affèteries” de cette peinture qu’il juge trop distinguée, trop “finie”, dont l’héroine est toujours “diaphane et bégueule comme une élégie, et amaigrie par le thé et le beurre esthétique” (Salon de 1846).

Au lieu d’imiter servilement les anciens, il faut des sujets modernes. Gérôme Jean-Léon (1824-1904) : Un combat de coqs, 1846 - Localisation : rez-de-chaussée, salle 1 - Gérôme peintre néo-grec, également admirateur d’Ingres - Baudelaire considère Gérôme comme le chef de “l’école des pointus” (Salon de 1859).

Il “réchauffe les sujets par de petits ingrédients et par des expédients puérils”. De ce tableau il écrit : “l’idée d’un combat de coqs appelle naturellement le souvenir de Manille ou de l’Angleterre. M. Gérôme essayera de surprendre notre curiosité en transposant ce jeu dans une espèce de pastorale antique”. Bref, il juge que ce genre de peinture n’est que de la “cuisine”, et qu’en général ce n’est pas avec des “Cupidons de confiseurs” qu’on peut représenter l’amour. • Les peintres de la campagne Rousseau Théodore (1812-1867) :

Une avenue, forêt de l’Isle-Adam, 1849 - Localisation : rez-de-chaussée, salle 5 - Tableau représentatif du naturalisme romantique des peintres de Barbizon : goût exclusif du paysage, surtout de la forêt et des jeux de lumières, peinture sur le motif. - Baudelaire reconnaît des qualités à Théodore Rousseau mais trouve sa peinture en général trop agitée : “la silhouette générale des formes est souvent difficile à saisir (...) M.Rousseau m’a toujours ébloui ; mais il m’a quelquefois fatigué.” (Salon de 1859). La vérité est que le sujet ne l’intéresse pas. Si l’art ne se réduit pas, on l’a vu, à une virtuosité technique vide, il ne doit pas non plus se soumettre docilement à son sujet. Surtout quand ce sujet est la nature : elle ne vaut que transformée par l’homme. Un visage maquillé est plus beau qu’un visage nu ; Baudelaire aurait aimé repeindre les prairies en rouge et les arbres en bleu. 3. La modernité : Manet Manet Edouard (1832-1883) : Lola de Valence, 1862 -

Localisation : rez-de-chaussée, salle 14 - Portrait d’ une danseuse espagnole alors très à la mode à Paris. Enthousiasme de Baudelaire devant le tableau, auquel il destine ce quatrain : “Entre tant de beautés que partout on peut voir, Je comprends bien, amis, que le désir balance, Mais on voit scintiller en Lola de Valence Le charme inattendu d’un bijou rose et noir”. Le quatrain figure sur un cartel et non sur le cadre, comme le souhaitait Baudelaire.

 Baudelaire ne voit pas la suite de l’œuvre de Manet, qu’il sous-évalue certainement. Montrer que le programme qu’il trace du Peintre de la Vie moderne (1863), inspiré par Constantin Guys qui n’est d’ailleurs pas un peintre, est en réalité accompli par Manet : “Celui-là sera le peintre, le vrai peintre, qui saura arracher à la vie actuelle son côté épique, et nous faire voir et comprendre, avec de la couleur et du dessin, combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottines vernies.” (1845)

. Ou encore : “La vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux” (1846) ;

“La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’eternel et l’immuable” (1863). 4. “Je suis belle, ô mortels, comme un rêve de pierre...” Christophe Ernest (1827-1892)

: La Comédie humaine ou Le Masque, 1876 - Localisation : rez-de-chaussée, allée centrale - Baudelaire a vu le plâtre de 1857 qui lui inspire un poème des Fleurs du Mal (Le Masque), dédié au sculpteur. “Et, regarde, voici, crispée atrocement, La véritable tête, et la sincère face Renversée à l’abri de la face qui ment”.

- Figure de la duplicité de la condition humaine. Quand Baudelaire veut approcher l’idée abstraite, c’est parfois à la sculpture qu’il a recours. Après l’avoir considérée comme un art primitif, il utilise sa matérialité même comme image de l’éternité, ou de l’idéal. Il écrit dans le Salon de 1859 : “Fussiez-vous le plus insouciant des hommes, le plus malheureux ou le plus vil, mendiant ou banquier, le fantôme de pierre s’empare de vous pendant quelques minutes, et vous commande, au nom du passé, de penser aux choses qui ne sont pas de la terre.

