Tristan et Iseut

 

 

Tristan und Isolde (en français Tristan et Isolde) est un opéra (action en trois actes) de Richard Wagner créé le  au Théâtre royal de la Cour de Bavière à Munich sous la direction de Hans von Bülow.

Cette « action en trois actes » est la mise en musique d'un poème que Wagner avait lui-même écrit d'après la légende médiévale celtique de Tristan et Iseut. Composée entre 1857 et 1859, l'œuvre est souvent considérée comme l'une des plus importantes du théâtre lyrique occidental. Selon les interprétations, sa durée peut varier entre 3 heures 40 minutes et 4 heures 30 minutes.

Inspiré en partie par l'amour de Richard Wagner pour la poétesse Mathilde WesendonckTristan et Isolde est la première œuvre créée sous le patronage du roi Louis II de Bavière. En se tournant vers l'ouest et ses mers déchirées, Wagner offre un drame qui, fondé sur une idée unique, se contorsionne sur lui-même en une passion d'une telle intensité qu'elle ne peut qu'aboutir à une fin tragique qui, plus qu'un renoncement, est une délivrance.

Tristan et Isolde est un des meilleurs exemples du projet wagnérien de transformer l'opéra en drame musical. L'audace harmonique de la musique y commence à faire éclater le cadre de la tonalité. Le prélude du premier acte est devenu une pièce orchestrale à part entière, aussi célèbre que prestigieux.

« Mais aujourd'hui encore, je cherche en vain une œuvre qui ait la même dangereuse fascination, la même effrayante et suave infinitude que Tristan et Isolde. Le monde est pauvre pour celui qui n'a jamais été assez malade pour goûter cette “volupté de l'enfer”. »

— Friedrich NietzscheEcce Homo

« Le poème de Tristan et Isolde dépasse les autres poèmes de l’amour comme l’œuvre de Richard Wagner dépasse celle des autres auteurs de son siècle : de la hauteur d’une montagne. »

— Romain Rolland.

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Le texte apparait dans la tradition orale de Bretagne dans l'ancienne Gwerz de Bran (« bran » signifiant corbeau en français), un chant attesté du ixe siècle et publié par Théodore Hersart de La Villemarqué dans le Barzaz Breiz plusieurs siècles plus tard sous le titre Le Prisonnier de guerre.

Au xiie siècle, il est traduit en français par un trouvère et fait ainsi son entrée dans la littérature écrite. Plusieurs textes différents voient ensuite le jour, dont les célèbres versions de Béroul et de Thomas d'Angleterre, certains ont été perdus, comme celui de Chrétien de Troyes ; aucun de ceux qui nous sont parvenus n'est intégral. Entre 1900 et 1905, Joseph Bédier a reconstitué une version « complète » de la légende à partir de Béroul, Thomas d'Angleterre, Eilhart von Oberge et de fragments anonymes. Son ouvrage, qui a fait redécouvrir l'histoire, est devenu la version de référence pour le lecteur non spécialiste moderne.

  • Le Roman de Tristan est l'œuvre du Normand Béroul. Les critiques diffèrent sur la date de sa rédaction. La version communément admise est que la première partie (jusqu'au réveil dans le Morrois) date de 1170, et que la deuxième partie a été rédigée plus tardivement. Incomplet, le manuscrit conservé est une copie de la fin du xiiie siècle. Il constitue ce qu'on appelle généralement la « version commune » de la légende de Tristan.
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  • Le Tristan de Thomas d'Angleterre date de 1175. On l’a baptisé « version courtoise », en raison de la profondeur du développement de la psychologie des personnages. Cependant, la matière même du mythe de Tristan fait que cette version s’inscrit en opposition avec nombre de codes de la tradition courtoise.
  • Deux manuscrits racontent un épisode où Tristan s’est déguisé en fou pour revoir Iseut ; ils s’appellent tous deux Folie Tristan. La Folie Tristan d’Oxford est généralement rattachée au roman de Thomas et la Folie Tristan de Berne à la version dite commune de Béroul.
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  • Marie de France traite aussi cette histoire dans le Lai du Chèvrefeuille. Il a sans doute été composé entre 1160 et 1189.
  • Lanzelet de Ulrich von Zatzikhoven, écrit vers l'an 1200, où Tristan est un chevalier de la cour d'Arthur.
  • Dans Le Bel Inconnu de Renaud de Beaujeu, écrit également vers 1200, Tristan organise, avec le Roux de Montescler, le tournoi de Valedon, où s'illustrent de nombreux chevaliers, dont Tristan lui-même, Gauvain et surtout Guinglain, le fils de Gauvain.
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  • Le poète allemand Eilhart von Oberge compose entre 1170 et 1190, en grande partie d'après Béroul, la première version de l'histoire en moyen haut allemand, Tristrant. Le texte est divisé en deux parties, la première conte les amours des parents de Tristan, Rivalin et Blantzeflur (Blanchefleur), la seconde se consacrant à Tristan et Iseut. On retrouve cette structure dans le roman de Chrétien de Troyes intitulé Cligès3.
  • Le poète allemand Gottfried von Strassburg a composé un Tristan und Isold (de) vers 1210, sans doute inspiré de la version de Thomas d’Angleterre.
  • La Saga de Tristan et Iseut, écrite en 1226 par Frère Robert à l'intention du roi Håkon IV de Norvège, est un récit complet reprenant de nombreux éléments du Tristan de Thomas d'Angleterre et du Roman de Tristan de Béroul, auxquels ont été ajoutées quelques traces de mythologie scandinave.
  • Le Roman de Jaufré (anonyme, début du xiiie siècle), fait évoluer le personnage de Tristan pour en faire un chevalier de la Table Ronde, à la cour du roi Arthur.
  • Dans le Tristan en prose (attribué à Luce del Gat et Hélie de Boron, deux chevaliers-écrivains, xiiie siècle) et le cycle Post-Vulgate qui le reprend en partie, Tristan participe à la Quête du Graal.
  • Tristan fait une brève apparition dans la Divine Comédie de Dante (début xive siècle), où il séjourne en Enfer pour luxure.
  • Version anglaise de Thomas MaloryThe Book of Sir Tristram de Lyones (aussi appelé Le Morte D'Arthurxve siècle)

Une origine celtique

L’origine de l'histoire est incertaine, mais la légende serait pour une bonne partie due aux apports de différents peuples celtes (dont les Gallois, les Cornouaillais, les Bretons armoricains) de l’aire culturelle brittonique. Certains critiques comme Bédier, Golther ou Schoeperle situent le texte initial de la légende dans la première moitié du xiie siècle, d’autres comme Carney le font remonter au viiie siècle. Cependant, l’existence même d’un premier récit unique et complet à la base de ceux qui nous ont été conservés est sujette à caution. La légende ne s'est probablement pas constituée en une seule fois, mais développée progressivement de manière orale et transmise de génération en génération, puis au fil des réécritures, des réinterprétations et d’enrichissements ou déformations culturels ou géographiques. En se fondant notamment sur les éléments les plus archaïques de la légende, on peut cependant supposer que les bardes gallois, à l'origine des premiers écrits connus sur Tristan (les triades), se sont eux-mêmes inspirés d'une légende de la littérature celtique, qui a pour protagonistes les amoureux Diarmuid et Grainne. Nombre de motifs présents dans cette légende se retrouvent dans les récits de Tristan. On a aussi pu donner comme autre source du mythe la légende de Deirdre et de Noise.

