l affaire Calas

 

 

 

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CONTEXTE

L’édit de Nantes révoqué

En 1761, lorsque l’affaire Calas éclate, l’Edit de Nantes (1598), édit de tolérance reconnaissant la liberté de culte aux protestants, n’est plus. Louis XIV l’a révoqué le 

Dragonnades

18 octobre 1685 et les dragonnades se multiplient pour convertir de force les protestants. Bien que les conséquences de cette politique se révéleront négatives pour le royaume, tant sur le plan économique que sur le plan diplomatique, Louis XV décide de la pérenniser : peine capitale contre les pasteurs surpris dans l’exercice de leur ministère ; galères à perpétuité pour les protestants que l’on arrêterait en flagrant délit de pratiquer le culte. Les protestants n’ont plus accès aux charges et aux dignités publiques ni à certaines professions. Ils ne sont pas inscrits sur les registres de l’état civil.

 

Le jansénisme se propage

En cette deuxième moitié du XVIIIème siècle, le pouvoir royal reste également confronté au jansénisme, mouvement religieux du XVIIè siècle qui

 Abbaye de Port-Royal des champs

s’est développé en réaction à certaines évolutions de l'Église catholique et à l'absolutisme royal, qu’il rejette avec l’aide du pape. La destruction, en 1711, par Louis XIV, du monastère de Port-Royal des Champs, haut lieu du jansénisme, n’a pas mis fin au mouvement. Le jansénisme prend une forme plus politique : de nombreux parlementaires d’Ancien Régime sont jansénistes ; en 1713, Henri François d’Aguesseau, alors procureur général du Parlement de Paris - avant de devenir chancelier et garde des sceaux - s’était opposé à l’enregistrement d’une bulle papale dénonçant cette doctrine. La cause janséniste eût une forte influence notamment lors des révoltes parlementaires du XVIIIème face à l’absolutisme royal.

 

Toulouse, ville farouchement catholique

L’affaire Calas survient à quelques mois des célébrations du bicentenaire du jour de la Victoire à Toulouse. Le 17 mai 1562, jour de Pentecôte, les Huguenots1, las des persécutions dont ils sont victimes, sont sur le point de se rendre maîtres du Capitole mais ils sont délogés et quatre mille d’entre eux sont massacrés. Dès lors, chaque année, les Toulousains, y voyant le signe de la Providence, organisent une procession pour commémorer ce massacre, passant outre les six arrêts du conseil qui l’ont interdite. « La ville de Toulouse est sans contredit l’une des plus superstitieuses d’Europe, sa haine des Huguenots est la plus étrange du monde »2 écrivait le philosophe Pierre Bayle (1647-1706).

 

L’AFFAIRE

Protagonistes

 

Marc-Antoine Calas, le mort :

 28 ans en 1761, il a fait son droit et veut devenir avocat mais il se heurte à la législation antiprotestante qui interdit cette profession aux « prétendus réformés ». Il renonce et seconde son père à la boutique de tissus. Il est dépeint par son entourage comme taciturne et mélancolique. Marc-Antoine Calas est retrouvé mort le 13 octobre 1761 au soir, dans la boutique de son père, après un dîner en famille pris à l’étage, rue des filatiers à Toulouse.

Réponse d'Hubert Dalle

 

Jean Calas

 le père

: 63 ans. Il est marchand de tissus depuis quarante ans. Il a six enfants : quatre fils, suivis de deux filles. Il découvre à 22 heures, en compagnie de son fils Pierre et d'un ami Gaubert Lavaysse, Marc-Antoine mort dans sa boutique.

Réponse de Dominique Le Bras

 

Anne Rose Cabibel épouse Calas,

la mère

Madame Calas n’est pas présente lors de la découverte du corps de son fils. Lorsqu’elle entend les cris de son mari, elle veut descendre à la boutique mais Lavaysse l’arrête dans l’escalier. Lorsqu'elle trouve son fils décédé, les cris redoublent d’intensité.

Réponse d'Hubert Dalle

 

Pierre Calas,

le deuxième fils de Jean :

 Pierre raccompagne son ami Lavaysse après le dîner, il est présent lors de la découverte du corps.

Réponse de Dominique Le Bras

 

Louis Calas,

le troisième fils :

 25 ans. Il s’est converti cinq ans plus tôt au catholicisme sous l’influence de Jeanne Viguière, la servante de la maison. Il a rompu avec sa famille, ne travaille pas et vit de la rente que son père est tenu de lui payer de par la loi parce que Louis a abjuré.

Réponse d'Hubert Dalle

 

Gaubert Lavaysse,

ami de Marc-Antoine et de Pierre Calas : 19 ans. Fils d’un célèbre avocat toulousain, il est arrivé de Bordeaux la veille de l’événement. Il dîne par hasard chez les Calas ce soir là.

Réponse de Dominique Le Bras

 

Jeanne Viguière,

servante de la famille Calas : 

Jeanne Viguière est une fervente catholique au service des Calas depuis vingt cinq ans. Elle a élevé leurs six enfants. Elle fût l’un des principaux instruments de la conversion de Louis Calas ; Jean Calas le sut mais ne lui fit jamais aucun reproche et la conserva chez lui, la traitant toujours avec égards.