Tel est le rôle divin de la sculpture”. Voir aussi le poème La Beauté, qui date de 1857. 1 1 2 3 2 3 4 Mode d’emploi de la visite • Niveau : pour classes de lycée. les objectifs 1 et 3 peuvent être adaptés pour des classes de collège. • Utilisation : recherche préliminaire Objectif 1) articles de presse contemporaine + textes choisis de critique d’art. Objectif 2) étude de Manette Salomon et de L’Œuvre. Objectif 3)

panorama de la peinture, depuis le milieu du siècle jusqu’à l’Olympia (niveau 0 du musée, à l’aide du guide du Musée d’Orsay). Définition de termes comme classique, néoclassique, académique, etc... • Ensuite, visite guidée par le professeur devant les œuvres. • Prolongement en littérature par l’étude des Fleurs du Mal. Ou utilisation de la fiche-visite analogue sur Zola. Bref, il trouve que la peinture de paysage est toujours décevante et réprouve “le culte niais de la nature” (1859). Millet Jean-François (1814-1875) :

Des glaneuses, 1857 - Localisation : rez-de-chaussée, salle 6 - Millet peintre des paysans et de la nature, très populaire par la force de ses images. - Baudelaire le trouve très prétentieux. “Ses paysans sont des pédants qui ont d’eux-mêmes une trop haute opinion. Ils étalent une manière d’abrutissement sombre et fatal qui me donne envie de les haïr”. (Salon de 1859). 2. Le plus grand : Delacroix Delacroix Eugène (1798-1863) : Chasse aux lions, esquisse de 1854 - Localisation : rez-de-chaussée, salle 2 -

Esquisse proche d’un grand tableau achevé par Delacroix, et détruit depuis, frappante par la violence du mouvement et des couleurs, et par sa liberté résolument moderne. - Baudelaire : “Une véritable explosion de couleurs (...) Jamais couleurs plus belles, plus intenses ne pénétrèrent jusqu’à l’âme par le canal des yeux” (Exposition universelle de 1855).

Il adore ici la sauvagerie de la “peinture pure”, à l’opposé de la peinture “astiquée”, et conseille au spectateur de regarder les œuvres de Delacroix de très loin, avant d’approcher pour identifier le sujet. Baudelaire véritablement nourri de l’œuvre de Delacroix, s’identifie entièrement à cette “âme” si proche de la sienne : liberté de l’imagination en quête d’idéal, douleur rêveuse, intelligence prodigieuse des sujets, même historiques ou religieux.

Delacroix est un inventeur servi par une technique éblouissante, qui fait de chaque tableau un véritable “drame”, celui chez qui “le beau est toujours bizarre” (Exposition universelle de 1855). Pour que cette visite soit complète il faudrait voir aussi les grands Delacroix du Louvre, antérieurs, que Baudelaire a commentés un par un, en détail, dès les Salons de 1845 et 1846. 1.

Amaury-Duval : Annonciation, 1860 2. Gérôme : Un combat de coqs, 1846 3. Rousseau : Une avenue, forêt de l’Isle-Adam, 1849 1. Millet : Des glaneuses, 1857 2. Delacroix : Chasse aux lions, esquisse de 1854 3. Manet : Lola de Valence, 1862 4. Christophe : La Comédie humaine ou Le Masque, 1876 la visite : les œuvres 1. Les peintres que Baudelaire n’aime pas • Les peintres ingristes et académiques S’il reconnaît, à son corps défendant, le talent d’Ingres, il trouve son école catastrophique. Eugène-Emmanuel Amaury-Duval (1808-1885) :

Annonciation, 1860 - Localisation : rez-de-chaussée, salle 1 - Amaury-Duval, un des élèves d’Ingres ; peinture religieuse néo-classique, italianisante - Baudelaire et les ingristes : “Le parti des ennemis du soleil”, Salon de 1846. Il a horreur des “affèteries” de cette peinture qu’il juge trop distinguée, trop “finie”, dont l’héroine est toujours “diaphane et bégueule comme une élégie, et amaigrie par le thé et le beurre esthétique” (Salon de 1846). Au lieu d’imiter servilement les anciens, il faut des sujets modernes. Gérôme Jean-Léon (1824-1904) :