Parmi les origines possibles de la légende, Philippe Walter, citant un récit gallois, l'Ystoria Trystan, évoque une lecture saisonnière du mythe tristanien où « Yseut appartient à Marc durant les mois sombres de l'année et elle appartient à Tristan durant la saison claire4 ».

« Alors Arthur lui fit faire la paix avec March ap Meirchion. Il s'entretint avec eux deux tour à tour, mais aucun d'eux ne voulait se passer d'Essylld. Alors Arthur décida que l'un l'aurait pendant qu'il y a des feuilles sur les arbres ; l'autre quand il n'y en a pas : au mari de choisir. March choisit l'époque où les arbres n'ont pas de feuilles parce qu'alors les nuits sont plus longues5… »

Influence des romans antiques

Même si les motifs de Tristan sont directement liés à ceux de mythes celtiques, il n'est pas difficile d’établir des relations entre les romans antiques et les romans de Tristan, notamment celui de Thomas. En effet, les caractéristiques les plus originales de ce dernier par rapport à la version commune, comme la multiplication des monologues et des commentaires au détriment du récit pur, semblent empruntées au roman antique. Elles sont la base d’une réflexion sur l’amour au sein même du roman qui se rapproche des préoccupations de certains romans antiques. Surtout, et ici de façon plus générale, les romans de Tristan, même si aucun n'est complet, retracent le parcours du héros de sa naissance jusqu’à sa mort. Ils se caractérisent par ce que Baumgartner appelle dans son étude Tristan et Iseut : de la légende aux récits en vers une « structure biographique » qui calque « le temps du récit sur le modèle du temps humain ». Cette structure est héritée en droite ligne des romans antiques. Selon Goulven Peron, les romans antiques (surtout ceux de Stace, Virgile et Ovide) formeraient même la source principale des schémas narratifs du roman de Tristan et Iseut6.

Les romans de Tristan et la tradition courtoise

Tristan et Iseut d'Edmund Blair Leighton (1902).

La présence du terme de fin'amor dans le manuscrit de Béroul comme celle d’un véritable discours sur l’amour chez Thomas peuvent induire en erreur et amener à rapprocher trop rapidement les romans de Tristan du genre du roman courtois. La différence majeure tient à ce que dans la tradition courtoise, le désir est unilatéral (de l’homme vers la femme objet de désir) et est absolument maîtrisé et canalisé dans le but de produire le discours amoureux qui constitue la matière même de l'œuvre. Or ce qui fonde les romans de Tristan et au-delà la légende même de Tristan et Iseut, c'est l’incapacité des deux amants à maîtriser leur désir. Quand le désir dans la tradition courtoise est fécond parce qu’il n'est jamais réalisé et permet au poète de chanter son amour, le désir dans les romans de Tristan, en raison du philtre, est toujours déjà réalisé, et constitue une source d’angoisse plus qu’un sujet d’exaltation. Au culte du désir de la tradition courtoise les romans de Tristan substituent l’image d'un désir destructeur, qui constitue même un contre-modèle dont on doit détourner les jeunes générations. Le récit de cette passion funeste doit chez Thomas prévenir les nouveaux amants.

Encuntre tuiz engins d'amur !

(Contre tous les pièges de l'amour). Cependant, une interprétation purement négative du désir dans les romans de Tristanserait biaisée ; on peut également voir dans la mort des amants la réalisation suprême d’un amour qui dépassait nécessairement les bornes du monde des hommes. Il reste que le désir dans les romans de Tristan est, contrairement à sa position dans les romans courtois, à la fois réciproque et impossible à maîtriser.

La légende (résumé selon la version de Joseph Bédier)

Ce résumé n’est qu’une courte synthèse tant la légende connaît de versions et de développements différents, parfois contradictoires.