Réponse d'Hubert Dalle

 

Les faits

Le 13 octobre 1761, après un dîner familial, vers 19h30, Marc-Antoine, comme à son habitude, sort. Personne n’est inquiet de son absence, il part souvent faire une promenade le soir. Vers 22 heures, Lavaysse décide de se retirer, son ami Pierre Calas le raccompagne en l’éclairant d’un flambeau

La famille Calas

c’est là qu’ils découvrent Marc-Antoine suspendu entre les deux battants de la porte qui communique de la boutique au magasin. Ils remontent pour en avertir Jean Calas. Tous poussent des cris d’effroi. Calas et son fils Pierre décident d'étendre le cadavre à terre. Alors que Lavaysse court chercher un chirurgien, les sanglots et les cris des Calas transpercent les murs et une foule s’amasse aussitôt devant leur maison. Cette foule ne connaît pas les causes de la mort de Marc-Antoine puisque les Calas ont convenu de ne pas les divulguer. A l'époque, les corps des suicidés sont en effet soumis à jugement puis à des peines infamantes3. Aussitôt, la foule porte une accusation : les protestants Calas ont assassiné leur fils Marc-Antoine qui voulait se convertir au catholicisme. Alerté par la clameur publique, le capitoul4, David de Beaudrigue, intervient sur le champ avec sa « main forte », la force publique.

 

Arrestation de Jean Calas

Arrivé sur les lieux, le capitoul se contente d’examiner sommairement le cadavre et de conclure qu’ « il n’était pas mort de mort naturelle »5. Il fait donc mander deux chirurgiens pour procéder à la « vérification du cadavre ». Beaudrigue ne perquisitionne pas et ne laisse aucun homme de la force publique devant la maison des Calas. Il arrête tous les occupants de la maison et fait déplacer le cadavre pour aller à l’hôtel de ville, bafouant ainsi l’ordonnance criminelle du 26 août 1670 (titre IV, article premier) en vigueur à l’époque. Dressé le 14 à l'hôtel de ville, le procès verbal est antidaté.

 

L’INSTRUCTION

Auditions de Jean Calas

Jean Calas

Le soir même, le capitoul procède à l’audition de Jean Calas, qui ne répond pas précisément à la question sur les causes de la mort de son fils.

Selon ses dires, Marc-Antoine a été retrouvé mort couché à terre alors que la porte de la boutique était fermée6. Beaudrigue en conclut que Marc-Antoine a été assassiné par une personne présente dans la maison et, convaincu par la rumeur de la foule hostile, il ne suivra plus que la piste du crime calviniste.

Lors du deuxième interrogatoire, le 15 octobre, voyant la tournure que prennent les événements, Jean Calas revient sur sa version des faits : Il affirme avoir découvert  Marc-Antoine pendu et avoue avoir menti pour « conserver l’honneur de sa famille ». Mais il est trop tard, le capitoul ne le croit plus, et veut à tout prix faire avouer Calas.

 

Les monitoires

Le procureur du roi Pimbert décide de recourir aux monitoires7 en posant quatre questions orientées clairement dans le sens d’un complot familial à l’encontre du fils pour l’empêcher de se convertir. Lui non plus n’hésite pas à faire des entorses à la légalité : les noms de Marc-Antoine et des accusés sont mentionnés dans les monitoires, contrairement aux dispositions de l’ordonnance de 1670 (titre VII, article 4).

Les 87 dépositions ainsi recueillies, n’apportent aucun élément décisif.

 

LE PROCES

La délibération des capitouls

Un premier procès a lieu le 18 novembre 1761, soit un mois après les faits. Entre temps, le 8 novembre, Marc-antoine a été inhumé en grande pompe selon le rite catholique. Le cercueil a été accompagné jusqu’au tombeau par une foule frénétique et immense. En faisant de ce tombeau celui d’un nouveau saint, les Toulousains condamnent, par anticipation, les Calas et valident ainsi la thèse du complot protestant.

Le tribunal est composé de quatre capitouls - dont deux ont participé à l’instruction - et de trois assesseurs.

Les accusés se défendent seuls. Les avocats sont en effet exclus de la phase d’instruction ainsi que de l’audience depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539 (article 162)8 .

La question par l'eau

Le procureur du roi Lagane requiert la peine de mort pour les trois Calas, les galères perpétuelles pour Lavaysse et un emprisonnement ferme de cinq ans pour la servante catholique Viguière.

Après de longues discussions et deux séances de vote, les juges condamnent les Calas à subir la question préalable avant jugement et Lavaysse et Viguière à y être présentés (simple intimidation dans ce dernier cas). Il y avait deux sortes de questions : la question ordinaire et la question extraordinaire. A Toulouse, la question ordinaire se faisait par étirement (les membres du condamné étaient étirés par des palans) et la question extraordinaire par l’eau (on faisait avaler une grande quantité d’eau au condamné) pour obtenir l’aveu du crime.