Un combat de coqs, 1846 - Localisation : rez-de-chaussée, salle 1 - Gérôme peintre néo-grec, également admirateur d’Ingres - Baudelaire considère Gérôme comme le chef de “l’école des pointus” (Salon de 1859). Il “réchauffe les sujets par de petits ingrédients et par des expédients puérils”. De ce tableau il écrit : “l’idée d’un combat de coqs appelle naturellement le souvenir de Manille ou de l’Angleterre. M. Gérôme essayera de surprendre notre curiosité en transposant ce jeu dans une espèce de pastorale antique”.

Bref, il juge que ce genre de peinture n’est que de la “cuisine”, et qu’en général ce n’est pas avec des “Cupidons de confiseurs” qu’on peut représenter l’amour. • Les peintres de la campagne Rousseau Théodore (1812-1867) : Une avenue, forêt de l’Isle-Adam, 1849 - Localisation : rez-de-chaussée, salle 5 - Tableau représentatif du naturalisme romantique des peintres de Barbizon : goût exclusif du paysage, surtout de la forêt et des jeux de lumières, peinture sur le motif. - Baudelaire reconnaît des qualités à Théodore Rousseau mais trouve sa peinture en général trop agitée : “la silhouette générale des formes est souvent difficile à saisir (...)

M.Rousseau m’a toujours ébloui ; mais il m’a quelquefois fatigué.” (Salon de 1859). La vérité est que le sujet ne l’intéresse pas. Si l’art ne se réduit pas, on l’a vu, à une virtuosité technique vide, il ne doit pas non plus se soumettre docilement à son sujet. Surtout quand ce sujet est la nature : elle ne vaut que transformée par l’homme. Un visage maquillé est plus beau qu’un visage nu ; Baudelaire aurait aimé repeindre les prairies en rouge et les arbres en bleu. 3. La modernité : Manet Manet Edouard (1832-1883) : Lola de Valence, 1862

- Localisation : rez-de-chaussée, salle 14 - Portrait d’ une danseuse espagnole alors très à la mode à Paris. Enthousiasme de Baudelaire devant le tableau, auquel il destine ce quatrain : “Entre tant de beautés que partout on peut voir, Je comprends bien, amis, que le désir balance, Mais on voit scintiller en Lola de Valence Le charme inattendu d’un bijou rose et noir”. Le quatrain figure sur un cartel et non sur le cadre, comme le souhaitait Baudelaire. - Baudelaire ne voit pas la suite de l’œuvre de Manet, qu’il sous-évalue certainement. Montrer que le programme qu’il trace du Peintre de la Vie moderne (1863), inspiré par Constantin Guys qui n’est d’ailleurs pas un peintre, est en réalité accompli par Manet : “Celui-là sera le peintre, le vrai peintre, qui saura arracher à la vie actuelle son côté épique, et nous faire voir et comprendre, avec de la couleur et du dessin, combien nous sommes grands et poétiques dans nos cravates et nos bottines vernies.” (1845).

Ou encore : “La vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux” (1846) ; “La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’eternel et l’immuable” (1863). 4. “Je suis belle, ô mortels, comme un rêve de pierre...” Christophe Ernest (1827-1892) : La Comédie humaine ou Le Masque, 1876 -

Localisation : rez-de-chaussée, allée centrale - Baudelaire a vu le plâtre de 1857 qui lui inspire un poème des Fleurs du Mal (Le Masque), dédié au sculpteur. “Et, regarde, voici, crispée atrocement, La véritable tête, et la sincère face Renversée à l’abri de la face qui ment”. - Figure de la duplicité de la condition humaine. Quand Baudelaire veut approcher l’idée abstraite, c’est parfois à la sculpture qu’il a recours. Après l’avoir considérée comme un art primitif, il utilise sa matérialité même comme image de l’éternité, ou de l’idéal. Il écrit dans le Salon de 1859 : “Fussiez-vous le plus insouciant des hommes, le plus malheureux ou le plus vil, mendiant ou banquier, le fantôme de pierre s’empare de vous pendant quelques minutes, et vous commande, au nom du passé, de penser aux choses qui ne sont pas de la terre. Tel est le rôle divin de la sculpture”.