  • Rivalen, roi de Loonois en Petite-Bretagne (en Écosse) a épousé Bleunwenn (nom breton signifiant « Blanche-Fleur »), la sœur de Marc’h, roi de Cornouailles(dans le sud-ouest de l'Angleterre)7. Il confie sa femme à son maréchal Rouhault. Plus tard, Rivalen est tué par son ennemi, Morgan, lors d'un guet-apens, avant la naissance de Tristan8. Il faut noter que Blanchefleur, la mère de Tristan, meurt peu après l'accouchement.
Tristan est alors recueilli par Rohalt, le maréchal de Rivalen. Rohalt l'élève pendant sept ans, puis le confie à Gorvenal (écuyer). Plus tard, il est recueilli par son oncle, le roi Marc’h, en Cornouailles. Ce dernier devait s’acquitter du paiement d’un tribut auprès du roi d’Irlande. Quelques années plus tard, Tristan décide d’en finir avec cette coutume et quand il arrive dans l’île, il doit combattre le géant Morholt, le beau-frère du roi. Tristan reçoit un coup d’épée empoisonnée, mais il blesse mortellement le géant qui, dans un dernier souffle, lui indique qu’Iseut, la fille du roi, a le pouvoir de neutraliser le poison. La jeune fille guérit Tristan de ses maux sans qu’elle sache qu’il a tué son oncle Morholt. Une fois rétabli, il reprend la mer et retourne près de son oncle.
  • Marc’h souhaite que son neveu lui succède à la tête de la Cornouailles, mais des seigneurs s’y opposent, préférant une succession directe. Le roi décrète qu’il épousera celle à qui appartient le cheveu d’or, déposé le matin même par deux hirondelles. Tristan se souvient d’Iseut et suggère une ambassade auprès du roi d’Irlande. À peine débarqué, surgit un terrible dragon qu’il doit combattre et occire non sans avoir été blessé. Pour la seconde fois, il est soigné par la fille du roi. Iseut voit que l’épée du chevalier porte une marque qui correspond à un morceau de fer, retrouvé dans le crâne de Morholt ; elle comprend que c’est Tristan qui a tué son oncle, mais renonce à toute idée de vengeance. Il s’acquitte de sa mission et le père accepte que sa fille épouse le roi de Cornouailles, ce qui est une manière d’effacer les différends entre les deux royaumes. Iseut éprouve quelque ressentiment du peu d’intérêt que lui manifeste Tristan, mais s’embarque pour la Grande-Bretagne.
  • La reine d’Irlande remet un philtre magique à Brangien, la servante d’Iseut qui est du voyage. Il est destiné aux nouveaux mariés le soir de leur nuit de noces. La puissance du philtre est telle qu’après absorption, les amants sont épris et heureux pendant trois ans, et qu’une séparation leur serait insupportable, voire fatale. Durant la navigation entre l’île et le continent, par une chaude soirée de la Saint-Jean, croyant se désaltérer avec de l’eau, Tristan boit du breuvage magique et en offre à Iseut. L’effet est instantané. En dépit de ce nouvel amour indéfectible, la jeune fille épouse le roi Marc’h, mais le soir des noces, c’est la servante Brangien (la servante irremplaçable, vraie magicienne) qui prend place dans le lit du roi car elle est toujours vierge, ce qui n’est pas le cas d’Iseut, qui reviendra se glisser dans les draps de son mari (qui lui aussi a bu le philtre et est donc amoureux aveugle) au petit matin après avoir passé la nuit dans les bras de Tristan.
  • Après de multiples péripéties, les amants prennent la fuite et se réfugient dans la forêt sombre et impénétrable du Morrois (forêt de Moresk près de Truro), fuyant toute âme qui vive. Au bout de trois ans, comme l’avait décidé la reine d’Irlande, mère d’Iseut, la magie du philtre s’éteint le jour de la Saint-Jean. Après un long temps de recherche, le roi les surprend endormis dans la grotte qui les abrite, l’épée de Tristan plantée dans le sol entre eux deux. Le roi pense qu’il s’agit d’un signe de chasteté et respecte la pureté de leurs sentiments. Il remplace l’épée par la sienne, met son anneau au doigt d’Iseut et s’en va. Au réveil, ils comprennent que le roi les a épargnés et leur a pardonné. Le charme ayant cessé d’agir, ils conviennent à « grande douleur » de se séparer, Iseut retourne près du roi Marc’h. Mais si après trois ans ils ne s’aiment plus de manière magique, ils continuent cependant à s’aimer de manière « humaine » avec maintenant le venin de la jalousie qu’ils n’avaient pas connu avant.
  • Le roi Marc'h reprend sa femme en grand honneur mais bannit néanmoins Tristan à cause de la jalousie de certains de ses barons. Après avoir longuement hésité Tristan s’en va en Bretagne où il finit par épouser Iseut aux mains blanches, dont la beauté et le nom (qui a un caractère magique) lui rappellent celle d’Iseut la Blonde. Son occupation principale est la guerre et lors d’une expédition, il est gravement blessé. Une fois de plus, seule Iseut la Blonde peut le sauver. Il la fait réclamer en convenant que le bateau revienne avec une voile blanche si elle accepte de le secourir. Iseut arrive alors dans un vaisseau à la voile blanche, mais l’épouse de Tristan, Iseut aux Blanches Mains qu’il n’a jamais « honorée », malheureuse de jalousie, lui annonce que la voile est noire. Se croyant abandonné par celle qu’il aime, il se laisse mourir. Iseut la Blonde, arrivée près du corps de Tristan, meurt à son tour de chagrin. Le roi Marc’h prend la mer, ramène les corps des amants et les fait inhumer en Cornouailles, l’un près de l’autre. Une ronce pousse et relie leurs tombes. D’autres disent que c’est un rosier qui fleurit sur la tombe d’Iseut et une vigne qui orna celle de Tristan, et tant ils sont liés l’un à l’autre que quiconque ne sut et ne saura les séparer.

Autre version :

  • L'oncle du chevalier Tristan, le roi Marc, souhaite épouser la fille de la reine d'Irlande, Iseult, et envoie Tristan la chercher afin de lui demander sa main. Tristan part donc en bateau en Irlande. Lorsqu'il arriva devant la reine, il lui présenta ce qu'il devait faire pour son oncle, le roi Marc. La reine lui demanda de combattre son meilleur chevalier, et Tristan (réputé très bon chevalier) le battit. La reine donna alors sa fille en mariage au roi Marc.
  • Ils retournèrent en Cornouailles avec le bateau offert par la reine (car lors de leur arrivée, le leur s'était fracassé contre les rochers). Tristan remarqua qu'Iseult ne cessait de le regarder et, quand il la regardait, celle-ci détournait le regard. il demanda au capitaine pourquoi elle se conduisait comme cela et celui-ci lui répondit « Tu ne l'as peut-être pas remarqué mais tout le monde sur le bateau l'a remarqué, elle est amoureuse de toi, imbécile ! »
  • C'est ainsi que Tristan remarqua que lui aussi, était amoureux d'Iseult. Un soir, Tristan était à la proue du bateau, en train de regarder la mer, lorsque Iseult arriva. Elle ne le vit pas et croyant que personne ne la voyait commença à passer la jambe par-dessus bord. Tristan la retint et ils se retrouvèrent dans les bras l'un de l'autre. Ils descendirent et restèrent jusqu'au matin dans la cabine d'Iseult… Ils n'avaient pas remarqué qu'une personne les avait vus : la vigie…
  • De retour en Cornouailles, Iseult épousa le roi Marc (à son grand désespoir).
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  • Le roi, ayant appris pour la nuit sur le bateau, avait chassé Tristan du royaume. Iseult partait chaque jour à la chasse au faucon toute la journée. Un jour le roi la suivit, car il savait qu'Iseult n'aimait pas la chasse au faucon. Il la découvrit nue, allongée avec Tristan sur un lit de fougères, cachée derrière un buisson… Iseult dut repartir en Irlande, dans le royaume de sa mère, la reine… Tristan tomba gravement malade de ne pas voir Iseult et le roi ne fit rien pour le sauver. Il était marié à une dénommée Iseult mais qui n'était pas tout à fait identique à son Iseult. Il demanda d'aller chercher Iseult, car il savait que sa fin était proche et il voulait lui dire au revoir une dernière fois.
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  • Il demanda que lorsque la flotte reviendrait, on hisse les voiles blanches si Iseult était avec eux et des voiles noires si ce n'était pas le cas : ayant perdu foi en la vie, il se laisserait mourir. Chaque fois qu'il demanda à sa dame s’ils étaient revenus, elle lui répondit que non. Un jour, elle comprit ce qui s'était passé entre son mari et la fille de la reine d'Irlande. Ce même jour, lorsque Tristan lui demanda si la flotte était revenue, elle lui répondit que oui (ce qui était vrai) et Tristan lui demanda de quelle couleur étaient les voiles. Elle lui répondit noires (alors quelles étaient blanches).
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  • Tristan se laissa alors mourir. Sa dame, qui ne pensait pas qu'il irait jusqu'à cette extrémité, eut des remords tout le restant de sa vie.
  • Quand la fille de la reine d'Irlande arriva près du lit, elle se laissa mourir de désespoir au pied du lit à la vue de son amant mort. On les enterra tous les deux ensemble dans la chapelle de la cour du roi Marc. Un chèvrefeuille avait poussé au-dessus de la tombe d'Iseult et une vigne sur celle de Tristan. Et les deux plantes s'étaient entrelacées, comme pour relier leurs deux tombes
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  • La mort de Tristan et d'Yseut. Miniature du xve siècle. BnF.