Les accusés interjettent appel devant le Parlement de Toulouse. Le procureur Lagane fait de même, estimant la peine insuffisante.

La condamnation à mort par le Parlement de Toulouse

Le dossier ne contient toujours pas de preuve irréfutable de l’assassinat de Marc-Antoine et aucun accusé n’a avoué. Pourtant, le procureur général du roi Riquet de Bonrepos requiert la mort contre les Calas et plus ample information pour Lavaysse et Viguière.

Les treize juges du Parlement sont très partagés sur le sort des accusés. Il faudra dix séances pour que la majorité requise de deux voix d’écart soit obtenue. Le 9 mars 1762, le Parlement condamne Jean Calas à la peine de mort par 8 voix contre 5. Il sera également soumis préalablement à la question ordinaire et extraordinaireafin qu’il avoue son crime puisque le dossier est vide. Il est sursis à statuer sur le cas des autres accusés, les juges attendant les aveux de Jean Calas.

 

Capitole de Toulouse

La torture puis l’exécution

Le 10 mars 1762 au matin, le capitoul David de Beaudrigue soumet le condamné à un dernier interrogatoire. Jean Calas exténué, ne variera pas et confirmera qu’il est innocent ainsi que son entourage. Il subit donc la question ordinaire puis extraordinaire sans rien avouer.

L’après-midi, il endure le supplice de la roue. L’arrêt du Parlement de Toulouse a

 Le supplice de la roue

prévu que le bourreau « lui rompra et brisera bras, jambes, cuisses et reins, ensuite l'exposera sur une roue qui sera dressée tout auprès du dit échafaud, la face tournée vers le ciel pour y vivre en peine et repentance des dits crimes et méfaits, (et servir d'exemple et donner de la terreur aux méchants) tout autant qu'il plaira à Dieu lui donner de la vie ». Durant l’épreuve, Jean Calas est resté digne et ferme, « il ne jeta qu'un seul cri à chaque coup »10 et ne confessa rien au Père Bourges près de lui, excepté qu’il voulait mourir protestant. Il prit Dieu à témoin et le conjura de pardonner à ses juges.

Après deux heures passées sur la roue, le bourreau l'étrangle puis jette son corps dans un bûcher ardent. ses cendres sont dispersées au vent.

Le 17 mars, les juges décident de bannir Pierre Calas à perpétuité et d’acquitter Madame Calas, Lavaysse et la servante.

LA REHABILITATION

Voltaire mène l’enquête

L’affaire Calas a un retentissement considérable en France. Voltaire, alerté sur les contradictions du procès, décide de mener l’enquête. Après avoir examiné les pièces durant trois mois et après avoir longuement interrogé les frères Calas réfugiés à Genève, Voltaire a acquis une intime conviction : Marc-Antoine n’a pas pu être assassiné par son père. Dès lors, il travaille sans relâche à obtenir la réhabilitation de Jean Calas, multipliant les interventions à Versailles. Il débute l’écriture du « Traité sur la tolérance » dès octobre 1762. Bien que son ouvrage ait pour origine l’affaire Calas, dont il dénonce les incohérences, Voltaire élargit les perspectives à une vaste réflexion sur la tolérance : « Sortons de notre petite sphère et examinons le reste de notre globe »11. L’universalité des Lumières est bien là.

 

Le procès en réhabilitation

Tout s’accélère le 7 mars 1763, lorsque le Conseil du roi ordonne à l'unanimité au Parlement de Toulouse de communiquer la procédure. Ce dernier résistera et ne s’y résoudra qu’au bout d'un an.

Louis XV le Bien Aimé

En novembre, la publication du "Traité sur la tolérance" a un grand retentissement.

Une assemblée de quatre-vingt juges casse l’arrêt du Parlement de Toulouse le 4 juin 1764 et ordonne la révision entière du procès. En février 1765, le capitoul David de Beaudrigue est destitué et le 9 mars 1765, Jean Calas et sa famille sont définitivement réhabilités à l’unanimité par la Chambre des requêtes de l’hôtel12.

« Ce fut dans Paris une joie universelle : on s'attroupait dans les places publiques, dans les promenades ; on accourait pour voir cette famille si malheureuse et si bien justifiée ; on battait des mains en voyant passer les juges, on les comblait de bénédiction » décrit Voltaire.

Après avoir passé plusieurs années dans les couvents à fuir la furie de ceux qui ne voulaient se résoudre à son innocence, Madame Calas est invitée à Versailles pour rencontrer Louis XV qui lui accorde, ainsi qu’à ses enfants, une pension de 36 000 livres.

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L’affaire Calas n’eut aucune conséquence immédiate sur la législation antiprotestante. Ce fut en 1787 que Louis XVI se décida à signer l’édit de Versailles, édit de tolérance restituant aux protestants uniquement leur état civil. Deux ans plus tard, la Révolution est en marche et bouleverse l’ancien ordre : la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 proclame la liberté de conscience (article 10) et la liberté d’opinion (article 11)

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Sources :http://www.justice.gouv.fr/

 

 

 

 

 

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