Voir aussi le poème La Beauté, qui date de 1857. 1 1 2 3 2 3 4 Musée d’Orsay Service culturel texte : N. Savy graphisme et impression : Musée d’Orsay 1991 réimpression 1995 fiche de visite Baudelaire critique d’art • Présentation • Mode d’emploi de la visite • Objectifs • La visite : les œuvres • Bibliographie 1. Courbet : L’atelier du peintre. Allégorie réelle, 1855 2. Fantin-Latour : Hommage à Delacroix, 1864 3. Matisse : Luxe, calme et volupté, 1904 5. Portraits de Baudelaire Courbet Gustave (1819-1877)

: L’atelier du peintre. Allégorie réelle, 1855 - Localisation : rez-de-chaussée, salle 7 - Baudelaire : le dernier personnage à droite. Courbet avait placé sa maîtresse Jeanne Duval à côté de lui ; Baudelaire lui a demandé de l’effacer. - La représentation du poète : absorbé dans sa lecture, complétement absent de la scène que contemplent d’autres personnages, celle du peintre au travail. Que peint ici Courbet ? Le relatif refroidissement de rapports qui étaient très amicaux, la difficulté à communiquer sur le plan personnel ou artistique, ou l’irréductible fossé qui sépare la peinture de la poésie, l’image du texte ? Fantin-Latour Henri (1836-1904) :

Hommage à Delacroix, 1864 - Localisation : rez-de-chaussée, salle 29 - Réunion d’artistes et d’écrivains en hommage au peintre, qui est mort assez isolé l’année précédente. - Baudelaire en a conçu un véritable désespoir. Là encore il est isolé, à droite dans le tableau, sur une diagonale qui va de Delacroix à Manet et au poète : l’histoire de l’art et de la littérature nous permet de voir là, après coup, une filiation essentielle. 6. Un hommage à Baudelaire Matisse Henri 1869-1954) : Luxe, calme et volupté, 1904 - Localisation : niveau supérieur, salle 46

- A partir d’un vers de L’invitation au voyage, Matisse peint l’île paradisiaque des rêves de Baudelaire. - Rapports thèmatiques, esthétiques entre un poème et un tableau, séparés par un demi-siècle.



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Toutes les grandes œuvres romantiques témoignent de ce passage de l’horreur à l’extase et de l’extase à l’horreur. Ces impressions naissent chez Baudelaire du sentiment profond de la malédiction qui pèse sur la créature depuis la chute originelle. En ce sens, les Fleurs du Mal appartiennent au Génie du christianisme.

Analysant ce qu’il appelait « le vague des passions » dans la préface de 1805 à cet ouvrage, Chateaubriand écrivait : « Le chrétien se regarde toujours comme un voyageur qui passe ici-bas dans une vallée de larmes, et qui ne se repose qu’au tombeau ».

Pour Baudelaire, il ne s’agit ni de littérature, ni de notions plus ou moins abstraites, mais « du spectacle vivant de (sa) triste misère ». Comme la nature, l’homme est souillé par le péché originel et, à l’instar de René ou de Werther (Goethe), Baudelaire n’éprouve le plus souvent que le dégoût pour « la multitude vile » (Recueillement). Ce qui le frappe surtout, c’est l’égoïsme et la méchanceté des créatures humaines, leur paralysie spirituelle, et l’absence en elles du sens du beau comme du bien

. Le poème en prose La Corde, s’inspirant d’un fait vrai, raconte comment une mère, indifférente à l’égard de son enfant qui vient de se pendre, s’empare de la corde fatale pour en faire un fructueux commerce.

Autoportrait de Charles Baudelaire.

Baudelaire devait en souffrir plus que tout autre46 : L’Albatros dénonce le plaisir que prend le « vulgaire » à faire le mal, et, singulièrement, à torturer le poète.

Dans L’Art romantique, Baudelaire remarque : « C’est un des privilèges prodigieux de l’Art que l’horrible, artistement exprimé, devienne beauté et que la douleur rythmée et cadencée remplisse l’esprit d’une joie calme. » Des poèmes, comme Le Mauvais MoineL’EnnemiLe Guignon montrent cette aspiration à transformer la douleur en beauté. Peu avant Baudelaire, Vigny et Musset avaient également chanté la douleur.