  • Pierre GarnierTristan et Iseult, poème spatial (préface d'Ilse Garnier, suivi du Journal de composition de Tristan et Iseult), André Silvaire, 1981
  • Tristran, poème de Gérard Cartier (Obsidiane, 2010), restitue l’ambigüité que les altérations du temps donnent aux anciens manuscrits. L'auteur interprète librement la légende, transportée à la fin du dernier siècle, au milieu de la crise irlandaise qui secoue alors le Royaume-Uni : mais seul importe l’amour sauvage et désespéré unissant les amants, qui ne peut se résoudre que dans la mort : Ils veulent subir cette passion qui les blesse / Et que toute leur raison condamne…
  • Yann Brekilien, dans son roman Iseult et Tristan (noter l’inversion des prénoms), replace l’histoire dans son contexte mythologique afin de montrer le mythe dans son sens primitif. Il redonne à Iseut la place qu’avait la femme celte dans la société, c’est-à-dire l’égale de l’homme (voir la reine Medb qui déclenche la Razzia des vaches de Cooley, pour égaler en patrimoine son époux, le roi Ailill). Elle est l’initiatrice de la fuite avec son amant, affirmant son indépendance, ce qui était inconcevable pour les trouvères normands. (2001)
  • La « restitution » de René Louis (1972) : l'auteur a adopté un point de vue plus archaïque, moins courtois, moins chrétien aussi, en un mot plus celtique que celui de Joseph Bédier. Ceci apparait particulièrement dans le chapitre nommé Le serment ambigu - où c'est la ruse d'Iseut et plus encore celle de Brangien qui est à l'œuvre, et non Dieu comme dans Bédier avec le fer rouge - ainsi que dans l'épisode de « L'eau hardie » qui renvoie directement à la tradition irlandaise à travers le conte de Diarmaid et Grainne. N'oublions pas qu’Iseut est la fille du roi d'Irlande, que son frère le Morholt est un géant, et sa mère une magicienne experte en « boires herbés ». Or Iseut a appris la science de sa mère. Quant à la fin, Tristan blessé la requiert, c'est par amour, bien sûr, mais aussi parce qu'elle est la seule à pouvoir trouver le remède à la blessure empoisonnée (comme la Reine d'Irlande l'avait fait des années auparavant avec la blessure qu'il avait subie du Morholt). Iseut est un exemple important de ces femmes que nous montre la tradition celtique[non neutre] : femmes libres qui choisissent leur destin, dut-il les mener à la mort, et n'hésitant pas pour cela à user d'artifices puisque par essence, chez les Celtes toutes les femmes sont fées. Très intéressants à ce sujet les notes et commentaires en fin d'ouvrage notamment à propos des rapports entre le philtre d'amour et la geis (parole aux vertus magiques) si prégnante dans la tradition irlandaise. Chez René Louis, Brangien la servante ne se trompe pas, elle sert le « vin herbé » en toute connaissance de cause (avec l'accord plein et entier d'Iseut) en prononçant bien haut « Reine Iseut, prenez ce breuvage qui a été préparé en Irlande pour le roi Marc ! » Or Tristan n'entend rien. Ce qui montre également que Brangien est bien autre chose qu'une simple servante. Elle nous renvoie aux innombrables « pucelles » du cycle arthurien, toutes qualifiées de sages, pieuses et avisées qui sont un avatar tardif des innombrables fées omniprésentes dans les mythes celtiques (voir Lunette dans Yvain de Chrétien de Troyes).
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  • Joseph Loth s'est intéressé à la toponymie et a cherché en Cornouailles les lieux où se déroule l'histoire, identifiant d'un manière plausible le Malpas au sud de Truro, Lancien/Lantyne entre Castle Dore et la rivière Fowey, Blanchelande, Constantine, le saut de Tristan dit aujourd'hui saut de la chapelle au sud de Mévagissey, la forêt de Moresk (Truro), etc; tous ces lieux se trouvent en Cornouailles, voir la bibliographie.
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  • Bernard Belin avec "La véritable histoire de Tristan et Yseut" (2017) analyse les différentes facettes du beau Tristan, tout à la fois vaillant chevalier, habile chasseur, marin accompli en même temps qu'excellent musicien et aussi chanteur, et de Yseut que l'on découvre multiple : Yseut "la Reine", l'élégante souveraine irlandaise, et sa fille, la jeune et jolie Yseut "la Blonde", reine de Cornouailles. Et aussi la tout aussi jeune et jolie Yseut "aux Blanches-Mains", l'épouse délaissée de Tristan. La jeune "Isotta" que dans l'intimité Tristan aime à appeler Yseut, née après qu'Yseut "la Blonde" est tombée enceinte. Et encore, rencontrée outre-Pyrénées, Yseut"la Noire", exotique andalouse au teint mat, aux yeux bleus et à la longue chevelure noire de jais, mère de Kalegras !
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  • Tristan et Yseut, roman de Claude Merle édité en 2010 par Bayard jeunesse , adaptation jeunesse de la légende
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Les personnages

Ludwig et Malwine Schnorr von Carolsfeld dans les rôles de Tristan et Isolde lors de la première en 1865, photographie de Joseph Albert.

  • Tristan, neveu du roi Marke (ténor)
  • Isolde, princesse d'Irlande (soprano)
  • Marke, roi de Cornouailles (basse)
  • Kurwenal, écuyer de Tristan (baryton)
  • Brangäne, suivante d'Isolde (mezzo-soprano)
  • Melot, ami de Tristan (ténor)
  • Un jeune marin (ténor)
  • Un berger (ténor)
  • Un pilote (baryton)
  • Un timonier (basse)
  • Les marins, les écuyers et les chevaliers de Cornouailles (chœurs : ténors et basses)

Résumé de l'action

L'argument est inspiré de la légende celtique de Tristan et Iseut devenu un grand thème de la littérature française et plus généralement de l'art occidental. Mais Tristan et Isolde a aussi été perçu souvent comme le symbole de l'amour impossible entre Richard Wagner et Mathilde Wesendonck.

Depuis longtemps, la Cornouailles tentait de s'affranchir de la suzeraineté du roi d'Irlande qui, afin de mater la révolte, avait dépêché sur place une expédition militaire qu'il confia à Morold, fiancé de sa fille Isolde. Armé de l'épée qu'Isolde, instruite de l'art de la magie, avait enduite de poison, Morold franchit la mer, mais au cours d'un furieux combat fut tué par Tristan, le neveu du roi de Cornouailles. Pourtant, avant de mourir, Morold, dont la tête tranchée et l'épée ébréchée avaient été envoyées au pays d'Érin au titre de seul tribut consenti, était parvenu à blesser son adversaire, qui sut dès lors que seule Isolde disposait de l'antidote contre le poison qui le rongeait. Ainsi, arrivant comme un naufragé sur les rivages d'Irlande sous le nom de Tantris, Tristan fut recueilli par Isolde qui, n'étant pas dupe du mensonge et ayant découvert dans la plaie du guerrier un morceau de la lame de Morold, prit la résolution de se venger de l'homme qui lui avait ravi son amour. Tandis qu'il dormait, Isolde brandit l'épée, s'apprêtant à terrasser Tristan qui soudainement s'éveilla : le jeune homme regarda non le glaive qui le menaçait, mais uniquement les yeux d'Isolde qui, bouleversée, lâcha l'arme et soigna son ennemi afin que, guéri, elle n'eût plus jamais à croiser ce regard qui lui avait inspiré la pitié et l'avait détournée de son but. Quelques années plus tard, la paix fut scellée par le mariage du vieux roi Marke de Cornouailles avec Isolde, événement qui, lorsque Tristan lui-même fut envoyé en ambassade pour venir chercher la jeune promise, s'accompagna d'un serment d'oubli concernant les événements passés. Pourtant, la fille d'Irlande, ne voulant imaginer qu'elle pût apporter en dot son pays à ceux qui en étaient autrefois les vassaux, n'était nullement disposée à se joindre à ce grand pardon et à se résoudre à ce mariage arrangé.

Acte I

Le lieu : un navire voguant d'Irlande vers la Cornouailles - Tristan, accompagné de son fidèle écuyer Kurwenal, a été chargé par son oncle le roi Marke de faire venir d'Irlande sa future épouse, la princesse Isolde. Comme le voyage touche à sa fin, celle-ci sort du mutisme dans lequel elle s'est cloîtrée (scène 1) pour confier à sa suivante Brangäne un terrible secret (scène 3). Tristan, le valeureux héros admiré de tous, n'est autre que l'assassin de son fiancé Morold, tué pour affranchir le roi de Cornouailles du tribut qu'il payait au roi d'Irlande. Blessé, il avait naguère été recueilli et soigné par Isolde qui ne l'avait pas reconnu, jusqu'à ce qu'elle extraie de la plaie de Tristan un éclat qui s'adaptait exactement à une brèche de l'épée de Morold : elle découvrit alors sa véritable identité. Sur le point de se venger, elle fut arrêtée in extremis par l'ardent regard d'amour de Tristan.

Partagée entre la haine, la honte d'être ainsi livrée au vassal de son père par celui qui tua son fiancé, et l'amour inavoué et refoulé qu'elle porte à Tristan, Isolde choisit de s'unir à Tristan dans la mort (scène 4). Elle fait préparer par sa suivante un breuvage empoisonné, que Tristan accepte en toute connaissance de cause (scène 5). Brangäne, qui a tout deviné de l'amour que porte sa maîtresse à Tristan, n'a pu se résoudre à exécuter l'ordre d'Isolde, et a remplacé sans rien dire le philtre de mort par un philtre d'amour. Tristan boit, persuadé qu'il va périr ; Isolde lui arrache la coupe avant qu'il ne l'ait finie et boit aussi pour partager sa mort : ils tombent en extase l'un devant l'autre, Isolde défaille, tandis que le vaisseau accoste et que le roi Marke s'avance sous les vivats pour accueillir sa fiancée (scène 5).

Acte II

Lieu : la demeure d'Isolde - Le roi est parti pour une chasse nocturne. Tristan vient rejoindre Isolde en secret malgré les avertissements de Brangäne. Suit alors un immense duo d'amour d'un romantisme exacerbé. De suprêmement amour, il devient peu à peu mystique : Tristan et Isolde chantent leur désir de consacrer leur amour par une mort qui serait le triomphe définitif de la Nuit sincère et douce sur le Jour vain, perfide et mensonger. Voici un extrait célèbre du livret, point final culminant du duo :

So stürben wir,
um ungetrennt,
ewig einig
ohne End',
ohn' Erwachen,
ohn' Erbangen,
namenlos
in Lieb' umfangen,
ganz uns selbst gegeben,
der Liebe nur zu leben !

Ainsi nous mourrions
pour n'être plus séparés,
éternellement unis,
sans fin,
sans réveils,
sans crainte,
oubliant nos noms,
embrassés dans l'amour,
donnés entièrement l'un à l'autre
pour ne plus vivre que l'amour !

Ce duo entre Tristan et Isolde est le plus long (trois quarts d'heure) de l'histoire de la musique. Le tête-à-tête est soudainement interrompu par l'arrivée de Marke et de ses hommes. C'est le chevalier Melot, soi-disant ami de Tristan, lui aussi amoureux secret et transi d'Isolde, qui par jalousie a manigancé la chasse nocturne et le retour précipité du roi, pour surprendre les amants. Le roi, dans un long monologue, exprime alors toute l'affliction qu'il ressent en se voyant trahi par celui qu'il aimait plus que tout au monde, à qui il avait légué pouvoir et biens. Tristan, déconnecté du monde qui l'entoure, invite Isolde à le suivre dans le pays où il se rend maintenant, le pays de la mort. Puis il défie Melot et se jette sur lui l'épée haute, mais ce n'est pour lui qu'un simulacre, il laisse Melot le frapper.