Comment Baudelaire aurait-il pu croire à la perfectibilité des civilisations?? Il n’a éprouvé que mépris pour le socialisme d’une part, le réalisme et le naturalisme d’autre part48. Avec une exception pour le réaliste Honoré de Balzac, chez qui il voyait bien davantage qu’un naturaliste (« Si Balzac a fait de ce genre roturier [le roman de mœurs] une chose admirable, toujours curieuse et souvent sublime, c’est parce qu’il y a jeté tout son être. J’ai maintes fois été étonné que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur?; il m’avait toujours semblé que son principal mérite était d’être visionnaire, et visionnaire passionné. »).

Les sarcasmes à l’égard des théories socialistes (après 1848), réalistes ou naturalistes se multiplient dans son œuvre. Comme Poe dont il traduit les écrits, il considère « le Progrès, la grande idée moderne, comme une extase de gobe-mouches ». Pour en finir avec ce qu’il appelle « les hérésies » modernes, Baudelaire dénonce encore « l’hérésie de l’enseignement » :

 « La poésie, pour peu qu’on veuille descendre en soi-même, interroger son âme, rappeler ses souvenirs d’enthousiasme, n’a pas d’autre but qu’elle-même. […] Je dis que si le poète a poursuivi un but moral, il a diminué sa force poétique?; et il n’est pas imprudent de parier que son œuvre sera mauvaise »50. Bien que Victor Hugo et lui se rejoignent dans une même tradition française d’ « éloquence ostentatoire »51, il exerce aussi sa verve contre l’auteur des Misérables et caresse un moment le projet d’écrire un Anti-Misérables satirique.

Le poète ne s’en révolte pas moins contre la condition humaine. Il dit son admiration pour les grandes créations sataniques du romantisme comme Melmoth (roman noir  gothique — de Charles Robert Maturin). Négation de la misère humaine, la poésie ne peut être pour lui que révolte. Dans les Petits poèmes en prose, celle-ci prend une forme plus moderne et se fait même humour noir.

Art poétique

Portrait de Charles Baudelaire par Gustave Courbet, vers 1848.

Rejetant le réalisme et le positivisme contemporains, Baudelaire sublime la sensibilité et cherche à atteindre la vérité essentielle, la vérité humaine de l’Univers, ce qui le rapproche du platonisme[réf. nécessaire]. Il écrit ainsi, en introduction à trois de ses poèmes dans le Salon de 1846 : « La première affaire d’un artiste est de substituer l’homme à la nature et de protester contre elle. Cette protestation ne se fait pas de parti pris, froidement, comme un code ou une rhétorique, elle est emportée et naïve, comme le vice, comme la passion, comme l’appétit. » et il ajoute, dans le Salon de 1859 : « L’artiste, le vrai artiste,

le vrai poète, ne doit peindre que selon ce qu’il voit et ce qu’il sent. Il doit être réellement fidèle à sa propre nature. » Baudelaire énonce ainsi les principes de la sensibilité moderne : « Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu’il soit volontairement, froidement bizarre, car dans ce cas il serait un monstre sorti des rails de la vie. Je dis qu’il contient toujours un peu de bizarrerie, de bizarrerie non voulue, inconsciente, et que c’est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le Beau. »

C’est pourquoi l’imagination est pour lui « la reine des facultés ». En fait, elle substitue « une traduction légendaire de la vie extérieure »?; à l’action, le rêve. Cette conception de la poésie annonce celle de presque tous les poètes qui vont suivre. Cependant, Baudelaire n’a pas vécu son œuvre. Pour lui, vie et poésie restent dans une certaine mesure séparées (ce qu’il exprime en disant : La poésie est ce qu’il y a de plus réel, ce qui n’est complètement vrai que dans un autre monde).