Acte III

Le lieu : Karéol, le château de Tristan, en Bretagne - Tristan n'a pas été tué par Melot ; grièvement blessé, il a été ramené en son château par Kurwenal, et est plongé dans une mortelle torpeur. L'écuyer veille sur lui. Un berger est chargé de surveiller la mer, et de jouer sur son chalumeau un air gai si un navire approche portant le pavillon d'Isolde, la seule à pouvoir sauver Tristan. Mais pour l'instant, il ne peut que jouer une triste et ancienne mélopée. Cela réveille Tristan, qui revoit défiler toute sa vie, et s'exalte au souvenir de son amour pour Isolde qu'il veut revoir pour enfin pouvoir mourir, et il perd à nouveau connaissance. Kurwenal le ranime avec peine, et soudain retentit la joyeuse mélodie du pâtre. Isolde arrive ! Dans un état d'excitation extrême, Tristan arrache alors ses bandages, s'élance à la rencontre d'Isolde, qui le reçoit dans ses bras, et dans un dernier regard extatique faisant écho à leur premier regard d'autrefois, Tristan expire en murmurant le nom d'Isolde, qui tente en vain de le rappeler à la vie.
Le pâtre annonce un autre navire : c'est Marke. Kurwenal saute sur ses armes et tente de s'opposer à l'escorte de Marke, il tue Melot, mais il succombe sous le nombre et est tué. Marke a été mis au courant par Brangäne du secret du philtre qui ne faisait que rendre possible l'amour de Tristan et Isolde, et plein de pardon il venait unir son parent le plus cher à Isolde, à qui il reproche doucement de n'avoir pas tout dit, le malheur eût ainsi été évité. Mais Isolde ne l'entend plus : en extase devant le cadavre de Tristan, son âme la quitte, elle meurt d'amour sur le corps de son amant. Marke, consterné, bénit les cadavres.

Exemples de leitmotive

Voici, à titre d'illustration, quelques-uns des très nombreux motifs de l'opéra.

  • Ceux qu'on peut entendre dans le prélude, d'importances inégales :

Ti aveudesir.png Ti regard.png Ti philtreamour.png Ti poison.png Ti philtremort.png Ti delivrance.png

  • Quelques autres motifs parmi les plus importants :

Ti morttristan.pngTi jour.pngTi liebestod.png

Composition de l'orchestre

Instrumentation de Tristan und Isolde
Cordes
premiers violonsseconds violonsaltos,

violoncellescontrebasses, 1 harpe,

Bois
flûtes, 1 flûte piccolo

hautbois, 1 cor anglais, 1 cor anglais (sur scène),

clarinettes en la, 1 clarinette basse en si bémol,

bassons,

Cuivres
cors en fa, 6 cors en do (sur scène),

trompettes, 3 trompette en ut (sur scène),

trombones, 3 trombones (sur scène), 1 tuba,

Percussions
timbalescymbalestriangle,

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Tristan et Isolde est un drame musical en trois actes écrit et composé par Richard Wagner(1813-1883). Pour son poème, Wagner s’inspire de la légende celtique médiévale écrite par Gottfried von Strasbourg et qui s’intitule Tristan et Iseut.

 

Le projet de Tristan und Isolde

Depuis leur rencontre à Zurich en 1852 après une représentation du Tannhäuser, Otto Wesendonck est le mécène principal du compositeur. Ce patronage permet pour la première fois à Wagner, depuis sa fuite précipitée de Dresde après sa participation aux émeutes de 1849, de se consacrer à nouveau à la composition de l’œuvre de sa vie : la tétralogie.

En décembre 1854, le compositeur émet pour la première fois dans une lettre à son ami et collègue Franz Liszt l’idée de mettre en scène un amour idéal à partir de l’œuvre de Gottfried von Strasbourg. Mais le projet, lent à mûrir, ne prend véritablement forme que lorsque Wagner s’installe, avec sa femme, deux ans plus tard à l’« Asile » (le 27 avril 1857), une maison près de la villa de son mécène. Cette arrivée marque le véritable début de la relation intellectuelle et artistique que le compositeur entretient avec la femme de ce dernier, Mathilde Wesendonck.

Porté par cette émulation, Wagner suspend l’écriture de Siegfried pour se consacrer à l’écriture de Tristan et Isolde. Avec le soutien et l’aide de Mathilde, il termine le brouillon du poème en prose le 20 août 1857, puis finit l’écriture du livret un mois plus tard, le 18 septembre 1857. Il enchaîne ensuite avec la composition du premier acte, dont il finalise l’élaboration en avril 1858.

 

L’« affaire de la note »

Au cours du mois suivant, la relation artistique entre Mathilde et Wagner évolue à nouveau et se mue en véritable passion (platonique). Les poèmes de Mathilde que Wagner met en musique à partir de l’automne 1857 constituent l’expression artistique de l’amour que se portent les deux amants : à travers le texte, l’auteure exprime la puissance de leur amour, mais aussi l’impossibilité de cet amour dans le monde des vivants.

Le contenu poétique étant intimement lié à celui développé dans le drame musical, Wagner se sert de la mise en musique de ces poèmes comme d’une étude musicale à Tristan et Isoldeet il sous-titre d’ailleurs deux de ses lieder « étude à Tristan » : « Träume » (Rêve) et « Im Treibhaus » (Dans la serre). Dans « Träume » (composé en décembre 1857), il développe ce qui deviendra par la suite le cœur du duo d’amour de l’acte II et dans « Im Treibhaus » (composé fin avril 1858) ce qui constituera le futur thème qui hante tout le dernier acte et qui exprime la solitude et la détresse de Tristan.

En janvier 1858, la tension monte entre Wagner et sa femme Minna. En effet, cette dernière suspecte une liaison entre son mari et Mathilde. Pour calmer la situation, Wagner quitte l’Asile et part pour Paris. Durant cette période loin de la Suisse, il signe le contrat de publication de son futur drame musical avec la maison d’édition basée à Leipzig Breitkopf & Härtel. Wagner revient à l’Asile au début du mois de février et se consacre à l’écriture de la fin de son premier acte.

Le 7 avril 1858 a lieu la fameuse « affaire de la note » où Minna intercepte une note de Wagner adressée à Mathilde, accompagnant la musique de son prélude. Le contenu et le style de cet écrit ne laissant aucun doute sur la nature de leur relation, Minna confronte d’abord son mari, puis Mathilde. Comprenant l’imminence d’un scandale, cette dernière décide de mettre son propre mari au courant de son « aventure » (restée a priori platonique) avec le compositeur. Après s’être expliqué de cette liaison auprès d’Otto Wesendonck, le compositeur décide de quitter définitivement l’Asile en juillet 1858.

 

Une création difficile

Durant les sept mois suivants, Wagner se concentre sur la composition du second acte de Tristan et Isolde, dont un tiers est entièrement consacré au célèbre duo d’amour entre les deux héros. Puis entre mars 1859 et août 1859, il s’adonne à la composition du troisième et dernier acte de l’œuvre.

Son œuvre terminée, le compositeur cherche à la faire créer dans un théâtre européen. Il pense pendant un temps à Paris, mais l’échec de sa production du Tannhäuser dans la capitale française en 1861 étant encore vif dans son esprit, il jette son dévolu sur le théâtre allemand de Karlsruhe. Une fois l’accord obtenu avec la maison d’opéra allemande, Wagner se rend à Vienne dans l’espoir d’y débaucher des chanteurs capables de créer cette œuvre d’un genre nouveau.