Là où Baudelaire et Stéphane Mallarmé ne pensent qu’à créer une œuvre d’art, les surréalistes voudront, après Arthur Rimbaud, réaliser une œuvre de vie et essaieront de conjuguer action et écriture. Malgré cette divergence d’avec ses successeurs, Baudelaire fut l’objet de vibrants hommages, tel celui que lui rendit le jeune Rimbaud, pour qui il représente un modèle : « Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu. » Il suffit de comparer ces propos :

« […] qui n'a connu ces admirables heures, véritables fêtes du cerveau, où les sens plus attentifs perçoivent des sensations plus retentissantes, où le ciel d'un azur plus transparent s'enfonce dans un abîme plus infini, où les sons tintent musicalement, où les couleurs parlent, et où les parfums racontent des mondes d'idées ? Eh bien, la peinture de Delacroix me paraît la traduction de ces beaux jours de l'esprit. Elle est revêtue d'intensité et sa splendeur est privilégiée. Comme la nature perçue par des nerfs ultrasensibles, elle révèle le surnaturalisme. »

à ce passage du Premier Manifeste du surréalisme :

« réduire l'imagination à l'esclavage, quand bien même il y irait de ce qu'on appelle grossièrement le bonheur, c'est se dérober à tout ce qu'on trouve, au fond de soi, de justice suprême. La seule imagination me rend compte de ce qui peut être, et c'est assez pour lever un peu le terrible interdit ; assez aussi pour que je m'abandonne à elle sans crainte de me tromper. »

Ainsi, le surnaturalisme porte en germe certains aspects de l’œuvre de Lautréamont, de Rimbaud et du surréalisme même.

C’est à propos de la peinture d’Eugène Delacroix et de l’œuvre de Théophile Gautier que Baudelaire a usé de cette formule célèbre qui caractérise si justement son art : « Manier savamment une langue, c’est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire. C’est alors que la couleur parle, comme une voix profonde et vibrante, que les monuments se dressent et font saillie sur l’espace profond ; que les animaux et les plantes, représentants du laid et du mal, articulent leur grimace non équivoque, que le parfum provoque la pensée et le souvenir correspondants ; que la passion murmure ou rugit son langage éternellement semblable. »

Baudelaire utilise régulièrement la synesthésie pour créer une fusion des sens, notamment dans le poème Correspondances.

Le Port, petit poème en prose paru en 1869 – manuscrit de Baudelaire.

Avant lui, seul Gérard de Nerval avait pratiqué une poésie qui ne fût pas littérature. Libérée du joug de la raison, la poésie peut désormais exprimer la sensation.

« En faisant de Baudelaire le chef de file d'une poésie de la sensation, Barrès le montre s'épuisant à « chercher de sensations en sensations des frissons, des frissons nouveaux »

Lors de l’inauguration du monument Baudelaire au cimetière du Montparnasse, Armand Dayot, inspecteur des Beaux-Arts, rappellera cette recherche de la sensation : « Ce fait même d'avoir découvert un frisson nouveau, frisson qui va jusqu'à l'extrême limite de la sensibilité, presque au délire de l'Infini, dont il sut emprisonner les manifestations les plus fugitives, fait de Baudelaire un des explorateurs les plus audacieux, mais aussi des plus triomphants de la sensation humaine ».

Déjà, dans ses meilleurs poèmes, Baudelaire, tout comme Mallarmé et Maurice Maeterlinck après lui, ne conserve du vers classique que la musique. Par les césures irrégulières, les rejets et les enjambements, il élude le caractère trop mécanique de l’alexandrin et pose les prémices du vers impair de Verlaine et des dissonances de Laforgue, voire du vers libre. Baudelaire jette ainsi les bases du symbolisme.

Inspiré par la lecture de Gaspard de la nuit d’Aloysius Bertrand, qui avait introduit en France le poème en prose, Baudelaire compose les Petits poèmes en prose et explique, dans sa préface : « Quel est celui de nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience} ?? »

Jeanne Duval

Jeanne Duval est la principale muse de Baudelaire, avant Apollonie Sabatier et Marie Daubrun. Il entretint une relation tumultueuse et résolument charnelle avec cette mystérieuse quarteronne59, proche des gens de théâtre et même comédienne secondaire au théâtre de la Porte-Sainte-Antoine. Pour fuir les créanciers, elle avait pour habitude d’emprunter diverses identités (en 1864, elle se faisait appeler « Mademoiselle Prosper »).