Enthousiasmé par ce projet de drame musical, le directeur de l’Opéra de Vienne propose à Wagner de créer plutôt son œuvre dans son théâtre. Le rayonnement de cet opéra étant immense, Wagner s’empresse d’accepter cette proposition. Les répétitions commencent au cours de l’année 1862 et avec elles débute un véritable cauchemar artistique, tant pour Wagner, que pour le directeur ou les musiciens. En effet, la mise en scène de l’action s’avère extrêmement compliquée : les chanteurs ont du mal à exécuter les lignes vocales et surtout l’orchestre semble dans l’incapacité à la fois musicale et technique de jouer la musique de Wagner. Après soixante-dix-sept répétitions étalées entre 1862 et 1864, le directeur de l’Opéra de Vienne s’avoue vaincue et le projet est abandonné pour le plus grand malheur du compositeur.

Wagner désespère de voir son drame musical monté. Mais l’année suivante, la chance lui sourit enfin. En effet, le roi Louis II de Bavière, grand mélomane et qui a entendu parlé du travail de Wagner, décide de devenir le mécène du compositeur. Grâce aux fonds qui sont désormais illimités, l’œuvre de Wagner est créée au Théâtre Royal de la cour de Munich le 10 juin 1865 sous la baguette de Hans von Bülow. La tentative ratée de Vienne étant dans tous les esprits, les critiques accueillent défavorablement l’œuvre qu’ils jugent trop longue, incompréhensible et surtout injouable. Il faut attendre les productions à Bayreuth et les grandes versions du XXe siècle pour que l’œuvre rentre au répertoire des maisons d’opéra.

 

Le mythe de Tristan

Lorsqu’il écrit son livret, Wagner se base sur la version du mythe de Tristan et Iseut de Gottfried von Strasbourg. Ce mythe d’origine bretonne et issu de la tradition orale a été couché pour la première fois sur papier par des poètes normands au XIIe siècle.

De cette époque, il existe deux versions de référence écrites : celle de Béroul (vers 1170) intitulée Le roman de Tristan et qualifiée de version de « légende », et celle de Thomas d’Angleterre (Tristan) qui date de 1175 et que l’on qualifie de version « courtoise » à cause de la profondeur du développement psychologique de ses personnages. L’autre particularité de cette seconde version est de mettre en scène un amour qui n’est pas maîtrisé par les amants, qui leur échappe. Ce point de vue véhicule l’image d’un désir destructeur, d’une passion amoureuse qui ne peut que se terminer mal, à la différence de l’autre version où l’amour est imposé par magie aux amants.

C’est probablement à partir de cette version courtoise que le poète allemand du Moyen-Age Gottfried von Strasbourg élabore son Tristan vers 1210. Elle devient rapidement la nouvelle version de référence, même si elle est restée fragmentaire. La particularité de l’œuvre de Gottfried von Strasbourg est de présenter Tristan avant tout comme un artiste (et non comme un chevalier). Par ailleurs, les amants s’aiment déjà bien avant qu’ils ne boivent le philtre. Ainsi dans cette version, le philtre sert de révélateur à des sentiments préexistants, mais qui étaient refoulés. Gottfried von Strasbourg fait l’apologie de l’amour où les amants voient l’amour comme la valeur suprême, sans tenir compte des conséquences sociales et religieuses.

 

Le livret de Wagner

Pour son livret, Wagner part de l’œuvre de Gottfried von Strasbourg et effectue quelques modifications tant dans la structure que dans l’histoire. Comme beaucoup d’auteurs de livrets, Wagner part du principe que ses futurs auditeurs auront en mémoire l’épopée du Moyen-Age, c’est pourquoi il se permet de faire l’économie d’un certain nombre d’épisodes et se concentre sur la passion entre Tristan et Isolde et ses conséquences. Il fait néanmoins quelques allusions dans le texte à ce qui s’est passé auparavant, comme le fait que Tristan est un orphelin, ou qu’il y a eu un serment de paix décidé entre l’Irlande et l’Angleterre.

L’énorme travail d’élimination entrepris par le compositeur a eu pour but principal de condenser le drame et de le recentrer autour d’une figure principale : celle d’Isolde. Dans son œuvre, Wagner réinvente le drame de Tristan et Iseult en amplifiant des grands thèmes déjà présents dans l’histoire et en leur donnant une nouvelle intensité. Wagner fait le pari de mettre en scène l’aboutissement de la passion des héros où le philtre du mythe devient la matérialisation d’une métaphore poétique : il devient le symbole de la passion et l’amour, et non plus un « simple » breuvage magique.

Au niveau de la structure globale, Wagner garde trois éléments majeurs et constitutifs du drame et les place à la fin de ses trois actes : l’absorption du breuvage, l’agression de Melot au cours de laquelle Tristan est mortellement blessé et enfin le jugement de la mort. Le compositeur conserve également l’idée d’un quiproquo autour du philtre, mais son dénouement se fait très tardivement dans l’histoire puisqu’il ne survient qu’au troisième acte, lorsque le roi Marke arrive trop tard pour informer les amants des pouvoirs du philtre et les sauver de la mort.

Au-delà de celle de Gottfried von Strasbourg, les influences de Wagner dans la conception de son poème sont multiples. Tout d’abord celle du théâtre de Calderon auquel il emprunte plusieurs grands thèmes comme celui de la conception de l’honneur qui prend un sens tragique lorsque le héros se retrouve dans une position intenable. D’autres grands thèmes comme celui de l’hymne à la nuit, de la femme rédemptrice de l’homme, de l’amour possible que dans la mort, ne sont pas sans rappeler ceux développés par Novalis. Enfin, la grande influence de Wagner a été la philosophie de Schopenhauer et notamment de son ouvrage Le monde comme volonté et représentation. En effet, le compositeur insère dans son drame la dimension d’un homme rongé par des désirs inaccessibles et qui le mènent à sa propre perte, et décrit l’état extatique dans lequel les amants se trouvent après leur nuit d’amour.

 

Clés d'écoute de l'opéra

 

Dans Tristan et Isolde, Wagner concrétise son projet d’écrire des œuvres d’art totales (Gesamtkunstwerk) : c’est-à-dire où tous les acteurs et tous les éléments constitutifs de l’œuvre (autant les chanteurs, que les décors, la mise en scène et la musique) participent à la diction du drame. Au niveau musical, cette recherche d’une cohérence dramaturgique se ressent aussi bien dans son principe de mélodie continue ou dans sa systématisation du chromatisme et de la tension harmonique que dans la généralisation du procédé de leitmotivet dans le nouveau rôle donné à l’orchestre.