En réalité, elle se serait appelée « Jeanne Lemer »60. Dans une lettre testamentaire adressée le 30 juin 1845 à son notaire, Narcisse Ancelle, où il annonce son intention de se tuer, Baudelaire affirme : « Je donne et lègue tout ce que je possède à Mlle Lemer […] Moi, je n’ai que Jeanne Lemer. Je n’ai trouvé de repos qu’en elle […] ». Plus tard, Baudelaire payera même la pension de Jeanne à l’hospice. Fait de ruptures et de réconciliations, leur ménage illustrait l’union de deux caractères forts.

Jeanne Duval représente pour lui l’ignorance intacte, l’animalité pure.

Poèmes rendant hommage à Jeanne Duval

Ce dernier poème, détaillant le destin réservé à Jeanne après sa mort, est assez peu élogieux. Il tire le bilan amer et cruel d’une relation qui n’aura pu satisfaire Baudelaire et se sera avérée source de souffrances bien plus que de bonheur. Il se conclut ainsi : « Et le ver rongera ta peau comme un remords. »

Principaux ouvrages

Baudelaire signatur.jpg

Baudelaire, dans la Bibliothèque de la PléiadeŒuvres complètes, volume I.

Baudelaire fut également parmi les premiers traducteurs d’Edgar Allan Poe, qu’il contribua à faire connaître en France. Il réunit ses traductions dans plusieurs recueils, notamment les Histoires extraordinaires.


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  • Intelligence, Musique, Wikipédia... Parlez-vous le Genette ?
  • Jean-Pierre Richard,
  • « Profondeur de Baudelaire »,
  • dans Poésie et profondeur,
  •  Le Seuil,
  • coll. « Pierres vives »,
  • 1955 
  • réédition, coll. « Points Essais »
  • 1976.

  •  

  • Yves Bonnefoy
  •  
  • Yves Bonnefoy,
  • « Les Fleurs du mal »,
  • dans L’Improbable et autres essais,
  • Mercure de France,
  • 1959.
  • ___________
  •  
  • « Baudelaire contre Rubens »
  • , dans Le Nuage rouge et autres essais,
  • Mercure de France,
  • 1977.
  • ____________
  •  
  • « Baudelaire »,
  • dans Lieux et destins de l’image,
  • Seuil,
  • La librairie du xxe siècle,
  • 1999.
  • ___________
  • « La Tentation de l’oubli »
  • dans Sous l’horizon du langage
  •  Mercure de France,
  • 2002.

  • Hugo Friedrich.jpg
  •  
  • Hugo Friedrich,
  • « Baudelaire, le poète de la modernité »
  • dans Structure de la poésie moderne,
  • trad. par Michel-François Demet,
  • Livre de Poche,
  • 1999.

  •  
  • Xavier de Harlay,
  • « L’Idéal moderne selon Charles Baudelaire
  • & Théodore Chassériau »,
  • revue Art et Poésie de Touraine
  •  no 180,
  • 2005.

  • Max Milner - 2007.jpg

  • Max Milner,
  • « Le Diable dans la littérature française
  • de Cazotte à Baudelaire »,
  • éd. José Corti,
  • 1960 et 2007,
  • chapitre « Baudelaire ».

  • Jean-Luc Steinmetz

  • Jean-Luc Steinmetz,
  • « Baudelaire et Hetzel »,
  • dans Revue Jules Verne no 37,
  • Hetzel éditeur
  • par excellence,
  • 2013.

 


Les Fleurs du Mal, Spleen et Idéal

Extrait audio

Ce livre audio propose une sélection de vingt-deux poèmes extraits du recueil Les Fleurs du Mal, Spleen et Idéal de Charles Baudelaire.
À travers ses poèmes, Baudelaire nous fait partager le drame qui se joue en lui et qui n'est autre que la tragédie humaine. Baudelaire, premier poète moderne, donne à la poésie sa véritable dimension : exprimer, par-delà les mots, ce vertige absolu qui s'empare de l'âme. Tout chez lui affirme la nécessité de la souffrance, la fatalité du péché. Tout traduit une âme profondément troublée mais charitable. Baudelaire fait des Fleurs du Mal un immense poème à la vie et au monde

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Charles Baudelaire: Oeuvres complètes et annexes - annotées et illustrées - Arvensa Editions par [Charles Baudelaire, ' Arvensa Editions]baudelaie 1Ecrits sur l'art (I) (1845-1855) par Baudelaire


 

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