Le principe de la mélodie continue

Dans Tristan et Isolde, Wagner généralise l'utilisation de la forme typiquement allemande du Bar (trois segments : A-A-B) à toutes les échelles du drame : tant à celle d’une scène ou d’un passage que dans la construction de la ligne vocale d’un air. Cette conception codifiée s’accompagne d’une élaboration sans cesse renouvelée du discours musical appelée durchkomponiert, c’est-à-dire sans aucune répétition à l’identique. Ainsi, les phrases musicales sont reprises mais renouvelées, dans une réappropriation de la forme Bar par le compositeur.

Cette dimension de renouvellement propre au chant wagnérien donne naissance au principe de mélodie continue qui consiste à faire un tuilage perpétuel de la fin d’une section orchestrale avec le début d’une section vocale (ou l’inverse) : c’est-à-dire à ne jamais faire coïncider la fin d’une phrase orchestrale avec le début d’une phrase vocale.

La mélodie continue se caractérise également par un chant fragmenté qui passe rapidement d’une forme de chant à l’autre comme celui de l’arioso, puis du récitatif, à des bribes de phrases musicales ou encore à des élans lyriques. Ce morcellement du discours vocal peut s’apparenter parfois à une conversation en musique, comme lors du premier dialogue « neutre » (c’est-à-dire sans passion) entre Tristan et Isolde à la scène 2 de l’acte I.

 

L’harmonie wagnérienne et le procédé du leitmotiv

L’univers harmonique de Wagner est éminemment chromatique. En effet, son discours musical est construit sur une succession d’accords de tension non résolus (c’est-à-dire qui ne s’enchaînent pas sur un accord parfait). À cette instabilité des accords, il ajoute un chromatisme d’expression qui envahit toute sa musique. Cette double tension musicale participe à cette impression de perpétuelle fuite en avant et de malaise musical. Mais ces choix compositionnels ne s’expliquent pas du tout par une volonté de modernité, mais plutôt par la tentative d’établir un phénomène sonore précis. Ainsi, Wagner charge son harmonie complexe d’une préfiguration dramatique qui participe à la diction du drame.

L’étape ultime de la dramatisation de la musique passe chez Wagner par la généralisation de son procédé de leitmotiv. Ce procédé musical unificateur consiste à associer un motif (mélodique et/ou harmonique et/ou rythmique) à un objet, un personnage ou une émotion. Les leitmotiven sont à la fois discours, puisqu’ils ont une fonction musicale (celle de mélodie ou d’accompagnement, par exemple), et organisateur du discours, car c’est à travers eux que le sens véritable de l’œuvre est communiqué au spectateur. Dans Tristan et Isolde ils sont généralement énoncés par l’orchestre, sauf lors des moments clefs du drame où ils sont présentés par les lignes vocales comme celui du philtre à la fin de l’acte I. Bien que porteurs de sens, ils ne sont malheureusement pas aisément identifiables à l’écoute à cause de l’écriture « à la fresque » de Wagner, c’est-à-dire qui privilégie un élan et un souffle musical plutôt que la clarté et la pureté des différentes voix superposées.

 

Le rôle de l’orchestre

Principal véhicule des leitmotiven, l’orchestre acquiert chez Wagner une dimension toute nouvelle : celui de véritable personnage omniscient de l’histoire et garant de la vérité. Tour à tour évocateur d’événements passés, commentateur d’événements présents ou annonciateur d’événements futurs, il devient central dans la diction du drame en quittant sa fonction de simple accompagnateur des lignes vocales et en prenant en charge le discours mélodique de l’œuvre. Par exemple, l’accompagnement du duo d’amour du second acte est entièrement construit sur le ressassement de leitmotiven donnant à la scène toute sa profondeur dramaturgique et faisant entendre le développement de la relation intime entre Tristan et Isolde.

Wagner a également un traitement classique de l’orchestre, ce dernier étant également investi d’une mission suggestive. C’est ainsi lui qui est chargé de décrire le paysage nocturne et sylvestre du deuxième acte ou encore d’évoquer la terreur qui s’empare de Brangäne par des trémolos à l’orchestre au premier acte, lorsqu’elle comprend le funeste projet de sa maîtresse. L’orchestre wagnérien remplit parfois également le rôle d’accompagnateur du développement d’une ligne vocale comme dans l’acte II, lorsque le Roi Marke découvre les amants. Toutes les étapes de son évolution psychologique sont soulignées par la musique : sa stupéfaction, suivie de sa consternation, puis son hymne à Isolde et son apitoiement.

 

Le renversement du drame

Tristan et Isolde constitue un premier équilibre de la conception dramaturgique de Wagner qui consiste à faire une subtile alliance entre des traditions du passé et une nouvelle manière de construire le drame. Car chez Wagner, le drame se passe sur le plan de l’intériorité, d’où la nécessité de mettre en valeur la musique, le seul élément capable de transmettre toutes les dimensions de l’histoire. Ainsi, après l’absorption du philtre à la fin de l’acte I, les héros se taisent. Le spectateur, à l’aide de la musique, prend la mesure de leur acte.

Ce renversement du drame ne signifie en rien l’abandon de certains canons dramaturgiques qui ont fait leurs preuves et qui permettent le développement psychologique des rôles principaux. Par exemple, Wagner utilise les interventions de Brangäne dans la scène 3 de l’acte I et dans le duo d’amour de l’acte II pour relancer le discours du ou des solistes. Il en va de même pour l’irruption du chant du marin à la fin de l’acte I qui permet au personnage de Tristan d’évoluer psychologiquement en prenant conscience de ce qui se joue (Isolde lui propose la mort pour se racheter de ses fautes).

La symbolique de Tristan et Isolde

Dans Tristan et Isolde Wagner développe plusieurs thèmes comme celui de la mort et de la trahison (Tristan envers Isolde, le jour envers les amants, les amants envers Marke) qui s’articulent avec le sujet principal qui est celui de l’amour. Cet amour qui n’est finalement possible que dans le renoncement de la vie, c’est-à-dire dans l’accomplissement d’un engagement sans retour. Tout au long de l’œuvre, les héros semblent quitter peu à peu la rationalité de la réalité symbolisée par le jour pour succomber au désir et ainsi s’enfoncer dans la nuit, dans l’irrationnel et dans la mort.

À ce voyage psychologique vers le néant, Wagner incorpore une mise en scène de la mort dont l’expression et la destination ont changé. En effet, dans Tristan und Isolde, la mort n’est pas publique, elle n’est pas démonstrative, mais plutôt privée et brutale. Comme si cette mort n’avait pas de témoin. Et son expression est désormais directe : Isolde et Tristan ne chantent plus pour nous informer qu’ils meurent, mais ils chantent parce qu’ils meurent. Ainsi chez Wagner, la mort est dans la voix et non plus dans les paroles. Le chant n’informe pas, ne délivre rien et ne déclare rien : il est justifié par une nécessité interne. Il devient l’expression ultime du drame.

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